« De la démocratie en Amérique/Édition 1848 » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Phe (discussion | contributions)
mAucun résumé des modifications
Phe (discussion | contributions)
mAucun résumé des modifications
Ligne 8 :
 
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/4]]==
1848, tome 4.djvu/4]]==
 
{{c|Influence de la démocratie sur les mœurs proprement dites}}
Ligne 23 ⟶ 22 :
s’adoucissent. Ces deux choses sont-elles seulement contemporaines,
ou existe-t-il entre elles quelque lien secret, de telle
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/5]]==
1848, tome 4.djvu/5]]==
sorte que l’une ne puisse avancer sans faire marcher l’autre ?
 
Ligne 48 ⟶ 46 :
une sympathie continuelle et active qui ne peut jamais se rencontrer
au même degré parmi les citoyens d’une démocratie.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/6]]==
1848, tome 4.djvu/6]]==
 
Mas il n’en est pas de même des différentes classes vis-à-vis les unes
Ligne 78 ⟶ 75 :
 
Il est évident que ces obligations mutuelles ne
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/7]]==
1848, tome 4.djvu/7]]==
naissaient pas du droit naturel, mais du droit politique, et que la
société obtenait plus que l’humanité seule n’eût pu faire. Ce n’était
Ligne 103 ⟶ 99 :
instinct plutôt qu’à une passion ; comme ils ne se formaient pas une
idée nette des
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/8]]==
1848, tome 4.djvu/8]]==
souffrances du pauvre, ils s’intéressaient faiblement à son sort.
 
Ligne 132 ⟶ 127 :
Provence ? Il n’y aurait pas satisfaction à baiser toute la Bretagne,
à moins
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/9]]==
1848, tome 4.djvu/9]]==
qu’on n’aimât à sentir le vin. Voulez-vous savoir des nouvelles de
Rennes ? On a fait une taxe de cent mille écus, et si on ne trouve
Ligne 159 ⟶ 153 :
 
: « Vous me parlez bien plaisamment de nos {{tiret|mi|sères ;}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/10]]==
1848, tome 4.djvu/10]]==
{{tiret2|mi|sères ;}} nous ne sommes plus si roués ; un en huit jours,
pour entretenir la justice. Il est vrai que la penderie me parait
Ligne 189 ⟶ 182 :
Quand les rangs sont presque égaux chez un peuple, tous les hommes
ayant à peu près la même
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/11]]==
1848, tome 4.djvu/11]]==
manière de penser et de sentir, chacun d’eux peut juger en un moment
des sensations de tous les autres : il jette un coup d’œil rapide sur
Ligne 214 ⟶ 206 :
plus de béni­gnité qu’aux États-Unis. Tandis que les Anglais semblent
vouloir conserver précieuse­ment dans leur législation
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/12]]==
1848, tome 4.djvu/12]]==
pénale les traces sanglantes du Moyen Âge, les Américains ont presque
fait disparaître la peine de mort de leurs codes.
Ligne 242 ⟶ 233 :
C’est donc à cette égalité qu’il faut attribuer sa douceur, plus
encore qu’à la civili­sation et aux lumières.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/13]]==
1848, tome 4.djvu/13]]==
 
Ce que je viens de dire des individus s’applique jusqu’à un certain
Ligne 265 ⟶ 255 :
uns aux autres, ils se montrent réciproquement plus compatissants pour
leurs misères, et le droit des gens s’adoucir.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/14]]==
1848, tome 4.djvu/14]]==
 
{{t3|Comment la démocratie rend les rapports habituels des Américains
Ligne 283 ⟶ 272 :
sorte d’inquiétude secrète ; puis ils se détournent, ou, s’ils
s’abordent, ils ont soin de ne se parler que d’un air contraint
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/15]]==
1848, tome 4.djvu/15]]==
et distrait, et de dire des choses peu importantes.
 
Ligne 312 ⟶ 300 :
paraître : ce qui n’est point impossible. Comme la valeur
{{tiret|so|ciale}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/16]]==
1848, tome 4.djvu/16]]==
{{tiret2|so|ciale}} des hommes n’est plus fixée d’une manière
ostensible et permanente par le sang, et qu’elle varie à l’infini
Ligne 338 ⟶ 325 :
amitié mal assortie ; on craint les bons offices, et l’on se soustrait
à la {{tiret|reconnais|sance}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/17]]==
1848, tome 4.djvu/17]]==
{{tiret2|reconnais|sance}} indiscrète d’un inconnu aussi soigneusement
qu’à sa haine.
Ligne 367 ⟶ 353 :
seul qu’ils sont Américains. Il n’y a point de préjugé qui les
repousse, et
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/18]]==
1848, tome 4.djvu/18]]==
la communauté de patrie les attire. À deux Anglais le même sang ne
suffit point : il faut que le même rang les rapproche.
Ligne 379 ⟶ 364 :
de dire que la réserve des Anglais découle de la Constitution du Pays
bien plus que de celle des citoyens.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/19]]==
1848, tome 4.djvu/19]]==
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/20]]==
1848, tome 4.djvu/20]]==
 
{{t3|Pourquoi les américains ont si peu de susceptibilité dans leur
Ligne 399 ⟶ 382 :
sont soumis à des conventions à peu près fixes. Chacun croit alors
savoir, d’une manière précise, par
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/21]]==
1848, tome 4.djvu/21]]==
quel signe il convient de témoigner son respect ou de marquer sa
bienveillance, et l’étiquette est une science dont on ne suppose pas
Ligne 427 ⟶ 409 :
lui devoir. Il ne s’aperçoit donc pas qu’on lui manque, ou bien il le
pardonne ; ses manières en deviennent
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/22]]==
1848, tome 4.djvu/22]]==
moins courtoises, et ses mœurs plus simples et plus mâles.
 
Ligne 454 ⟶ 435 :
Les institutions politiques des États-Unis mettent sans cesse en
contact les citoyens de toutes
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/23]]==
1848, tome 4.djvu/23]]==
les classes et les forcent de suivre en commun de grandes
entre­prises. Des gens ainsi occupés n’ont guère le temps de songer
Ligne 480 ⟶ 460 :
Ce qui surprend au premier abord, c’est que ce même homme transporté
en Euro­pe y devient
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/24]]==
1848, tome 4.djvu/24]]==
tout à coup d’un commerce méticuleux et difficile, à ce point que
souvent je rencontre autant de difficulté à ne point l’offenser que
Ligne 506 ⟶ 485 :
distinctes pour se haïr et se mépriser, et assez rapprochées pour
qu’il soit tou­jours prêt à les confondre, Il craint de se poser trop
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/25]]==
1848, tome 4.djvu/25]]==
haut, et surtout d’être rangé trop bas : ce double péril tient
constamment son esprit à la gêne et embarrasse sans cesse ses actions
Ligne 531 ⟶ 509 :
Ce n’est pas tout encore, et voici bien un autre détour du cœur
humain.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/26]]==
1848, tome 4.djvu/26]]==
 
Un Américain parle tous les jours de l’admirable égalité qui règne aux
Ligne 558 ⟶ 535 :
s’habituait pas à voir l’esprit se cacher ainsi sous des formes
vulgaires.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/27]]==
1848, tome 4.djvu/27]]==
 
 
Ligne 569 ⟶ 545 :
moins empruntés dans le nôtre.
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/28]]==
1848, tome 4.djvu/28]]==
 
{{t3|Conséquences des trois chapitres précédents|CHAPITRE IV.}}
Ligne 583 ⟶ 558 :
rare que ceux-ci le lui refusent, et j’ai observé souvent qu’ils le
lui accordaient spontanément avec un grand zèle.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/29]]==
1848, tome 4.djvu/29]]==
 
Survient-il quelque accident imprévu sur la voie publique, on accourt
Ligne 610 ⟶ 584 :
d’autrui, il arrive presque toujours quelque moment où ils ne
sau­raient s’en passer.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/30]]==
1848, tome 4.djvu/30]]==
 
Nous voyons tous les jours en Europe que les hommes d’une même
Ligne 637 ⟶ 610 :
Plus les conditions deviennent semblables, et plus les hommes laissent
voir cette disposition réciproque à s’obliger.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/31]]==
1848, tome 4.djvu/31]]==
 
Dans les démocraties, où l’on n’accorde guère de grands bienfaits, on
Ligne 645 ⟶ 617 :
 
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/32]]==
1848, tome 4.djvu/32]]==
 
 
Ligne 662 ⟶ 633 :
On dirait qu’ils craignent de commander. L’attitude du supérieur et
de l’inférieur est mal gardée.»
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/33]]==
1848, tome 4.djvu/33]]==
 
Cette remarque est juste, et je l’ai faite moi-même bien des fois.
Ligne 691 ⟶ 661 :
que les positions changent. Ce sont deux sociétés
{{tiret|super|posées}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/34]]==
1848, tome 4.djvu/34]]==
{{tiret2|super|posées}} l’une à l’autre, toujours distinctes, mais
régies par des principes analogues.
Ligne 718 ⟶ 687 :
examiner de près et dans le détail les opinions principales qui
dirigent ces hommes, l’analogie paraît plus frappante encore, </ref>.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/35]]==
1848, tome 4.djvu/35]]==
 
Parce qu’une classe est basse, il ne faut pas croire que tous ceux qui
Ligne 748 ⟶ 716 :
contact, le goût de l’étiquette, des traditions et de
l’Antiquité.</ref>
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/36]]==
1848, tome 4.djvu/36]]==
la bassesse humaine ; sous l’ancienne monarchie, lorsqu’on voulait
peindre en un moment un être vil et dégradé, on disait de lui qu’il
Ligne 775 ⟶ 742 :
les mœurs de ceux qui lui obéissent, et son influence s’étend beaucoup
plus loin encore que son autorité.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/37]]==
1848, tome 4.djvu/37]]==
 
