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pour ne pas parler de « mystère, » y a substitué ce qu’elle appelle « l’inconscient. » Mais il n’y a de changé que le mot. Philosophes, physiologistes, neurologistes, tous s’accordent à reconnaître que notre activité réfléchie est à peine une traînée de lumière dans le vaste domaine de l’inconscient ; ou, si l’on préfère une autre comparaison, nos résolutions affleurent dans la conscience, mais elles ont dans l’inconscient leurs racines profondes. Le merveilleux des anciens était puisé directement à leur mythologie ; nos écrivains du XVIIe siècle le leur ont emprunté, par admiration de lettrés et « aussi par scrupule de chrétiens qui ne voulaient pas mêler aux fictions de la littérature les vérités de la religion. Le XVIe siècle anglais n’a pas connu cette rupture avec le Moyen âge qui, en France, a été l’œuvre des humanistes et des poètes de la Pléiade. Aussi Shakspeare n’hésite-t-il pas à faire de la rencontre avec les sorcières le prologue de Macbeth, non plus qu’à faire de l’apparition du spectre la préface d’Hamlet. Et les fatidiques sœurs sont des sœurs véridiques, car elles sont des instrumens au service du diable, qui dispose des pièges sous les pas des hommes afin de les faire tomber dans le péché.

Écartons ce voile de symbole, allons aux réalités : nous assistons à la naissance de l’idée criminelle dans une âme ambitieuse et jusque-là vertueuse. Macbeth est un bon officier qui, dans la situation secondaire où le confinaient sa naissance et son rang, s’est comporté en serviteur irréprochable. La guerre, où il s’est engagé sans arrière-pensée, uniquement attentif à défendre son maître, a fait de lui un général victorieux. La libéralité du Roi qui accumule les honneurs sur sa tête fait de lui le premier personnage du royaume. Cette prospérité si brillante, si rapide, et qui arrive en coup de vent, c’est ce qui va le perdre. Il est pareil à tant d’autres, qui n’ont pas pu supporter la bonne fortune et que leur succès a grisés. Cette couronne dont hier il était trop éloigné pour songer même à la convoiter, il l’aperçoit maintenant à portée de sa main et n’en est plus séparé que par l’épaisseur d’un crime. Mais entre ce crime et lui il y a tout son passé d’honnêteté. Ce passé, rien ne saurait faire qu’il n’ait été et qu’il ne se survive au fond d’une conscience même égarée. C’est là tout le rôle et de là vient toute sa richesse à la fois dramatique et psychologique. Certes il faut voir en Macbeth le mélange, qui n’est pas rare, de la bravoure militaire avec la faiblesse de caractère : sur le champ de bataille, il a le coup d’œil sûr et l’exécution prompte ; dans l’ordinaire de la vie, on ne le reconnaît plus, il semble que rien ne lui reste de son énergie. Brave et timide, quand il n’est pas aux prises avec le danger, il