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Il nous importe aussi de savoir qu’en 1788, à Auxonne, il se proposait d’écrire une dissertation sur l’autorité royale et d’établir « qu’il n’y a que fort peu de rois qui n’eussent pas mérité d’être détrônés. » Mais en général il ne fait que transcrire ses auteurs, il est avare de ses réflexions personnelles, et quand il nous apprend que Cécrops fut le premier roi d’Athènes, que Milon mangea un bœuf de quatre ans, qu’Alcibiade avait un chien qui coûtait 3 500 livres, ou que les éphores mirent à l’amende le père d’Agésilas pour avoir épousé une petite femme qui n’était propre qu’à enfanter des roitelets, quelque bonne volonté que nous y mettions, il ne nous apprend rien sur lui-même. Je regrette que M. Masson n’ait pas pratiqué quelques coupes sombres dans ces cahiers d’écolier ; que par une superstition d’éditeur, il n’ait pas dégagé de tout fatras les documens précieux que contiennent ses deux volumes in-octavo. Aujourd’hui tout le monde sait lire, et jamais il n’y eut moins de vrais lecteurs ; jamais cette grosse gourmandise de l’esprit, qui avale et digère tout, ne fut plus rare. De toutes les notes que Napoléon tira de la Géographie de Lacroix, une seule méritait d’être religieusement transcrite. C’est la dernière, qui est ainsi conçue : « Sainte-Hélène, petite île. »
Il nous importe aussi de savoir qu’en 1788, à Auxonne, il se proposait d’écrire une dissertation sur l’autorité royale et d’établir « qu’il n’y a que fort peu de rois qui n’eussent pas mérité d’être détrônés. » Mais en général il ne fait que transcrire ses auteurs, il est avare de ses réflexions personnelles, et quand il nous apprend que Cécrops fut le premier roi d’Athènes, que Milon mangea un bœuf de quatre ans, qu’Alcibiade avait un chien qui coûtait 3 500 livres, ou que les éphores mirent à l’amende le père d’Agésilas pour avoir épousé une petite femme qui n’était propre qu’à enfanter des roitelets, quelque bonne volonté que nous y mettions, il ne nous apprend rien sur lui-même. Je regrette que M. Masson n’ait pas pratiqué quelques coupes sombres dans ces cahiers d’écolier ; que par une superstition d’éditeur, il n’ait pas dégagé de tout fatras les documens précieux que contiennent ses deux volumes in-octavo. Aujourd’hui tout le monde sait lire, et jamais il n’y eut moins de vrais lecteurs ; jamais cette grosse gourmandise de l’esprit, qui avale et digère tout, ne fut plus rare. De toutes les notes que Napoléon tira de la Géographie de Lacroix, une seule méritait d’être religieusement transcrite. C’est la dernière, qui est ainsi conçue : « Sainte-Hélène, petite île. »


Il est des hommes de génie dont la croissance semble "aussi facile que prompte ; ils ont eu de bonne heure l’instinct de leur destinée, et tout lésa préparés à la remplir. Il en est d’autres qui, avant de se trouver, ont dû se chercher longtemps. Napoléon, qui, dans l’espace de quelques années, a joui de plusieurs siècles de vie, est assurément un des génies les plus précoces qui aient étonné le monde par leurs prospérités et leurs malheurs, et cependant il a mis du temps à se connaître ; avant d’entrer au port, il a beaucoup erré ; il est revenu de très loin.
Il est des hommes de génie dont la croissance semble "aussi facile que prompte ; ils ont eu de bonne heure l’instinct de leur destinée, et tout les a préparés à la remplir. Il en est d’autres qui, avant de se trouver, ont dû se chercher longtemps. Napoléon, qui, dans l’espace de quelques années, a joui de plusieurs siècles de vie, est assurément un des génies les plus précoces qui aient étonné le monde par leurs prospérités et leurs malheurs, et cependant il a mis du temps à se connaître ; avant d’entrer au port, il a beaucoup erré ; il est revenu de très loin.