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<references />
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|}
 
=== TOUR ===
s. f. (<i>tor</i>). Dans l'ancienne fortification, la tour est un ouvrage
saillant sur les courtines, à plan carré ou circulaire, et formant un
flanquement suffisant avant l'emploi des bouches à feu.
 
Il serait difficile de remonter au premier emploi de la tour comme
défense. Dès la plus haute antiquité, la tour est connue: les Asiatiques
et les Grecs, les Phéniciens et les Étrusques bâtissaient des tours pour
fortifier les murailles de leurs villes et forteresses. Ces tours étaient
généralement élevées sur plan carré ou barlong, et dépassaient le niveau
du chemin de ronde des courtines.
 
Les Romains avaient pris la tour aux Étrusques et aux Grecs, et dès
l'époque des rois ils flanquaient les courtines au moyen de tours à plan
carré. Autour de Rome, sous les remparts de l'empire, des bas temps
et du moyen âge, on retrouve encore d'assez nombreuses traces de ces
ouvrages élevés en gros blocs de pépérin par les Tarquins.
 
<span id="Arles6"><span id=Autun30>Cependant il n'est pas rare de trouver des tours romaines d'une
époque assez ancienne, sur plan circulaire, flanquant des portes. À
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Arles|Arles]], on voit encore, du côté opposé au Rhône, deux souches de tours
qui flanquaient une porte, qui datent d'une très belle époque et sont
sur plan circulaire. Ces tours ont 8 mètres de diamètre et sont espacées
l'une de l'autre de 15 mètres. <span id=Nimes>À [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Nimes|Nîmes]], la porte dite d'Auguste était
flanquée de deux tours circulaires. Il en était de même aux portes
d'Arroux et de Saint-André, à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Autun|Autun]] (IVe siècle), à la porte de Vézone
(Périgueux), à l'est de l'ancienne cathédrale. Les tours romaines sur
plan circulaire, flanquant des courtines, sont beaucoup plus rares: on
en voit quelques-unes sur le front occidental des remparts d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Autun|Autun]],
mais qui appartiennent à une très basse époque; de même à Rome.
 
Les Romains élevaient aussi des tours isolées en dehors des remparts,
sortes d'ouvrages avancés qui protégeaient un point faible, un passage
de rivière, et commandaient la campagne. Ces tours tenaient lieu de ce
que nous appelons aujourd'hui des forts détachés; elles étaient parfois
reliées par un <i>vallum</i>, ou relief de terre avec fossé, soit avec d'autres
tours, soit avec les murailles de la ville. L'édifice auquel, à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Autun|Autun]], on
donne le nom de temple de Janus, paraît avoir été un de ces ouvrages,
qui formait le saillant d'une large tête de pont, d'un camp retranché
sur la rive droite de l'Arroux.
 
Quand les frontières de l'empire furent menacées, les empereurs
romains firent bâtir des tours isolées pour protéger les passages et
pour maintenir les populations voisines<span id="note1"></span>[[#footnote1|<sup>1</sup>]]. Ces tours, comme plus tard
les donjons féodaux, n'avaient point de portes au niveau du sol, mais à
une certaine hauteur, de manière qu'on fût obligé de se servir d'une
échelle pour entrer<span id="note2"></span>[[#footnote2|<sup>2</sup>]]. La tour carrée d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Autun|Autun]], dont nous venons de
parler, paraît avoir eu sa porte relevée au-dessus du sol extérieur.
 
Certaines tours romaines n'étaient que des postes d'observation.
«Une ligne non interrompue de ces tours part de Beuvray et se dirige,
par la Vieille-Montagne, vers le cours de l'Aron, jusqu'à Decize,
par <i>Cercy-la-Tour</i>... La plaine d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Autun|Autun]] en offre une autre semblable
qui longe la chaîne des montagnes au nord-ouest, entre les camps de
la vallée d'Arroux, au-dessus et au-dessous de la ville. Elle commence
au coude d'Arroux, sur la rive droite, entre le Mont-Dru et la Perrière, et, franchissant le bassin d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Autun|Autun]], sur les points culminants de
la plaine, va aboutir à la vallée de Barnay, en face du camp de la montagne de Bar, sans qu'aucune des tours qui composent cette ligne se
perde jamais de vue l'une l'autre. Le souvenir de leurs fanaux s'est
conservé presque partout, soit dans leur nom, soit dans la tradition
populaire. Le nom de Montigny, <i>Mons ignis, Mons ignitus</i>, est resté à
plusieurs de ces localités<span id="note3"></span>[[#footnote3|<sup>3</sup>]].»
 
La colonne Trajane nous montre, dans ses bas-reliefs, beaucoup de
ces tours d'observation avec fanaux, qui permettaient de concerter des
opérations militaires pendant la nuit, et de surveiller les mouvements
d'ennemis ou de bandes de pillards pendant le jour. Quand un gouvernement approche de sa dissolution, le premier symptôme qui se
manifeste bien avant les grandes crises finales, c'est le brigandage.
L'empire romain à son déclin, mais longtemps avant le moment des
débordements des barbares, était rongé par le brigandage; des bandes
armées se répandaient non-seulement sur les frontières de l'empire,
mais autour des grands centres et jusque dans la campagne de Rome.
Les derniers empereurs se préoccupèrent, non sans raison, de guérir
cet ulcère des gouvernements qui finissent, sans y parvenir. Constance,
Julien, Valentinien, établirent dans les Gaules des lignes de postes sur
les marches, le long des vallées voisines des frontières, et à l'entour des
grandes villes. Ces postes n'étaient autre chose que des tours élevées
sur des promontoires, des monticules naturels ou factices (mottes).
Nous verrons bientôt que ce système romain fut longtemps observé
pendant le moyen âge.
 
