« Les Femmes savantes » : différence entre les versions
Contenu supprimé Contenu ajouté
m corr |
m retrait des NumVers mal placés. préparation du Match&Split |
||
Ligne 6 :
[[Catégorie:Théâtre de Molière|Femmes savantes]]
[[Catégorie:XVIIe siècle|Femmes savantes]]
[[en :The Learned Women]]▼
==__MATCH__:[[Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/515]]==
{{personnages|
Ligne 11 ⟶ 15 :
{{Personnage|Chrysale}}, bon Bourgeois.
{{Personnage|Philaminte}}, femme de Chrysale.
{{Personnage|Armande}},
{{Personnage|Henriette}}, filles de Chrysale et de Philaminte.
{{Personnage|Ariste}}, frère de Chrysale.
Ligne 40 ⟶ 44 :
{{Personnage|Henriette}}
{{Personnage|Armande}}
Ligne 54 ⟶ 58 :
{{Personnage|Henriette}}
Comment ?
{{Personnage|Armande}}
Ah fi, vous dis-je.
Un tel mot à l’esprit offre de dégoûtant ?
De quelle étrange image on est par lui blessée ?
Ligne 66 ⟶ 70 :
{{Personnage|Henriette}}
Me font voir un mari, des enfants, un ménage ;
Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner,
Ligne 72 ⟶ 76 :
{{Personnage|Armande}}
De tels attachements, ô Ciel ! sont pour vous plaire ?
{{Personnage|Henriette}}
Que d’attacher à soi, par le titre d’époux,
Un homme qui vous aime, et soit aimé de vous ;
Et de cette union de tendresse suivie,
Se faire les douceurs d’une innocente vie ?
{{Personnage|Armande}}
Ligne 87 ⟶ 91 :
De vous claquemurer aux choses du ménage,
Et de n’entrevoir point de plaisirs plus touchants,
Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires,
Les bas amusements de ces sortes d’affaires.
À de plus hauts objets élevez vos désirs,
Songez à prendre un goût des plus nobles plaisirs,
À l’esprit comme nous donnez-vous toute entière :
Vous avez notre mère en exemple à vos yeux,
Que du nom de savante on honore en tous lieux,
Tâchez ainsi que moi de vous montrer sa fille,
Et vous rendez sensible aux charmantes douceurs
Que l’amour de l’étude épanche dans les cœurs :
Loin d’être aux lois d’un homme en esclave asservie ;
Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie,
Et donne à la raison l’empire souverain,
Soumettant à ses lois la partie animale
Dont l’appétit grossier aux bêtes nous ravale.
Ce sont là les beaux feux, les doux attachements,
Et les soins où je vois tant de femmes sensibles,
Me paraissent aux yeux des pauvretés horribles.
Ligne 115 ⟶ 119 :
Pour différents emplois nous fabrique en naissant ;
Et tout esprit n’est pas composé d’une étoffe
Si le vôtre est né propre aux élévations
Où montent des savants les spéculations,
Le mien est fait, ma sœur, pour aller terre à terre,
Ne troublons point du Ciel les justes règlements,
Et de nos deux instincts suivons les mouvements ;
Habitez par l’essor d’un grand et beau génie,
Les hautes régions de la philosophie,
Goûtera de l’hymen les terrestres appas.
Ainsi dans nos desseins l’une à l’autre contraire,
Nous saurons toutes deux imiter notre mère ;
Vous, du côté de l’âme et des nobles désirs,
Vous, aux productions d’esprit et de lumière,
Moi, dans celles, ma sœur, qui sont de la matière.
Ligne 136 ⟶ 140 :
Quand sur une personne on prétend se régler,
C’est par les beaux côtés qu’il lui faut ressembler ;
Ma sœur, que de tousser et de cracher comme elle.
Ligne 142 ⟶ 146 :
Mais vous ne seriez pas ce dont vous vous vantez,
Si ma mère n’eût eu que de ces beaux côtés ;
De grâce souffrez-moi par un peu de bonté
Des bassesses à qui vous devez la clarté ;
Ligne 150 ⟶ 154 :
{{Personnage|Armande}}
Du fol entêtement de vous faire un mari :
Mais sachons, s’il vous plaît, qui vous songez à prendre ?
Ligne 157 ⟶ 161 :
{{Personnage|Henriette}}
Et par quelle raison n’y serait-elle pas ?
{{Personnage|Armande}}
Ligne 166 ⟶ 170 :
{{Personnage|Henriette}}
Et vous ne tombez point aux bassesses humaines ;
Votre esprit à l’hymen renonce pour toujours,
Et la philosophie a toutes vos amours :
Ainsi n’ayant au cœur nul dessein pour Clitandre,
{{Personnage|Armande}}
Ligne 180 ⟶ 184 :
{{Personnage|Henriette}}
Il n’ait continué ses adorations ;
Et je n’ai fait que prendre, au refus de votre âme,
Ligne 187 ⟶ 191 :
{{Personnage|Armande}}
Mais à l’offre des vœux d’un amant dépité,
Croyez-vous pour vos yeux sa passion bien forte,
Et qu’en son cœur pour moi toute flamme soit morte ?
Ligne 196 ⟶ 200 :
{{Personnage|Armande}}
Ne soyez pas, ma sœur, d’une si bonne foi,
Qu’il n’y songe pas bien, et se trompe lui-même.
Ligne 203 ⟶ 207 :
Il nous est bien aisé de nous en éclaircir.
Je l’aperçois qui vient, et sur cette matière
</poem>
Ligne 217 ⟶ 221 :
{{Personnage|Armande}}
Imposer la rigueur d’une explication ;
Je ménage les gens, et sais comme embarrasse
Ligne 224 ⟶ 228 :
{{Personnage|Clitandre}}
Non, Madame, mon cœur qui dissimule peu,
Dans aucun embarras un tel pas ne me jette,
Et j’avouerai tout haut d’une âme franche et nette,
Que les tendres liens où je suis arrêté,
Mon amour et mes vœux, sont tout de ce côté.
Vous avez bien voulu les choses de la sorte,
Vos attraits m’avaient pris, et mes tendres soupirs
Vous ont assez prouvé l’ardeur de mes désirs :
Mon cœur vous consacrait une flamme immortelle,
J’ai souffert sous leur joug cent mépris différents,
Ils régnaient sur mon âme en superbes tyrans,
Et je me suis cherché, lassé de tant de peines,
Des vainqueurs plus humains, et de moins rudes chaînes :
Et leurs traits à jamais me seront précieux ;
D’un regard pitoyable ils ont séché mes larmes,
Et n’ont pas dédaigné le rebut de vos charmes ;
De si rares bontés m’ont si bien su toucher,
Et j’ose maintenant vous conjurer, Madame,
De ne vouloir tenter nul effort sur ma flamme,
Ligne 251 ⟶ 255 :
{{Personnage|Armande}}
Et que de vous enfin si fort on se soucie ?
Je vous trouve plaisant, de vous le figurer ;
Ligne 258 ⟶ 262 :
{{Personnage|Henriette}}
Eh doucement, ma sœur. Où donc est la morale
Et retenir la bride aux efforts du courroux ?
Ligne 265 ⟶ 269 :
De répondre à l’amour que l’on vous fait paraître,
Sans le congé de ceux qui vous ont donné l’être ?
Qu’il ne vous est permis d’aimer que par leur choix,
Qu’ils ont sur votre cœur l’autorité suprême,
Ligne 272 ⟶ 276 :
{{Personnage|Henriette}}
Je rends grâce aux bontés que vous me faites voir,
Mon cœur sur vos leçons veut régler sa conduite,
Et pour vous faire voir, ma sœur, que j’en profite,
Clitandre, prenez soin d’appuyer votre amour
De l’agrément de ceux dont j’ai reçu le jour,
Et me donnez moyen de vous aimer sans crime.
Ligne 286 ⟶ 290 :
{{Personnage|Armande}}
Vous triomphez, ma sœur, et faites une mine
{{Personnage|Henriette}}
Moi, ma sœur, point du tout ; je sais que sur vos sens
Les droits de la raison sont toujours tout-puissants,
Et que par les leçons qu’on prend dans la sagesse,
Vous êtes au-dessus d’une telle faiblesse.
Qu’ici vous daignerez vous employer pour moi,
Appuyer sa demande, et de votre suffrage
Ligne 300 ⟶ 304 :
{{Personnage|Armande}}
Et d’un cœur qu’on vous jette on vous voit toute fière.
Ligne 309 ⟶ 313 :
{{Personnage|Armande}}
Et ce sont sots discours qu’il ne faut pas entendre.
Ligne 325 ⟶ 329 :
{{Personnage|Clitandre}}
Et toutes les hauteurs de sa folle fierté
Sont dignes tout au moins de ma sincérité :
Ligne 337 ⟶ 341 :
Qui le soumet d’abord à ce que veut sa femme ;
C’est elle qui gouverne, et d’un ton absolu
Je voudrais bien vous voir pour elle, et pour ma tante,
Une âme, je l’avoue, un peu plus complaisante,
Ligne 344 ⟶ 348 :
{{Personnage|Clitandre}}
Même dans votre sœur flatter leur caractère,
Et les femmes docteurs ne sont point de mon goût.
