« Ubu roi (1896) » : différence entre les versions

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=== SCÈNE PREMIÈRE ===
 
 
PEREPÈRE UBU, MEREMÈRE UBU
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Merdre.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Oh ! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Que ne vous assom’je, Mère Ubu !
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ce n'est pas moi, Père Ubu, c’est un autre qu’il faudrait assassiner.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
De par ma chandelle verte, je ne comprends pas.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Comment, Père Ubu, vous estes content de votre sort ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
De par ma chandelle verte, merdre, madame, certes oui, je suis content. On le serait à moins : capitaine de dragons, officier de confiance du roi Venceslas, décoré de l’ordre de l’Aigle Rouge de Pologne et ancien roi d’Aragon, que voulez-vous de mieux ?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Comment ! Après avoir été roi d’Aragon vous vous contentez de mener aux revues une cinquantaine d’estafiers armés de coupe-choux, quand vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle d’Aragon ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah ! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Tu es si bête !
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
De par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant ; et même en admettant qu’il meure, n’a-t-il pas des légions d'enfants ?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Qui t’empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur place ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah ! Mère Ubu, vous me faites injure et vous allez passer tout à l'heure par la casserole.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Eh ! pauvre malheureux, si je passais par la casserole, qui te raccommoderait tes fonds de culotte ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh vraiment ! et puis après ? N’ai-je pas un cul comme les autres ?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
À ta place, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône. Tu pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort souvent de l’andouille et rouler carrosse par les rues.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Si j’étais roi, je me ferais construire une grande capeline comme celle que j’avais en Aragon et que ces gredins d’Espagnols m’ont impudemment volée.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Tu pourrais aussi te procurer un parapluie et un grand caban qui te tomberait sur les talons.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah ! je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre de bougre, si jamais je le rencontre au coin d'un bois, il passera un mauvais quart d’heure.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ah ! bien, Père Ubu, te voilà devenu un véritable homme.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh non ! moi, capitaine de dragons, massacrer le roi de Pologne ! plutôt mourir !
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}} {{didascalie|(à part).}}
Oh ! merdre ! {{didascalie|(Haut)}} Ainsi, tu vas rester gueux comme un rat, Père Ubu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ventrebleu, de par ma chandelle verte, j’aime mieux être gueux comme un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Et la capeline ? et le parapluie ? et le grand caban ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh bien, après, Mère Ubu ? {{didascalie|(Il s'en va en claquant la porte.)}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}} {{didascalie|(seule).}}
Vrout, merdre, il a été dur à la détente, mais vrout, merdre, je crois pourtant l’avoir ébranlé. Grâce à Dieu et à moi-même, peut-être dans huit jours serai-je reine de Pologne.
 
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PEREPÈRE UBU, MEREMÈRE UBU
 
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Eh ! nos invités sont bien en retard.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oui, de par ma chandelle verte. Je crève de faim. Mère Ubu, tu es bien laide aujourd'hui. Est-ce parce que nous avons du monde ?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}} {{didascalie|(haussant les épaules).}}
Merdre.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}} {{didascalie|(saisissant un poulet rôti).}}
Tiens, j’ai faim. Je vais mordre dans cet oiseau. C’est un poulet, je crois. Il n’est pas mauvais.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Que fais-tu, malheureux ? Que mangeront nos invités ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ils en auront encore bien assez. Je ne toucherai plus à rien. Mère Ubu, va donc voir à la fenêtre si nos invités arrivent.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}} {{didascalie|(y allant).}}
Je ne vois rien. {{didascalie|Pendant ce temps, le Père Ubu dérobe une rouelle de veau.}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ah! voilà le capitaine Bordure et ses partisans qui arrivent. Que manges-tu donc, Père Ubu ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Rien, un peu de veau.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ah ! le veau ! le veau ! veau ! Il a mangé le veau ! Au secours !
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
De par ma chandelle verte, je te vais arracher les yeux.
 
Ligne 223 :
 
 
PEREPÈRE UBU, MEREMÈRE UBU,
CAPITAINE BORDURE, et ses partisans.
 
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Bonjour, messieurs, nous vous attendons avec impatience. Asseyez-vous.
 
Ligne 233 :
Bonjour, madame. Mais où est donc le Père Ubu ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Me voilà ! me voilà ! Sapristi, de par ma chandelle verte, je suis pourtant assez gros.
 
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Bonjour, Père Ubu. Asseyez-vous, mes hommes. {{didascalie|(Ils s'asseyent tous.)}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ouf, un peu plus, j’enfonçais ma chaise.
 
Ligne 245 :
Eh ! Mère Ubu ! que nous donnez-vous de bon aujourd’hui ?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Voici le menu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh ! ceci m’intéresse.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Soupe polonaise, côtes de rastron, veau, poulet, pâté de chien, croupion de dinde, charlotte russe…
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh ! en voilà assez, je suppose. Y en a-t-il encore ?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}} {{didascalie|(continuant).}}
Bombe, salade, fruits, dessert, bouilli, topinambours, choux-fleurs à la merdre.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh ! me crois-tu empereur d’Orient pour faire de telles dépenses ?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ne l’écoutez pas, il est imbécile.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah ! je vais aiguiser mes dents contre vos mollets.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Dîne plutôt, Père Ubu. Voilà de la polonaise.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Bougre, que c’est mauvais.
 
Ligne 278 :
Ce n’est pas bon, en effet.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Tas d’Arabes, que vous faut-il ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}} {{didascalie|(se frappant le front).}}
Oh ! j’ai une idée. Je vais revenir tout à l'heure. {{didascalie|Il s’en va.)}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Messieurs, nous allons goûter du veau.
 
Ligne 290 :
Il est très bon, j’ai fini.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Aux croupions, maintenant.
 
Ligne 299 :
Vive la Mère Ubu !
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}} {{didascalie|(rentrant).}}
Et vous allez bientôt crier vive le Père Ubu. {{didascalie|(Il tient un balai innommable à la main et le lance sur le festin.)}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Misérable, que fais-tu ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Goûtez un peu. {{didascalie|(Plusieurs goûtent et tombent empoisonnés.)}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Mère Ubu, passe-moi les côtelettes de rastron, que je serve.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Les voici.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
À la porte tout le monde ! Capitaine Bordure, j'ai à vous parler.
 
Ligne 320 :
Eh ! nous n’avons pas dîné !
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Comment, vous n’avez pas dîné ! À la porte, tout le monde ! Restez, Bordure.
{{didascalie|(Personne ne bouge.)}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Vous n’êtes pas partis ? De par ma chandelle verte, je vais vous assommer de côtes de rastron. {{didascalie|(Il commence à en jeter.)}}
 
Ligne 330 :
Oh ! Aïe ! Au secours ! Défendons-nous ! malheur ! je suis mort !
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Merdre, merdre, merdre. À la porte ! je fais mon effet.
 
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Sauve qui peut ! Misérable Père Ubu ! traître et gueux voyou !
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah ! les voilà partis. Je respire, mais j’ai fort mal dîné. Venez, Bordure.
{{didascalie|(Ils sortent avec la Mère Ubu.)}}
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PEREPÈRE UBU, MEREMÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh bien, capitaine, avez-vous bien dîné ?
 
Ligne 353 :
Fort bien, monsieur, sauf la merdre.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh ! la merdre n’était pas mauvaise.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Chacun son goût.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Capitaine Bordure, je suis décidé à vous faire duc de Lithuanie.
 
Ligne 365 :
Comment, je vous croyais fort gueux, Père Ubu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Dans quelques jours, si vous voulez, je règne en Pologne.
 
Ligne 371 :
Vous allez tuer Venceslas ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Il n’est pas bête, ce bougre, il a deviné.
 
Ligne 377 :
S’il s’agit de tuer Venceslas, j’en suis. Je suis son mortel ennemi et je réponds de mes hommes.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}} {{didascalie|(se jetant sur lui pour l'embrasser).}}
Oh ! oh ! je vous aime beaucoup, Bordure.
 
Ligne 383 :
Eh ! vous empestez, Père Ubu. Vous ne vous lavez donc jamais ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Rarement.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Jamais !
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Je vais te marcher sur les pieds.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Grosse merdre !
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Allez, Bordure, j’en ai fini avec vous. Mais par ma chandelle verte, je jure sur la Mère Ubu de vous faire duc de Lithuanie.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Mais…
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Tais-toi, ma douce enfant.
 