Il convient donc tout d'abord de distinguer les tours flanquantes,
c'est-à-dire attachées aux courtines d'une place, des tours isolées.
 
Vitruve explique comment il faut établir les tours flanquantes:
«Elles doivent, dit-il<span id="note4"></span>[[#footnote4|<sup>4</sup>]], être en saillie sur le parement extérieur du
mur de telle manière que lorsque l'ennemi s'approche (de la courtine), il soit pris en flanc par deux tours, l'une à droite, l'autre à
gauche... Les murs des forteresses doivent être plantés, non sur
plan carré ou présentant des angles saillants, mais suivant un périmètre circulaire (ou se rapprochant de cette figure), afin que l'ennemi puisse être vu de plusieurs points, car les saillants sont difficilement
défendables, et plus favorables aux assiégeants qu'aux assiégés...
L'intervalle entre les tours doit être calculé en raison de la portée
d'un trait, afin que l'assiégeant soit repoussé par les machines de jet
manœuvrant sur les deux flancs.
 
Il faut, au droit des tours, que les courtines soient interrompues par
une coupure ayant une largeur égale au diamètre de ces tours. De la
sorte les chemins de ronde, étant interrompus, sont seulement complétés
intérieurement par des passerelles de charpente qui, n'étant
pas fixées avec des attaches de fer, peuvent être jetées bas si l'ennemi
s'est emparé d'une portion de courtine, et rendre ainsi l'occupation
des autres courtines et des tours impossible.
 
Les tours doivent être élevées sur plan circulaire ou polygonal, car,
étant carrées, les béliers les détruisent plus facilement en ruinant
leurs angles. Circulaires, chaque pierre formant coin et reportant la
percussion au centre, ces tours résistent mieux à l'effort des machines.
Mais rien n'est tel que de terrasser les remparts et les tours pour leur
donner une grande puissance de résistance...»
 
Ces préceptes, sauf les modifications amenées par la portée des
engins modernes, sont les mêmes que ceux admis de nos jours. Voir
l'ennemi de plusieurs points, éviter, par conséquent, les saillants qui
sont difficiles à flanquer; mettre toujours l'assiégeant entre des feux
convergents; faire qu'un ouvrage pris n'entraîne pas immédiatement
l'abandon des autres; relier au besoin ou séparer les ouvrages, tels
sont les immuables principes de la fortification. Ils furent établis, à
notre connaissance, par les Grecs et les Romains, pratiqués pendant le
moyen âge avec une supériorité marquée, singulièrement développés
dans les temps modernes par suite de l'emploi des bouches à feu. En
effet, de la tour ronde à court flanquement, et ayant toujours des
points morts, au bastion moderne avec ses flancs et ses faces, il y a une
longue suite d'essais, de tentatives et de transitions<span id="note5"></span>[[#footnote5|<sup>5</sup>]].
 
La tour romaine sur plan circulaire ou carré (car, quoi qu'ait enseigné
Vitruve, les Grecs et les Romains ont élevé beaucoup de tours flanquantes carrées), était ouverte ou fermée à la gorge, c'est-à-dire du côté intérieur de la forteresse. Si elle était ouverte, le chemin de ronde
des courtines voisines s'interrompait, comme l'indique Vitruve, au droit de cette ouverture. Si elle était fermée, les rondes circulant sur la courtine devaient se faire ouvrir deux portes pour entrer et sortir de la
tour, afin de reprendre l'autre courtine. Dans ce cas, la tour formait
obstacle à la circulation continue de plain-pied sur le sommet des remparts; Les premières de ces tours sont, à proprement parler, des tours <i>retranchées</i>, tandis que les secondes sont des postes ou petits forts espacés, commandant les remparts.
 
Ce qui prouverait que le système des tours retranchées a été de préférence pratiqué par les Romains, c'est que nous voyons pendant le moyen âge l'emploi de ce système persister dans les villes qui ont
le mieux conservé les traditions romaines; tandis que dans le Nord, où l'influence normande se fait sentir de bonne heure dans l'art de la fortification, les tours sont toujours fermées, à moins toutefois qu'elles ne
flanquent une enceinte extérieure commandée par une enceinte intérieure.
 
Nous diviserons donc cet article en: Tours flanquantes, <i>ouvertes ou
fermées à la gorge</i>; Tours réduite, <i>tenant lieu de donjons ou dépendant
de donjons</i>; Tours de guet, Tours isolées, <i>postes, tours de signaux, de passages, de ponts, de phares.</i>
 
==== Tours flanquantes ====
Les tours flanquantes établies suivant la tradition
romaine, qui se perpétua en Occident jusqu'à l'époque des grandes
invasions normandes, sont (à moins qu'elles ne dépendent de portes)
généralement pleines jusqu'à une certaine hauteur au-dessus du fossé
ou du sol extérieur, afin de résister à l'effort des engins d'attaque ou à
la sape; leur flanquement ne commence donc qu'au niveau des chemins de ronde des courtines, et consiste en des ouvertures assez larges
masquées par des mantelets mobiles de bois. Ce premier flanquement
est surmonté de l'étage supérieur crénelé, formant couronnement et
second flanquement. Cet étage supérieur est couvert par un comble, de
manière à mettre le crénelage à l'abri, ou découvert, le comble étant
alors établi en contre-bas du chemin de ronde ou au ras de ce chemin
de ronde.
 