Dans les sociétés aristocratiques, non seulement il y a des familles
Ligne 802 ⟶ 768 :
De leur côté, les serviteurs ne sont pas éloignés de se considérer
sous le même point de vue, et ils
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/38]]==
1848, tome 4.djvu/38]]==
s’identifient quelquefois à la personne du maître, de telle sorte
qu’ils en deviennent enfin l’accessoire, à leurs propres yeux comme
Ligne 830 ⟶ 795 :
Ces passions de maîtres transportées dans des âmes de valets y
prennent les di­men­sions {{tiret|natu|relles}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/39]]==
1848, tome 4.djvu/39]]==
{{tiret2|natu|relles}} du lieu qu’elles occupent ; elles se
rétrécissent et s’abaissent. Ce qui était orgueil chez le premier
Ligne 860 ⟶ 824 :
cesse de place ; il y a encore une classe de valets et une classe de
maîtres ;
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/40]]==
1848, tome 4.djvu/40]]==
mais ce ne sont pas toujours les mêmes individus, ni surtout les mêmes
familles qui les composent ; et il n’y a pas plus de perpétuité dans
Ligne 890 ⟶ 853 :
Dans les démocraties, les serviteurs ne sont pas seulement égaux entre
eux ; on peut dire
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/41]]==
1848, tome 4.djvu/41]]==
qu’ils sont, en quelque sorte, les égaux de leurs maîtres.
 
Ligne 917 ⟶ 879 :
assigne, d’une manière générale, à la valeur de l’hom­me, de certaines
limites au-dessus ou {{tiret|au-|dessous}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/42]]==
1848, tome 4.djvu/42]]==
{{tiret2|au-|dessous}} desquelles il est difficile qu’aucun homme
reste longtemps placé.
Ligne 945 ⟶ 906 :
que les officiers et peut parvenir aux mêmes emplois ; hors des rangs,
il se
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/43]]==
1848, tome 4.djvu/43]]==
considère comme parfaitement égal à ses chefs, et il l’est en effet ;
mais sous le drapeau il ne fait nulle difficulté d’obéir, et son
Ligne 973 ⟶ 933 :
verra pas leurs descendants ; il n’a rien à en attendre de durable.
Pourquoi confondrait-il son existence
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/44]]==
1848, tome 4.djvu/44]]==
avec la leur, et d’où lui viendrait ce singulier abandon de lui-même ?
La position réciproque est changée ; les rapports doivent l’être.
Ligne 1 000 ⟶ 959 :
 
Il m’a semblé voir que ceux-là transportaient
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/45]]==
1848, tome 4.djvu/45]]==
dans la servitude quelques-unes des habitudes viriles que
l’indépendance et l’égalité font naître. Ayant une fois choisi une
Ligne 1 027 ⟶ 985 :
lesquelles l’égalité se fonde au milieu du tumulte d’une révolution
alors que la démocratie, après s’être établie dans l’état social,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/46]]==
1848, tome 4.djvu/46]]==
lutte encore avec peine contre les préjugés et les mœurs ?
 
Ligne 1 052 ⟶ 1 009 :
domesticité n’abais­se point l’âme de ceux qui s’y soumettent, parce
qu’ils n’en connaissent et qu’ils n’en imaginent pas d’autres, et
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/47]]==
1848, tome 4.djvu/47]]==
que la prodigieuse inégalité qui se fait voir entre eux et le maître
leur semble l’effet nécessaire et inévitable de quelque loi cachée de
Ligne 1 080 ⟶ 1 036 :
leur cœur contre une infériorité à laquelle ils se sont soumis
eux-mêmes et dont ils profitent. Ils consentent à servir, et ils ont
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/48]]==
1848, tome 4.djvu/48]]==
honte d’obéir ; ils aiment les avan­tages de la servitude, mais point
le maître, ou, pour mieux dire, ils ne sont pas sûrs que ce ne soit
Ligne 1 102 ⟶ 1 057 :
Un pareil état n’est pas démocratique, mais révolutionnaire.
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/49]]==
1848, tome 4.djvu/49]]==
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/50]]==
1848, tome 4.djvu/50]]==
 
 
Ligne 1 124 ⟶ 1 077 :
accroître le nombre des propriétaires et à diminuer celui des
fermiers. Toutefois ce qui se passe aux États-Unis doit
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/51]]==
1848, tome 4.djvu/51]]==
être attribué, bien moins aux institutions du pays, qu’au pays
lui-même. En Amérique, la terre coûte peu, et chacun devient aisément
Ligne 1 149 ⟶ 1 101 :
rapproche et qui discutent rigoureusement entre eux une affaire, dont
le seul sujet est l’argent.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/52]]==
1848, tome 4.djvu/52]]==
 
A mesure que les biens se partagent et que la richesse se disperse çà
Ligne 1 175 ⟶ 1 126 :
; il ne lui impor­te guère de capter la bienveillance particulière de
son fermier.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/53]]==
1848, tome 4.djvu/53]]==
 
Une aristocratie ne meurt point comme un homme, en un jour. Son
Ligne 1 200 ⟶ 1 150 :
européens ont adoptées et dans les pas­sions démocratiques qui agitent
plus ou moins tous les autres.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/54]]==
1848, tome 4.djvu/54]]==
 
J’ai souvent entendu de grands propriétaires anglais se féliciter de
Ligne 1 232 ⟶ 1 181 :
 
En cette disposition, le propriétaire et le {{tiret|fer|mier}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/55]]==
1848, tome 4.djvu/55]]==
{{tiret2|fer|mier}} lui-même ressentent une sorte d’horreur
instinctive pour les obligations à long terme ; ils ont peur de se
Ligne 1 245 ⟶ 1 193 :
c’est le cœur de l’homme.
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/56]]==
1848, tome 4.djvu/56]]==
 
 
Ligne 1 265 ⟶ 1 212 :
L’ouvrier conçoit une idée plus élevée de ses droits, de son avenir,
de lui-même ; une nouvelle
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/57]]==
1848, tome 4.djvu/57]]==
ambition, de nouveaux désirs le remplissent, de nouveaux besoins
l’assiè­gent. À tout moment, il jette des regards pleins de
Ligne 1 293 ⟶ 1 239 :
qu’ils sont plus indépendants, ils peuvent plus aisément obtenir
l’élévation des salaires.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/58]]==
1848, tome 4.djvu/58]]==
 
Je prendrai pour exemple l’industrie qui, de notre temps, est encore
Ligne 1 323 ⟶ 1 268 :
 
Ceci influe puissamment sur le taux des salaires.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/59]]==
1848, tome 4.djvu/59]]==
 
Comme il faut être déjà très riche pour entreprendre les grandes
Ligne 1 348 ⟶ 1 292 :
homme riche, peut attendre aisément, sans se ruiner, que la nécessité
les lui ramène ; mais eux, il leur faut travailler tous les
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/60]]==
1848, tome 4.djvu/60]]==
jours pour ne pas mourir ; car ils n’ont guère d’autre pro­priété que
leurs bras. L’oppression les a dès longtemps appauvris, et ils sont
Ligne 1 369 ⟶ 1 312 :
nouveaux chemins vers la fortune, de faire que quelques-uns supportent
en paix leurs besoins et leurs désirs.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/61]]==
1848, tome 4.djvu/61]]==
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/62]]==
1848, tome 4.djvu/62]]==
 
{{t3|Influence de la démocratie sur la famille|CHAPITRE VIII.}}
Ligne 1 388 ⟶ 1 329 :
 
Tout le monde a remarqué que, de nos jours,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/63]]==
1848, tome 4.djvu/63]]==
il s’était établi de nouveaux rapports entre les différents membres de
la famille, que la distance qui séparait jadis le père de ses fils
Ligne 1 416 ⟶ 1 356 :
habitudes, les mêmes principes qui poussent l’un à se saisir de
l’indé­pendance, disposent l’autre à en
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/64]]==
1848, tome 4.djvu/64]]==
considérer l’usage comme un droit incon­tes­table.
 
Ligne 1 446 ⟶ 1 385 :
qui ont lieu dans la famille sont étroitement liés à la révolution
sociale et
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/65]]==
1848, tome 4.djvu/65]]==
politique qui achève de s’accomplir sous nos yeux,
 
Ligne 1 476 ⟶ 1 414 :
qu’on peut dire qu’il n’y a rien de plus politique chez un peuple que
la législation civile.</ref>
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/66]]==
1848, tome 4.djvu/66]]==
au milieu de la foule pour le plier isolément aux lois communes, il
n’est pas besoin de semblable intermédiaire ; le père n’est, aux yeux
Ligne 1 502 ⟶ 1 439 :
 
Quand les hommes vivent dans le souvenir de
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/67]]==
1848, tome 4.djvu/67]]==
ce qui a été, plutôt que dans la préoccupation de ce qui est, et
qu’ils s’inquiètent bien plus de ce que leurs ancêtres ont pensé
Ligne 1 528 ⟶ 1 464 :
L’habitude et le besoin les rapprochent et les forcent à communiquer à
chaque instant l’un avec l’autre ; il ne
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/68]]==
1848, tome 4.djvu/68]]==
peut donc manquer de s’établir entre eux une sorte d’intimité
familière qui rend l’autorité moins absolue, et qui s’accommode mal
Ligne 1 556 ⟶ 1 491 :
 
Dans la famille démocratique, le père n’exerce
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/69]]==
1848, tome 4.djvu/69]]==
guère d’autre pouvoir que celui qu’on se plaît à accorder à la
tendresse et à l’expérience d’un vieillard. Ses ordres se­raient
Ligne 1 583 ⟶ 1 517 :
aristocratique, toutes les places sont marquées. Non seulement le
père y occupe
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/70]]==
1848, tome 4.djvu/70]]==
un rang à part et y jouit d’immenses privilèges ; les enfants
eux-mêmes ne sont point égaux entre eux : l’âge et le sexe fixent
Ligne 1 613 ⟶ 1 546 :
 
La démocratie attache aussi les frères les uns
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/71]]==
1848, tome 4.djvu/71]]==
aux autres ; mais elle s’y prend d’une autre manière.
 