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PEREPÈRE UBU, MEREMÈRE UBU, UN MESSAGER
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Monsieur, que voulez-vous ? fichez le camp, vous me fatiguez.
 
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{{didascalie|(Il sort.)}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh ! merdre, jarnicotonbleu, de par ma chandelle verte, je suis découvert, je vais être décapité ! hélas ! hélas !
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Quel homme mou ! et le temps presse.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh ! j’ai une idée : je dirai que c’est la Mère Ubu et Bordure.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ah ! gros P.U., si tu fais ça…
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh ! j’y vais de ce pas.
 
{{didascalie|(Il sort.)}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}} {{didascalie|(courant après lui).}}
Oh ! Père Ubu, Père Ubu, je te donnerai de l’andouille.
 
{{didascalie|(Elle sort.)}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}} {{didascalie|(dans la coulisse).}}
Oh ! merdre ! tu en es une fière, d’andouille.
 
Ligne 457 :
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}} {{didascalie|(entrant).}}
Oh ! vous savez, ce n’est pas moi, c’est la Mère Ubu et Bordure.
 
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Comme moi ce matin.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oui, je suis saoul, c’est parce que j’ai bu trop de vin de France.
 
Ligne 475 :
Père Ubu, je tiens à récompenser tes nombreux services comme capitaine de dragons, et je te fais aujourd'hui comte de Sandomir.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ô monsieur Venceslas, je ne sais comment vous remercier.
 
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Ne me remercie pas, Père Ubu, et trouve-toi demain matin à la grande revue.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
J’y serai, mais acceptez, de grâce, ce petit mirliton.
 
Ligne 492 :
Est-il bête, ce Père Ubu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Et maintenant, je vais foutre le camp. {{didascalie|(Il tombe en se retournant.)}} Oh ! aïe ! au secours ! De par ma chandelle verte, je me suis rompu l’intestin et crevé la bouzine !
 
Ligne 498 :
Père Ubu, vous estes-vous fait mal ?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oui certes, et je vais sûrement crever. Que deviendra la Mère Ubu ?
 
Ligne 504 :
Nous pourvoirons à son entretien.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Vous avez bien de la bonté de reste. {{didascalie|(Il sort.)}}
Oui, mais, roi Venceslas, tu n’en seras pas moins massacré.
Ligne 515 :
 
 
GIRON, PILE, COTICE, PEREPÈRE UBU, MEREMÈRE UBU,
Conjurés et Soldats, CAPITAINE BORDURE
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh ! mes bons amis, il est grand temps d'arrêter le plan de la conspiration. Que chacun donne son avis. Je vais d’abord donner le mien, si vous le permettez.
 
Ligne 525 :
Parlez, Père Ubu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh bien, mes amis, je suis d’avis d’empoisonner simplement le roi en lui fourrant de l’arsenic dans son déjeuner. Quand il voudra le brouter il tombera mort, et ainsi je serai roi.
 
Ligne 531 :
Fi, le sagouin !
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh quoi, cela ne vous plaît pas ? Alors, que Bordure donne son avis.
 
Ligne 540 :
Oui ! voilà qui est noble et vaillant.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Et s’il vous donne des coups de pied ? Je me rappelle maintenant qu’il a pour les revues des souliers de fer qui font très mal. Si je savais, je filerais vous dénoncer pour me tirer de cette sale affaire, et je pense qu’il me donnerait aussi de la monnaie.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Oh ! le traître, le lâche, le vilain et plat ladre.
 
Ligne 549 :
Conspuez le Père Ub !
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Hé ! messieurs, tenez-vous tranquilles si vous ne voulez visiter mes poches. Enfin je consens à m’exposer pour vous. De la sorte, Bordure, tu te charges de pourfendre le roi.
 
Ligne 555 :
Ne vaudrait-il pas mieux nous jeter tous à la fois sur lui en braillant et gueulant ? Nous aurions chance ainsi d’entraîner les troupes.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Alors, voilà. Je tâcherai de lui marcher sur les pieds, il regimbera, alors je lui dirai : MERDRE, et à ce signal vous vous jetterez sur lui.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Oui, et dès qu’il sera mort tu prendras son sceptre et sa couronne.
 
Ligne 564 :
Et je courrai avec mes hommes à la poursuite de la famille royale.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oui, et je te recommande spécialement le jeune Bougrelas.
 
{{didascalie|(Ils sortent.)}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}} {{didascalie|(courant après et les faisant revenir).}}
Messieurs, nous avons oublié une cérémonie indispensable, il faut jurer de nous escrimer vaillamment.
 
Ligne 575 :
Et comment faire ? Nous n’avons pas de prêtre.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
La Mère Ubu va en tenir lieu.
 
Ligne 581 :
Eh bien, soit.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ainsi, vous jurez de bien tuer le roi ?
 
Ligne 660 :
 
 
L'ARMEE POLONAISE, LE ROI, BOLESLAS, LADISLAS, {{réplique|PEREPÈRE UBU}},
CAPITAINE BORDURE ET SES HOMMES, GIRON, PILE, COTICE.
 
Ligne 667 :
Noble Père Ubu, venez près de moi avec votre suite pour inspecter les troupes.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}{{didascalie|aux siens.}}
Attention, vous autres. {{didascalie|Au roi}} On y va, monsieur, on y va.
 
Ligne 675 :
Ah! voici le régiment des gardes à cheval de Dantzick. Ils sont fort beaux, ma foi.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Vous trouvez? Ils me paraissent misérables. Regardez celui-ci. {{didascalie|Au soldat.}} Depuis combien de temps ne t'es-tu débarbouillé, ignoble drôle?
 
Ligne 681 :
Mais ce soldat est fort propre. Qu'avez-vous donc, Père Ubu?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Voilà!
 
Ligne 689 :
Misérable!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
MERDRE. A moi, mes hommes!
 
Ligne 703 :
Qu'est cela! Dégainons.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! j'ai la couronne! Aux autres, maintenant.
 
Ligne 763 :
 
LES MEMES. La porte est défoncée.
LE PEREPÈRE UBU et les forcenés pénètrent.
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh! Bougrelas, que me veux-tu faire?
 
Ligne 772 :
Vive Dieu! je défendrai ma mère jusqu'à la mort! Le premier qui fait un pas est mort.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! Bordure, j'ai peur! laissez-moi m'en aller.
 
Ligne 794 :
{{didascalie|Il fait le moulinet avec son épée et en fait un massacre.}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! je vais bien en venir à bout tout de même!
 
Ligne 806 :
Je te suis.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Tâchez d'attraper la reine. Ah! la voilà partie. Quant à toi, misérable!...
 
Ligne 881 :
 
 
PEREPÈRE UBU, MEREMÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Non, je ne veux pas, moi! Voulez-vous me ruiner pour ces bouffres?
 
Ligne 890 :
Mais enfin, Père Ubu, ne voyez-vous pas que le peuple attend le don de joyeux avènement?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Si tu ne fait pas distribuer des viandes et de l'or, tu seras renversé d'ici deux heures.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Des viandes, oui! de l'or, non! Abattez trois vieux chevaux, c'est bien bon pour de tels sagouins.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Sagouin toi même! Qui m'a bâti un animal de cette sorte?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Encore une fois, je veux m'enrichir, je ne lâcherai pas un sou.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Quand on a entre les mains tous les trésors de la Pologne.
 
Ligne 908 :
Oui, je sais qu'il y a dans la chapelle un immense trésor, nous le distribuerons.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Misérable, si tu fais ça!
 
Ligne 914 :
Mais, Père Ubu, si tu ne fais pas de distributions le peuple ne voudra pas payer les impôts.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Est-ce bien vrai?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Oui, oui!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh, alors je consens à tout. Réunissez trois millions, cuisez cent cinquante bœufs et moutons, d'autant plus que j'en aurai aussi!
 
Ligne 932 :
 
 
PEREPÈRE UBU couronné, MEREMÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE, LARBINS chargés de viande.
 