Voici (fig. 1) un type de ces tours de la fin de l'empire romain<span id="note6"></span>[[#footnote6|<sup>6</sup>]],
ouvertes à la gorge, mais interrompant les chemins de ronde des
courtines.
 
Des plats-bords posés sur les poutres engagées A permettaient de
passer d'un chemin de ronde sur l'autre, et d'entrer de plain-pied au
premier étage de la tour. Ce premier étage est mis en communication
avec le second et avec le crénelage au moyen d'échelles de bois. Une
échelle mobile, que l'on relève au moyen d'un treuil, met le plancher
du premier étage en communication avec le sol du chemin militaire
intérieur. Cette portion d'échelle relevée et les plats-bords enlevés, le
poste gardant la tour ne peut redouter une surprise; il est complètement isolé. Cependant il voit ce qui se passe dans la ville et peut être
surveillé. La tour, occupée par l'ennemi, ne peut battre le chemin
militaire, puisque les étages de cette tour sont ouverts sur ce chemin.
Les approvisionnements de projectiles se font, comme l'indique notre
figure, par ces ouvertures sur le chemin militaire.
</div>
[[Image:Tour.romaine.png|center]]
<div class="text">
La tour se défend, extérieurement, par des ouvertures pratiquées
dans les deux étages et par le crénelage supérieur. Les larges créneaux
en façon d'arcades sont masqués par des mantelets mobiles de bois
roulant sur un axe.
 
<span id="Carcassonne3"></span>La cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] possède encore des tours datant de la domination des Visigoths, construites suivant cette donnée, si ce n'est que
le chemin de ronde passe à travers la tour, et que celle-ci est percée de
portes au niveau de ce chemin de ronde. À [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], les tours visigothes avaient leurs crénelages couverts, des mantelets pour les créneaux supérieurs comme pour les créneaux des étages, et des hourds
de bois pour permettre de battre le pied de la défense.
 
Voici (fig. 2) le plan d'une de ces tours<span id="note7"></span>[[#footnote7|<sup>7</sup>]], au niveau du chemin de
ronde. Au-dessous de ce niveau, l'ouvrage est de maçonnerie pleine.
</div>
[[Image:Plan.tour.visigothe.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
La figure 3 montre la face latérale de cette tour, avec la coupe du
chemin de ronde de la courtine. En A est tracée en place une ferme
des hourds<span id="note8"></span>[[#footnote8|<sup>8</sup>]]; en B, le détail perspectif d'un des corbeaux des créneaux supérieurs, destinés à recevoir les tourillons des mantelets, et en
C les pierres saillantes posées sous les arcades-créneaux pour supporter de même les axes à tourillons qui permettent de relever ou
d'abaisser les volets fermant ces arcades. Au-dessus du plancher, posé
en D, est ouvert, sur la ville, un arc qui laisse voir ce qui se passe à
l'étage supérieur et qui facilite les approvisionnements de projectiles.
</div>
[[Image:Tour.visigothe.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
Cet arc surmonte le mur de fermeture C (voyez le plan), et porte sur
les deux pieds-droits H, I.
 
La question des approvisionnements rapides de projectiles destinés à
défendre ces tours ne paraît pas avoir été examinée avec assez d'attention. On remarquera que ces tours, d'une époque ancienne, c'est-à-dire
qui datent de la fin de l'empire romain aux derniers Carlovingiens,
sont généralement d'un faible diamètre, et ne pouvaient, par conséquent, contenir un approvisionnement très-considérable de projectiles,
soit armes de trait, soit pierres propres à être jetées sur les assaillants
qui voulaient s'approcher du pied des ouvrages pour les saper.
 
En supposant qu'une tour, comme celle que nous présentons ici
(fig. 2 et 3), soit attaquée à son pied; que, protégés par des <i>chats</i>, les
mineurs s'attachent à la maçonnerie, les défenseurs ne peuvent repousser cette attaque qu'en jetant sur les galeries, sur les <i>chats</i>, force
pierres ou matières enflammées, afin de les détruire. Si l'attaque se
prolongeait, on peut estimer la quantité considérable de projectiles
qu'il fallait avoir sous la main. Il était donc nécessaire de renouveler
à chaque heure cette provision, comme aujourd'hui il faut, dans une
place assiégée, renouveler sans cesse les munitions des bouches à feu
placées sur les ouvrages qui contribuent à la défense d'un point
attaqué.
 
