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enfin, Lénine le germanique, est quelque part caché dans Pétrograd, où l’on arrête toute sorte d’espions allemands, excepté lui !
952 REVUE DES DEUX MONDES.


Au lendemain comme à la veille de la Conférence de Pétrograd, Kerensky se trouve aux prises avec les mêmes difficultés. Il a percé le corps ou dissipé le fantôme de la contre-révolution, et c’est bien. Reste l’ultra-révolution, qui n’est pas une ombre inoffensive. Il reste les maximalistes, les pacifistes de la paix même honteuse ; les « défaitistes. » Il reste les anarchistes et les autonomistes, dont les uns ont si fort le sentiment du moi qu’ils n’ont plus le sentiment de l’État, et les autres ont si fort le sentiment -de la nationalité qu’ils n’ont plus le sentiment de la nation. Il y a eu le Congrès de Novotcherkask, d’où l’on a vu filtrer le mécontentement des Stanitzes cosaques, attachées à leurs libertés, à leurs institutions, à leurs traditions, et resserrées autour de leur ataman Kaledine, qu’il serait téméraire de vouloir leur arracher. Il a dû y avoir, à Kief, un Congrès des quarante peuples de toutes les Russies. Il devait y avoir, à Tomsk, le 8 octobre, un Congrès qui préparerait l’indépendance de la Sibérie. On ne sait que trop où en sont la Finlande, l’Oukraine, et entre les mains de qui sont la Courlande, la Lithuanie, hélas! L’instant est proche où Kerensky va mesurer sa taille à son destin. « Être ou ne pas être, » lui répète Hamlet. Avoir été une voix, une flûte ou une trompette, une musique ; n’avoir pas été. Ou être l’homme qui devait venir, et qui, même venu de la révolution et porté par elle, n’arrivera qu’en se mettant courageusement, lorsqu’elle dévie et déborde, en travers de la révolution, puisque les révolutions sont comme les torrens : on ne doit les suivre que jusqu’où l’on peut les conduire. Voici l’instant, épouvantable aux âmes de révolutionnaires, que le salut de la patrie et le sens de l’État n’auraient pas tout à fait tuées, où il va falloir que le révolutionnaire Kerensky se résigne et se décide, sache, veuille et ose passer pour un « réactionnaire. »
fin, Lénine le germanique, est quelque paît caché dans Pétrograd, où
l’on arrête toute sorte d’espions allemands, excepté lui !
Au lendemain comme à la veille de la Conférence de Pétrograd,
Kerensky se trouve aux prises avec les mêmes difficultés. Il a percé
le corps ou dissipé le fantôme de la contre-révolution, et c’est bien.
Reste l’ultra-révolution, qui n’est pas une ombre inoffensive. Il reste
les maximalistes, les pacifistes de la paix même honteuse ; les « défaitistes.
» Il reste les anarchistes et les autonomistes, dont les uns ont si
fort le sentiment du moi qu’ils n’ont plus le sentiment de l’État, et les
autres ont si fort le sentiment de la nationalité qu’ils n’ont plus le
sentiment de la nation. Il y a eu le Congrès de Novotcherkask, d’où
l’on a vu filtrer le mécontentement des Stanitzes cosaques, attachées
à leurs libertés, à leurs institutions, à leurs traditions, et resserrées
autour de leur ataman Kaledine, qu’il serait téméraire de vouloir leur
arracher. Il a dû y avoir, à Kief, un Congrès des quarante peuples
de toutes les Russies. Il devait y avoir, à Tomsk, le 8 octobre, un
Congrès qui préparerait l’indépendance de la Sibérie. On ne sait que
trop où en sont la Finlande, l’Oukraine, et entre les mains de qui sont
la Courlande, la Lithuanie, hélas ! L’instant est proche où Kerensky
va mesurer sa taille à son destin. « Être ou ne pas être, » lui répète
Ilamlet. Avoir été une voix, une flûte ou une trompette, une musique ;
n’avoir pas été. Ou être l’homme qui devait venir, et qui, même venu
delà révolution et porté par elle, n’arrivera qu’en se mettant courageusement,
lorsqu’elle dévie et déborde, en travers de la révolution,
puisque les révolutions sont comme les torrens : on ne doit les suivre
que jusqu’où l’on peut les conduire. Voici l’instant, épouvantable aux
âmes de révolutionnaires, que le salut delà patrie et le sens de l’Etat
n’auraient pas tout à fait tuées, où il va falloir que le révolutionnaire
Kerensky se résigne et se décide, sache, veuille et ose passer pour un
« réactionnaire. »


A la hâte, pendant qu’il tient encore la proie sous son genou, l’Empereur allemand organise l’administration des provinces baltiques. Par une singulière interprétation de l’histoire, et comme si la domination de l’Ordre teutonique et l’usurpation de seigneurs allemands y eussent créé un gouvernement national, une société germanique, il leur présente l’annexion comme une revendication de leur race, comme un retour à leur berceau. Et cependant qu’avec les complicités dès longtemps ménagées, avec les complaisances qui s’offrent, l’Empire fait sur le terrain cette politique d’un réalisme vorace et impitoyable, sa chancellerie amuse le tapis diplomatique.
A la hâte, pendant qu’il tient encore la proie sous son genou,
l’Empereur allemand organise l’administration des provinces baltiques.
Par une singulière interprétation de l’histoire, et comme si la
domination de l’Ordre teutonique et l’usurpation de seigneurs allemands
y eussent créé un gouvernement national, une société germanique,
il leur présente l’annexion comme une revendication de leur
race, comme un retour à leur berceau. Et cependant qu’aA^ec les
complicités dès longtemps ménagées, avec les complaisances qui
s’offrent, l’Empire fait sur le terrain cette politique d’un réalisme
vorace et impitoyable, sa chancellerie amuse le tapis diplomatique.