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par un jeu de déclic. Mais il diffère des autres cerveaux en ce que le nombre des mécanismes qu’il peut monter, et par conséquent le nombre des déclics entre lesquels il donne le choix, est indéfini. Or, du limité à l’illimité il y a toute la distance du fermé à l’ouvert. Ce n’est pas une différence de degré, mais de nature.
{{tiret2|mouve|ment}} par un jeu de déclic. Mais il diffère des autres cerveaux en ce que le nombre des mécanismes qu’il peut monter, et par conséquent le nombre des déclics entre lesquels il donne le choix, est indéfini. Or, du limité à l’illimité il y a toute la distance du fermé à l’ouvert. Ce n’est pas une différence de degré, mais de nature.


Radicale aussi, par conséquent, est la différence entre la conscience de l’animal, même le plus intelligent, et la conscience humaine. Car la conscience correspond exactement à la puissance de choix dont l’être vivant dispose ; elle est coextensive à la frange d’action possible qui entoure l’action réelle : con­science est synonyme d’invention et de liberté. Or, chez l’animal, l’invention n’est jamais qu’une variation sur le thème de la routine. Enfermé dans les habitudes de l’espèce, il arrive sans doute à les élargir par son initiative individuelle ; mais il n’échappe à l’automatisme que pour un instant, juste le temps de créer un automatisme nouveau les portes de sa prison se referment aussitôt ouvertes en tirant sur sa chaîne il ne réussît qu’à l’allonger. Avec l’homme, la conscience brise la chaîne. Chez l’homme, et chez l’homme seule­ment, elle se libère. Toute l’histoire de la vie, jusque-là, avait été celle d’un effort de la conscience pour soulever la matière, et d’un écrasement plus ou moins complet de la conscience par la matière qui retombait sur elle. L’entre­prise était paradoxale, — si toutefois l’on peut parler ici, autrement que par métaphore, d’entreprise et d’effort. Il s’agissait de créer avec la matière, qui est la nécessité même, un instrument de liberté, de fabriquer une méca­nique qui triomphât du mécanisme, et d’employer le déterminisme de la nature à passer à travers les mailles du filet qu’il avait tendu. Mais, partout ailleurs que chez l’homme, la conscience s’est laissé prendre au filet dont
Radicale aussi, par conséquent, est la différence entre la conscience de l’animal, même le plus intelligent, et la conscience humaine. Car la conscience correspond exactement à la puissance de choix dont l’être vivant dispose ; elle est coextensive à la frange d’action possible qui entoure l’action réelle : conscience est synonyme d’invention et de liberté. Or, chez l’animal, l’invention n’est jamais qu’une variation sur le thème de la routine. Enfermé dans les habitudes de l’espèce, il arrive sans doute à les élargir par son initiative individuelle ; mais il n’échappe à l’automatisme que pour un instant, juste le temps de créer un automatisme nouveau les portes de sa prison se referment aussitôt ouvertes en tirant sur sa chaîne il ne réussît qu’à l’allonger. Avec l’homme, la conscience brise la chaîne. Chez l’homme, et chez l’homme seule­ment, elle se libère. Toute l’histoire de la vie, jusque-là, avait été celle d’un effort de la conscience pour soulever la matière, et d’un écrasement plus ou moins complet de la conscience par la matière qui retombait sur elle. L’entreprise était paradoxale, — si toutefois l’on peut parler ici, autrement que par métaphore, d’entreprise et d’effort. Il s’agissait de créer avec la matière, qui est la nécessité même, un instrument de liberté, de fabriquer une méca­nique qui triomphât du mécanisme, et d’employer le déterminisme de la nature à passer à travers les mailles du filet qu’il avait tendu. Mais, partout ailleurs que chez l’homme, la conscience s’est laissé prendre au filet dont