Ces tours ouvertes à la gorge se prêtaient à ces approvisionnements
incessants, car plus leur diamètre était petit, plus il fallait remplacer
souvent les projectiles employés à la défense. D'ailleurs l'attaque n'étant
sérieuse qu'autant qu'elle était très-rapprochée, c'était le point attaqué
qui se défendait sans attendre secours des ouvrages voisins. Tous les
efforts de l'attaque, et, par suite, de la défense, étant ainsi limités à un
champ très-étroit, les moyens de résistance s'accumulaient sur ce
point attaqué et devaient être renouvelés avec activité et facilité. Nous
verrons comment cette partie du programme de la défense des tours
se modifie peu à peu suivant les perfectionnements apportés dans le
mode d'attaque.
</div>
[[Image:Mosaique.tour.romaine.png|center]]
<div class="text">
Il est encore une observation dont il faut tenir compte. Dans les
ouvrages de la fin de l'empire romain, comme pendant les périodes
grecque et romaine, les tours ont sur les courtines un commandement considérable (fig. 4)<span id="note9"></span>[[#footnote9|<sup>9</sup>]]: cette disposition est assez régulièrement
observée jusque vers le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle, mais alors les courtines
s'élèvent; le commandement des tours sur ces courtines diminue
d'autant. À cette époque, il arrive même parfois que ces tours ne remplissent que la fonction de flanquement, et n'ont plus de commandement Sur les courtines. C'est encore le système de l'attaque qui
provoque ces changements. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce
sujet.
 
En examinant les tours d'angle du château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], dont
la construction remonte aux premières années du XII<sup>e</sup> siècle, on peut se
rendre un compte exact des moyens d'approvisionnement des défenses
supérieures de ces tours, car ces ouvrages sont parfaitement conservés,
les anciennes charpentes ayant seules été supprimées.
</div>
[[Image:Plan.tour.nord.est.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
La figure 5 présente le plan de la tour de l'angle nord-est, dite <i>tour
du Major</i>, au niveau du sol de la cour du château. La salle ronde voûtée
en calotte hémisphérique se défend par cinq meurtrières qui battent
le fond du fossé. La figure 6 donne le plan du premier étage, qui se
trouve au niveau du chemin de ronde des courtines. Les meurtrières
qui, de la salle, s'ouvrent sur les dehors au nombre de quatre, ne sont
pas percées au-dessus de celles du rez-de-chaussée, afin de laisser le
moins de points morts possible. La voûte également en calotte qui
couvre cette seconde salle est percée d'un trou A, ou porte-voix, qui
communique avec les étages supérieurs. Le deuxième étage n'est pas
voûté, mais couvert par un plancher placé en contre-bas du chemin
de ronde de la tour. Cette troisième salle n'était destinée qu'au logement du poste de la tour, elle ne se défend pas. Au-dessus s'élève le
</div>
[[Image:Plan.tour.nord.est.Carcassonne.2.png|center]]
 
[[Image:Plan.tour.nord.est.Carcassonne.3.png|center]]
<div class="text">
<br>
crénelage avec son chemin de ronde et ses hourds (fig. 7). Pour faciliter la pose de la charpente du comble, l'intérieur du crénelage est à
pans. Ce comble était ainsi pyramidal, avec des coyaux qui formaient la
transition entre la pyramide et le cône. De B en C, les fermes des
hourds sont supposées placées. Ces hourds étaient évidemment très-saillants, car les deux trous superposés réservés dans la construction pour
recevoir les fermes, indiquent un système de liens avec corbelets<span id="note10"></span>[[#footnote10|<sup>10</sup>]]
soulageant
la bascule des pièces horizontales destinées à porter le plancher.
La coupe, faite sur la ligne <i>ab</i>, du plan du rez-de-chaussée (fig. 8),
montre la disposition des deux salles inférieures percées de meurtrières,
de la salle D, chambrée des hommes de garde, et de l'étage supérieur, poste du capitaine et défense principale. La corne E (voy. fig. 7),
s'élevant d'aplomb sur la cour du château, permettait de hisser les munitions
au sommet des défenses, sans qu'il fût nécessaire de les monter
à dos d'homme par l'escalier. Au moyen d'un treuil posé en G et
d'une poulie passant en E à travers le bout de l'entrait de la ferme
principale du comble, on élevait facilement des poids assez considérables.
Notre coupe (fig. 8) indique ce mécanisme si simple. Le bourriquet hissé au niveau du plancher du hourd, on fermait la trappe, on lâchait sur le treuil, et les munitions étaient disposées le long des hourds ou dans la salle supérieure; car on remarquera que cette salle est mise en communication avec le chemin de ronde des hourds au moyen des créneaux.
</div>
[[Image:Coupe.tour.nord.est.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
Cette salle bien garnie de pierres et les hourds de sagettes et de carreaux,
il était possible de couvrir les assaillants de projectiles pendant
plusieurs heures. Les mâchicoulis de hourds, aussi saillants, étaient habituellement
doubles, c'est-à-dire qu'ils permettaient de laisser tomber
des pierres en I et en L. Les matériaux tombant en I ricochaient sur le
talus K, et prenaient les assaillants en écharpe (voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 Mâchicoulis|Mâchicoulis]]).
</div>
[[Image:Alimentation.munitions.tour.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
La figure 9 explique d'une façon claire, pensons-nous, le mode de
montage des munitions. Le servant attend que le bourriquet soit hissé
au niveau du plancher, pour fermer la trappe et répartir les projectiles
où besoin est. En A, est tracée la section horizontale des potelets doubles
des hourds au droit des angles, laissant entre eux la rainure dans
laquelle s'engagent les masques du chemin de ronde. Le plancher de la salle supérieure, étant à 1 mètre 28 centimètres en contre-bas de l'appui
des créneaux, permettait d'approvisionner une quantité considérable de
projectiles que les servants, postés dans cette salle, passaient, au fur et
à mesure du besoin, aux défenseurs des hourds, de manière à ne pas
encombrer leur chemin de ronde. Pendant une attaque même, on
pouvait hisser, à l'aide du treuil, de la chaux vive, de la poix bouillante,
de la cendre qui aveuglait les assaillants<span id="note11"></span>[[#footnote11|<sup>11</sup>]] (voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8, Siège|Siége]]). On observera
que cette tour d'angle, comme toutes celles des défenses de la cité de
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], interrompt la circulation sur les chemins de ronde des
courtines, et force ainsi les patrouilles de se faire reconnaître à chaque
tour. D'ailleurs, c'était dans les tours que logeaient les postes de
défense, et chacun de ces postes avait à défendre une portion de courtine. La tactique des assaillants consistait à s'emparer d'une courtine
en dépit des flanquements, et de se répandre ainsi dans la place.
 