 
Ligne 938 :
Voilà le roi! Vive le roi! hurrah!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}{{didascalie|jetant de l'or}}
Tenez, voilà pour vous. Ca ne m'amusait guère de vous donner de l'argent, mais vous savez, c'est la Mère Ubu qui a voulu. Au moins, promettez-moi de bien payer les impôts.
 
Ligne 947 :
Voyez, Mère Ubu, s'ils se disputent cet or. Quelle bataille.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Il est vrai que c'est horrible. Pouah! en voilà un qui a le crâne fendu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Quel beau spectacle! Amenez d'autres caisses d'or.
 
Ligne 956 :
Si nous faisions une course.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oui, c'est une idée.
 
Ligne 966 :
Oui! Vive le Père Ubu! Quel bon roi! On n'en voyait pas tant du temps de Venceslas.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}, à la Mère Ubu, avec joie.
Ecoute-les!
 
{{didascalie|Tout le peuple va se ranger au bout de la cour.}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Une, deux, trois! Y êtes-vous?
 
Ligne 977 :
Oui! oui!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
Partez!
 
Ligne 985 :
Ils approchent! ils approchent!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
Eh! le premier perd du terrain.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}:
Non, il regagne maintenant.
 
Ligne 1 002 :
Sire, je ne sais vraiment comment remercier Votre Majesté...
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
Oh! mon cher ami, ce n'est rien. Emporte ta caisse chez toi, Michel; et vous, partagez-vous cette autre, prenez une pièce chacun jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus.
 
Ligne 1 008 :
Vive Michel Fédérovitch! Vive le Père Ubu!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
Et vous, mes amis, venez dîner! Je vous ouvre aujourd'hui les portes du palais, veuillez faire honneur à ma table!
 
Ligne 1 027 :
 
 
PEREPÈRE UBU, MEREMÈRE UBU
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
De par ma chandelle verte, me voici roi dans ce pays. Je me suis déjà flanqué une indigestion et on va m'apporter ma grande capeline.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}:
En quoi est-elle, Père Ubu? car nous avons beau être rois il faut être économes.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
Madame ma femelle, elle est en peau de mouton avec une agrafe et des brides en peau de chien.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}:
Voilà qui est beau, mais il est encore plus beau d'être rois.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
Oui, tu as eu raison, Mère Ubu.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}:
Nous avons une grande reconnaissance au duc de Lithuanie.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
Qui donc?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}:
Eh! le CAPITAINE BORDURE.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
De grâce, Mère Ubu, ne me parle pas de ce bouffre. Maintenant que je n'ai plus besoin de lui, il peut bien se brosser le ventre, il n'aura point son duché.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}:
Tu as grand tort, Père Ubu, il va se tourner contre toi.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
Oh! je le plains bien, ce petit homme, je m'en soucie autant que de Bougrelas.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}:
Eh! crois-tu en avoir fini avec Bougrelas?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
Sabre à finances, évidemment! que veux-tu qu'il me fasse, ce petit sagouin de quatorze ans?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}:
Père Ubu, fais attention à ce que je te dis. Crois-moi, tâche de t'attacher Bougrelas par tes bienfaits.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
Encore de l'argent à donner? Ah! non, du coup! vous m'avez fait gâcher bien vingt-deux millions.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}:
Fais à ta tête, Père Ubu, il t'en cuira.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
Eh bien, tu seras avec moi dans la marmite.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}:
Ecoute, encore une fois, je suis sûre que le jeune Bougrelas l'emportera, car il a pour lui le bon droit.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}:
Ah! saleté! le mauvais droit ne vaut-il pas le bon? Ah! tu m'injuries, Mère Ubu, je vais te mettre en morceaux.
 
Ligne 1 096 :
 
 
PEREPÈRE UBU, MEREMÈRE UBU, OFFICIERS ET SOLDATS;
GIRON, PILE, COTICE, NOBLES ENCHAINES,
FINANCIERS, MAGISTRATS, GREFFIERS.
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Apportez la caisse à Nobles et le crochet à Nobles et le couteau à Nobles et le bouquin à Nobles! ensuite, faites avancer les Nobles.
 
{{didascalie|On pousse brutalement les Nobles.}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
De grâce, modère-toi, Père Ubu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
J'ai l'honneur de vous annoncer que pour enrichir le royaume je vais faire périr tous les Nobles et prendre leurs biens.
 
Ligne 1 115 :
Horreur! à nous, peuple et soldats!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Amenez le premier Noble et passez-moi le crochet à Nobles. Ceux qui seront condamnés à mort, je les passerai dans la trappe, ils tomberont dans les sous-sols du Pince-Porc et de la Chambre-à-Sous, où on les décervèlera. {{didascalie|Au Noble.}} Qui es-tu, bouffre?
 
Ligne 1 121 :
Comte de Vitepsk.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
De combien sont tes revenus?
 
Ligne 1 127 :
Trois millions de rixdales.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Condamné!
 
{{didascalie|Il le prend avec le crochet et le passe dans le trou.}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Quelle basse férocité!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Second Noble, qui es-tu? {{didascalie|Le Noble ne répond rien.}} Répondras-tu, bouffre?
 
Ligne 1 141 :
Grand-duc de Posen.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Excellent! excellent! Je n'en demande pas plus long. Dans la trappe. Troisième Noble, qui es-tu? tu as une sale tête.
 
Ligne 1 147 :
Duc de Courlande, des villes de Riga, de Revel et de Mitau.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Très bien! très bien! Tu n'as rien autre chose?
 
Ligne 1 153 :
Rien.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Dans la trappe, alors. Quatrième Noble, qui es-tu?
 
Ligne 1 159 :
Prince de Podolie.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Quels sont tes revenus?
 
Ligne 1 165 :
Je suis ruiné.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Pour cette mauvaise parole, passe dans la trappe. Cinquième Noble, qui es-tu?
 
Ligne 1 171 :
Margrave de Thorn, palatin de Polock.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ca n'est pas lourd. Tu n'as rien autre chose?
 
Ligne 1 177 :
Cela me suffisait.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh bien! mieux vaut peu que rien. Dans la trappe. Qu'as-tu à pigner, Mère Ubu?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Tu es trop féroce, Père Ubu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh! je m'enrichis. Je vais faire lire MA liste de MES biens. Greffier, lisez MA liste de MES biens.
 
Ligne 1 189 :
Comté de Sandomir.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Commence par les principautés, stupide bougre!
 
Ligne 1 195 :
Principauté de Podolie, grand-duché de Posen, duché de Courlande, comté de Sandomir, comté de Vitepsk, palatinat de Polock, margraviat de Thorn.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Et puis après?
 
Ligne 1 201 :
C'est tout.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Comment, c'est tout! Oh bien alors, en avant les Nobles, et comme je ne finirai pas de m'enrichir, je vais faire exécuter tous les Nobles, et ainsi j'aurai tous les biens vacants. Allez, passez les Nobles dans la trappe.
 
Ligne 1 211 :
On va voir ça.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Je vais d'abord réformer la justice, après quoi nous procéderons aux finances.
 
Ligne 1 217 :
Nous nous opposons à tout changement.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Merdre. D'abord les magistrats ne seront plus payés.
 
Ligne 1 223 :
Et de quoi vivrons-nous? Nous sommes pauvres.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Vous aurez les amendes que vous prononcerez et les biens des condamnés à mort.
 
Ligne 1 241 :
Nous nous refusons à juger dans des conditions pareilles.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
A la trappe les magistrats!
 
{{didascalie|Ils se débattent en vain.}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Eh! que fais-tu, Père Ubu? Qui rendra maintenant la justice?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Tiens! moi. Tu verras comme ça marchera bien.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Oui, ce sera du propre.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Allons, tais-toi, bouffresque. Nous allons maintenant, messieurs, procéder aux finances.
 
Ligne 1 261 :
Il n'y a rien à changer.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Comment, je veux tout changer, moi. D'abord je veux garder pour moi la moitié des impôts.
 
Ligne 1 267 :
Pas gêné.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Messieurs, nous établirons un impôt de dix pour cent sur la propriété, un autre sur le commerce et l'industrie, et un troisième sur les mariages et un quatrième sur les décès, de quinze francs chacun.
 
Ligne 1 279 :
Ca n'a ni queue ni tête.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Vous vous fichez de moi! Dans la trappe, les financiers!
 