Ligne 1 638 ⟶ 1 570 :
Ils conserveraient volontiers les habitudes domestiques de la
démo­cratie, pourvu qu’ils pussent rejeter son état social et ses
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/72]]==
1848, tome 4.djvu/72]]==
lois. Mais ces choses se tiennent, et l’on ne saurait jouir des unes
sans souf­frir les autres.
Ligne 1 666 ⟶ 1 597 :
aisément à de nouvelles, fait disparaître entièrement la plupart des
sentiments qui naissent de ces {{tiret|conven|tions.}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/73]]==
1848, tome 4.djvu/73]]==
{{tiret2|conven|tions.}} Mais elle ne fait que modifier les autres, et
souvent elle leur donne une énergie et une douceur qu’ils n’avaient
Ligne 1 678 ⟶ 1 608 :
sépare les citoyens.
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/74]]==
1848, tome 4.djvu/74]]==
 
{{t3|Éducation des jeunes filles aux États-Unis|CHAPITRE IX.}}
Ligne 1 697 ⟶ 1 626 :
Cette indépendance est encore plus grande dans les pays protestants
qui, ainsi que l’Angleterre, ont
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/75]]==
1848, tome 4.djvu/75]]==
conservé ou acquis le droit de se gouverner eux-mêmes. La liberté
pénètre alors dans la famille par les habitudes politiques et par les
Ligne 1 724 ⟶ 1 652 :
fille d’Améri­que cette candeur virginale au milieu des naissants
désirs,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/76]]==
1848, tome 4.djvu/76]]==
non plus que ces grâces naïves et ingénues qui accompagnent
d’ordinaire chez l’Européenne le passage de l’enfance à la jeunesse.
Ligne 1 750 ⟶ 1 677 :
opinions et dans nos goûts, des débris de tous les âges, il nous
arrive souvent de donner aux femmes une éducation {{tiret|ti|mide,}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/77]]==
1848, tome 4.djvu/77]]==
{{tiret2|ti|mide,}} retirée et presque claustrale, comme au temps de
l’aris­tocratie, et nous les abandonnons ensuite tout à coup, sans
Ligne 1 776 ⟶ 1 702 :
désir de maintenir la jeune fille dans une perpétuelle et complète
ignorance, ils
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/78]]==
1848, tome 4.djvu/78]]==
se sont hâtés de lui donner une connaissance précoce de toutes choses.
Loin de lui cacher les corruptions du monde, ils ont voulu qu’elle les
Ligne 1 800 ⟶ 1 725 :
moins de charmes. Mais ce sont là des maux secondaires, qu’un intérêt
plus grand doit faire braver. Parvenus au point où nous sommes, il ne
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/79]]==
1848, tome 4.djvu/79]]==
nous est plus permis de faire un choix : il faut une éducation
démocratique pour garantir la femme des périls dont les institutions
et les mœurs de la démocratie l’environnent.
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/80]]==
1848, tome 4.djvu/80]]==
 
 
Ligne 1 825 ⟶ 1 748 :
le suppose, et il est naturel que les Américains passent par l’un pour
arriver à l’autre.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/81]]==
1848, tome 4.djvu/81]]==
 
Les peuples religieux et les nations industrielles se font une idée
Ligne 1 850 ⟶ 1 772 :
trouve, dans la fermeté de sa raison et dans les habitudes viriles que
son éducation lui a données, l’énergie de s’y soumettre.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/82]]==
1848, tome 4.djvu/82]]==
 
On peut dire que c’est dans l’usage de l’indépendance qu’elle a puisé
Ligne 1 878 ⟶ 1 799 :
 
Lorsque le temps est arrivé de choisir un
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/83]]==
1848, tome 4.djvu/83]]==
époux, cette froide et austère raison que la libre vue du monde a
éclairée et affermie indique à L’Américaine qu’un esprit léger et
Ligne 1 906 ⟶ 1 826 :
 
La plupart des aventuriers qui vont peupler
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/84]]==
1848, tome 4.djvu/84]]==
chaque année les solitudes de l’Ouest appartiennent, ainsi que je l’ai
dit dans mon premier ouvrage, à l’ancienne race anglo-américaine du
Ligne 1 932 ⟶ 1 851 :
l’esprit est le même.
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/85]]==
1848, tome 4.djvu/85]]==
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/86]]==
1848, tome 4.djvu/86]]==
 
 
Ligne 1 949 ⟶ 1 866 :
C’est se tirer d’affaire à bon marché, et, à ce compte, il suffirait
d’une sphère et d’un compas pour résoudre en un instant l’un des
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/87]]==
1848, tome 4.djvu/87]]==
plus difficiles problèmes que l’humanité présente.
 
Ligne 1 978 ⟶ 1 894 :
On entend souvent les philosophes et les hommes d’État s’y plaindre de
ce que les mœurs ne sont pas assez
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/88]]==
1848, tome 4.djvu/88]]==
régulières, et la littérature le fait supposer tous les jours.
 
Ligne 2 008 ⟶ 1 923 :
 
Ceci ne se voit pas de même quand l’égalité des
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/89]]==
1848, tome 4.djvu/89]]==
conditions a fait tomber toutes les barrières imaginaires ou réelles
qui séparaient l’homme de la femme. Il n’y a point alors de jeune
Ligne 2 037 ⟶ 1 951 :
lecteurs de pareilles excuses vraisemblables ; leurs usages, leurs
lois, s’y refusent et, </ref>.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/90]]==
1848, tome 4.djvu/90]]==
 
Dans un pays où la femme exerce toujours librement son choix, et où
Ligne 2 065 ⟶ 1 978 :
cause qu’il faut attribuer le petit nombre de romans qui se publient
aux États-Unis.</ref>
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/91]]==
1848, tome 4.djvu/91]]==
{{tiret2|d’ordi|naire}} que la similitude des goûts et des idées qui
rapproche l’homme et la femme ; et cette même similitude les retient
Ligne 2 091 ⟶ 2 003 :
la capacité de juger, manquent de toutes ces garanties. On ne saurait
être surpris qu’elles fassent un mauvais usage de leur
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/92]]==
1848, tome 4.djvu/92]]==
libre arbitre, la première fois qu’elles en usent ; ni qu’elles
tombent dans de si cruel­les erreurs lorsque, sans avoir reçu
Ligne 2 118 ⟶ 2 029 :
violemment un homme d’une erreur commune, l’entraîne presque toujours
hors de la raison ; que, pour oser déclarer une guerre,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/93]]==
1848, tome 4.djvu/93]]==
même légitime, aux idées de son siècle et de son pays, il faut avoir
dans l’esprit une certaine disposition violente et aventureuse, et que
Ligne 2 144 ⟶ 2 054 :
médiocrité des fortunes y oblige la fem­me à se renfermer chaque jour
dans l’intérieur de sa demeure, afin de {{tiret|pré|sider}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/94]]==
1848, tome 4.djvu/94]]==
{{tiret2|pré|sider}} elle-même, et de très près, aux détails de
l’administration domestique.
Ligne 2 172 ⟶ 2 081 :
loisir de s’y livrer ; elle les en écarte encore par un chemin plus
secret, mais plus sûr.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/95]]==
1848, tome 4.djvu/95]]==
 
Tous les hommes qui vivent dans les temps démocra­tiques contractent
Ligne 2 201 ⟶ 2 109 :
énergie sans pareille plusieurs peuples européens vers la démocratie,
on
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/96]]==
1848, tome 4.djvu/96]]==
ne voit point que chez ces nations les rapports de l’homme et de la
femme soient devenus plus réguliers et plus chastes. Le contraire se
Ligne 2 228 ⟶ 2 135 :
agents, ont d’abord produit des effets semblables. Celles mêmes qui
ont fini par resserrer le lien des mœurs ont commencé par le détendre.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/97]]==
1848, tome 4.djvu/97]]==
 
Les désordres dont nous sommes souvent témoins ne me semblent donc pas
Ligne 2 255 ⟶ 2 161 :
que la démocratie semble n’avoir moralisé que les classes
aristocratiques.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/98]]==
1848, tome 4.djvu/98]]==
 
La révolution, en divisant la fortune des nobles, en les forçant de
Ligne 2 281 ⟶ 2 186 :
 
Je ne puis m’empêcher de croire que, quand
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/99]]==
1848, tome 4.djvu/99]]==
nous aurons obtenu tous les effets de la révolution démocratique,
après être sortis du tumulte qu’elle a fait naître, ce qui n’est vrai
Ligne 2 288 ⟶ 2 192 :
 
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/100]]==
1848, tome 4.djvu/100]]==
 
 
Ligne 2 307 ⟶ 2 210 :
le supérieur, élève la femme et doit de plus en plus en faire l’égale
de l’homme.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/101]]==
1848, tome 4.djvu/101]]==
 
Mais c’est ici, plus que jamais, que je sens le besoin d’être bien
Ligne 2 331 ⟶ 2 233 :
facultés un emploi divers ; et ils ont jugé que le progrès ne
consistait point à faire faire à peu près les mêmes choses à des
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/102]]==
1848, tome 4.djvu/102]]==
êtres dissemblables, mais à obtenir que chacun d’eux s’acquittât le
mieux possible de sa tâche. Les Américains ont appliqué aux deux
Ligne 2 357 ⟶ 2 258 :
et une éner­gie toute virile, conservent en général une apparence très
délicate, et restent tou­jours femmes par les manières, bien
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/103]]==
1848, tome 4.djvu/103]]==
qu’elles se montrent hommes quelquefois par l’esprit et le cœur.
 