Alors les postes des tours s'enfermaient, et il fallait les assiéger séparément,
ce qui rendait possible un retour offensif de la garnison et
mettait les assiégeants dans une position assez périlleuse. Cependant
on voulut, dès le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle, rendre les parties de la défense
plus solidaires, et l'on augmenta le relief des courtines en renonçant ainsi
aux commandements considérables des tours. Dans le dernier exemple
que nous présentons, le niveau des chemins de ronde des courtines est
en N; le commandement de la tour est donc très-prononcé.
 
Déjà ces commandements sont moins considérables au château de
Coucy, bâti vers 1220<span id="note12"></span>[[#footnote12|<sup>12</sup>]]. Les quatre tours d'angle de ce château sont
très-remarquables, au double point de vue de la structure et de la
défense. Elles sont pleines dans toute la hauteur du talus. Cinq étages
s'élèvent au-dessus de ce talus; deux sont voûtés, deux sont fermés par
des planchers, le cinquième est couvert par le comble conique<span id="note13"></span>[[#footnote13|<sup>13</sup>]].
 
Les plans (fig. 10) présentent en A la tour d'angle nord-ouest, au
niveau du sol du premier étage du château; en C, au niveau du sol du
second étage; en D, au niveau du crénelage supérieur.
</div>
[[Image:Plan.tour.nord.ouest.Coucy.png|center]]
<div class="text">
L'étage inférieur, voûté, au niveau du sol de la cour, ne possède
aucune meurtrière; c'est une cave à provisions dont la voûte est
percée d'un œil. L'escalier ne monte que du niveau de la cour au sol du
quatrième étage, et l'on n'arrivait à l'étage crénelé que par un escalier
de bois (échelle de meunier)<span id="note14"></span>[[#footnote14|<sup>14</sup>]]. En <i>g</i>, sont des cheminées; en <i>l</i>, des
latrines<span id="note15"></span>[[#footnote15|<sup>15</sup>]]. Une ouverture laissée au centre des planchers permettait
de hisser les munitions du rez-de-chaussée au sommet de la tour sur
les chemins de ronde. Les meurtrières sont alternées, afin de laisser
le moins possible de points morts.
 
Les tours du château de Coucy présentent une particularité
intéressante,
c'est la transition entre le hourdage de bois et le mâchicoulis de
pierre<span id="note16"></span>[[#footnote16|<sup>16</sup>]]. Des corbeaux de pierre remplacent les trous par lesquels on
passait (comme nous l'avons vu dans l'exemple précédent) les pièces
de bois en bascule qui recevaient les chemins de ronde établis en temps
de guerre. Ces corbeaux à demeure recevaient alors les hourds<span id="note17"></span>[[#footnote17|<sup>17</sup>]].
</div>
[[Image:Coupe.tour.nord.ouest.Coucy.png|center]]
<div class="text">
La figure 11 donne la coupe (sur la ligne <i>ad</i> du plan A) de ce bel
ouvrage. Outre les jours des meurtrières, les salles des troisième et quatrième
étages possèdent une fenêtre chacune, qui les éclaire. Les
munitions étaient montées à l'aide d'un treuil placé dans la salle du
quatrième étage, ainsi que le fait voir notre figure, et étaient déposées
sur le plancher supérieur mis en communication avec les hourds au
moyen des créneaux couverts. Les hourds tracés en G expliquent le
système des défenses de bois posées en temps de guerre sur les corbeaux
à demeure de pierre, C. Le niveau du chemin de ronde des courtines se
trouvant en R, on voit que le commandement de la tour sur ce chemin
de ronde était moins considérable déjà que dans l'exemple précédent<span id="note18"></span>[[#footnote18|<sup>18</sup>]].
En E, commence l'escalier de bois qui, passant à travers un des arcs de
l'hexagone, montait du quatrième étage au niveau du plancher supérieur, très-solidement construit pour recevoir la charge d'une provision
de projectiles.
 