{{didascalie|On enfourne les financiers.}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Mais enfin, Père Ubu, quel roi tu fais, tu massacres tout le monde.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh merdre!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Plus de justice, plus de finances.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ne crains rien, ma douce enfant, j'irai moi-même de village en village recueillir les impôts.
 
Ligne 1 324 :
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Qui de vous est le plus vieux? {{didascalie|Un paysan s'avance.}} Comment te nommes-tu?
 
Ligne 1 330 :
Stanislas Leczinski.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh bien, cornegidouille, écoute-moi bien, sinon ces messieurs te couperont les oneilles. Mais, vas-tu m'écouter enfin?
 
Ligne 1 336 :
Mais Votre Excellence n'a encore rien dit.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Comment, je parle depuis une heure. Crois-tu que je vienne ici pour prêcher dans le désert?
 
Ligne 1 342 :
Loin de moi cette pensée.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Je viens donc te dire, t'ordonner et te signifier que tu aies à produire et exhiber promptement ta finance, sinon tu seras massacré. Allons, messeigneurs les salopins de finance, voiturez ici le voiturin à phynances.
 
Ligne 1 350 :
Sire, nous ne sommes inscrits sur le registre que pour cent cinquante-deux rixdales que nous avons déjà payées, il y aura tantôt six semaines à la Saint-Mathieu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
C'est fort possible, mais j'ai changé le gouvernement et j'ai fait mettre dans le journal qu'on paierait deux fois tous les impôts et trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement. Avec ce système, j'aurai vite fait fortune, alors je tuerai tout le monde et je m'en irai.
 
Ligne 1 356 :
Monsieur Ubu, de grâce, ayez pitié de nous. Nous sommes de pauvres citoyens.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Je m'en fiche. Payez.
 
Ligne 1 362 :
Nous ne pouvons, nous avons payé.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Payez! ou ji vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou et de la tête! Cornegidouille, je suis le roi peut-être!
 
Ligne 1 368 :
Ah, c'est ainsi! Aux armes! Vive Bougrelas, par la grâce de Dieu, roi de Pologne et de Lithuanie!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
En avant, messieurs des Finances, faites votre devoir.
 
Ligne 1 380 :
 
 
CAPITAINE BORDURE enchaîné, PEREPÈRE UBU
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! citoyen, voilà ce que c'est, tu as voulu que je te paye ce que je te devais, alors tu t'es révolté parce que je n'ai pas voulu, tu as conspiré et te voilà coffré. Cornefinance, c'est bien fait et le tour est si bien joué que tu dois toi-même le trouver fort à ton goût.
 
Ligne 1 389 :
Prenez garde, Père Ubu. Depuis cinq jours que vous êtes roi, vous avez commis plus de meurtres qu'il n'en faudrait pour damner tous les saints du Paradis. Le sang du roi et des nobles crie vengeance et ses cris seront entendus.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh! mon bel ami, vous avez la langue fort bien pendue. Je ne doute pas que si vous vous échappiez il en pourrait résulter des complications, mais je ne crois pas que les casemates de Thorn aient jamais lâché quelqu'un des honnêtes garçons qu'on leur avait confiés. C'est pourquoi, bonne nuit, et je vous invite à dormir sur les deux oneilles, bien que les rats dansent ici une assez belle sarabande.
 
Ligne 1 401 :
 
 
L'EMPEREUREMPÈREUR ALEXIS ET SA COUR, BORDURE
 
 
Ligne 1 452 :
 
 
PEREPÈRE UBU, MEREMÈRE UBU,
CONSEILLERS DES PHYNANCES
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Messieurs, la séance est ouverte et tâchez de bien écouter et de vous tenir tranquilles. D'abord, nous allons faire le chapitre des finances, ensuite nous parlerons d'un petit système que j'ai imaginé pour faire venir le beau temps et conjurer la pluie.
 
Ligne 1 462 :
Fort bien, monsieur Ubu.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Quel sot homme.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Madame de ma merdre, garde à vous, car je ne souffrirai pas vos sottises. Je vous disais donc, messieurs, que les finances vont passablement. Un nombre considérable de chiens à bas de laine se répand chaque matin dans les rues et les salopins font merveille. De tout côtés on ne voit que des maisons brûlées et des gens pliant sous le poids de nos phynances.
 
Ligne 1 471 :
Et les nouveaux impôts, monsieur Ubu, vont-ils bien?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Point du tout. L'impôt sur les mariages n'a encore produit que 11 sous, et encore le Père Ubu poursuit les gens partout pour les forcer à se marier.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Sabre à finances, corne de ma gidouille, madame la financière, j'ai des oneilles pour parler et vous une bouche pour m'entendre. {{didascalie|Eclats de rire.}} Ou plutôt non! Vous me faites tromper et vous êtes cause que je suis bête! Mais, corne d'Ubu! {{didascalie|Un messager entre.}} Allons, bon, qu'a-t-il encore celui-là? Va-t'en, sagouin, ou je te poche avec décollation et torsion des jambes.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ah! le voilà dehors, mais il y a une lettre.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Lis-la. Je crois que je perds l'esprit ou que je ne sais pas lire. Dépêche-toi, bouffresque, ce doit être de Bordure.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Tout justement. Il dit que le czar l'a accueilli très bien, qu'il va envahir tes Etats pour rétablir Bougrelas et que toi tu seras tué.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ho! ho! J'ai peur! J'ai peur! Ha! je pense mourir. O pauvre homme que je suis. Que devenir, grand Dieu? Ce méchant homme va me tuer. Saint Antoine et tout les saints, protégez-moi, je vous donnerai de la phynance et je brûlerai des cierges pour vous. Seigneur, que devenir?
 
{{didascalie|Il pleure et sanglote.}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Il n'y a qu'un parti à prendre, Père Ubu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Lequel, mon amour?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
La guerre!!
 
Ligne 1 503 :
Vive Dieu! Voilà qui est noble!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oui, et je recevrai encore des coups.
 
Ligne 1 518 :
Et prendre l'argent pour les troupes.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! non, par exemple! Je vais te tuer, toi, je ne veux pas donner d'argent.
 
Ligne 1 537 :
Vive la Pologne! Vive le Père Ubu!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! Mère Ubu, donne-moi ma cuirasse et mon petit bout de bois. Je vais être bientôt tellement chargé que je ne saurais marcher si j'étais poursuivi.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Fi, le lâche.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! voilà le sabre à merdre qui se sauve et le croc à finances qui ne tient pas!!! Je n'en finirai jamais, et les Russes avancent et vont me tuer.
 
Ligne 1 549 :
Seigneur Ubu, voilà le ciseau à oneilles qui tombe.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ji tou tue au moyen du croc à merdre et du couteau à figure.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Comme il est beau avec son casque et sa cuirasse, on dirait une citrouille armée.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! maintenant, je vais monter à cheval.
 
Amenez, messieurs, le cheval à phynances.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Père Ubu, ton cheval ne saurait plus te porter, il n'a rien mangé depuis cinq jours et est presque mort.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Elle est bonne celle-là! On me fait payer 12 sous par jour pour cette rosse et elle ne me peut porter. Vous vous fichez, corne d'Ubu, ou bien si vous me volez? {{didascalie|La Mère Ubu rougit et baisse les yeux.}} Alors, que l'on m'apporte une autre bête, mais je n'irai pas à pied, cornegidouille!
 
{{didascalie|On amène un énorme cheval.}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Je vais monter dessus.
 
Oh! assis plutôt! car je vais tomber. {{didascalie|Le cheval part.}} Ah! arrêtez ma bête, Grand Dieu, je vais tomber et être mort!!!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Il est vraiment imbécile. Ah! le voilà relevé. Mais il est tombé par terre.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Corne physique, je suis à moitié mort! Mais c'est égal, je pars en guerre et je tuerai tout le monde. Gare à qui ne marchera pas droit. Ji lon mets dans ma poche avec torsion du nez et des dents et extraction de la langue.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Bonne chance, monsieur Ubu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
J'oubliais de te dire que je te confie la régence. Mais j'ai sur moi le livre des finances, tant pis pour toi si tu me voles. Je te laisse pour t'aider le Palotin Giron. Adieu, Mère Ubu.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Adieu, Père Ubu. Tue bien le czar.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Pour sûr. Torsion du nez et des dents, extraction de la langue et enfoncement du petit bout de bois dans les oneilles.
 