Je consens qu’une femme ait des clartés de tout,
Mais je ne lui veux point la passion choquante
Et j’aime que souvent aux questions qu’on fait,
Elle sache ignorer les choses qu’elle sait ;
De son étude enfin je veux qu’elle se cache,
Et qu’elle ait du savoir sans vouloir qu’on le sache,
Et clouer de l’esprit à ses moindres propos.
Je respecte beaucoup Madame votre mère,
Mais je ne puis du tout approuver sa chimère,
Et me rendre l’écho des choses qu’elle dit
Son Monsieur Trissotin me chagrine, m’assomme,
Et j’enrage de voir qu’elle estime un tel homme,
Qu’elle nous mette au rang des grands et beaux esprits
Un benêt dont partout on siffle les écrits,
D’officieux papiers fournir toute la halle.
Ligne 371 ⟶ 375 :
Et je me trouve assez votre goût et vos yeux
Mais comme sur ma mère il a grande puissance,
Un amant fait sa cour où s’attache son cœur,
Il veut de tout le monde y gagner la faveur ;
Ligne 378 ⟶ 382 :
{{Personnage|Clitandre}}
M’inspire au fond de l’âme un dominant chagrin.
Je ne puis consentir, pour gagner ses suffrages,
À me déshonorer, en prisant ses ouvrages ;
C’est par eux qu’à mes yeux il a d’abord paru,
Je vis dans le fatras des écrits qu’il nous donne
Ce qu’étale en tous lieux sa pédante personne,
La constante hauteur de sa présomption ;
Cette intrépidité de bonne opinion ;
Qui le rend en tout temps si content de soi-même,
Qui fait qu’à son mérite incessamment il rit ;
Qu’il se sait si bon gré de tout ce qu’il écrit ;
Et qu’il ne voudrait pas changer sa renommée
{{Personnage|Henriette}}
Ligne 402 ⟶ 406 :
Et je vis par les vers qu’à la tête il nous jette,
De quel air il fallait que fût fait le poète ;
Que rencontrant un homme un jour dans le Palais,
Je gageai que c’était Trissotin en personne,
Ligne 412 ⟶ 416 :
{{Personnage|Clitandre}}
Non, je dis la chose comme elle est :
Que mon cœur lui déclare ici notre mystère,
Et gagne sa faveur auprès de votre mère.
Ligne 424 ⟶ 428 :
Souffrez, pour vous parler, Madame, qu’un amant
Prenne l’occasion de cet heureux moment,
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 431 ⟶ 435 :
Contentez-vous des yeux pour vos seuls truchements,
Et ne m’expliquez point par un autre langage
Aimez-moi, soupirez, brûlez pour mes appas,
Mais qu’il me soit permis de ne le savoir pas :
Je puis fermer les yeux sur vos flammes secrètes,
Tant que vous vous tiendrez aux muets interprètes ;
Pour jamais de ma vue il vous faut exiler.
Ligne 443 ⟶ 447 :
Henriette, Madame, est l’objet qui me charme,
Et je viens ardemment conjurer vos bontés
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 452 ⟶ 456 :
{{Personnage|Clitandre}}
Et c’est un pur aveu de ce que j’ai dans l’âme.
Les cieux, par les liens d’une immuable ardeur,
Aux beautés d’Henriette ont attaché mon cœur ;
Henriette me tient sous son aimable empire,
Vous y pouvez beaucoup, et tout ce que je veux,
C’est que vous y daigniez favoriser mes vœux.
Ligne 464 ⟶ 468 :
Je vois où doucement veut aller la demande,
Et je sais sous ce nom ce qu’il faut que j’entende ;
Aux choses que mon cœur m’offre à vous repartir,
Je dirai qu’Henriette à l’hymen est rebelle,
Ligne 471 ⟶ 475 :
{{Personnage|Clitandre}}
Eh, Madame, à quoi bon un pareil embarras,
{{Personnage|Bélise}}
Mon Dieu, point de façons ; cessez de vous défendre
Ligne 477 ⟶ 481 :
Il suffit que l’on est contente du détour
Dont s’est adroitement avisé votre amour,
On veut bien se résoudre à souffrir son hommage,
Pourvu que ses transports par l’honneur éclairés
Ligne 487 ⟶ 491 :
{{Personnage|Bélise}}
Adieu, pour ce coup ceci doit vous suffire,
{{Personnage|Clitandre}}
Ligne 503 ⟶ 507 :
{{Personnage|Clitandre}}
A-t-on rien vu d’égal à ces préventions ?
Allons commettre un autre au soin que l’on me donne,
Ligne 515 ⟶ 519 :
{{Personnage|Ariste}}
Oui, je vous porterai la réponse au plus tôt ;
Qu’un amant, pour un mot, a de choses à dire !
Et qu’impatiemment il veut ce qu’il désire !
Ligne 533 ⟶ 537 :
{{Personnage|Ariste}}
Savez-vous ce qui m’amène ici ?
{{Personnage|Chrysale}}
{{Personnage|Ariste}}
Ligne 545 ⟶ 549 :
{{Personnage|Ariste}}
En quelle estime est-il, mon frère, auprès de vous ?
{{Personnage|Chrysale}}
D’homme d’honneur, d’esprit, de cœur, et de conduite,
{{Personnage|Ariste}}
Ligne 568 ⟶ 572 :
{{Personnage|Chrysale}}
Et nous étions, ma foi, tous deux de verts galants.
Ligne 581 ⟶ 585 :
{{Personnage|Ariste}}
Voilà qui va des mieux :
</poem>
Ligne 600 ⟶ 604 :
{{Personnage|Bélise}}
Et l’affaire n’est pas ce que vous pouvez croire.
Ligne 611 ⟶ 615 :
{{Personnage|Ariste}}
Vous raillez. Ce n’est pas Henriette qu’il aime ?
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 617 ⟶ 621 :
{{Personnage|Ariste}}
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 634 ⟶ 638 :
{{Personnage|Bélise}}
Henriette, entre nous, est un amusement,
Un voile ingénieux, un prétexte, mon frère,
Ligne 641 ⟶ 645 :
{{Personnage|Ariste}}
Dites-nous, s’il vous plaît, cet autre objet qu’il aime.
Ligne 677 ⟶ 681 :
{{Personnage|Ariste}}
Ils vous l’ont dit ?
{{Personnage|Bélise}}
Ils m’ont su révérer si fort jusqu’à ce jour,
Qu’ils ne m’ont jamais dit un mot de leur amour :
Ligne 687 ⟶ 691 :
{{Personnage|Ariste}}
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 702 ⟶ 706 :
{{Personnage|Bélise}}
{{Personnage|Ariste}}
Ligne 728 ⟶ 732 :
Mais, encore une fois, reprenons le discours.
Clitandre vous demande Henriette pour femme,
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 740 ⟶ 744 :
{{Personnage|Chrysale}}
C’est un intérêt qui n’est pas d’importance ;
Et puis son père et moi n’étions qu’un en deux corps.
Ligne 752 ⟶ 756 :
{{Personnage|Ariste}}
Oui ; mais pour appuyer votre consentement,
Allons…
Ligne 767 ⟶ 771 :
{{Personnage|Ariste}}
Et reviendrai savoir…
Ligne 782 ⟶ 786 :
Me voilà bien chanceuse ! Hélas l’an dit bien vrai :
Qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage,
{{Personnage|Chrysale}}
Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous, Martine ?
{{Personnage|Martine}}
Ligne 804 ⟶ 808 :
{{Personnage|Chrysale}}
Je n’entends pas cela. Comment ?
{{Personnage|Martine}}
On me menace,
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 823 ⟶ 827 :
Quoi, je vous vois, maraude ?
Vite, sortez, friponne ; allons, quittez ces lieux,
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 851 ⟶ 855 :
{{Personnage|Chrysale}}
Mon Dieu non ;
{{Personnage|Philaminte}}
Suis-je pour la chasser sans cause légitime ?
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 863 ⟶ 867 :
{{Personnage|Chrysale}}
Hé bien oui. Vous dit-on quelque chose là contre ?
{{Personnage|Philaminte}}
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 883 ⟶ 887 :
{{Personnage|Chrysale}}
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 894 ⟶ 898 :
{{Personnage|Philaminte}}
Voudrais-je la chasser, et vous figurez-vous
{{Personnage|Chrysale}}
Qu’est-ce à dire ? L’affaire est donc considérable ?
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 910 ⟶ 914 :
{{Personnage|Chrysale}}
Quoi ? l’avez-vous surprise à n’être pas fidèle ?
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 917 ⟶ 921 :
{{Personnage|Chrysale}}
Pis que tout cela ?
