« Contre les Galiléens » : différence entre les versions

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{{Titre|Contre les Galiléens|[[Julien l’Apostat]]|Traduction M. le [[Jean-Baptiste Boyer d’Argens|Marquis d’Argens]] de l’Académie Royale des Sciences et Belles Lettres — 1764}}
 
 
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Vos opinions sont contraires à celles des Hébreux, et à la Loi qu’ils disent leur avoir été donnée par Dieu. Après avoir abandonné la croyance de vos pères, vous avez voulu suivre les écrits des Prophètes, et vous êtes plus éloignés aujourd’hui de leurs sentiments que des nôtres. Si quelqu’un examine avec attention votre religion, il trouvera que vos impiétés viennent en partie de la férocité et de l’insolence des Juifs, et en partie de l’indifférence et de la confusion des Gentils. Vous avez pris des Hébreux et des autres peuples, ce qu’ils avaient de plus mauvais, au lieu de vous approprier ce qu’ils avaient de bon. De ce mélange de vices, vous en avez formé votre croyance. Les Hébreux ont plusieurs lois, plusieurs usages, et plusieurs préceptes utiles pour la conduite de la vie. Leur Législateur s’était contenté d’ordonner de ne rendre aucun hommage aux Dieux étrangers, et d’adorer le seul Dieu, dont la portion est son peuple, et Jacob le lot de son héritage. A ce premier précepte, Moïse en ajoute un second : Vous ne maudirez point les Dieux : mais les Hébreux dans la suite voulant, par un crime et une audace détestable, détruire les religions de toutes les autres nations, tirèrent du Dogme d’honorer un seul Dieu, la pernicieuse conséquence, qu’il fallait maudire les autres. Vous avez adopté ce principe cruel, et vous vous en êtes servi pour vous élever contre tous les Dieux, et pour abandonner le culte de vos Pères, dont vous n’avez retenu que la liberté de manger de toutes fortes de viandes. S’il faut que je vous dise ce que je pense, vous vous êtes efforcés de vous couvrir de confusion : vous avez choisi parmi les Dogmes que vous avez pris, ce qui convient également aux gens méprisables de toutes les nations : vous avez pensé devoir conserver, dans votre genre de vie, ce qui est conforme à celui des cabaretiers, des publicains, des baladins, et de cette espèce d’hommes qui leur ressemblent.
 
Ce n’est pas aux seuls Chrétiens, qui vivent aujourd’hui, à qui l’on peut faire ces reproches : ils conviennent également aux premiers, à ceux même qui avaient été instruits par Paul. Cela paraît évident par ce qu’il leur écrivait ; car je ne crois pas, que Paul eût été assez impudent pour reprocher, dans ses lettres, des crimes à ses Disciples ; dont ils n’avaient pas été coupables. S’il leur eût écrit des louanges, et qu’elles eussent été fausses, il aurait pu en avoir honte, et cependant tâcher, en dissimulant, d’éviter le soupçon de flatterie et de bassesse ; mais voici ce qu’il leur mandait sur leurs vices. Ne tombez pas dans l’erreur : les idolâtres, les adultères, les paillards, ceux qui couchent avec les garçons, les voleurs, les avares, les ivrognes, les querelleurs, ne posséderont pas le Royaume des Cieux. Vous n’ignorez pas, mes frères, que vous aviez autrefois tous ces vices ; mais vous avez été plongés dans l’eau, et vous avez été sanctifiés au nom de Jésus Christ. Il est évident, que Paul dit à ses Disciples, qu’ils avaient eu les vices dont il parle, mais qu’ils avaient été absous et purifiés par une eau, guiqui a la vertu de nettoyer, de purger, et qui pénètre jusqu’à l’âme : Cependant l’eau du baptême n’ôte point la lèpre, les dartres, ne détruit pas les mauvaises tumeurs, ne guérit ni la goutte ni la dysenterie, ne produit enfin, aucun effet sur les grandes et les petites maladies du corps ; mais elle détruit l’adultère, les rapines, et nettoie l’âme de tous ses vices.
 
Les Chrétiens soutiennent qu’ils ont raison de s’être séparés des Juifs : Ils prétendent être aujourd’hui les vrais Israélites, les seuls qui croient à Moïse, et aux Prophètes qui lui ont succédé dans la Judée. Voyons donc en quoi ils sont d’accord avec ces Prophètes : commençons d’abord par Moïse, qu’ils prétendent avoir prédit la naissance de Jésus. Cet Hébreu dit, non pas une seule fois, mais deux, mais trois, mais plusieurs, qu’on ne doit adorer qu’un Dieu, qu’il appelle le Dieu Suprême ; il ne fait jamais mention d’un second Dieu Suprême : Il parle des anges, des puissances célestes, des Dieux des nations : il regarde toujours le Dieu Suprême comme le Dieu unique : il ne pensa jamais qu’il y en eût un second qui lui fût semblable, ou qui lui fût inégal, comme le croient les Chrétiens. Si vous trouvez quelque chose de pareil dans Moïse, que ne le dites-vous ; vous n’avez rien à répondre sur cet article : c’est même sans fondement que vous attribuez au fils de Marie, ces paroles ; Le Seigneur, votre Dieu, vous suscitera un Prophète tel que moi, dans vos frères et vous l’écouterez. Cependant, pour abréger la dispute, je veux bien convenir que ce passage regarde Jésus. Voyez que Moïse dit qu’il sera semblable à lui, et non pas à Dieu ; qu’il sera pris parmi les hommes, et non pas chez Dieu. Voici encore un autre passage, dont vous vous efforcez de vous servir : Le Prince ne manquera point dans Juda et le chef d’entre ses jambes ; cela ne peut être attribué à Jésus, mais au Royaume de David qui finit sous le Roi Zédéchias. D’ailleurs l’Écriture, dans ce passage que vous citez, est certainement interpolée, et l’on y lit le texte de deux manières différentes : le prince ne manquera pas dans Judas, et le chef d’entre ses jambes, jusques à ce que les choses, qui lui ont été réservées, arrivent ; mais vous avez mis à la place de ces dernières paroles, jusques à ce que qui a été réservé arrive. Cependant de quelque manière que vous lisiez ce passage, il est manifeste qu’il n’y a rien-là qui regarde Jésus, et qui puisse lui convenir : il n’était pas de Juda, puisque vous ne voulez pas qu’il soit né de Joseph ; vous soutenez qu’il a été engendré par le saint Esprit. Quant à Joseph, vous tâchez de le faire descendre de Juda, mais vous n’avez pas eu assez d’adresse pour y parvenir, et l’on reproche avec raison à Matthieu et à Luc d’être opposé l’un à l’autre dans la généalogie de Joseph.