Cette construction est merveilleusement exécutée en assises de 40 à
50 centimètres, et n'a subi aucune altération, malgré le chevauchement
des piles. Le talus extérieur descend à 8 mètres en contre-bas
du niveau K, sol de la cour. Une élévation extérieure prise en B (voy. le
plan), fig. 12, complète notre description. Les hourds sont supposés
placés sur une moitié des corbeaux.
</div>
[[Image:Tour.nord.ouest.Coucy.png|center]]
<div class="text">
Ces défenses du château de Coucy sont construites au sommet d'un
escarpement; leur effet ne devait s'exercer, par conséquent, que suivant
un rayon peu étendu, lorsque l'assaillant cherchait à se loger au pied
même des murs.
Les meurtrières, percées à chaque étage, sont plutôt faites pour se
rendre compte des mouvements de l'ennemi que pour tirer. Il s'agissait
ici d'opposer aux attaques un obstacle formidable par son élévation et
par la défense du couronnement. Sur trois côtés, en effet, le château de
Coucy ne laisse entre ses murs et la crête du coteau qu'une largeur de
quelques mètres, un chemin de ronde extérieur qui lui-même pouvait
être défendu. Un très-large fossé et le gros donjon protègent le quatrième
côté<span id="note19"></span>[[#footnote19|<sup>19</sup>]]. Il n'était besoin que d'une défense rapprochée et presque
verticale. Mais la situation des lieux obligeait souvent, alors comme
aujourd'hui, de suppléer à l'obstacle naturel d'un escarpement par
un champ de tir aussi étendu que possible, horizontalement, afin
de gêner les approches. Cette condition est remplie habituellement
au moyen d'ouvrages bas, d'enceintes extérieures flanquées, dominées
par le commandement des ouvrages intérieurs. L'enceinte si complète
de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] nous fournit, à cet égard, des dispositions d'un grand
intérêt. <span id="Carcassonne4"></span>On sait que la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] est protégée par une double
enceinte: celle extérieure n'ayant qu'un commandement peu considérable; celle intérieure, au contraire, dominant et cette enceinte extérieure et la campagne<span id="note20"></span>[[#footnote20|<sup>20</sup>]]. Or, l'enceinte extérieure, bâtie vers le milieu
du XIII<sup>e</sup> siècle par ordre de saint Louis, est flanquée de tours, la plupart
fermées à la gorge et espacées les unes des autres de 50 à 60 mètres.
 
Ces tours, qui n'ont qu'un faible commandement sur les courtines, et
parfois même qui s'unissent avec elles, sont disposées pour la défense
éloignée. Bien munies de meurtrières, elles se projettent en dehors des
murs et recevaient des hourdages saillants.
</div>
[[Image:Plan.tour.enceinte.exterieure.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
L'une de ces tours<span id="note21"></span>[[#footnote21|<sup>21</sup>]], entièrement conservée, présente une disposition
conforme en tous points au programme que nous venons d'indiquer.
La figure 13 donne le plan de cette tour au niveau du sol des
lices, c'est-à-dire de la route militaire pratiquée entre les deux enceintes. La figure 14 donne le plan du premier étage. Le chemin de
ronde de la courtine est en A, et la tour n'interrompt pas la circulation.
</div>
[[Image:Plan.tour.enceinte.exterieure.Carcassonne.2.png|center]]
 
[[Image:Plan.tour.enceinte.exterieure.Carcassonne.3.png|center]]
<div class="text">
La porte B met le chemin de ronde en communication avec le rez-de-chaussée
par l'escalier D, avec le premier étage de plain-pied, et
avec les défenses supérieures par l'escalier C. Les meurtrières, nombreuses, sont chevauchées pour éviter les points morts. La figure 15
présente le plan de ces défenses supérieures, les hourds étant supposés
placés en E. Le crénelage est largement ouvert en G pour permettre les
approvisionnements et pour que l'ouvrage ne puisse se défendre contre
l'enceinte intérieure, qui, du reste, possède un commandement très
considérable. En temps de paix, l'espace circulaire H était seul couvert
par un comble à demeure. Les combles des hourds posés en temps de
guerre couvraient le chemin de ronde K et les galeries de bois L; un
large auvent protégeait l'ouverture G. La coupe faite sur la ligne <i>ab</i> de
ce plan est présentée dans la figure 16. En M, est tracé le profil d'ensemble
de cet ouvrage, avec le fossé, la crête de la contrescarpe et le
sol extérieur formant le glacis. On voit comme les meurtrières sont disposées
pour couvrir de projectiles rasants ce glacis, et de projectiles
plongeants la crête et le pied de la contrescarpe. Quant à la défense
rapprochée, il y est pourvu par les mâchicoulis des hourds, ainsi qu'on
le voit en P. La figure 17 donne le tracé géométral de cette tour du côté
intérieur, les hourds n'étant posés que du côté R.
</div>
[[Image:Coupe.tour.enceinte.exterieure.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
Si l'assaillant parvenait à s'emparer de cet ouvrage, il se trouvait à
20 mètres du pied de l'enceinte intérieure, dont les tours plus rapprochées,
mais moins saillantes sur les courtines, présentent un front
avec courts flanquements très-multipliés. Du haut de cette enceinte
intérieure, dont le relief est de 15 mètres au-dessus du chemin de
ronde S, il n'était pas difficile de mettre le feu aux couvertures des
tours de l'enceinte extérieure au moyen de projectiles incendiaires, et
d'en rendre ainsi l'occupation impossible, d'autant que ces tours ne se
défendent pas sur le chemin militaire des lices.
</div>
[[Image:Coupe.tour.enceinte.exterieure.Carcassonne.2.png|center]]
<div class="text">
Avec les armes de jet et les moyens d'attaque de l'époque, on ne
pouvait adopter une meilleure combinaison défensive. Ces tours pleines
dans la hauteur du talus qui enveloppe la roche naturelle ne pouvaient
être ruinées par la sape. Bien percées de meurtrières, elles envoyaient
des projectiles divergeants de plein fouet à 60 mètres de leur circonférence. Pour les aborder, il fallait donc entreprendre une suite d'ouvrages qui demandaient du temps et beaucoup de monde; tandis que
pour les défendre, il suffisait d'un poste peu nombreux. Un ouvrage de
cette étendue pouvait longtemps défier les attaques avec un capitaine et
vingt hommes<span id="note22"></span>[[#footnote22|<sup>22</sup>]]. Si l'attaque était très-rapprochée, les meurtrières inférieures devenaient inutiles, et alors les vingt hommes répandus sur les
galeries des hourds couvraient les assaillants d'une pluie de projectiles. Nous avons dit ailleurs (voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]]) que les
assiégeants dirigeaient plutôt leurs attaques méthodiques contre les
courtines que contre les tours, parce que la courtine possédait moins
de moyens défensifs que les tours, et qu'il était plus difficile à l'assiégé
de les retrancher. Mais, il va sans dire que, pour emporter une courtine, il fallait d'abord détruire ou masquer les flanquements que donnaient les tours voisines.
 