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 927 ⟶ 931 :
{{Personnage|Philaminte}}
Elle a, d’une insolence à nulle autre pareille,
Par l’impropriété d’un mot sauvage et bas,
Qu’en termes décisifs condamne Vaugelas.
Ligne 937 ⟶ 941 :
Quoi, toujours malgré nos remontrances,
Heurter le fondement de toutes les sciences ;
Et les fait la main haute obéir à ses lois ?
Ligne 956 ⟶ 960 :
{{Personnage|Bélise}}
Toute construction est par elle détruite,
Et des lois du langage on l’a cent fois instruite.
Ligne 965 ⟶ 969 :
{{Personnage|Philaminte}}
Fondé sur la raison et sur le bel usage !
Ligne 984 ⟶ 988 :
{{Personnage|Martine}}
Et je parlons tout droit comme on parle cheux nous.
Ligne 998 ⟶ 1 002 :
{{Personnage|Bélise}}
Ton esprit, je l’avoue, est bien matériel.
Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire ?
{{Personnage|Martine}}
Qui parle d’offenser grand’mère ni grand-père ?
{{Personnage|Philaminte}}
Ô Ciel !
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 1 013 ⟶ 1 017 :
{{Personnage|Martine}}
Ma foi,
Cela ne me fait rien.
Ligne 1 027 ⟶ 1 031 :
{{Personnage|Philaminte}}
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 1 037 ⟶ 1 041 :
{{PersonnageD|Philaminte||à sa sœur.}}
Eh, mon Dieu, finissez un discours de la sorte. {{didascalie|À son mari.|c}}
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 1 045 ⟶ 1 049 :
{{Personnage|Philaminte}}
Comment ? vous avez peur d’offenser la coquine ?
Vous lui parlez d’un ton tout à fait obligeant ?
{{PersonnageD|Chrysale||bas.}}
</poem>
Ligne 1 061 ⟶ 1 065 :
{{Personnage|Philaminte}}
Pour mettre incessamment mon oreille au supplice ?
Pour rompre toute loi d’usage et de raison,
Par un barbare amas de vices d’oraison,
De mots estropiés, cousus par intervalles,
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 1 075 ⟶ 1 079 :
{{Personnage|Chrysale}}
Pourvu qu’à la cuisine elle ne manque pas ?
J’aime bien mieux, pour moi, qu’en épluchant ses herbes,
Elle accommode mal les noms avec les verbes,
Et redise cent fois un bas ou méchant mot,
Je vis de bonne soupe, et non de beau langage.
Vaugelas n’apprend point à bien faire un potage,
Ligne 1 087 ⟶ 1 091 :
{{Personnage|Philaminte}}
Et quelle indignité pour ce qui s’appelle « homme »,
D’être baissé sans cesse aux soins matériels,
Au lieu de se hausser vers les spirituels !
Le corps, cette guenille, est-il d’une importance,
Et ne devons-nous pas laisser cela bien loin ?
{{Personnage|Chrysale}}
Oui, mon corps est moi-même, et j’en veux prendre soin,
Ligne 1 100 ⟶ 1 104 :
{{Personnage|Bélise}}
Le corps avec l’esprit, fait figure, mon frère ;
L’esprit doit sur le corps prendre le pas devant ;
Et notre plus grand soin, notre première instance,
Ligne 1 107 ⟶ 1 111 :
{{Personnage|Chrysale}}
Ma foi si vous songez à nourrir votre esprit,
Et vous n’avez nul soin, nulle sollicitude
Pour…
Ligne 1 119 ⟶ 1 123 :
{{Personnage|Chrysale}}
Que je lève le masque, et décharge ma rate.
De folles on vous traite, et j’ai fort sur le cœur…
Ligne 1 129 ⟶ 1 133 :
C’est à vous que je parle, ma sœur.
Le moindre solécisme en parlant vous irrite :
Vos livres éternels ne me contentent pas,
Et hors un gros Plutarque à mettre mes rabats,
Vous devriez brûler tout ce meuble inutile,
Et laisser la science aux docteurs de la ville ;
Cette longue lunette à faire peur aux gens,
Et cent brimborions dont l’aspect importune :
Ne point aller chercher ce qu’on fait dans la lune,
Et vous mêler un peu de ce qu’on fait chez vous,
Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes,
Qu’une femme étudie, et sache tant de choses.
Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants,
Faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens,
Doit être son étude et sa philosophie.
Nos pères sur ce point étaient gens bien sensés,
Qui disaient qu’une femme en sait toujours assez,
Quand la capacité de son esprit se hausse
Les leurs ne lisaient point, mais elles vivaient bien ;
Leurs ménages étaient tout leur docte entretien,
Et leurs livres un dé, du fil, et des aiguilles,
Dont elles travaillaient au trousseau de leurs filles.
Elles veulent écrire, et devenir auteurs.
Nulle science n’est pour elles trop profonde,
Et céans beaucoup plus qu’en aucun lieu du monde.
Les secrets les plus hauts s’y laissent concevoir,
On y sait comme vont lune, étoile polaire,
Vénus, Saturne, et Mars, dont je n’ai point affaire ;
Et dans ce vain savoir, qu’on va chercher si loin,
On ne sait comme va mon pot dont j’ai besoin.
Et tous ne font rien moins que ce qu’ils ont à faire ;
Raisonner est l’emploi de toute ma maison,
Et le raisonnement en bannit la raison ;
L’un me brûle mon rôt en lisant quelque histoire,
Enfin je vois par eux votre exemple suivi,
Et j’ai des serviteurs, et ne suis point servi.
Une pauvre servante au moins m’était restée,
Qui de ce mauvais air n’était point infectée,
À cause qu’elle manque à parler Vaugelas.
Je vous le dis, ma sœur, tout ce train-là me blesse,
{{didascalie|(Car c’est, comme j’ai dit, à vous que je m’adresse)|c}} ;
Je n’aime point céans tous vos gens à latin,
C’est lui qui dans des vers vous a tympanisées,
Tous les propos qu’il tient sont des billevesées,
Ligne 1 186 ⟶ 1 190 :
{{Personnage|Philaminte}}
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 1 193 ⟶ 1 197 :
Et de ce même sang se peut-il que je sois !
Je me veux mal de mort d’être de votre race,
</poem>
Ligne 1 207 ⟶ 1 211 :
Discourons d’autre affaire. À votre fille aînée
On voit quelque dégoût pour les nœuds d’hyménée ;
Elle est bien gouvernée, et vous faites fort bien.
Mais de toute autre humeur se trouve sa cadette,
Et je crois qu’il est bon de pourvoir Henriette,
De choisir un mari…
Ligne 1 215 ⟶ 1 219 :
{{Personnage|Philaminte}}
C’est à quoi j’ai songé,
Ce Monsieur Trissotin dont on nous fait un crime,
Et qui n’a pas l’honneur d’être dans votre estime,
Est celui que je prends pour l’époux qu’il lui faut,
Et je sais mieux que vous juger de ce qu’il vaut ;
Et de tout point chez moi l’affaire est résolue.
Au moins ne dites mot du choix de cet époux,
Je veux à votre fille en parler avant vous.
J’ai des raisons à faire approuver ma conduite,
</poem>
Ligne 1 241 ⟶ 1 245 :
{{Personnage|Ariste}}
Quel est le succès ? Aurons-nous Henriette ?
A-t-elle consenti ? l’affaire est-elle faite ?
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 1 247 ⟶ 1 251 :
{{Personnage|Ariste}}
Refuse-t-elle ?
{{Personnage|Chrysale}}
Non.
{{Personnage|Ariste}}
Ligne 1 280 ⟶ 1 284 :
{{Personnage|Chrysale}}
{{Personnage|Ariste}}
Vous l’avez accepté ?
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 1 297 ⟶ 1 301 :
{{Personnage|Ariste}}
La raison est fort belle, et c’est faire un grand pas.
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 1 306 ⟶ 1 310 :
Certes votre prudence est rare au dernier point !
N’avez-vous point de honte avec votre mollesse ?
Pour laisser à sa femme un pouvoir absolu,
Et n’oser attaquer ce qu’elle a résolu ?
Ligne 1 313 ⟶ 1 317 :
Mon Dieu, vous en parlez, mon frère, bien à l’aise,
Et vous ne savez pas comme le bruit me pèse.
Et ma femme est terrible avecque son humeur.
Du nom de philosophe elle fait grand mystère,
Mais elle n’en est pas pour cela moins colère ;
Et sa morale faite à mépriser le bien,
Pour peu que l’on s’oppose à ce que veut sa tête,
On en a pour huit jours d’effroyable tempête.
Elle me fait trembler dès qu’elle prend son ton.
Je ne sais où me mettre, et c’est un vrai dragon ;
Il faut que je l’appelle, et « mon cœur », et « ma mie ».
Ligne 1 330 ⟶ 1 334 :
Est par vos lâchetés souveraine sur vous.
Son pouvoir n’est fondé que sur votre faiblesse.
Vous-même à ses hauteurs vous vous abandonnez,
Et vous faites mener en bête par le nez.