{{didascalie|L'armée s'éloigne au bruit des fanfares.}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}, seule.
Maintenant que ce gros pantin est parti, tâchons de faire nos affaires, tuer Bougrelas et nous emparer du trésor.
 
Ligne 1 608 :
 
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Où donc est ce trésor? Aucune dalle ne sonne creux. J'ai pourtant bien compté treize pierres après le tombeau de Ladislas le Grand en allant le long du mur, et il n'y a rien. Il faut qu'on m'ait trompée. Voilà cependant: ici la pierre sonne creux. A l'œuvre, Mère Ubu. Courage, descellons cette pierre. Elle tient bon. Prenons ce bout de croc à finances qui fera encore son office. Voilà! Voilà l'or au milieu des ossements des rois. Dans notre sac, alors, tout! Eh! quel est ce bruit? Dans ces vieilles voûtes y aurait-il encore des vivants? Non, ce n'est rien, hâtons-nous. Prenons tout. Cet argent sera mieux à la face du jour qu'au milieu des tombeaux des anciens princes. Remettons la pierre. Eh quoi! toujours ce bruit. Ma présence en ces lieux me cause une étrange frayeur. Je prendrai le reste de cet or une autre fois, je reviendrai demain.
 
Ligne 1 640 :
Eh! Voilà la Mère Ubu qui sort avec ses gardes sur le perron!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Que voulez-vous, messieurs? Ah! c'est Bougrelas.
 
Ligne 1 689 :
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Cornebleu, jambedieu, tête de vache! nous allons périr, car nous mourons de soif et sommes fatigué. Sire Soldat, ayez l'obligeance de porter notre casque à finances, et vous, sire Lancier, chargez-vous du ciseau à merdre et du bâton-à-physique pour soulager notre personne, car, je le répète, nous sommes fatigué.
 
Ligne 1 697 :
Hon! Monsieuye! Il est étonnant que les Russes n'apparaissent point.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Il est regrettable que l'état de nos finances ne nous permette pas d'avoir une voiture à notre taille; car, par crainte de démolir notre monture, nous avons fait tout le chemin à pied, traînant notre cheval par la bride. Mais quand nous serons de retour en Pologne, nous imaginerons, au moyen de notre science en physique et aidé des lumières de nos conseillers, une voiture à vent pour transporter toute l'armée.
 
Ligne 1 703 :
Voilà Nicolas Rensky qui se précipite.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Et qu'a-t-il, ce garçon?
 
Ligne 1 709 :
Tout est perdu, Sire, les Polonais sont révoltés, Giron est tué et la Mère Ubu est en fuite dans les montagnes.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oiseau de nuit, bête de malheur, hibou à guêtres! Où as-tu pêché ces sornettes? En voilà d'une autre! Et qui a fait ça? Bougrelas, je parie. D'où viens-tu?
 
Ligne 1 715 :
De Varsovie, noble Seigneur.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Garçon de ma merdre, si je t'en croyais je ferais rebrousser chemin à toute l'armée. Mais, seigneur garçon, il y a sur tes épaules plus de plumes que de cervelle et tu as rêvé des sottises. Va aux avant-postes, mon garçon, les Russes ne sont pas loin et nous aurons bientôt à estocader de nos armes, tant à merdre qu'à phynances et à physique.
 
Ligne 1 721 :
Père Ubu, ne voyez-vous pas dans la plaine les Russes?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
C'est vrai, les Russes! Me voilà joli. Si encore il y avait moyen de s'en aller, mais pas du tout, nous sommes sur une hauteur et nous serons en butte à tous les coups.
 
Ligne 1 727 :
Les Russes! L'ennemi!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Allons, messieurs, prenons nos dispositions pour la bataille. Nous allons rester sur la colline et ne commettrons point la sottise de descendre en bas. Je me tiendrai au milieu comme une citadelle vivante et vous autres graviterez autour de moi. J'ai à vous recommander de mettre dans les fusils autant de balles qu'ils en pourront tenir, car huit balles peuvent tuer huit Russes et c'est autant que je n'aurai pas sur le dos. Nous mettrons les fantassins à pied au bas de la colline pour recevoir les Russes et les tuer un peu, les cavaliers derrière pour se jeter dans la confusion, et l'artillerie autour du moulin à vent ici présent pour tirer dans le tas. Quant à nous, nous nous tiendrons dans le moulin à vent et tirerons avec le pistolet à phynances par la fenêtre, en travers de la porte nous placerons le bâton-à-physique, et si quelqu'un essaye d'entrer, gare au croc à merdre!!!
 
Ligne 1 733 :
Vos ordres, Sire Ubu, seront exécutés.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh! cela va bien, nous serons vainqueurs. Quelle heure est-il?
 
Ligne 1 739 :
Onze heures du matin.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Alors, nous allons dîner, car les Russes n'attaqueront pas avant midi. Dites aux soldats, Seigneur Général, de faire leurs besoins et d'entonner la Chanson à Finances.
 
Ligne 1 747 :
Vive le Père Ubu, notre grand Financier! Ting, ting, ting; ting, ting, ting; ting, ting, tating!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
O les braves gens, je les adore. {{didascalie|Un boulet russe arrive et casse l'aile du moulin.}} Ah! j'ai peur, Sire Dieu, je suis mort! et cependant non, je n'ai rien.
 
Ligne 1 761 :
Sire Ubu, les Russes attaquent.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh bien, après, que veux-tu que j'y fasse? ce n'est pas moi qui le leur ai dit. Cependant, Messieurs des Finances, préparons-nous au combat.
 
Ligne 1 767 :
Un second boulet!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! je n'y tiens plus. Ici il pleut du plomb et du fer, et nous pourrions endommager notre précieuse personne. Descendons.
 
Ligne 1 778 :
Ah! je suis mort.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
En avant! Ah, toi, Monsieur, que je t'attrape, car tu m'as fait mal, entends-tu? sac à vin! avec ton flingot qui ne part pas.
 
Ligne 1 786 :
{{didascalie|Il lui tire un coup de revolver.}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! Oh! Je suis blessé, je suis troué, je suis perforé, je suis administré, je suis enterré. Oh, mais tout de même! Ah! je le tiens. {{didascalie|Il le déchire.}} Tiens! recommenceras-tu, maintenant!
 
Ligne 1 792 :
En avant, poussons vigoureusement, passons le fossé. La victoire est à nous.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Tu crois? Jusqu'ici je sens sur mon front plus de bosses que de lauriers.
 
Ligne 1 814 :
{{didascalie|Il fait un massacre de Polonais.}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
En avant, mes amis. Attrapez ce bélître! En compote les Moscovites! La victoire est à nous. Vive l'Aigle rouge!
 
Ligne 1 823 :
Par saint Georges, je suis tombé.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}{{didascalie|le reconnaissant.}}
Ah! c'est toi, Bordure! Ah! mon ami. Nous sommes bien heureux ainsi que toute la compagnie de te retrouver. Je vais te faire cuire à petit feu. Messieurs des Finances, allumez du feu. Oh! Ah! Oh! Je suis mort. C'est au moins un coup de canon que j'ai reçu. Ah! mon Dieu, pardonnez-moi mes péchés. Oui, c'est bien un coup de canon.
 
Ligne 1 829 :
C'est un coup de pistolet chargé à poudre.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! tu te moques de moi! Encore! A la pôche!
 
Ligne 1 837 :
Père Ubu, nous avançons partout.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Je le vois bien, je n'en peux plus, je suis criblé de coups de pied, je voudrais m'asseoir par terre. Oh! ma bouteille.
 
Ligne 1 843 :
Allez prendre celle du Czar, Père Ubu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh! J'y vais de ce pas. Allons! Sabre à merdre, fais ton office, et toi, croc à finances, ne reste pas en arrière. Que le bâton-à-physique travaille d'une généreuse émulation et partage avec le petit bout de bois l'honneur de massacrer, creuser et exploiter l'Empereur moscovite. En avant, Monsieur notre cheval à finances!
 