Ligne 2 383 ⟶ 2 283 :
moins, le sentiment qu’expriment les plus vertueuses : les autres se
taisent, et l’on n’entend point aux États-Unis d’épouse adultère
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/104]]==
1848, tome 4.djvu/104]]==
réclamer bruyamment les droits de la femme, en foulant aux pieds ses
plus saints devoirs.
Ligne 2 410 ⟶ 2 309 :
le même jour, et qu’elles ne sont pas éloignées de considérer comme un
privilège la faculté qu’on
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/105]]==
1848, tome 4.djvu/105]]==
leur laisse de se montrer futiles, faibles et craintives. Les
Américaines ne réclament point de semblables droits.
Ligne 2 437 ⟶ 2 335 :
dispositions du code pénal, punissent de mort le viol ; et il n’est
point de crimes que l’opinion publique poursuive avec une
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/106]]==
1848, tome 4.djvu/106]]==
ardeur plus inexorable. Cela s’explique : comme les Américains ne
conçoivent rien de plus précieux que l’honneur de la femme, et rien de
Ligne 2 462 ⟶ 2 359 :
Les Américains, qui ont laissé subsister dans la société l’infériorité
de la fem­me, l’ont donc élevée
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/107]]==
1848, tome 4.djvu/107]]==
de tout leur pouvoir, dans le monde intellectuel et mo­ral, au niveau
de l’homme ; et, en ceci, ils me paraissent avoir admirablement
Ligne 2 477 ⟶ 2 373 :
répondrais que c’est à la supériorité de ses femmes.
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/108]]==
1848, tome 4.djvu/108]]==
 
{{t3|Comment l’égalité divise naturellement les Américains en une
Ligne 2 495 ⟶ 2 390 :
Il n’y a point d’état social ni de lois qui puissent rendre les hommes
tellement semblables,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/109]]==
1848, tome 4.djvu/109]]==
que l’éducation, la fortune et les goûts ne mettent entre eux quelque
diffé­rence, et, si des hommes différents peuvent trouver quelquefois
Ligne 2 521 ⟶ 2 415 :
volontiers tous ses concitoyens pour ses égaux, mais il n’en reçoit
jamais
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/110]]==
1848, tome 4.djvu/110]]==
qu’un très petit nombre parmi ses amis et ses hôtes.
 
Ligne 2 548 ⟶ 2 441 :
instant il peut leur arriver de se confondre tous dans une masse
commune, il se crée une {{tiret|multi|tude}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/111]]==
1848, tome 4.djvu/111]]==
{{tiret2|multi|tude}} de classifi­cations artificielles et arbitraires
à l’aide desquelles chacun cherche à se mettre à l’écart, de peur
Ligne 2 570 ⟶ 2 462 :
aucune d’elles ne ressemblera, par les manières, à la classe
supérieure qui dirige les aristocraties.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/112]]==
1848, tome 4.djvu/112]]==
 
 
Ligne 2 588 ⟶ 2 479 :
plus, elles résultent quelquefois d’une convention arbitraire, entre
certains
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/113]]==
1848, tome 4.djvu/113]]==
hommes. Elles sont en même temps naturelles et acquises.
 
Ligne 2 614 ⟶ 2 504 :
 
Les hommes qui vivent dans les démocraties
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/114]]==
1848, tome 4.djvu/114]]==
sont trop mobiles pour qu’un certain nombre d’entre eux parviennent à
établir un code de savoir-vivre et puissent tenir la main à ce qu’on
Ligne 2 638 ⟶ 2 527 :
ma­nières n’ont ni la régularité ni la grandeur qu’elles font souvent
voir chez les peuples aristocratiques, ni le
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/115]]==
1848, tome 4.djvu/115]]==
tour simple et libre qu’on leur remarque quelquefois dans la
démocratie ; elles sont tout à la fois gênées et sans gêne.
Ligne 2 664 ⟶ 2 552 :
l’exemple de ce qu’ils blâment aux États-Unis ; ils ne s’aperçoi­vent
pas qu’ils se raillent eux-mêmes,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/116]]==
1848, tome 4.djvu/116]]==
pour la grande joie de l’aristocratie de leur pays.
 
Ligne 2 692 ⟶ 2 579 :
précis en fait de savoir-vivre. Ceci a son inconvénient et ses
avantages. Dans
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/117]]==
1848, tome 4.djvu/117]]==
les aristocraties, les règles de la bienséance imposent à chacun la
même apparence ; elles rendent tous les membres de la même classe
Ligne 2 717 ⟶ 2 603 :
après avoir perdu ses biens et son pouvoir ; ni de si fragile, car à
peine ont-elles disparu, qu’on n’en retrouve plus la
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/118]]==
1848, tome 4.djvu/118]]==
trace, et qu’il est difficile de dire ce qu’elles étaient du moment
qu’elles ne sont plus. Un changement dans l’état social opère ce
Ligne 2 745 ⟶ 2 630 :
l’intérieur des cours a fait assez voir que de grands dehors pouvaient
souvent cacher des cœurs fort bas. Mais, si
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/119]]==
1848, tome 4.djvu/119]]==
les manières de l’aristocratie ne faisaient point la vertu, elles
ornaient quelquefois la vertu même. Ce n’était point un spectacle
Ligne 2 759 ⟶ 2 643 :
 
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/120]]==
1848, tome 4.djvu/120]]==
 
 
Ligne 2 777 ⟶ 2 660 :
 
Dans les sociétés aristocratiques, le peuple {{tiret|s’a|bandonne}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/121]]==
1848, tome 4.djvu/121]]==
{{tiret2|s’a|bandonne}} volontiers aux élans d’une gaieté tumultueuse
et bruyante qui l’arrache tout à coup à la contemplation de ses
Ligne 2 805 ⟶ 2 687 :
Dans les pays démocratiques, le pauvre lui-même a une haute idée de sa
valeur personnelle. Il se contemple avec {{tiret|complai|sance}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/122]]==
1848, tome 4.djvu/122]]==
{{tiret2|complai|sance}} et croit volontiers que les autres le
regardent. Dans cette disposition, il veille avec soin sur ses
Ligne 2 834 ⟶ 2 715 :
publique sont livrés tout entiers aux soins d’accroître leur fortune
privée. Chez un pareil peuple, la gravité n’est plus
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/123]]==
1848, tome 4.djvu/123]]==
particulière à certains hommes, elle devient une habitude nationale.
 
Ligne 2 861 ⟶ 2 741 :
air froid, se laissent néanmoins emporter souvent bien loin des
limites de
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/124]]==
1848, tome 4.djvu/124]]==
la raison par une passion soudaine ou une opinion irréfléchie, et il
leur arrive de faire sérieusement des étour­deries singulières.
Ligne 2 888 ⟶ 2 767 :
 
Dans les démocraties, les hommes ne sont {{tiret|ja|mais}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/125]]==
1848, tome 4.djvu/125]]==
{{tiret2|ja|mais}} fixes ; mille hasards les font sans cesse changer
de place, et il règne presque toujours le ne sais quoi d’imprévu et,
Ligne 2 913 ⟶ 2 791 :
Sa curiosité est tout à la fois insatiable et satisfaite à peu de
frais ; car il tient à savoir vite beaucoup, plutôt qu’à bien savoir.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/126]]==
1848, tome 4.djvu/126]]==
 
Il n’a guère le temps, et il perd bientôt le goût d’approfondir.
Ligne 2 925 ⟶ 2 802 :
L’habitude de l’inattention doit être considérée comme le plus grand
vice de l’esprit démocratique.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/127]]==
1848, tome 4.djvu/127]]==
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/128]]==
1848, tome 4.djvu/128]]==
 
 
Ligne 2 946 ⟶ 2 821 :
d’être loués ; et, si vous résistez à leurs instances, ils se louent
eux-mêmes. On dirait que, doutant de leur propre mérite, ils
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/129]]==
1848, tome 4.djvu/129]]==
veulent à chaque instant en avoir le tableau sous leurs yeux. Leur
vanité n’est pas seulement avide, elle est inquiète et envieuse. Elle
Ligne 2 972 ⟶ 2 846 :
louange ne le flatte guère. Il se tient vis-à-vis du monde entier
dans
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/130]]==
1848, tome 4.djvu/130]]==
une réserve pleine de dédain et d’ignorance. Son orgueil n’a pas
besoin d’aliment ; il vit sur lui-même.
Ligne 2 999 ⟶ 2 872 :
 