Quoi, vous ne pouvez pas, voyant comme on vous nomme,
Vous résoudre une fois à vouloir être un homme ?
Et prendre assez de cœur pour dire un : « Je le veux » ?
Vous laisserez sans honte immoler votre fille
Aux folles visions qui tiennent la famille,
Et de tout votre bien revêtir un nigaud,
Un pédant qu’à tous coups votre femme apostrophe
Du nom de bel esprit, et de grand philosophe,
D’homme qu’en vers galants jamais on n’égala,
Et qui n’est, comme on sait, rien moins que tout cela ?
Et votre lâcheté mérite qu’on en rie.
Ligne 1 358 ⟶ 1 362 :
{{Personnage|Chrysale}}
C’est une chose infâme,
{{Personnage|Ariste}}
Ligne 1 378 ⟶ 1 382 :
Et je lui veux faire aujourd’hui connaître
Que ma fille est ma fille, et que j’en suis le maître,
{{Personnage|Ariste}}
Ligne 1 414 ⟶ 1 418 :
{{Personnage|Armande}}
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 1 432 ⟶ 1 436 :
{{Personnage|Trissotin}}
Son sort assurément a lieu de vous toucher,
Et c’est dans votre cour que j’en viens d’accoucher.
Ligne 1 451 ⟶ 1 455 :
{{Personnage|Philaminte}}
{{Personnage|Henriette}}
Ligne 1 462 ⟶ 1 466 :
{{Personnage|Henriette}}
Je sais peu les beautés de tout ce qu’on écrit,
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 1 473 ⟶ 1 477 :
{{Personnage|Henriette}}
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 1 485 ⟶ 1 489 :
{{Personnage|Bélise}}
Et qu’elle vient d’avoir du point fixe écarté,
Ce que nous appelons centre de gravité ?
Ligne 1 502 ⟶ 1 506 :
{{Personnage|Bélise}}
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 1 511 ⟶ 1 515 :
Un plat seul de huit vers me semble peu de chose,
Et je pense qu’ici je ne ferai pas mal,
Le ragoût d’un sonnet, qui chez une princesse
A passé pour avoir quelque délicatesse.
Ligne 1 521 ⟶ 1 525 :
{{Personnage|Philaminte}}
{{PersonnageD|Bélise||À chaque fois qu’il veut lire, elle l’interrompt.}}
Je sens d’aise mon cœur tressaillir par avance.
Ligne 1 533 ⟶ 1 537 :
SO…
{{PersonnageD|Bélise||à Henriette}}
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 1 550 ⟶ 1 554 :
{{Personnage|Armande}}
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 1 563 ⟶ 1 567 :
{{Personnage|Philaminte}}
J’aime « superbement » et « magnifiquement » ;
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 1 571 ⟶ 1 575 :
<poem>
Votre prudence est endormie,
De traiter magnifiquement,
Et de loger superbement
Votre plus cruelle ennemie.
Ligne 1 580 ⟶ 1 584 :
{{Personnage|Bélise}}
Loger son ennemie !
{{Personnage|Philaminte}}
Superbement, et magnifiquement !
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 1 622 ⟶ 1 626 :
{{Personnage|Bélise}}
{{Personnage|Armande}}
Ligne 1 631 ⟶ 1 635 :
{{Personnage|Philaminte}}
Mais en comprend-on bien comme moi la finesse ?
{{Personnage|Armande}} ''et''
Ligne 1 653 ⟶ 1 657 :
{{Personnage|Philaminte}}
Mais quand vous avez fait ce charmant « quoi qu’on die »,
Songiez-vous bien vous-même à tout ce qu’il nous dit,
Et pensiez-vous alors y mettre tant d’esprit ?
Ligne 1 663 ⟶ 1 667 :
J’ai fort aussi l’ingrate dans la tête,
Cette ingrate de fièvre, injuste, malhonnête,
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 1 673 ⟶ 1 677 :
{{Personnage|Trissotin}}
Faites-la sortir, quoi qu’on die,
{{Personnage|Philaminte}},
{{Personnage|Armande}} ''et''
{{Personnage|Bélise}}
Quoi qu’on die !
{{Personnage|Trissotin}}
De votre riche appartement,
{{Personnage|Philaminte}},
{{Personnage|Armande}} ''et''
{{Personnage|Bélise}}
Riche appartement !
{{Personnage|Trissotin}}
Où cette ingrate insolemment,
{{Personnage|Philaminte}},
{{Personnage|Armande}} ''et''
{{Personnage|Bélise}}
Cette ingrate de fièvre ?
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 1 703 ⟶ 1 707 :
{{Personnage|Armande}} ''et''
{{Personnage|Bélise}} Ah !
{{Personnage|Trissotin}}
<poem>
Quoi, sans respecter votre rang,
</poem>
{{Personnage|Philaminte}},
{{Personnage|Armande}} ''et''
{{Personnage|Bélise}}
Ah !
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 1 731 ⟶ 1 735 :
{{Personnage|Armande}}
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 1 740 ⟶ 1 744 :
{{Personnage|Bélise}}
Sans la marchander davantage,
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 1 753 ⟶ 1 757 :
{{Personnage|Philaminte}}
{{Personnage|Armande}}
Ligne 1 788 ⟶ 1 792 :
</poem>
{{Personnage|Philaminte
{{Personnage|Armande}}
Ligne 1 795 ⟶ 1 799 :
{{Personnage|Trissotin}}
<poem>
L’amour si chèrement m’a vendu son lien,
</poem>
{{Personnage|Bélise}},
{{Personnage|Armande}} ''et''
{{Personnage|Philaminte}}
Ah !
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 1 807 ⟶ 1 811 :
Qu’il m’en coûte déjà la moitié de mon bien.
Et quand tu vois ce beau carrosse
Qu’il étonne tout le pays,
Et fait pompeusement triompher ma Laïs,
</poem>
Ligne 1 841 ⟶ 1 845 :
{{Personnage|Philaminte}}
Je ne sais du moment que je vous ai connu,
Mais j’admire partout vos vers et votre prose.
Ligne 1 850 ⟶ 1 854 :
{{Personnage|Philaminte}}
Je n’ai rien fait en vers, mais j’ai lieu d’espérer
Huit chapitres du plan de notre Académie.
Platon s’est au projet simplement arrêté,
Quand de sa République il a fait le traité ;
Mais à l’effet entier je veux pousser l’idée
Car enfin je me sens un étrange dépit
Du tort que l’on nous fait du côté de l’esprit,
Et je veux nous venger toutes tant que nous sommes
De cette indigne classe où nous rangent les hommes ;
Et nous fermer la porte aux sublimes clartés.
Ligne 1 867 ⟶ 1 871 :
De n’étendre l’effort de notre intelligence,
Qu’à juger d’une jupe, et de l’air d’un manteau,
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 1 876 ⟶ 1 880 :
Pour les dames on sait mon respect en tous lieux,
Et si je rends hommage aux brillants de leurs yeux,
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 1 883 ⟶ 1 887 :
Dont l’orgueilleux savoir nous traite avec mépris,
Que de science aussi les femmes sont meublées,
Conduites en cela par des ordres meilleurs,
Qu’on y veut réunir ce qu’on sépare ailleurs ;
Mêler le beau langage, et les hautes sciences ;
Découvrir la nature en mille expériences ;
Faire entrer chaque secte, et n’en point épouser.
Ligne 1 901 ⟶ 1 905 :
{{Personnage|Bélise}}
Mais le vide à souffrir me semble difficile,
Et je goûte bien mieux la matière subtile.
Ligne 1 915 ⟶ 1 919 :
{{Personnage|Armande}}
Et de nous signaler par quelque découverte.
Ligne 1 924 ⟶ 1 928 :
{{Personnage|Philaminte}}
Pour moi, sans me flatter, j’en ai déjà fait une,
{{Personnage|Bélise}}
Ligne 1 935 ⟶ 1 939 :
{{Personnage|Philaminte}}
Et c’était autrefois l’amour des grands esprits ;
Mais aux stoïciens je donne l’avantage,
Ligne 1 942 ⟶ 1 946 :
{{Personnage|Armande}}
Pour la langue, on verra dans peu nos règlements,
Par une antipathie ou juste, ou naturelle,
Nous avons pris chacune une haine mortelle
Pour un nombre de mots, soit ou verbes, ou noms,
Que mutuellement nous nous abandonnons ;
Et nous devons ouvrir nos doctes conférences
Par les proscriptions de tous ces mots divers,
Ligne 1 953 ⟶ 1 957 :
{{Personnage|Philaminte}}
Mais le plus beau projet de notre académie,
Un dessein plein de gloire, et qui sera vanté
Chez tous les beaux esprits de la postérité,
C’est le retranchement de ces syllabes sales,
Qui dans les plus beaux mots produisent des scandales ;
Ces fades lieux communs de nos méchants plaisants ;
Ces sources d’un amas d’équivoques infâmes,
Ligne 1 964 ⟶ 1 968 :
{{Personnage|Trissotin}}
Voilà certainement d’admirables projets !