Ligne 1 851 :
En garde, Majesté!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Tiens, toi! Oh! aïe! Ah! mais tout de même. Ah! monsieur, pardon, laissez-moi tranquille. Oh! mais, je n'ai pas fait exprès!
 
{{didascalie|Il se sauve, le Czar le poursuit.}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Sainte Vierge, cet enragé me poursuit! Qu'ai-je fait, grand Dieu! Ah! bon, il y a encore le fossé à repasser. Ah! je le sens derrière moi et le fossé devant! Courage, fermons les yeux!
 
Ligne 1 867 :
Hurrah! le Czar est à bas!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! j'ose à peine me retourner! Il est dedans. Ah! c'est bien fait et on tape dessus. Allons, Polonais, allez-y à tour de bras, il a bon dos, le misérable! Moi, je n'ose pas le regarder! Et cependant notre prédiction s'est complètement réalisée, le bâton-à-physique a fait merveilles et nul doute que je ne l'eusse complètement tué si une inexplicable terreur n'était venue combattre et annuler en nous les effets de notre courage. Mais nous avons dû soudainement tourner casaque, et nous n'avons dû notre salut qu'à notre habileté comme cavalier ainsi qu'à la solidité des jarrets de notre cheval à finances, dont la rapidité n'a d'égale que la solidité et dont la légèreté fait la célébrité, ainsi qu'à la profondeur du fossé qui s'est trouvé fort à propos sous les pas de l'ennemi de nous l'ici présent Maître des Phynances. Tout ceci est fort beau, mais personne ne m'écoute. Allons! bon, ça recommence!
 
Ligne 1 875 :
Cette fois, c'est la débandade.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! voici l'occasion de se tirer des pieds. Or donc, Messieurs les Polonais, en avant! ou plutôt en arrière!
 
Ligne 1 881 :
Sauve qui peut!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Allons! en route. Quel tas de gens, quelle fuite, quelle multitude, comment me tirer de ce gâchis? {{didascalie|Il est bousculé}} Ah! mais toi! fais attention, ou tu vas expérimenter la bouillante valeur du Maître des Finances. Ah! il est parti, sauvons-nous et vivement pendant que Lascy ne nous voit pas.
 
Ligne 1 894 :
 
 
PEREPÈRE UBU, PILE, COTICE
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! le chien de temps, il gèle à pierre à fendre et la personne du Maître des Finances s'en trouve fort endommagée.
 
Ligne 1 903 :
Hon! Monsieuye Ubu, êtes-vous remis de votre terreur et de votre fuite?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oui! Je n'ai plus peur, mais j'ai encore la fuite.
 
Ligne 1 909 :
Quel pourceau.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh! sire Cotice, votre oneille, comment va-t-elle?
 
Ligne 1 915 :
Aussi bien, Monsieuye, qu'elle peut aller tout en allant très mal. Par conséiquent de quoye, le plomb la penche vers la terre et je n'ai pu extraire la balle.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Tiens, c'est bien fait! Toi, aussi, tu voulais toujours taper les autres. Moi j'ai déployé la plus grande valeur, et sans m'exposer j'ai massacré quatre ennemis de ma propre main, sans compter tous ceux qui étaient déjà morts et que nous avons achevés.
 
Ligne 1 924 :
Il a reçu une balle dans la tête.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ainsi que le coquelicot et le pissenlit à la fleur de leur âge sont fauchés par l'impitoyable faux de l'impitoyable faucheur qui fauche impitoyablement leur pitoyable binette, - ainsi le petit Rensky a fait le coquelicot, il s'est fort bien battu cependant, mais aussi il y avait trop de Russes
 
Ligne 1 936 :
Qu'est-ce? Armons-nous de nos lumelles.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! non! par exemple, encore des Russes, je parie! J'en ai assez! et puis c'est bien simple, s'ils m'attrapent ji lon fous à la poche.
 
Ligne 1 952 :
Hon, Monsieuye des Finances!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! tiens, regardez donc le petit toutou. Il est gentil, ma foi.
 
Ligne 1 958 :
Prenez garde! Ah! quel énorme ours: mes cartouches!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Un ours! Ah! l'atroce bête. Oh! pauvre homme, me voilà mangé. Que Dieu me protège. Et il vient sur moi. Non, c'est Cotice qu'il attrape. Ah! je respire.
 
Ligne 1 966 :
A moi, Pile! à moi! au secours, Monsieuye Ubu!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Bernique! Débrouille-toi, mon ami; pour le moment, nous faisons notre Pater Noster. Chacun son tour d'être mangé.
 
Ligne 1 975 :
Ferme, ami, il commence à me lâcher.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Sanctificetur nomen tuum.
 
Ligne 1 984 :
Ah! il me mord! O Seigneur, sauvez-nous, je suis mort.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Fiat voluntas tua!
 
Ligne 1 998 :
Tiens-le ferme, que j'attrape mon coup-de-poing explosif.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Panem nostrum quotidianum da nobis hodie.
 
Ligne 2 004 :
L'as-tu enfin, je n'en peux plus.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
 
Sicut et nos dimittimus debitoribus nostris.
Ligne 2 016 :
Victoire!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Sed libera nos a malo. Amen. Enfin, est-il bien mort?
Puis-je descendre de mon rocher?
Ligne 2 023 :
Tant que vous voudrez.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}{{didascalie|descendant.}}
Vous pouvez vous flatter que si vous êtes encore vivants et si vous foulez encore la neige de Lithuanie, vous le devez à la vertu magnanime du Maître des Finances, qui s'est évertué, échiné et égosillé à débiter des patenôtres pour votre salut, et qui a manié avec autant de courage le glaive spirituel de la prière que vous avez manié avec adresse le temporel de l'ici présent Palotin Cotice coup-de-poing explosif. Nous avons même poussé plus loin notre dévouement, car nous n'avons pas hésité à monter sur un rocher fort haut pour que nos prières aient moins loin à arriver au ciel.
 
Ligne 2 029 :
Révoltante bourrique.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Voici une grosse bête. Grâce à moi, vous avez de quoi souper. Quel ventre, messieurs! Les Grecs y auraient été plus à l'aise que dans le cheval de bois, et peu s'en est fallu, chers amis, que nous n'ayons pu aller vérifier de nos propres yeux sa capacité intérieure.
 
Ligne 2 038 :
L'ours!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh! pauvres gens, allez-vous le manger tout cru? Nous n'avons rien pour faire du feu.
 
Ligne 2 044 :
N'avons-nous pas nos pierres à fusil?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Tiens, c'est vrai. Et puis, il me semble que voilà non loin d'ici un petit bois où il doit y avoir des branches sèches. Va en chercher, Sire Cotice.
 
Ligne 2 052 :
Et maintenant, Sire Ubu, allez dépecer l'ours.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh non! Il n'est peut-être pas mort. Tandis que toi, qui es déjà à moitié mangé et mordu de toutes parts, c'est tout à fait dans ton rôle. Je vais allumer du feu en attendant qu'il apporte du bois.
 
{{didascalie|Pile commence à dépecer l'ours.}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! prends garde! il a bougé.
 
Ligne 2 063 :
Mais, Sire Ubu, il est déjà tout froid.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
C'est dommage, il aurait mieux valu le manger chaud. Ceci va procurer une indigestion au Maître des Finances.
 
Ligne 2 069 :
C'est révoltant. {{didascalie|Haut.}} Aidez-nous un peu, Monsieur Ubu, je ne puis faire toute la besogne.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Non, je ne veux rien faire, moi! Je suis fatigué, bien sûr!
 
Ligne 2 075 :
Quelle neige, mes amis, on se dirait en Castille ou au pôle Nord. La nuit commence à tomber. Dans une heure il fera noir. Hâtons-nous pour voir encore clair.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oui, entends-tu, Pile? hâte-toi. Hâtez-vous tous les deux! Embrochez la bête, cuisez la bête, j'ai faim, moi!
 
Ligne 2 081 :
Ah! c'est trop fort, à la fin! Il faudra travailler ou bien tu n'auras rien, entends-tu, goinfre!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! ça m'est égal, j'aime autant le manger tout cru, c'est vous qui serez bien attrapés. Et puis, j'ai sommeil, moi!
 