Lorsque au contraire les conditions diffèrent
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/131]]==
1848, tome 4.djvu/131]]==
peu, les moindres avantages ont de l’importance. Comme chacun voit
autour de soi un million de gens qui en possèdent de tout semblables
Ligne 3 025 ⟶ 2 897 :
Une classe aristocratique diffère toujours profondément des autres
classes de la nation
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/132]]==
1848, tome 4.djvu/132]]==
par l’étendue et la perpétuité des prérogatives ; mais il arrive
quelquefois que plusieurs de ses membres ne diffèrent entre eux que
Ligne 3 045 ⟶ 2 916 :
peuples démocratiques.
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/133]]==
1848, tome 4.djvu/133]]==
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/134]]==
1848, tome 4.djvu/134]]==
{{t3|Comment l’aspect de la société, aux États-Unis, est tout à la
fois agité et monotone |CHAPITRE XVII.}}
Ligne 3 064 ⟶ 2 933 :
 
Chez les peuples aristocratiques, chaque homme
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/135]]==
1848, tome 4.djvu/135]]==
est à peu près fixe dans sa sphè­re ; mais les hommes sont
prodigieusement dissemblables ; ils ont des passions, des idées, des
Ligne 3 089 ⟶ 2 957 :
qu’en payant qu’on peut obtenir le concours de chacun d’eux ; ce qui
multiplie à l’infini l’usage de la richesse et en accroît le prix.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/136]]==
1848, tome 4.djvu/136]]==
 
Le prestige qui s’attachait aux choses anciennes ayant disparu, la
Ligne 3 117 ⟶ 2 984 :
richesses dirige principalement les hommes vers l’industrie. Or,
l’industrie, qui amène souvent
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/137]]==
1848, tome 4.djvu/137]]==
de si grands désordres et de si grands désastres, ne saurait cependant
prospérer qu’à l’aide d’habitudes très régulières et par une longue
Ligne 3 141 ⟶ 3 007 :
point central et dirigent de ce côté leurs pas, ils se rapprochent
insensiblement les uns des autres, sans se {{tiret|cher|cher,}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/138]]==
1848, tome 4.djvu/138]]==
{{tiret2|cher|cher,}} sans s’apercevoir et saris se connaître, et ils
seront enfin surpris en se voyant réunis dans le même lieu. Tous les
Ligne 3 153 ⟶ 3 018 :
sens en français.
: 1º Il signifie d’abord l’estime, la gloire, la considération qu’on
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/139]]==
1848, tome 4.djvu/139]]==
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/140]]==
1848, tome 4.djvu/140]]==
{{t3|De l’honneur aux États-Unis et dans les sociétés
démocratiques<ref>Le mot honneur n’est pas toujours pris dans le même
Ligne 3 173 ⟶ 3 036 :
Il semble que les hommes se servent de deux méthodes fort distinctes
dans le jugement public
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/141]]==
1848, tome 4.djvu/141]]==
qu’ils portent des actions de leurs semblables : tantôt ils les jugent
suivant les simples notions du juste et de l’injuste, qui sont
Ligne 3 199 ⟶ 3 061 :
fait naître des lois morales à l’inobservation desquelles tous les
hommes ont naturellement atta­ché, en tous
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/142]]==
1848, tome 4.djvu/142]]==
lieux et en tous temps, l’idée du blâme et de la honte. Ils ont
appelé faire mai s’y soustraire, faire bien s’y soumettre.
Ligne 3 227 ⟶ 3 088 :
 
Il n’y a rien de plus improductif pour l’esprit
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/143]]==
1848, tome 4.djvu/143]]==
humain qu’une idée abstraite. Je me hâte donc de courir vers les
faits. Un exemple va mettre en lumière ma pensée.
Ligne 3 251 ⟶ 3 111 :
d’autres changeaient de caractère suivant que la personne qui en
souffrait appartenait à l’aris­tocratie ou vivait hors d’elle.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/144]]==
1848, tome 4.djvu/144]]==
 
Quand ces différentes opinions ont pris naissance, la noblesse formait
Ligne 3 277 ⟶ 3 136 :
soi-même. Il ne faisait point une loi de l’humanité ni de la douceur
; mais il vantait la générosité ; il {{tiret|pri|sait}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/145]]==
1848, tome 4.djvu/145]]==
{{tiret2|pri|sait}} la libéralité plus que la bienfaisance, il
permettait qu’on s’enrichît par le jeu, par la guerre, mais non par le
Ligne 3 304 ⟶ 3 162 :
C’était encore là une opinion singulière qui naissait forcément de la
singularité de l’état social.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/146]]==
1848, tome 4.djvu/146]]==
 
L’aristocratie féodale était née par la guerre et pour la guerre ;
Ligne 3 331 ⟶ 3 188 :
sociétés féodales ses prescriptions les plus incohérentes et les plus
bizarres.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/147]]==
1848, tome 4.djvu/147]]==
 
Si je suivais l’honneur féodal dans le champ de la politique, je
Ligne 3 359 ⟶ 3 215 :
condamnée par l’opinion avec une rigueur extraordinaire. On créa un
nom particulièrement infamant pour elle, on l’appela félonie.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/148]]==
1848, tome 4.djvu/148]]==
 
On ne trouve, au contraire, dans le Moyen Age, que peu de traces d’une
Ligne 3 387 ⟶ 3 242 :
 
J’ai choisi pour éclaircir ma pensée l’honneur
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/149]]==
1848, tome 4.djvu/149]]==
féodal, parce que l’honneur féodal a des traits plus marqués et mieux
qu’aucun autre ; j’aurais pu prendre mon exemple ailleurs, je serais
Ligne 3 414 ⟶ 3 268 :
l’ai dit plus haut, toutes les fois que-les hommes se rassemblent en
société
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/150]]==
1848, tome 4.djvu/150]]==
particu­lière, il s’établit aussitôt parmi eux un honneur,
c’est-à-dire un ensemble d’opinions qui leur est propre sur ce qu’on
Ligne 3 442 ⟶ 3 295 :
le com­merce et l’industrie. Leur origine, leur état social, les
institutions politiques, le lieu même qu’ils habitent les
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/151]]==
1848, tome 4.djvu/151]]==
entraîne irrésistiblement vers ce côté. Ils forment donc, quant à
présent, une association presque exclusivement industrielle et
Ligne 3 470 ⟶ 3 322 :
américaine ; et elle ne les réprouve que faiblement, quelquefois elle
les
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/152]]==
1848, tome 4.djvu/152]]==
loue ; je citerai particulièrement l’amour des richesses et les
penchants secondaires qui s’y rattachent. Pour défricher, féconder,
Ligne 3 493 ⟶ 3 344 :
entreprises industrielles est la première cause de ses progrès
rapides, de sa force, de sa grandeur. L’industrie est pour lui
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/153]]==
1848, tome 4.djvu/153]]==
comme une vaste loterie où un petit nombre d’hommes perdent chaque
jour, mais où l’État gagne sans cesse ; un semblable peuple doit donc
Ligne 3 519 ⟶ 3 369 :
Ces choses ne sont pas aussi incohérentes qu’on le suppose. L’opinion
publique, aux États-Unis,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/154]]==
1848, tome 4.djvu/154]]==
ne réprime que mollement l’amour des richesses, qui sert à la
gran­deur industrielle et à la prospérité de la nation ; et elle
Ligne 3 545 ⟶ 3 394 :
la prospérité de l’association américaine, et il est
parti­cu­liè­rement honoré et glorifié par elle. On
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/155]]==
1848, tome 4.djvu/155]]==
ne saurait s’en montrer prive, sans déshonneur.
 
Ligne 3 574 ⟶ 3 422 :
dire, qu’une de ses formes. Ils ont donné un nom générique à ce qui
n’était qu’une espèce. L’honneur se retrouve donc
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/156]]==
1848, tome 4.djvu/156]]==
dans les siècles démocratiques comme dans les temps d’aristo­cratie.
Mais il ne sera pas difficile de montrer que dans ceux-là il présente
Ligne 3 602 ⟶ 3 449 :
préceptes, et ces préceptes s’éloigneront de moins en moins des lois
morales adoptées par le commun de l’humanité,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/157]]==
1848, tome 4.djvu/157]]==
 
Ainsi les prescriptions de l’honneur seront moins bizarres et moins
Ligne 3 632 ⟶ 3 478 :
tous les citoyens remuent ; où la société, se modifiant elle-même tous
les jours, change ses opinions avec ses besoins.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/158]]==
1848, tome 4.djvu/158]]==
Dans un pareil pays, on entrevoit la règle de l’honneur, on a rarement
le loisir de la considérer fixement.
Ligne 3 659 ⟶ 3 504 :
Il existe bien, au sein de ce peuple, de certains besoins nationaux
qui font naître des opinions
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/159]]==
1848, tome 4.djvu/159]]==
communes en matière d’honneur ; mais de semblables opinions ne se
présentent jamais en même temps, de la même manière et avec une égale
Ligne 3 684 ⟶ 3 528 :
l’honneur, ne voyant pas distinctement de quel côté il convient de
faire pencher le blâme ou la louange, ne prononce
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/160]]==
1848, tome 4.djvu/160]]==
qu’en hésitant son arrêt. Quelquefois il lui arrive de se contredire
; souvent elle se tient immobile, et laisse faire.
Ligne 3 710 ⟶ 3 553 :
actions n’étaient pas jugées d’après les mêmes règles que celles de
l’aristocratie.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/161]]==
1848, tome 4.djvu/161]]==
 
Ce qui étonne, au premier abord, c’est que, quand l’honneur règne avec
Ligne 3 738 ⟶ 3 580 :
placé qui n’ait son théâtre, et qui doive échapper, par son obscurité,
au blâme ou à la louange.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/162]]==
1848, tome 4.djvu/162]]==
 