{{Personnage|Bélise}}
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 1 976 ⟶ 1 980 :
Par nos lois, prose et vers, tout nous sera soumis.
Nul n’aura de l’esprit, hors nous et nos amis.
Et ne verrons que nous qui sache bien écrire.
</poem>
Ligne 1 990 ⟶ 1 994 :
{{Personnage|Trissotin}}
C’est cet ami savant qui m’a fait tant d’instance
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 2 002 ⟶ 2 006 :
{{Personnage|Philaminte}}
{{Personnage|Trissotin}} Voici l’homme qui meurt du désir de vous voir.
En vous le produisant, je ne crains point le blâme
D’avoir admis chez vous un profane, Madame,
Il peut tenir son coin parmi de beaux esprits.
{{Personnage|Philaminte}}
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 2 026 ⟶ 2 030 :
{{Personnage|Philaminte}}
Que pour l’amour du grec, Monsieur, on vous embrasse. {{didascalie|Il les baise toutes, jusques à Henriette qui le refuse.}}
Ligne 2 037 ⟶ 2 041 :
{{Personnage|Vadius}}
Je crains d’être fâcheux, par l’ardeur qui m’engage
Et j’aurais pu troubler quelque docte entretien.
Ligne 2 048 ⟶ 2 052 :
{{Personnage|Vadius}}
C’est d’en tyranniser les conversations ;
D’être au Palais, au Cours, aux ruelles, aux tables,
De leurs vers fatigants lecteurs infatigables.
Pour moi je ne vois rien de plus sot à mon sens,
Qui des premiers venus saisissant les oreilles,
En fait le plus souvent les martyrs de ses veilles.
On ne m’a jamais vu ce fol entêtement,
Et d’un Grec là-dessus je suis le sentiment,
L’indigne empressement de lire leurs ouvrages.
Voici de petits vers pour de jeunes amants,
Ligne 2 067 ⟶ 2 071 :
{{Personnage|Vadius}}
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 2 080 ⟶ 2 084 :
{{Personnage|Vadius}}
Qui laisse de bien loin votre Horace après vous.
{{Personnage|Trissotin}}
Est-il rien d’amoureux comme vos chansonnettes ?
{{Personnage|Vadius}}
Peut-on voir rien d’égal aux sonnets que vous faites ?
{{Personnage|Trissotin}}
Rien qui soit plus charmant que vos petits rondeaux ?
{{Personnage|Vadius}}
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 2 102 ⟶ 2 106 :
{{Personnage|Trissotin}}
Si la France pouvait connaître votre prix,
{{Personnage|Vadius}}
Ligne 2 108 ⟶ 2 112 :
{{Personnage|Trissotin}}
{{Personnage|Vadius}}
Ligne 2 119 ⟶ 2 123 :
{{Personnage|Vadius}}
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 2 133 ⟶ 2 137 :
{{Personnage|Vadius}}
Cela n’empêche pas qu’il ne soit misérable ;
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 2 144 ⟶ 2 148 :
{{Personnage|Trissotin}}
Je soutiens qu’on ne peut en faire de meilleur ;
{{Personnage|Vadius}}
Vous ?
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 2 161 ⟶ 2 165 :
Il faut qu’en écoutant j’aie eu l’esprit distrait,
Ou bien que le lecteur m’ait gâté le sonnet.
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 2 174 ⟶ 2 178 :
{{Personnage|Vadius}}
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 2 189 ⟶ 2 193 :
{{Personnage|Trissotin}}
{{Personnage|Vadius}}
Ligne 2 205 ⟶ 2 209 :
{{Personnage|Trissotin}}
Va, va restituer tous les honteux larcins
{{Personnage|Vadius}}
Va, va-t’en faire amende honorable au Parnasse,
Ligne 2 217 ⟶ 2 221 :
{{Personnage|Trissotin}}
{{Personnage|Vadius}}
Ligne 2 236 ⟶ 2 240 :
C’est par là que j’y tiens un rang plus honorable.
Il te met dans la foule ainsi qu’un misérable,
Et ne t’a jamais fait l’honneur de redoubler :
Mais il m’attaque à part comme un noble adversaire
Sur qui tout son effort lui semble nécessaire ;
Ligne 2 262 ⟶ 2 266 :
{{Personnage|Trissotin}}
C’est votre jugement que je défends, Madame,
Dans le sonnet qu’il a l’audace d’attaquer.
Ligne 2 269 ⟶ 2 273 :
À vous remettre bien, je me veux appliquer.
Mais parlons d’autre affaire. Approchez, Henriette.
De ce qu’aucun esprit en vous ne se fait voir,
Mais je trouve un moyen de vous en faire avoir.
Ligne 2 276 ⟶ 2 280 :
C’est prendre un soin pour moi qui n’est pas nécessaire,
Les doctes entretiens ne sont point mon affaire.
Il faut se trop peiner, pour avoir de l’esprit.
C’est une ambition que je n’ai point en tête,
Je me trouve fort bien, ma mère, d’être bête
Et j’aime mieux n’avoir que de communs propos,
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 2 288 ⟶ 2 292 :
La beauté du visage est un frêle ornement,
Une fleur passagère, un éclat d’un moment,
Mais celle de l’esprit est inhérente et ferme.
J’ai donc cherché longtemps un biais de vous donner
La beauté que les ans ne peuvent moissonner,
De faire entrer chez vous le désir des sciences,
Et la pensée enfin où mes vœux ont souscrit,
C’est d’attacher à vous un homme plein d’esprit,
Ligne 2 303 ⟶ 2 307 :
{{Personnage|Philaminte}}
{{Personnage|Bélise|à Trissotin}}
Je vous entends. Vos yeux demandent mon aveu,
Pour engager ailleurs un cœur que je possède.
Allez, je le veux bien. À ce nœud je vous cède,
C’est un hymen qui fait votre établissement.
{{Personnage|Trissotin}}
Madame, et cet hymen dont je vois qu’on m’honore
Me met…
Ligne 2 323 ⟶ 2 327 :
Comme vous répondez !
Savez-vous bien que si… Suffit, vous m’entendez.
</poem>
Ligne 2 351 ⟶ 2 355 :
{{Personnage|Armande}}
Nous devons obéir, ma sœur, à nos parents ;
Une mère a sur nous une entière puissance,
Et vous croyez en vain par votre résistance…
Ligne 2 363 ⟶ 2 367 :
{{Personnage|Chrysale}}
Allons, ma fille, il faut approuver mon dessein,
Et le considérez désormais dans votre âme
En homme dont je veux que vous soyez la femme.
Ligne 2 372 ⟶ 2 376 :
{{Personnage|Henriette}}
Il nous faut obéir, ma sœur, à nos parents ;
{{Personnage|Armande}}
Une mère a sa part à notre obéissance.
Ligne 2 386 ⟶ 2 390 :
{{Personnage|Chrysale}}
Taisez-vous, péronnelle !
Et de mes actions ne vous mêlez en rien.
Dites-lui ma pensée, et l’avertissez bien
Ligne 2 396 ⟶ 2 400 :
{{Personnage|Clitandre}}
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 2 403 ⟶ 2 407 :
Tenez, mon cœur s’émeut à toutes ces tendresses,
Cela ragaillardit tout à fait mes vieux jours,
</poem>
Ligne 2 416 ⟶ 2 420 :
Son cœur, pour se livrer, à peine devant moi
S’est-il donné le temps d’en recevoir la loi,
Qu’affecter de braver les ordres d’une mère.</TD></TR>
Ligne 2 423 ⟶ 2 427 :
Les droits de la raison soumettent tous ses vœux ;
Et qui doit gouverner ou sa mère, ou son père,
{{Personnage|Armande}}
Ligne 2 432 ⟶ 2 436 :
{{Personnage|Philaminte}}
Il n’en est pas encore où son cœur peut prétendre.
Mais dans ses procédés il m’a déplu toujours.
Il sait que Dieu merci je me mêle d’écrire,
Ligne 2 444 ⟶ 2 448 :
{{Personnage|Armande}}
Je ne souffrirais point, si j’étais que de vous,
On me ferait grand tort d’avoir quelque pensée,
Que là-dessus je parle en fille intéressée,
Et que le lâche tour que l’on voit qu’il me fait,
Jette au fond de mon cœur quelque dépit secret.
Du solide secours de la philosophie,
Et par elle on se peut mettre au-dessus de tout :
Mais vous traiter ainsi, c’est vous pousser à bout.
Il est de votre honneur d’être à ses vœux contraire,
Jamais je n’ai connu, discourant entre nous,
Qu’il eût au fond du cœur de l’estime pour vous.
{{Personnage|Philaminte}}
Petit sot !
{{Personnage|Armande}}
Ligne 2 469 ⟶ 2 473 :
{{Personnage|Armande}}
J’ai lu des vers de vous qu’il n’a point trouvés beaux.
{{Personnage|Philaminte}}
L’impertinent !