Tant que les tours enfilaient la courtine, on ne pouvait guère avancer
les <i>chats</i> et les <i>beffrois</i> contre cette courtine. Ainsi, quoiqu'il ne fût pas
conforme à la tactique d'envoyer une colonne d'assaut contre une tour--et
les beffrois n'étaient qu'un moyen de jeter une colonne d'assaut
sur la courtine,--il fallait toujours que l'assaillant rendît nulles les
défenses des tours sur les flancs, avant de rien entreprendre contre la courtine.
 
Mais admettant que les hourds des tours eussent été détruits ou
brûlés, et que les défenses de celles-ci eussent été réduites aux meurtrières des étages inférieurs, que les beffrois fussent approchés de la
courtine; le chemin de ronde de la courtine étant toujours élevé au-dessus
du sol intérieur, les assaillants qui se précipitaient du beffroi sur
ces chemins de ronde étaient pris en flanc par les défenseurs qui sortaient des tours voisines comme de réduits, au moment de l'assaut.
C'est en prévision de cette éventualité que les tours, bien qu'elles interceptent la communication d'un chemin de ronde à l'autre, possèdent
des portes donnant directement sur ces chemins de ronde et permettant
aux postes des tours de se jeter sur les flancs de la colonne
d'assaut.
</div>
[[Image:Plan.tour.enceinte.exterieure.Carcassonne.4.png|center]]
<div class="text">
Voici (fig. 18) une des tours de l'enceinte extérieure de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], bâtie par saint Louis, qui remplit exactement ce programme.
C'est la tour sur le front nord, dite de la Porte-Rouge. Cette tour possède deux étages au-dessous du crénelage. Comme le terrain s'élève
sensiblement de <i>a</i> en <i>b</i>, les deux chemins de ronde des courtines ne sont
pas au même niveau; le chemin de ronde <i>b</i> est à 3 mètres au-dessus
du chemin de ronde <i>a</i>. En A, est tracé le plan de la tour au-dessous
du terre-plein; en B, au niveau du chemin de ronde <i>d</i>; en C, au niveau
du crénelage de la tour qui arase le crénelage de la courtine <i>e</i>. On voit en
<i>d</i> la porte qui, s'ouvrant sur le chemin de ronde, communique à un degré
qui descend à l'étage inférieur A, et en <i>c</i> la porte qui, s'ouvrant sur le
chemin de ronde plus élevé, communique à un second degré qui descend
à l'étage B. On arrive du dehors au crénelage de la tour par le degré <i>g</i>.
De plus, les deux étages A et B sont en communication entre eux par
un escalier intérieur <i>hh'</i>, pris dans l'épaisseur du mur de la tour. Ainsi
les hommes postés dans les deux étages A et B sont seuls en communication
directe avec les deux chemins de ronde. Si l'assiégeant est parvenu
à détruire les hourds et le crénelage supérieur, et si croyant avoir
rendu l'ouvrage indéfendable, il tente l'assaut de l'une des courtines, il
est reçu de flanc par les postes établis dans les étages inférieurs, lesquels,
étant facilement blindés, n'ont pu être bouleversés par les projectiles
des pierrières ou rendus inhabitables par l'incendie du comble et des
hourds. Une coupe longitudinale faite sur les deux chemins de ronde de
<i>c</i> en <i>d</i> permet de saisir cette disposition (fig. 19). On voit en <i>e'</i> la porte
de l'escalier e, et en <i>d'</i> la porte de l'escalier <i>d</i> (du plan). Cette dernière
porte est défendue par une échauguette <i>f</i>, à laquelle on arrive par un
degré de six marches. En <i>h'</i>, commence l'escalier qui met en communication
les deux étages A et B. Une couche de terre posée en <i>k</i> empêche
le feu, qui pourrait être mis aux hourds et au comble <i>l</i> par les assiégés,
de communiquer aux deux planchers qui couvrent ces deux étages A et B.
</div>
[[Image:Coupe.tour.enceinte.exterieure.Carcassonne.3.png|center]]
<div class="text">
La figure 20 donne la coupe de cette tour suivant l'axe perpendiculaire au front. En <i>d''</i>, est la porte donnant sur l'escalier <i>d</i>. Les hourds
sont posés en <i>m</i>. En <i>p</i>, est tracé le profil de l'escarpement avec le prolongement des lignes de tir des deux rangs de meurtrières des étages
A et B.
</div>
[[Image:Coupe.tour.enceinte.exterieure.Carcassonne.4.png|center]]
<div class="text">
Il n'est pas besoin de dire que les hourds battent le pied <i>o</i> de la tour.
 