Dans les États démocratiques, au contraire, où tous les citoyens sont
Ligne 3 765 ⟶ 3 606 :
besoins particuliers, et ceux-ci, à leur tout, font naître des
opinions spéciales. L’honneur de cette caste, {{tiret|com|posé}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/163]]==
1848, tome 4.djvu/163]]==
{{tiret2|com|posé}} bizarre des notions particulières de la nation et
des notions plus particulières encore de la caste, s’éloignera, autant
Ligne 3 790 ⟶ 3 630 :
dans ce monde que les simples et générales notions du bien et du mal,
auxquelles
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/164]]==
1848, tome 4.djvu/164]]==
s’attacheraient, par un lien naturel et nécessaire, les idées de
louange ou de blâme.
Ligne 3 800 ⟶ 3 639 :
il disparaîtrait avec elles.
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/165]]==
1848, tome 4.djvu/165]]==
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/166]]==
1848, tome 4.djvu/166]]==
 
 
Ligne 3 821 ⟶ 3 658 :
acquérir sans cesse des biens, de la répu­tation, du pouvoir ; peu
envisagent en grand toutes ces choses. Et cela surprend
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/167]]==
1848, tome 4.djvu/167]]==
au premier abord puisqu’on n’aperçoit rien, ni dans les mœurs, ni dans
les lois de l’Amérique, qui doive y borner les désirs et les empêcher
Ligne 3 847 ⟶ 3 683 :
confusion de tous les hommes et de toutes les règles, les citoyens
s’élèvent et tombent avec une
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/168]]==
1848, tome 4.djvu/168]]==
rapidité inouïe, et la puissance passe si vite de mains en mains, que
nul ne doit désespérer de la saisir à son tour.
Ligne 3 873 ⟶ 3 708 :
l’on voit s’allumer de toutes parts des ambitions disproportionnées et
malheureuses
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/169]]==
1848, tome 4.djvu/169]]==
qui brûlent en secret et sans fruit le cœur qui les contient.
 
Ligne 3 898 ⟶ 3 732 :
naît à la fois dans tous les cœurs ; chaque homme veut sortir de sa
place. L’ambition est le sentiment universel.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/170]]==
1848, tome 4.djvu/170]]==
 
Mais, si l’égalité des conditions donne à tous les citoyens quelques
Ligne 3 926 ⟶ 3 759 :
Une remarque analogue est applicable aux fils de ce même homme.
Ceux-ci sont nés, il est vrai,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/171]]==
1848, tome 4.djvu/171]]==
dans une position élevée, mais leurs parents ont été humbles ; ils ont
grandi au milieu de sentiments et d’idées auxquels, plus tard, il leur
Ligne 3 951 ⟶ 3 783 :
nombre de grandes fortunes à faire ; et les carrières qui y mènent
étant ouvertes indistinctement à chaque citoyen,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/172]]==
1848, tome 4.djvu/172]]==
il faut bien que les progrès de tous se ralentissent. Comme les
candidats paraissent à peu près pareils, et qu’il est difficile de
Ligne 3 977 ⟶ 3 808 :
À la Chine, où l’égalité des conditions est très grande et très
ancienne, un homme ne passe d’une
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/173]]==
1848, tome 4.djvu/173]]==
fonction publique à une autre qu’après s’être soumis à un concours.
Cette épreuve se rencontre à chaque pas de sa carrière, et l’idée en
Ligne 4 003 ⟶ 3 833 :
lenteur ; cette vue fatigue d’avance leur ambition et la rebute. Ils
renoncent donc à ces {{tiret|loin|taines}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/174]]==
1848, tome 4.djvu/174]]==
{{tiret2|loin|taines}} et douteuses espérances, pour chercher près
d’eux des jouissances moins hautes et plus faciles. La loi ne borne
Ligne 4 032 ⟶ 3 861 :
Une multitude de petites ambitions fort sensées, du milieu desquelles
s’élancent de loin en loin
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/175]]==
1848, tome 4.djvu/175]]==
quelques grands désirs mal réglés : tel est d’ordinaire le tableau que
présentent les nations démocratiques. Une ambition proportionnée,
Ligne 4 059 ⟶ 3 887 :
Je crois que de nos jours il est fort nécessaire d’épurer, de régler
et de proportion­ner le sentiment
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/176]]==
1848, tome 4.djvu/176]]==
de l’ambition, mais qu’il serait très dangereux de vouloir l’appauvrir
et le comprimer outre mesure. Il faut tâcher de lui poser d’avance
Ligne 4 088 ⟶ 3 915 :
supérieur ; mais cela ce très faux dans un autre ; car ce même homme,
qui ne peut supporter ni la subordination
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/177]]==
1848, tome 4.djvu/177]]==
ni l’éga­lité, se méprise néanmoins lui-même à ce point qu’il ne se
croit fait que pour goûter des plaisirs vulgaires. Il s’arrête
Ligne 4 100 ⟶ 3 926 :
saine ; ce qui leur manque le plus, à mon avis, c’est de l’orgueil.
Je céderais volontiers plusieurs de nos petites vertus pour ce vice.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/178]]==
1848, tome 4.djvu/178]]==
 
{{t3|De l’industrie des places chez certaines nations démocratiques
Ligne 4 117 ⟶ 3 942 :
sentir ses forces et à étendre ses désirs, la première idée qui se
présente à lui est d’obtenir un emploi public. Ces différents effets,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/179]]==
1848, tome 4.djvu/179]]==
sortis d’une même cause, méritent que nous nous arrêtions un moment
ici pour les considérer.
Ligne 4 143 ⟶ 3 967 :
l’existence des fonctionnaires assez assu­rée, de telle sorte que
personne ne désespère d’y obtenir un emploi et
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/180]]==
1848, tome 4.djvu/180]]==
d’en jouir paisiblement comme d’un patrimoine.
 
Ligne 4 170 ⟶ 3 993 :
Chez les peuples démocratiques comme chez tous les autres, le nombre
des emplois publics finit par avoir des bornes ; mais, chez ces mêmes
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/181]]==
1848, tome 4.djvu/181]]==
peuples, le nombre des ambitieux n’en a point ; il s’accroît sans
cesse, par un mouvement graduel et irré­sis­tible, à mesure que les
Ligne 4 195 ⟶ 4 017 :
se suffire à lui-même.
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/182]]==
1848, tome 4.djvu/182]]==
 
 
Ligne 4 213 ⟶ 4 034 :
Alors même que cette grande révolution est terminée, l’on voit encore
subsister pendant longtemps les habitudes révolutionnaires créées par
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/183]]==
1848, tome 4.djvu/183]]==
elles, et de profondes agitations lui succèdent.
 
Ligne 4 242 ⟶ 4 062 :
Cela est-il en effet ? l’égalité des conditions porte-t-elle les
hommes d’une manière habituelle
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/184]]==
1848, tome 4.djvu/184]]==
et permanente vers les révolutions ? contient-elle quelque principe
pertur­bateur qui empêche la société de s’asseoir et dispose les
Ligne 4 269 ⟶ 4 088 :
point de privilè­ges qui attirent les regards ; leur richesse même,
n’étant
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/185]]==
1848, tome 4.djvu/185]]==
plus incorporée à la terre et représentée par elle, est insaisissable
et comme invisible. De même qu’il n’y a plus de races de pauvres, il
Ligne 4 293 ⟶ 4 111 :
s’enrichir ; mais l’embarras est de savoir sur qui prendre. Le même
état social qui
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/186]]==
1848, tome 4.djvu/186]]==
leur suggère sans cesse des désirs renferme ces désirs dans des
limites néces­saires. Il donne aux hommes plus de liberté de changer
Ligne 4 322 ⟶ 4 139 :
Mais les hommes qui vivent dans une aisance également éloignée de
l’opulence et de la {{tiret|mi|sère,}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/187]]==
1848, tome 4.djvu/187]]==
{{tiret2|mi|sère,}} mettent à leurs biens un prix immense. Comme ils
sont encore fort voisins de la pauvreté, ils voient de près ses
Ligne 4 348 ⟶ 4 164 :
bien-être. Il n’y a rien de plus contraire aux passions
révolutionnaires que toutes ces choses.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/188]]==
1848, tome 4.djvu/188]]==
 