{{Personnage|Armande}}
Ligne 2 486 ⟶ 2 490 :
Pour vouloir me détruire, et prendre tant de soin
De me rendre odieux aux gens dont j’ai besoin ?
Je veux bien que Madame en soit juge équitable.
Ligne 2 493 ⟶ 2 497 :
Je trouverais assez de quoi l’autoriser ;
Vous en seriez trop digne, et les premières flammes
Qu’il faut perdre fortune, et renoncer au jour,
Plutôt que de brûler des feux d’un autre amour ;
Ligne 2 500 ⟶ 2 504 :
{{Personnage|Clitandre}}
Ce que m’a de votre âme ordonné la fierté ?
Je ne fais qu’obéir aux lois qu’elle m’impose ;
Et si je vous offense, elle seule en est cause.
Vos charmes ont d’abord possédé tout mon cœur.
Il n’est soins empressés, devoirs, respects, services,
Dont il ne vous ait fait d’amoureux sacrifices.
Tous mes feux, tous mes soins ne peuvent rien sur vous,
Je vous trouve contraire à mes vœux les plus doux ;
Voyez. Est-ce, Madame, ou ma faute, ou la vôtre ?
Mon cœur court-il au change, ou si vous l’y poussez ?
Ligne 2 517 ⟶ 2 521 :
{{Personnage|Armande}}
Appelez-vous, Monsieur, être à vos vœux contraire,
Et vouloir les réduire à cette pureté
Où du parfait amour consiste la beauté ?
Vous ne sauriez pour moi tenir votre pensée
Du commerce des sens nette et débarrassée ?
Cette union des cœurs, où les corps n’entrent pas.
Vous ne pouvez aimer que d’une amour grossière ?
Qu’avec tout l’attirail des nœuds de la matière ?
Et pour nourrir les feux que chez vous on produit,
Ah quel étrange amour ! et que les belles âmes
Sont bien loin de brûler de ces terrestres flammes !
Les sens n’ont point de part à toutes leurs ardeurs,
Et ce beau feu ne veut marier que les cœurs.
C’est un feu pur et net comme le feu céleste,
On ne pousse avec lui que d’honnêtes soupirs,
Et l’on ne penche point vers les sales désirs.
Rien d’impur ne se mêle au but qu’on se propose.
Ce n’est qu’à l’esprit seul que vont tous les transports
Et l’on ne s’aperçoit jamais qu’on ait un corps.
Ligne 2 543 ⟶ 2 547 :
{{Personnage|Clitandre}}
Pour moi par un malheur, je m’aperçois, Madame,
Que j’ai, ne vous déplaise, un corps tout comme une âme :
De ces détachements je ne connais point l’art ;
Le Ciel m’a dénié cette philosophie,
Et mon âme et mon corps marchent de compagnie.
Il n’est rien de plus beau, comme vous avez dit,
Ces unions de cœurs, et ces tendres pensées,
Du commerce des sens si bien débarrassées :
Mais ces amours pour moi sont trop subtilisés,
Je suis un peu grossier, comme vous m’accusez ;
En veut, je le confesse, à toute la personne.
Ce n’est pas là matière à de grands châtiments ;
Et sans faire de tort à vos beaux sentiments,
Je vois que dans le monde on suit fort ma méthode,
Passe pour un lien assez honnête et doux,
Pour avoir désiré de me voir votre époux,
Ligne 2 566 ⟶ 2 570 :
{{Personnage|Armande}}
Vos sentiments brutaux veulent se contenter ;
Puisque pour vous réduire à des ardeurs fidèles,
Il faut des nœuds de chair, des chaînes corporelles ;
Si ma mère le veut, je résous mon esprit
{{Personnage|Clitandre}}
Ligne 2 580 ⟶ 2 584 :
{{Personnage|Philaminte}}
Quand vous vous promettez cet autre mariage ?
Et dans vos visions savez-vous, s’il vous plaît,
Que j’ai pour Henriette un autre époux tout prêt ?
{{Personnage|Clitandre}}
Eh, Madame, voyez votre choix, je vous prie ;
Et ne me rangez pas à l’indigne destin
De me voir le rival de Monsieur Trissotin.
L’amour des beaux esprits qui chez vous m’est contraire
Ne pouvait m’opposer un moins noble adversaire.
Le mauvais goût du siècle a su mettre en crédit :
Mais Monsieur Trissotin n’a pu duper personne,
Et chacun rend justice aux écrits qu’il nous donne.
Hors céans, on le prise en tous lieux ce qu’il vaut ;
C’est de vous voir au ciel élever des sornettes,
Que vous désavoueriez, si vous les aviez faites.
Ligne 2 610 ⟶ 2 614 :
{{Personnage|Trissotin}}
Nous l’avons en dormant, Madame, échappé belle :
Un monde près de nous a passé tout du long,
Est chu tout au travers de notre tourbillon ;
Et s’il eût en chemin rencontré notre terre,
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 2 624 ⟶ 2 628 :
{{Personnage|Clitandre}}
Je m’explique, Madame, et je hais seulement
La science et l’esprit qui gâtent les personnes.
Ce sont choses de soi qui sont belles et bonnes ;
Mais j’aimerais mieux être au rang des ignorants,
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 2 643 ⟶ 2 647 :
{{Personnage|Clitandre}}
La preuve m’en serait je pense assez facile.
Si les raisons manquaient, je suis sûr qu’en tout cas
Ligne 2 652 ⟶ 2 656 :
{{Personnage|Clitandre}}
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 2 665 ⟶ 2 669 :
{{Personnage|Clitandre}}
Qu’un sot savant est sot plus qu’un sot ignorant.
Ligne 2 674 ⟶ 2 678 :
{{Personnage|Clitandre}}
Si vous le voulez prendre aux usages du mot,
{{Personnage|Trissotin}}
La sottise dans l’un se fait voir toute pure.
Ligne 2 688 ⟶ 2 692 :
{{Personnage|Trissotin}}
Puisque pour elle ainsi vous prenez tant les armes.
Ligne 2 696 ⟶ 2 700 :
{{Personnage|Trissotin}}
Ces certains savants-là, peuvent à les connaître
{{Personnage|Clitandre}}
Ligne 2 708 ⟶ 2 712 :
Eh, Madame, de grâce,
Monsieur est assez fort, sans qu’à son aide on passe :
Et si je me défends, ce n’est qu’en reculant.
Ligne 2 720 ⟶ 2 724 :
{{Personnage|Philaminte}}
On souffre aux entretiens ces sortes de combats,
{{Personnage|Clitandre}}
Ligne 2 729 ⟶ 2 733 :
{{Personnage|Trissotin}}
De voir prendre à Monsieur la thèse qu’il appuie.
Il est fort enfoncé dans la cour, c’est tout dit :
La ocur, comme l’on sait, ne tient pas pour l’esprit ;
Elle a quelque intérêt d’appuyer l’ignorance,
{{Personnage|Clitandre}}
Ligne 2 741 ⟶ 2 745 :
Vous autres beaux esprits, vous déclamiez contre elle ;
Que de tous vos chagrins vous lui fassiez querelle ;
N’accusiez que lui seul de vos méchants succès.
Permettez-moi, Monsieur Trissotin, de vous dire,
Avec tout le respect que votre nom m’inspire,
Que vous feriez fort bien, vos confrères, et vous,
Qu’à le bien prendre au fond, elle n’est pas si bête
Que vous autres Messieurs vous vous mettez en tête ;
Qu’elle a du sens commun pour se connaître à tout ;
Que chez elle on se peut former quelque bon goût ;
Tout le savoir obscur de la pédanterie.
Ligne 2 762 ⟶ 2 766 :
{{Personnage|Trissotin}}
Ce que je vois, Monsieur, c’est que pour la science
Et que tout leur mérite exposé fort au jour,
N’attire point les yeux et les dons de la cour.
Ligne 2 769 ⟶ 2 773 :
Je vois votre chagrin, et que par modestie
Vous ne vous mettez point, Monsieur, de la partie :
Que font-ils pour l’État vos habiles héros ?
Qu’est-ce que leurs écrits lui rendent de service,
Pour accuser la cour d’une horrible injustice,
Et se plaindre en tous lieux que sur leurs doctes noms
Leur savoir à la France est beaucoup nécessaire,
Et des livres qu’ils font la Cour a bien affaire.
Il semble à trois gredins, dans leur petit cerveau,
Que pour être imprimés, et reliés en veau,
Qu’avec leur plume ils font les destins des couronnes ;
Qu’au moindre petit bruit de leurs productions,
Ils doivent voir chez eux voler les pensions ;
Que sur eux l’univers a la vue attachée ;
Et qu’en science ils sont des prodiges fameux,
Pour savoir ce qu’ont dit les autres avant eux,
Pour avoir eu trente ans des yeux et des oreilles,
Pour avoir employé neuf ou dix mille veilles
Et se charger l’esprit d’un ténébreux butin
De tous les vieux fatras qui traînent dans les livres ;
Gens qui de leur savoir paraissent toujours ivres ;
Riches pour tout mérite, en babil importun,
Et pleins d’un ridicule, et d’une impertinence
À décrier partout l’esprit et la science.