Ligne 2 090 :
C'est bien. Ah, voilà le feu qui flambe.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! c'est bon ça, il fait chaud maintenant. Mais je vois des Russes partout. Quelle fuite, grand Dieu! Ah!
 
Ligne 2 134 :
 
 
Il fait nuit. Le PEREPÈRE UBU dort.
Entre la MEREMÈRE UBU sans le voir. L'obscurité est complète.
 
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Enfin, me voilà à l'abri. Je suis seule ici, ce n'est pas dommage, mais quelle course effrénée: traverser toute la Pologne en quatre jours! tous les malheurs m'ont assaillie à la fois. Aussitôt partie cette grosse bourrique, je vais à la crypte m'enrichir. Bientôt après je manque d'être lapidée par ce Bougrelas et ces enragés. Je perds mon cavalier le Palotin Giron qui était si amoureux de mes attraits qu'il se pâmait d'aise en me voyant, et même, m'a-t-on assuré, en ne me voyant pas, ce qui est le comble de la tendresse. Il se serait fait couper en deux pour moi, le pauvre garçon. La preuve, c'est qu'il a été coupé en quatre par Bougrelas. Pif paf pan! Ah! je pense mourir. Ensuite donc, je prends la fuite, poursuivie par la foule en fureur. Je quitte le palais, j'arrive à la Vistule, tous les ponts étaient gardés. Je passe le fleuve à la nage, espérant ainsi laisser mes persécuteurs. De tous côtés la noblesse se rassemble et me poursuit. Je manque mille fois périr, étouffée dans un cercle de Polonais acharnés à me perdre. Enfin je trompai leur fureur, et après quatre jours de courses dans la neige de ce qui fut mon royaume j'arrive me réfugier ici. Je n'ai ni bu ni mangé ces quatre jours. Bougrelas me serrait de près... Enfin, me voilà sauvée. Ah! je suis morte de fatigue et de froid. Mais je voudrais bien savoir ce qu'est devenu mon gros polichinelle, je veux dire mon très respectable époux. Lui en ai-je pris, de la finance. Lui en ai-je volé, des rixdales. Lui en ai-je tiré, des carottes. Et son cheval à finances qui mourait de faim: il ne voyait pas souvent d'avoine, le pauvre diable. Ah! la bonne histoire. Mais hélas! j'ai perdu mon trésor! Il est à Varsovie, ira le chercher qui le voudra.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}{{didascalie|commençant à ce réveiller.}}
Attrapez la Mère Ubu, coupez les oneilles!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ah! Dieu! Où suis-je? Je perds la tête. Ah! non, Seigneur!
Grâce au Ciel j'entrevoi
Ligne 2 150 :
Faisons la gentille. Eh bien, mon gros bonhomme, as-tu bien dormi?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Fort mal! Il était bien dur cet ours! Combat des voraces contre les coriaces, mais les voraces ont complètement mangé et dévoré les coriaces, comme vous le verrez quand il fera jour; entendez-vous, nobles Palotins!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Qu'est-ce qu'il bafouille? Il est encore plus bête que quand il est parti. A qui en a-t-il?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Cotice, Pile, répondez-moi, sac à merdre! Où êtes-vous? Ah! j'ai peur. Mais enfin on a parlé. Qui a parlé? Ce n'est pas l'ours, je suppose. Merdre! Où sont mes allumettes? Ah! je les ai perdues à la bataille.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}{{didascalie|à part.}}
Profitons de la situation et de la nuit, simulons une apparition surnaturelle et faisons-lui promettre de nous pardonner nos larcins.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Mais, par saint Antoine! on parle. Jambedieu! Je veux être pendu!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}{{didascalie|grossissant sa voix.}}
Oui, monsieur Ubu, on parle, en effet, et la trompette de l'archange qui doit tirer les morts de la cendre et de la poussière finale ne parlerait pas autrement! Ecoutez cette voix sévère. C'est celle de saint Gabriel qui ne peut donner que de bons conseils.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! ça, en effet!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ne m'interrompez pas ou je me tais et c'en sera fait de votre giborgne!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! ma gidouille! Je me tais, je ne dis plus mot. Continuez, madame l'Apparition!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Nous disions, monsieur Ubu, que vous étiez un gros bonhomme!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Très gros, en effet, ceci est juste.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Taisez vous, de par Dieu!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! les anges ne jurent pas!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}{{didascalie|à part.}}
Merdre! {{didascalie|continuant.}} Vous êtes marié, monsieur Ubu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Parfaitement, à la dernière des chipies!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Vous voulez dire que c'est une femme charmante.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Une horreur. Elle a des griffes partout, on ne sait par où la prendre.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Il faut la prendre par la douceur, sire Ubu, et si vous la prenez ainsi vous verrez qu'elle est au moins l'égale de la Vénus de Capoue.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Qui dites-vous qui a des poux?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Vous n'écoutez pas, monsieur Ubu; prêtez-nous une oreille plus attentive. {{didascalie|A part.}} Mais hâtons-nous, le jour va se lever. Monsieur Ubu, votre femme est adorable et délicieuse, elle n'a pas un seul défaut.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Vous vous trompez, il n'y a pas un défaut qu'elle ne possède.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Silence donc! Votre femme ne vous fait pas d'infidélités!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Je voudrais bien voir qui pourrait être amoureux d'elle. C'est une harpie!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Elle ne boit pas!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Depuis que j'ai pris la clef de la cave. Avant, à sept heures du matin elle était ronde et elle se parfumait à l'eau-de-vie. Maintenant qu'elle se parfume à l'héliotrope elle ne sent pas plus mauvais. Ca m'est égal. Mais maintenant il n'y a plus que moi à être rond!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Sot personnage! - Votre femme ne vous prend pas votre or.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Non, c'est drôle!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Elle ne détourne pas un sou!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Témoin monsieur notre noble et infortuné cheval à Phynances, qui, n'étant pas nourri depuis trois mois, a dû faire la campagne entière traîné par la bride à travers l'Ukraine. Aussi est-il mort à la tâche, la pauvre bête!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Tout ceci sont des mensonges, votre femme est un modèle et vous quel monstre vous faites!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Tout ceci sont des vérités. Ma femme est une coquine et vous quelle andouille vous faites!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Prenez garde, Père Ubu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! c'est vrai, j'oubliais à qui je parlais. Non, je n'ai pas dit ça!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Vous avez tué Venceslas.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ce n'est pas ma faute, moi, bien sûr. C'est la Mère Ubu qui a voulu.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Vous avez fait mourir Boleslas et Ladislas.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Tant pis pour eux! Ils voulaient me taper!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Vous n'avez pas tenu votre promesse envers Bordure et plus tard vous l'avez tué.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
J'aime mieux que ce soit moi que lui qui règne en Lithuanie. Pour le moment ça n'est ni l'un ni l'autre. Ainsi vous voyez que ça n'est pas moi.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Vous n'avez qu'une manière de vous faire pardonner de tous vos méfaits.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Laquelle? Je suis tout disposé à devenir un saint homme, je veux être évêque et voir mon nom sur le calendrier.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Il faut pardonner à la Mère Ubu d'avoir détourné un peu d'argent.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh bien, voilà! Je lui pardonnerai quand elle m'aura rendu tout, qu'elle aura été bien rossée et qu'elle aura ressuscité mon cheval à finances.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Il en est toqué de son cheval! Ah! je suis perdue, le jour se lève.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Mais enfin je suis content de savoir maintenant assurément que ma chère épouse me volait. Je le sais maintenant de source sûre. Omnis a Deo scientia, ce qui veux dire: Omnis, toute; a Deo, science; scientia, vient de Dieu. Voilà l'explication du phénomène. Mais madame l'Apparition ne dit plus rien. Que ne puis-je lui offrir de quoi se réconforter. Ce qu'elle disait était très amusant. Tiens, mais il fait jour! Ah! Seigneur, de par mon cheval à finances, c'est la Mère Ubu!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}{{didascalie|effrontément.}}
Ca n'est pas vrai, je vais vous excommunier.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! charogne!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Quelle impiété.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! c'est trop fort. Je vois bien que c'est toi, sotte chipie! Pourquoi diable es-tu ici?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Giron est mort et les Polonais m'ont chassée.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Et moi, ce sont les Russes qui m'ont chassé: les beaux esprits se rencontrent.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Dis donc qu'un bel esprit a rencontré une bourrique!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! eh bien, il va rencontrer un palmipède maintenant.
 