Il peut se faire que par son résultat final une révolution serve
Ligne 4 374 ⟶ 4 189 :
disparaître complètement ; ce qu’ont moins à redouter les
propriétaires fonciers, qui, en perdant le {{tiret|re|venu}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/189]]==
1848, tome 4.djvu/189]]==
{{tiret2|re|venu}} de leurs terres, espèrent du moins garder, à
travers les vicissitudes, la terre elle-même. Aussi voit-on que les
Ligne 4 400 ⟶ 4 214 :
détourne de le vouloir. Les violentes passions politiques ont peu de
prise sur des hommes qui ont ainsi attaché toute leur
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/190]]==
1848, tome 4.djvu/190]]==
âme à la poursuite du bien-être. L’ardeur qu’ils mettent aux petites
affaires les calme sur les grandes.
Ligne 4 427 ⟶ 4 240 :
quelquefois, mais ils ne le suivent point. A sa fougue, ils opposent
en secret leur inertie ; à ses instincts révolutionnaires, leurs
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/191]]==
1848, tome 4.djvu/191]]==
intérêts conservateurs, leurs goûts casaniers à ses passions
aventureuses ; leur bon sens aux écarts de son génie ; à sa poésie,
Ligne 4 452 ⟶ 4 264 :
commence à devenir menaçante et au moment même où les passions
semblent le plus excitées,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/192]]==
1848, tome 4.djvu/192]]==
qu’ils redoutent une révolution comme le plus grand des malheurs et
que chacun d’entre eux est résolu intérieurement à faire de grands
Ligne 4 479 ⟶ 4 290 :
amenées par la présence des Noirs sur le sol des États-Unis :
c’est-à-dire que ce
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/193]]==
1848, tome 4.djvu/193]]==
ne sera pas l’égalité des conditions, mais au contraire leur inégalité
qui les fera naître.
Ligne 4 506 ⟶ 4 316 :
ils les subissent quelquefois mais ils ne les font pas. Et j’ajoute
que, quand on leur a permis
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/194]]==
1848, tome 4.djvu/194]]==
d’acquérir des lumières et de l’expérience, ils ne les laissent pas
faire.
Ligne 4 533 ⟶ 4 342 :
l’extirper. Aux États-Unis, les doc­tri­nes générales en matière de
religion, de philosophie, de morale et
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/195]]==
1848, tome 4.djvu/195]]==
même de politique, ne varient point, ou du moins elles ne se modifient
qu’après un travail caché et sou­vent insensible ; les plus grossiers
Ligne 4 557 ⟶ 4 365 :
les préjugés d’un peuple démocratique ; de changer ses croyances ; de
substituer de nouveaux principes religieux, philosophi­ques,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/196]]==
1848, tome 4.djvu/196]]==
politiques et moraux, à ceux qui s’y sont une fois établis ; en un
mot, d’y faire de grandes et fréquentes révolutions dans les
Ligne 4 582 ⟶ 4 389 :
nous sommes témoins n’est pas, ainsi que plusieurs le supposent,
l’état naturel des peuples démocratiques.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/197]]==
1848, tome 4.djvu/197]]==
Je crois qu’il faut plutôt la considérer comme un accident particulier
à leur jeunesse, et qu’elle ne se montre qu’à cette époque de passage
Ligne 4 607 ⟶ 4 413 :
pour guide et à le suivre aveuglément : on ne croit guère sur parole
son semblable ou son égal.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/198]]==
1848, tome 4.djvu/198]]==
 
Ce n’est pas seulement la confiance dans les lumières de certains
Ligne 4 634 ⟶ 4 439 :
et des princes, il aurait peut-être trouvé plus de difficulté à
changer la face de l’Europe.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/199]]==
1848, tome 4.djvu/199]]==
 
Ce n’est pas que les hommes des démocraties soient naturellement fort
Ligne 4 667 ⟶ 4 471 :
 
Lorsqu’on a acquis la confiance d’un peuple
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/200]]==
1848, tome 4.djvu/200]]==
démocratique, c’est encore une gran­de affaire que d’obtenir son
attention. Il est très difficile de se faire écouter des hom­mes qui
Ligne 4 691 ⟶ 4 494 :
hors des routes frayées, et qui fait les grandes révolutions
intellectuelles comme les grandes révolutions politiques.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/201]]==
1848, tome 4.djvu/201]]==
 
Ainsi, les peuples démocratiques n’ont ni le loisir ni le goût d’aller
Ligne 4 718 ⟶ 4 520 :
eux-mêmes, s’y soutiennent et s’y consolent. Il n’en est pas de même
parmi les peuples démocratiques. Chez eux, la faveur publique
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/202]]==
1848, tome 4.djvu/202]]==
semble aussi nécessaire que l’air que l’on respire, et c’est, pour
ainsi dire, ne pas vivre que d’être cri désaccord avec la masse.
Ligne 4 743 ⟶ 4 544 :
difficile d’y croire ce que rejette la masse, et d’y professer ce
qu’elle condamne.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/203]]==
1848, tome 4.djvu/203]]==
 
Ceci favorise merveilleusement la stabilité des croyances.
Ligne 4 769 ⟶ 4 569 :
bruit ; mais chaque jour quelques-uns l’abandonnent, jusqu’à ce
qu’enfin elle ne soit plus partagée que par le petit nombre.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/204]]==
1848, tome 4.djvu/204]]==
 
En cet état, elle règne encore.
Ligne 4 797 ⟶ 4 596 :
incertains, hale­tants, prêts à changer de volonté et de place, on se
figure
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/205]]==
1848, tome 4.djvu/205]]==
qu’ils vont abolir tout à coup leurs lois, adopter de nouvelles
croyances et prendre de nouvelles mœurs. On ne son­ge point que, si
Ligne 4 824 ⟶ 4 622 :
propriété si inquiet et si ardent, je ne puis m’empêcher de craindre
que les hommes
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/206]]==
1848, tome 4.djvu/206]]==
n’arrivent à ce point de regarder toute théorie nouvelle comme un
péril, toute innovation comme un trouble fâcheux, tout progrès social
Ligne 4 844 ⟶ 4 641 :
solitaires et sté­­riles, et que, tout en se remuant sans cesse,
l’humanité n’avance plus.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/207]]==
1848, tome 4.djvu/207]]==
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/208]]==
1848, tome 4.djvu/208]]==
 
{{t3|Pourquoi les peuples démocratiques désirent naturellement la
Ligne 4 864 ⟶ 4 659 :
développement de la richesse mobilière, que la guerre dévore si
rapidement, cette mansuétude des mœurs, cette mollesse de
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/209]]==
1848, tome 4.djvu/209]]==
cœur, cette disposition à la pitié que l’égalité inspire, cette
froi­deur de raison qui rend peu sensible aux poétiques et violentes
Ligne 4 890 ⟶ 4 684 :
d’entretenir des armées, et ses armées, exercent toujours une très
grande influence sur son sort.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/210]]==
1848, tome 4.djvu/210]]==
Il importe donc singu­lièrement de rechercher quels sont les instincts
naturels de ceux qui les com­posent.
Ligne 4 917 ⟶ 4 710 :
rang dans l’armée, occupe encore un rang élevé dans la société ; le
premier n’est presque toujours à ses yeux qu’un accessoire
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/211]]==
1848, tome 4.djvu/211]]==
du second ; le noble, en embrassant la carrière des armes, obéit moins
encore à l’ambition qu’à une sorte de devoir que sa naissance lui
Ligne 4 943 ⟶ 4 735 :
qui était l’accessoire de l’existence dans les armées
{{tiret|aristocra|tiques}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/212]]==
1848, tome 4.djvu/212]]==
{{tiret2|aristocra|tiques}} est ainsi devenu le principal, le tout,
l’existence elle-même.
Ligne 4 969 ⟶ 4 760 :
permet enfin de violer ce droit de l’ancienneté, qui est le seul
privilège naturel à la démocratie.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/213]]==
1848, tome 4.djvu/213]]==
 
Nous arrivons ainsi à cette conséquence singulière que, de toutes les
Ligne 4 996 ⟶ 4 786 :
Lorsque l’esprit militaire abandonne un peuple, la carrière militaire
cesse aussitôt d’être honorée,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/214]]==
1848, tome 4.djvu/214]]==
et les hommes de guerre tombent au dernier rang des fonctionnaires
publics. On les estime peu et on ne les comprend plus. Il arrive
Ligne 5 022 ⟶ 4 811 :
 
Dans la société démocratique, presque tous les
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/215]]==
1848, tome 4.djvu/215]]==
citoyens ont des propriétés à con­ser­ver ; mais les armées
démocratiques sont conduites, en général, par des prolétaires. La
Ligne 5 048 ⟶ 4 836 :
On peut donc dire d’une manière générale que, si les peuples
démocratiques sont naturellement
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/216]]==
1848, tome 4.djvu/216]]==
portés vers la paix par leurs intérêts et leurs instincts, ils sont
sans cesse attirés vers la guerre et les révolutions par leurs armées.
Ligne 5 075 ⟶ 4 862 :
le suspendre, et il revient plus terrible après elle ; car l’armée
souffre bien plus impatiemment la paix après avoir
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/217]]==
1848, tome 4.djvu/217]]==
goûté de la guerre. La guerre ne serait un remède que pour un peuple
qui voudrait toujours la gloire.
Ligne 5 101 ⟶ 4 887 :
s’emparer par la force du souverain pouvoir, à la manière de Sylla et
de César. Le péril est
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/218]]==
1848, tome 4.djvu/218]]==
d’une autre sorte. La guerre ne livre pas toujours les peuples
démocratiques au gouvernement militaire ; mais elle ne peut manquer
Ligne 5 126 ⟶ 4 911 :
à une certaine borne ; de telle sorte qu’on peut arriver à contenter à
peu près tous ceux qui la ressentent.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/219]]==
1848, tome 4.djvu/219]]==
 
Mais, chez un peuple démocratique, on ne gagne rien à accroître
Ligne 5 149 ⟶ 4 933 :
par elle-même la force de calmer et de contenir les gens de guerre ;
ils s’épuiseraient en vains efforts avant d’y atteindre.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/220]]==
1848, tome 4.djvu/220]]==
 
Ce n’est pas dans l’armée qu’on peut rencontrer le remède aux vices de
Ligne 5 176 ⟶ 4 959 :
 
Après tout, et quoi qu’on fasse, une grande {{tiret|ar|mée,}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/221]]==
1848, tome 4.djvu/221]]==
{{tiret2|ar|mée,}} au sein d’un peuple démocra­tique, sera toujours un
grand péril ; et le moyen le plus efficace de diminuer ce péril sera
Ligne 5 183 ⟶ 4 965 :
tous les peuples de pouvoir user.
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/222]]==
1848, tome 4.djvu/222]]==
 
 
Ligne 5 205 ⟶ 4 986 :
 