Ligne 2 801 ⟶ 2 805 :
Votre chaleur est grande, et cet emportement
De la nature en vous marque le mouvement.
</poem>
Ligne 2 815 ⟶ 2 819 :
{{Personnage|Philaminte}}
Quelque important que soit ce qu’on veut que je lise,
De se venir jeter au travers d’un discours,
Et qu’aux gens d’un logis il faut avoir recours,
Ligne 2 822 ⟶ 2 826 :
{{Personnage|Julien}}
Je noterai cela, Madame, dans mon livre.
{{PersonnageD|Philaminte||lit : }}
''Trissotin s’est vanté, Madame, qu’il épouserait votre fille. Je vous donne avis que sa philosophie n’en veut qu’à vos richesses, et que vous ferez bien de ne point conclure ce mariage, que vous n’ayez vu le poème que je compose contre lui. En attendant cette peinture où je prétends vous le dépeindre de toutes
{{PersonnageD|Philaminte||poursuit.}}
Un mérite attaqué de beaucoup d’ennemis ;
Et ce déchaînement aujourd’hui me convie,
À faire une action qui confonde l’envie ;
Qui lui fasse sentir que l’effort qu’elle fait,
Reportez tout cela sur l’heure à votre maître ;
Et lui dites, qu’afin de lui faire connaître
Quel grand état je fais de ses nobles avis,
Et comme je les crois dignes d’être suivis,
Vous, Monsieur, comme ami de toute la famille,
À signer leur contrat vous pourrez assister,
Et je vous y veux bien de ma part inviter.
Armande, prenez soin d’envoyer au notaire,
{{Personnage|Armande}}
Ligne 2 849 ⟶ 2 853 :
{{Personnage|Philaminte}}
Et si je la saurai réduire à son devoir.
{{didascalie|Elle s’en va.}}
Ligne 2 858 ⟶ 2 862 :
{{Personnage|Clitandre}}
Je m’en vais travailler, Madame, avec ardeur,
{{Personnage|Armande}}
Ligne 2 874 ⟶ 2 878 :
{{Personnage|Armande}}
{{Personnage|Clitandre}}
Ligne 2 890 ⟶ 2 894 :
{{Personnage|Chrysale}}
Pourquoi diantre vouloir ce Monsieur Trissotin ?
Ligne 2 901 ⟶ 2 905 :
{{Personnage|Chrysale}}
Dès ce soir ?
{{Personnage|Clitandre}}
Ligne 2 907 ⟶ 2 911 :
{{Personnage|Chrysale}}
Pour la contrecarrer, vous marier vous deux.
Ligne 2 918 ⟶ 2 922 :
{{Personnage|Clitandre}}
Et Madame doit être instruite par sa sœur,
{{Personnage|Chrysale}} Et moi, je lui commande avec pleine puissance,
De préparer sa main à cette autre alliance.
Ah je leur ferai voir, si pour donner la loi,
Il est dans ma maison d’autre maître que moi.
Allons, suivez mes pas, mon frère, et vous mon gendre.
Ligne 2 934 ⟶ 2 938 :
{{Personnage|Clitandre}}
Quelque secours puissant qu’on promette à ma flamme,
{{Personnage|Henriette}}
Ligne 2 949 ⟶ 2 953 :
{{Personnage|Henriette}}
Et si tous mes efforts ne me donnent à vous,
Il est une retraite où notre âme se donne,
Ligne 2 956 ⟶ 2 960 :
{{Personnage|Clitandre}}
Veuille le juste Ciel me garder en ce jour,
</poem>
Ligne 2 966 ⟶ 2 970 :
{{Personnage|Henriette}}
C’est sur le mariage où ma mère s’apprête,
Que j’ai voulu, Monsieur, vous parler tête à tête ;
Et j’ai cru dans le trouble où je vois la maison,
Que je pourrais vous faire écouter la raison.
De vous porter en dot un bien considérable :
Mais l’argent dont on voit tant de gens faire cas,
Pour un vrai philosophe a d’indignes appas ;
Et le mépris du bien et des grandeurs frivoles,
{{Personnage|Trissotin}}
Aussi n’est-ce point là ce qui me charme en vous ;
Et vos brillants attraits, vos yeux perçants et doux,
Votre grâce et votre air sont les biens, les richesses,
Qui vous ont attiré mes vœux et mes tendresses ;
{{Personnage|Henriette}}
Ligne 2 988 ⟶ 2 992 :
Et j’ai regret, Monsieur, de n’y pouvoir répondre.
Je vous estime autant qu’on saurait estimer,
Un cœur, vous le savez, à deux ne saurait être,
Et je sens que du mien Clitandre s’est fait maître.
Je sais qu’il a bien moins de mérite que vous,
Que j’ai de méchants yeux pour le choix d’un époux,
Je vois bien que j’ai tort, mais je n’y puis que faire ;
Et tout ce que sur moi peut le raisonnement,
C’est de me vouloir mal d’un tel aveuglement.
{{Personnage|Trissotin}}
Le don de votre main où l’on me fait prétendre,
Et par mille doux soins, j’ai lieu de présumer,
Que je pourrai trouver l’art de me faire aimer.
Ligne 3 007 ⟶ 3 011 :
Non, à ses premiers vœux mon âme est attachée,
Et ne peut de vos soins, Monsieur, être touchée.
Et mon aveu n’a rien qui vous doive choquer.
Cette amoureuse ardeur qui dans les cœurs s’excite,
N’est point, comme l’on sait, un effet du mérite ;
Le caprice y prend part, et quand quelqu’un nous plaît,
Si l’on aimait, Monsieur, par choix et par sagesse,
Vous auriez tout mon cœur et toute ma tendresse ;
Mais on voit que l’amour se gouverne autrement.
Laissez-moi, je vous prie, à mon aveuglement,
Que pour vous on veut faire à mon obéissance.
Quand on est honnête homme, on ne veut rien devoir
À ce que des parents ont sur nous de pouvoir.
On répugne à se faire immoler ce qu’on aime,
Ne poussez point ma mère à vouloir par son choix,
Exercer sur mes vœux la rigueur de ses droits.
Ôtez-moi votre amour, et portez à quelque autre
Ligne 3 029 ⟶ 3 033 :
{{Personnage|Trissotin}}
Imposez-lui des lois qu’il puisse exécuter.
De ne vous point aimer peut-il être capable,
Ligne 3 036 ⟶ 3 040 :
{{Personnage|Henriette}}
Vous avez tant d’Iris, de Philis, d’Amarantes,
Que partout dans vos vers vous peignez si charmantes,
Et pour qui vous jurez tant d’amoureuse ardeur…
Ligne 3 043 ⟶ 3 047 :
{{Personnage|Trissotin}}
C’est mon esprit qui parle, et ce n’est pas mon cœur.
Mais j’aime tout de bon l’adorable Henriette.
Ligne 3 053 ⟶ 3 057 :
Mon offense envers vous n’est pas prête à cesser.
Cette ardeur jusqu’ici de vos yeux ignorée,
Rien n’en peut arrêter les aimables transports ;
Et bien que vos beautés condamnent mes efforts,
Je ne puis refuser le secours d’une mère
Qui prétend couronner une flamme si chère ;
Pourvu que je vous aie, il n’importe comment.
{{Personnage|Henriette}}
Mais savez-vous qu’on risque un peu plus qu’on ne pense,
À vouloir sur un cœur user de violence ?
Qu’il ne fait pas bien sûr, à vous le trancher net,
Et qu’elle peut aller en se voyant contraindre,
À des ressentiments que le mari doit craindre ?
Ligne 3 072 ⟶ 3 076 :
Un tel discours n’a rien dont je sois altéré.
À tous événements le sage est préparé.
Il se met au-dessus de ces sortes d’affaires,
Et n’a garde de prendre aucune ombre d’ennui
Ligne 3 079 ⟶ 3 083 :
{{Personnage|Henriette}}
En vérité, Monsieur, je suis de vous ravie ;
Fût si belle qu’elle est, d’instruire ainsi les gens
À porter constamment de pareils accidents.
Cette fermeté d’âme à vous si singulière,
Mérite qu’on lui donne une illustre matière ;
Les soins continuels de la mettre en son jour ;
Et comme à dire vrai, je n’oserais me croire
Bien propre à lui donner tout l’éclat de sa gloire,
Je le laisse à quelque autre, et vous jure entre nous,
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 3 103 ⟶ 3 107 :
Ah, ma fille, je suis bien aise de vous voir.
Allons, venez-vous-en faire votre devoir,
Je veux, je veux apprendre à vivre à votre mère ;
Et pour la mieux braver, voilà, malgré ses dents,
Ligne 3 110 ⟶ 3 114 :
{{Personnage|Henriette}}
Vos résolutions sont dignes de louange.