{{didascalie|Il lui jette l'ours.}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}, tombant accablée sous le poids de l'ours.
Ah! grand Dieu! Quelle horreur! Ah! je meurs! J'étouffe! il me mort! Il m'avale! il me digère!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Il est mort! grotesque. Oh! mais, au fait, peut-être que non! Ah! Seigneur! non, il n'est pas mort, sauvons-nous.{{didascalie|Remontant sur son rocher.}} Pater noster qui es...
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}{{didascalie|se débarrassant.}}
Tiens! où est-il?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! Seigneur! la voilà encore! Sotte créature, il n'y a donc pas moyen de se débarrasser d'elle. Est-il mort, cet ours?
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Eh oui, sotte bourrique, il est déjà tout froid. Comment est-il venu ici?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}{{didascalie|confus.}}
Je ne sais pas. Ah! si, je sais! Il a voulu manger Pile et Cotice et moi je l'ai tué d'un coup de Pater Noster.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Pile, Cotice, Pater Noster. Qu'est-ce que c'est que ça? Il est fou, ma finance!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
C'est très exact ce que je dis! Et toi tu es idiote, ma giborgne!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Raconte-moi ta campagne, Père Ubu.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! dame, non! C'est trop long. Tout ce que je sais, c'est que malgré mon incontestable vaillance tout le monde m'a battu.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Comment, même les Polonais?
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ils criaient: Vive Venceslas et Bougrelas. J'ai cru qu'on voulait m'écarteler. Oh! les enragés! Et puis ils ont tué Rensky!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ca m'est bien égal! Tu sais que Bougrelas a tué le Palotin Giron!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ca m'est bien égal! Et puis ils ont tué le pauvre Lascy!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ca m'est bien égal!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! mais tout de même, arrive ici, charogne! Mets-toi à genoux devant ton maître {{didascalie|il l'empoigne et la jette à genoux}}, tu vas subir le dernier supplice.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ho, ho, monsieur Ubu!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! oh! oh! après, as-tu fini? Moi je commence: torsion du nez, arrachement des cheveux, pénétration du petit bout de bois dans les oneilles, extraction de la cervelle par les talons, lacération du postérieur, suppression partielle ou même totale de la moelle épinière (si au moins ça pouvait lui ôter les épines du caractère), sans oublier l'ouverture de la vessie natatoire et finalement la grande décollation renouvelée de saint Jean-Baptiste, le tout tiré des saintes Ecritures, tant de l'Ancien que du Nouveau Testament, mis en ordre, corrigé et perfectionné par l'ici présent Maître des Finances! Ca te va-t-il, andouille?
 
{{didascalie|Il la déchire.}}
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Grâce, monsieur Ubu!
 
Ligne 2 385 :
En avant, mes amis! Vive la Pologne!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! oh! attends un peu, monsieur le Polognard. Attends que j'en aie fini avec madame ma moitié!
 
Ligne 2 391 :
Tiens, lâche, gueux, sacripant, mécréant, musulman!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}{{didascalie|ripostant.}}
Tiens! Polognard, soûlard, bâtard, hussard, tartare, calard, cafard, mouchard, savoyard, communard!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}{{didascalie|le battant aussi}}
Tiens, capon, cochon, félon, histrion, fripon, souillon, polochon!
 
Les Soldats se ruent sur les Ubus qui se défendent de leur mieux.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Dieu! quels renfoncements!
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
On a des pieds, messieurs les Polonais.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
De par ma chandelle verte, ça va-t-il finir, à la fin de la fin? Encore un! Ah! si j'avais ici mon cheval à phynances!
 
Ligne 2 414 :
Vive le Père Ubu, notre grand financier!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! les voilà. Hurrah! Voilà les Pères Ubus. En avant, arrivez, on a besoin de vous, messieurs des Finances!
 
Ligne 2 425 :
Hon! nous nous revoyons, Monsieuye des Finances. En avant, poussez vigoureusement, gagnez la porte, une fois dehors il n'y aura plus qu'à se sauver.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! ça, c'est mon plus fort. O comme il tape.
 
Ligne 2 446 :
Courage, sire Ubu!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! j'en fais dans ma culotte. En avant cornegidouille! Tudez, saignez, écorchez, massacrez, corne d'Ubu! Ah! ça diminue!
 
Ligne 2 452 :
Il n'y en a plus que deux à garder la porte.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}{{didascalie|les assommant à coups d'ours.}}
Et d'un, et de deux! Ouf! me voilà dehors! Sauvons-nous! suivez, les autres, et vivement!
 
Ligne 2 462 :
 
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! je crois qu'ils ont renoncé à nous attraper.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Oui, Bougrelas est allé se faire couronner.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Je ne la lui envie pas, sa couronne.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Tu as bien raison, Père Ubu.
 
Ligne 2 480 :
 
Le pont d'un navire courant au plus près sur la Baltique.
Sur le pont le {{réplique|PEREPÈRE UBU}} et toute sa bande.
 
 
Ligne 2 486 :
Ah! quelle belle brise.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Il est de fait que nous filons avec une rapidité qui tient du prodige. Nous devons faire au moins un million de nœuds à l'heure, et ces nœuds ont ceci de bon qu'une fois faits ils ne se défont pas. Il est vrai que nous avons vent arrière.
 
Ligne 2 494 :
Une risée arrive, le navire couche et blanchit la mer.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! Ah! Dieu! nous voilà chavirés. Mais il va tout de travers, il va tomber, ton bateau.
 
Ligne 2 500 :
Tout le monde sous le vent, bordez la misaine!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! mais non, par exemple! Ne vous mettez pas tous du même côté! C'est imprudent ça. Et supposez que le vent vienne à changer de côté: tout le monde irait au fond de l'eau et les poissons nous mangeront.
 
Ligne 2 506 :
N'arrivez pas, serrez près et plein!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Si! Si! Arrivez. Je suis pressé, moi! Arrivez, entendez-vous! C'est ta faute, brute de capitaine, si nous n'arrivons pas. Nous devrions être arrivés. Oh oh, mais je vais commander, moi, alors! Pare à virer! A Dieu vat. Mouillez, virez vent devant, virez vent arrière. Hissez les voiles, serrez les voiles, la barre dessus, la barre dessous, la barre à côté. Vous voyez, ça va très bien. Venez en travers à la lame et alors ce sera parfait.
 
Ligne 2 514 :
Amenez le grand foc, prenez un ris aux huniers.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ceci n'est pas mal, c'est même bon! Entendez-vous, monsieur l'Equipage? amenez le grand coq et allez faire un tour dans les pruniers.
 
{{didascalie|Plusieurs agonisent de rire. Une lame embarque.}}
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! quel déluge! Ceci est un effet des manœuvres que nous avons ordonnées.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU ET PILE}}
Délicieuse chose que la navigation!
 
Ligne 2 530 :
Méfiez-vous de Satan et de ses pompes.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Sire garçon, apportez-nous à boire.
 
Tous s'installent à boire.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Ah! quel délice de revoir bientôt la douce France, nos vieux amis et notre château de Mondragon!
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Eh! nous y serons bientôt. Nous arrivons à l'instant sous le château d'Elseneur.
 
Ligne 2 547 :
Oui, et nous éblouirons nos compatriotes des récits de nos aventures merveilleuses.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Oh! ça évidemment! Et moi je me ferai nommer Maître des Finances à Paris.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
C'est cela! Ah! quelle secousse!
 
Ligne 2 559 :
Et maintenant notre noble navire s'élance à toute vitesse sur les sombres lames de la mer du Nord.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Mer farouche et inhospitalière qui baigne le pays appelé Germanie, ainsi nommé parce que les habitants de ce pays sont tous cousins germains.
 
{{réplique|MEREMÈRE UBU}}
Voilà ce que j'appelle de l'érudition. On dit ce pays fort beau.
 
{{réplique|PEREPÈRE UBU}}
Ah! messieurs! si beau qu'il soit il ne vaut pas la Pologne. S'il n'y avait pas de Pologne il n'y aurait pas de Polonais!
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