Le service militaire étant forcé, la charge s’en
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/223]]==
1848, tome 4.djvu/223]]==
partage indistinctement et égale­ment sur tous les citoyens. Cela
ressort encore nécessairement de la condition de ces peuples et de
Ligne 5 231 ⟶ 5 011 :
naître. Ils se plient à leurs de­voirs militaires, mais leur âme
reste attachée aux {{tiret|in|térêts}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/224]]==
1848, tome 4.djvu/224]]==
{{tiret2|in|térêts}} et aux désirs qui la remplis­saient dans la vie
civile. Ils ne prennent donc pas l’esprit de l’armée ; ils apportent
Ligne 5 255 ⟶ 5 034 :
démocratiques, l’offi­cier contracte des goûts et des désirs
entièrement à part de ceux de la nation. Cela se comprend.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/225]]==
1848, tome 4.djvu/225]]==
 
Chez les peuples démocratiques, l’homme qui devient officier rompt
Ligne 5 281 ⟶ 5 059 :
chez les autres. Moins l’officier est par lui-même, </ref>. Il
s’arrête volontiers après
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/226]]==
1848, tome 4.djvu/226]]==
ce grand effort, et songe à jouir de sa conquête. La crainte de
compromettre ce qu’il possè­de amollit déjà dans son cœur l’envie
Ligne 5 308 ⟶ 5 085 :
législateur trouve juste et nécessaire d’en assurer la
jouissance.</ref>
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/227]]==
1848, tome 4.djvu/227]]==
pas encore atteint comme l’officier un point élevé et solide où il lui
soit loisible de s’arrê­ter et de respirer à l’aise, en attendant
Ligne 5 332 ⟶ 5 108 :
qu’il convoite, il n’a donc rien fait. Là seulement il semble entrer
dans la carrière. Chez un homme ainsi aiguillonné sans
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/228]]==
1848, tome 4.djvu/228]]==
cesse par sa jeunesse, ses besoins, ses passions, l’esprit de son
temps, ses espérances et ses craintes, il ne peut manquer de s’allumer
Ligne 5 358 ⟶ 5 133 :
y fera voir l’image fidèle de la nation. Si elle est ignorante et
faible, il se
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/229]]==
1848, tome 4.djvu/229]]==
laissera entraîner au désordre par ses chefs, à son insu ou malgré
lui. Si elle est éclairée et énergique, il les retiendra lui-même
dans l’ordre.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/230]]==
1848, tome 4.djvu/230]]==
 
 
Ligne 5 383 ⟶ 5 156 :
l’embrassent ; l’armée est, en toutes choses, au niveau de la nation ;
souvent même elle le dépasse.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/231]]==
1848, tome 4.djvu/231]]==
 
Nous avons vu comment, au contraire, chez les peuples démocratiques,
Ligne 5 411 ⟶ 5 183 :
généraux, mais des officiers subalternes, dont la plupart sont restés
immobiles, ou n’ont
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/232]]==
1848, tome 4.djvu/232]]==
pu marcher que pas à pas. Si l’on considère une armée démocratique
après une longue paix, on voit avec surprise que tous les soldats sont
Ligne 5 439 ⟶ 5 210 :
 
Une longue paix ne remplit pas seulement les
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/233]]==
1848, tome 4.djvu/233]]==
armées démocratiques de vieux officiers, elle donne encore a tous les
officiers des habitudes de corps et d’esprit qui les rendent peu
Ligne 5 464 ⟶ 5 234 :
sortent de l’armée ; les autres, proportionnant enfin leurs goûts et
leurs désirs à la médiocrité de leur sort,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/234]]==
1848, tome 4.djvu/234]]==
finissent par considérer l’état militaire sous un aspect civil. Ce
qu’ils en prisent le plus, c’est l’aisance et la stabilité qui
Ligne 5 491 ⟶ 5 260 :
L’influence de la paix se fit-elle sentir sur les deux armées de la
même manière, les résultats seraient encore différents.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/235]]==
1848, tome 4.djvu/235]]==
 
Quand les officiers d’une armée aristocratique ont perdu l’esprit
Ligne 5 517 ⟶ 5 285 :
bataille y font quelque­fois des choses prodigieuses, quand on est
enfin parvenu à leur mettre les armes à la main.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/236]]==
1848, tome 4.djvu/236]]==
 
A mesure que la guerre attire de plus en plus vers l’armée tous les
Ligne 5 541 ⟶ 5 308 :
permet à tous l’ambition, et la mort se charge de fournir à toutes les
ambitions des chances. La mort ouvre sans cesse
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/237]]==
1848, tome 4.djvu/237]]==
les rangs, vide les places, ferme la carrière et l’ouvre.
 
Ligne 5 567 ⟶ 5 333 :
guerre leur assure donc des avantages que les autres armées n’ont
jamais ;
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/238]]==
1848, tome 4.djvu/238]]==
et ces avantages, bien que peu sensibles d’abord, ne peuvent manquer,
à la longue, de leur donner la vic­toire.
Ligne 5 575 ⟶ 5 340 :
ne réussit pas à la ruiner dès les premières campagnes, risque
toujours beaucoup d’être vaincu par elle.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/239]]==
1848, tome 4.djvu/239]]==
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/240]]==
1848, tome 4.djvu/240]]==
 
 
Ligne 5 597 ⟶ 5 360 :
l’autre le pauvre ; que le premier est éclairé et fort, et le second
ignorant et faible,
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/241]]==
1848, tome 4.djvu/241]]==
il est facile d’établir entre ces deux hommes le lien le plus étroit
d’obéissance. Le soldat est plié à la disci­pline militaire avant,
Ligne 5 620 ⟶ 5 382 :
volonté même de celui qui obéit ; elle ne s’appuie pas seulement sur
son instinct, mais sur sa raison ; aussi se resserre-t-elle
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/242]]==
1848, tome 4.djvu/242]]==
souvent d’elle-même à proportion que le péril la rend nécessaire. La
discipline d’une armée aristocratique se relâche volontiers dans la
Ligne 5 644 ⟶ 5 405 :
plus que par la contrainte et les châtiments, qu’ils les conduisent.
On dirait des compagnons autant que des chefs.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/243]]==
1848, tome 4.djvu/243]]==
 
Je ne sais si les soldats grecs et romains ont jamais perfectionné au
Ligne 5 652 ⟶ 5 412 :
et Rome le monde.
 
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/244]]==
1848, tome 4.djvu/244]]==
 
{{t3|Quelques considérations sur la guerre dans les sociétés
Ligne 5 669 ⟶ 5 428 :
seulement au progrès qu’a fait chez eux l’égalité ; je n’ai pas
besoin, </ref>. En vain l’ambition ou la colère arme les
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/245]]==
1848, tome 4.djvu/245]]==
princes, une sorte d’apathie et de bienveillance uni­ver­selle les
apaise en dépit d’eux-mêmes et leur fait tomber l’épée des mains : les
Ligne 5 695 ⟶ 5 453 :
autres, la lassitude extrême que les guerres de la Révolution et de
l’Empire ont laissée.</ref>
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/246]]==
1848, tome 4.djvu/246]]==
 
Des peuples démocratiques qui s’avoisinent ne deviennent pas seulement
Ligne 5 733 ⟶ 5 490 :
 
Or, cette similitude des peuples a, quant à
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/247]]==
1848, tome 4.djvu/247]]==
la guerre, des consé­quen­ces très importantes.
 
Ligne 5 761 ⟶ 5 517 :
 
La même cause qui fait naître ce nouveau {{tiret|be|soin}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/248]]==
1848, tome 4.djvu/248]]==
{{tiret2|be|soin}} fournit aussi les moyens de le satisfaire. Car,
ainsi que je l’ai dit, quand tous les hommes sont semblables, ils sont
Ligne 5 788 ⟶ 5 543 :
trouve partout de petits foyers de résistance qui l’arrêtent. Je
comparerai la guerre dans un pays aristocratique à la guerre dans un
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/249]]==
1848, tome 4.djvu/249]]==
pays de montagnes : les vaincus trouvent à chaque instant l’occasion
de se rallier dans de nouvelles positions et d’y tenir ferme.
Ligne 5 813 ⟶ 5 567 :
Non seulement la population ne pourra plus alors continuer la guerre,
mais il est à craindre qu’elle ne veuille pas le tenter.
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/250]]==
1848, tome 4.djvu/250]]==
 
D’après le droit des gens adopté par les nations civilisées, les
Ligne 5 838 ⟶ 5 591 :
aristocratique. Il sera toujours très difficile de déterminer une
population démocratique à prendre les armes
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/251]]==
1848, tome 4.djvu/251]]==
quand la guerre sera portée sur son territoire. C’est pourquoi il est
nécessaire de donner à ces peuples des droits et un esprit politique
Ligne 5 863 ⟶ 5 615 :
merveilleusement appropriée à cet état et qu’il la mettait pour la
première fois en usage. Napoléon est le premier qui
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/252]]==
1848, tome 4.djvu/252]]==
ait parcouru à la tête d’une armée le chemin de toutes les capitales.
Mais c’est la ruine de la société féodale qui lui avait ouvert cette
Ligne 5 888 ⟶ 5 639 :
car elle ne trouve pas dans son sein d’influences anciennes et bien
établies auxquelles elle veuille se soumettre, point de chefs
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/253]]==
1848, tome 4.djvu/253]]==
déjà connus pour ras­sembler les mécontents, les régler et les
conduire ; point de pouvoirs politiques placés au-dessous du pouvoir
Ligne 5 915 ⟶ 5 665 :
étroitement liée et très vivace, qui est en état de se suffire
quel­que temps à elle-même. La guerre {{tiret|pour|rait}}
==[[Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 4.djvu/254]]==
1848, tome 4.djvu/254]]==
{{tiret2|pour|rait}} être sanglante ; mais elle ne serait pas longue ;
car, ou l’armée révoltée attirerait à elle le gouvernement par la