Soyez ferme à vouloir ce que vous souhaitez,
Et ne vous laissez point séduire à vos bontés.
Ligne 3 117 ⟶ 3 121 :
{{Personnage|Chrysale}}
{{Personnage|Henriette}}
Ligne 3 123 ⟶ 3 127 :
{{Personnage|Chrysale}}
Suis-je un fat, s’il vous plaît ?
{{Personnage|Henriette}}
Ligne 3 130 ⟶ 3 134 :
{{Personnage|Chrysale}}
Me croit-on incapable
Des fermes sentiments d’un homme raisonnable ?
{{Personnage|Henriette}}
Ligne 3 137 ⟶ 3 141 :
{{Personnage|Chrysale}}
Est-ce donc qu’à l’âge où je me voi,
{{Personnage|Henriette}}
Ligne 3 144 ⟶ 3 148 :
{{Personnage|Chrysale}}
Et que j’aurais cette faiblesse d’âme,
De me laisser mener par le nez à ma femme ?
{{Personnage|Henriette}}
Ligne 3 154 ⟶ 3 158 :
{{Personnage|Henriette}}
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 3 176 ⟶ 3 180 :
{{Personnage|Chrysale}}
{{Personnage|Henriette}}
Ligne 3 185 ⟶ 3 189 :
{{Personnage|Henriette}}
Qui vous dit le contraire ?
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 3 193 ⟶ 3 197 :
{{Personnage|Henriette}}
Veuillez être obéi, c’est tout ce que je veux.
Ligne 3 207 ⟶ 3 211 :
{{Personnage|Martine}}
Laissez-moi, j’aurai soin
</poem>
Ligne 3 223 ⟶ 3 227 :
{{Personnage|Bélise}}
Mais au moins en faveur, Monsieur, de la science,
Veuillez au lieu d’écus, de livres et de francs,
Ligne 3 230 ⟶ 3 234 :
{{Personnage|le notaire}}
Je me ferais siffler de tous mes compagnons.
Ligne 3 237 ⟶ 3 241 :
Allons, Monsieur, prenez la table pour écrire.
Ah, ah ! cette impudente ose encor se produire ?
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 3 244 ⟶ 3 248 :
{{Personnage|le notaire}}
Procédons au contrat. Où donc est la future ?
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 3 253 ⟶ 3 257 :
{{Personnage|Chrysale}}
{{Personnage|le notaire}}
Ligne 3 270 ⟶ 3 274 :
{{Personnage|Philaminte}}
Où vous arrêtez-vous ?
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 3 283 ⟶ 3 287 :
{{Personnage|Chrysale}}
{{Personnage|le notaire}}
Ligne 3 289 ⟶ 3 293 :
{{Personnage|Philaminte}}
Quoi donc, vous combattez les choses que je veux ?
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 3 295 ⟶ 3 299 :
Que pour l’amour du bien qu’on voit dans ma famille.
{{Personnage|Philaminte}}
Et c’est là pour un sage, un fort digne souci !
{{Personnage|Chrysale}}
Enfin pour son époux, j’ai fait choix de Clitandre.
Ligne 3 305 ⟶ 3 309 :
{{Personnage|Chrysale}}
{{Personnage|Martine}}
Ligne 3 322 ⟶ 3 326 :
{{Personnage|Martine}}
Quand sa femme chez lui porte le haut-de-chausse.
Ligne 3 332 ⟶ 3 336 :
Je voudrais qu’il se fît le maître du logis.
Je ne l’aimerais point, s’il faisait le jocrisse
Si je parlais trop haut, je trouverais fort bon,
Qu’avec quelques soufflets il rabaissât mon ton.
Ligne 3 347 ⟶ 3 351 :
{{Personnage|Martine}}
Lui refuser Clitandre ? Et pourquoi, s’il vous plaît,
Lui bailler un savant, qui sans cesse épilogue ?
Il lui faut un mari, non pas un pédagogue :
Et ne voulant savoir le grais, ni le latin,
{{Personnage|Chrysale}}
Ligne 3 364 ⟶ 3 368 :
Et pour mon mari, moi, mille fois je l’ai dit,
Je ne voudrais jamais prendre un homme d’esprit.
Les livres cadrent mal avec le mariage ;
Et je veux, si jamais on engage ma foi,
Un mari qui n’ait point d’autre livre que moi ;
Qui ne sache ''A'', ne ''B'', n’en déplaise à Madame,
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 3 381 ⟶ 3 385 :
Et moi, pour trancher court toute cette dispute,
Il faut qu’absolument mon désir s’exécute.
Je l’ai dit, je le veux, ne me répliquez pas :
Et si votre parole à Clitandre est donnée,
Ligne 3 388 ⟶ 3 392 :
{{Personnage|Chrysale}}
Voilà dans cette affaire un accommodement.
{{Personnage|Henriette}}
Eh mon père !
{{Personnage|Clitandre}}
Ligne 3 401 ⟶ 3 405 :
Mais nous établissons une espèce d’amour
Qui doit être épuré comme l’astre du jour ;
Mais nous en bannissons la substance étendue.
</poem>
Ligne 3 413 ⟶ 3 417 :
Par le chagrin qu’il faut que j’apporte en ces lieux.
Ces deux lettres me font porteur de deux nouvelles,
L’une pour vous, me vient de votre procureur ;
L’autre pour vous, me vient de Lyon.
Ligne 3 430 ⟶ 3 434 :
{{Personnage|Philaminte}}
Mon cœur n’est point du tout ébranlé de ce coup.
Faites, faites paraître une âme moins commune
Ligne 3 439 ⟶ 3 443 :
{{Personnage|Ariste}}
Et vous vous êtes là justement récriée.
Il devait avoir mis que vous êtes priée,
Ligne 3 449 ⟶ 3 453 :
{{PersonnageD|Chrysale||lit.}}
''Monsieur, l’amitié qui me lie à Monsieur votre frère, me fait prendre intérêt à tout ce qui vous touche. Je sais que vous avez mis votre bien entre les mains d’Argante et de Damon, et je vous donne avis qu’en même jour ils ont fait tous deux banqueroute.''
{{Personnage|Philaminte}}
Ah quel honteux transport ! Fi ! tout cela n’est rien.
Il n’est pour le vrai sage aucun revers funeste,
Et perdant toute chose, à soi-même il se reste.
Achevons notre affaire, et quittez votre ennui ;
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 3 465 ⟶ 3 469 :
{{Personnage|Philaminte}}
Cette réflexion vous vient en peu de temps !
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 3 474 ⟶ 3 478 :
{{Personnage|Philaminte}}
Je vois, je vois de vous, non pas pour votre gloire,
{{Personnage|Trissotin}}
Ligne 3 481 ⟶ 3 485 :
Mais je ne suis point homme à souffrir l’infamie
Des refus offensants qu’il faut qu’ici j’essuie ;
Et je baise les mains à qui ne me veut pas.
Ligne 3 490 ⟶ 3 494 :
{{Personnage|Clitandre}}
Je ne me vante point de l’être, mais enfin
Et j’ose vous offrir, avecque ma personne,
Ce qu’on sait que de bien la fortune me donne.
Ligne 3 497 ⟶ 3 501 :
Vous me charmez, Monsieur, par ce trait généreux,
Et je veux couronner vos désirs amoureux.
{{Personnage|Henriette}}
Ligne 3 508 ⟶ 3 512 :
{{Personnage|Henriette}}
Et je vous ai toujours souhaité pour époux,
Lorsqu’en satisfaisant à mes vœux les plus doux,
J’ai vu que mon hymen ajustait vos affaires :
Mais lorsque nous avons les destins si contraires,
Pour ne vous charger point de notre adversité.
Ligne 3 522 ⟶ 3 526 :
{{Personnage|Henriette}}
L’amour dans son transport parle toujours ainsi.
Rien n’use tant l’ardeur de ce nœud qui nous lie,
Que les fâcheux besoins des choses de la vie ;
Ligne 3 529 ⟶ 3 533 :
{{Personnage|Ariste}}
Qui vous fait résister à l’hymen de Clitandre ?
{{Personnage|Henriette}}
Ligne 3 538 ⟶ 3 542 :
{{Personnage|Ariste}}
Laissez-vous donc lier par des chaînes si belles.
Et c’est un stratagème, un surprenant secours,
Que j’ai voulu tenter pour servir vos amours ;
Ligne 3 548 ⟶ 3 552 :
{{Personnage|Philaminte}}
Par le chagrin qu’aura ce lâche déserteur.
Voilà le châtiment de sa basse avarice,
Ligne 3 557 ⟶ 3 561 :
{{Personnage|Armande}}
{{Personnage|Philaminte}}
Ligne 3 566 ⟶ 3 570 :
{{Personnage|Bélise}}
Qu’il prenne garde au moins que je suis dans son cœur.
Qu’on s’en repent après tout le temps de sa vie.
Ligne 3 573 ⟶ 3 577 :
Et faites le contrat ainsi que je l’ai dit.
</poem>
▲[[en:The Learned Women]]
|