Une vue perspective (fig. 21), prise du chemin militaire entre ces
deux enceintes (point X du plan), fera saisir les dispositions intérieures
de cette défense. Les approvisionnements des hourds et chemins de
ronde de la tour se font par le créneau <i>c</i> (du plan C), au moyen d'un
palan et d'une poulie, ainsi que le fait voir le tracé perspectif.
</div>
[[Image:Tour.enceinte.exterieure.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
Ici la tour ne commande que l'un des chemins de ronde (voy. la
coupe, fig. 19). Lors de sa construction sous saint Louis, elle commandait les deux chemins de ronde; mais sous Philippe le Hardi, lorsqu'on
termina les défenses de la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], on augmenta le relief
de quelques-unes des courtines, qui ne paraissaient pas avoir un commandement assez élevé. C'est à cette époque que le crénelage G fut
remonté au-dessus de l'ancien crénelage H, sans qu'on ait pris la peine
de démolir celui-ci; de sorte qu'extérieurement ce premier crénelage
H reste englobé dans la maçonnerie surélevée. En effet, le terrain extérieur s'élève comme le chemin militaire de <i>a</i> en <i>b</i> (voy. le plan), et les
ingénieurs, ayant cru devoir adopter un commandement uniforme des
courtines sur l'extérieur, aussi bien pour l'enceinte extérieure que pour
l'enceinte intérieure, on régularisa vers 1285 tous les reliefs. Il faut
dire aussi qu'à cette époque, on ne donnait plus guère aux tours un
commandement important qu'aux angles des forteresses ou sur quelques parties où il était nécessaire de découvrir les dehors.
 
Pour les grands fronts, les tours flanquantes n'ont pas de commandement sur les courtines, et cette disposition est observée pour le grand
front sud de l'enceinte intérieure de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], rebâti sous Philippe
le Hardi.
 
La cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] est une mine inépuisable de renseignements
sur l'art de la fortification du XII<sup>e</sup> au XIV<sup>e</sup> siècle. Là ce ne sont pas
des fragments épars et très-altérés par le temps et la main des hommes,
que l'on trouve, mais un ensemble coordonné avec méthode, presque
intact, construit en matériaux robustes par les plus habiles ingénieurs
des XII<sup>e</sup> et XIII<sup>e</sup> siècles, comme étant un point militaire d'une très-grande
importance. Lorsque [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] fut comprise dans le domaine
royal, sous saint Louis, cette place devenait, sur un point éloigné et
mal relié aux possessions de la couronne, une tête de pont garantissant une notable partie du Languedoc contre l'Aragon.
 
Toutes les dispositions défensives que l'on trouve encore en France
datant de cette époque, n'ont point l'unité de conception et la valeur
des fortifications de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]]. On comprendra dès lors pourquoi
nous choisissons de préférence nos exemples dans cette place de
guerre, qui, heureusement aujourd'hui, grâce aux efforts du gouvernement, à l'intérêt que la population de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] apporte à cette forteresse, unique en Europe, est préservée de la ruine qui si longtemps
l'a menacée.
 
La disposition de la dernière tour de l'enceinte extérieure que nous
venons de donner est telle, que cet ouvrage ne pouvait se défendre
contre l'enceinte intérieure; car, non-seulement cette tour est dominée
de beaucoup, mais elle est, à l'intérieur, nulle comme défense.
 
Tous les ouvrages de cette enceinte extérieure sont dans la même
situation, bien que variés dans leurs dispositions, en raison de la nature
du sol des dehors et des besoins auxquels ils doivent satisfaire. Il n'est
qu'un point où l'enceinte extérieure est reliée à la défense intérieure
au moyen d'une tour bâtie à cheval sur le chemin militaire qui sépare
les deux fronts. C'est un ouvrage sur plan rectangulaire, posé en vedette,
flanquant à la fois les courtines extérieures, les lices (chemin militaire)
et les courtines intérieures; permettant de découvrir, sans sortir de la
défense intérieure, la montée à la porte de l'Aude, tout le front jusqu'au saillant occidental de la place défendu par deux grosses tours <i>du
coin</i>, et la partie la plus rapprochée du faubourg de la Barbacane. Cette
tour, dite de <i>l'Évêque</i>, parce qu'elle donnait sur le palais épiscopal, est
un admirable ouvrage, bâti de belles pierres de grès dur avec bossages,
et dépendant des travaux terminés sous Philippe le Hardi<span id="note23"></span>[[#footnote23|<sup>23</sup>]].
 
En voici (fig. 22) les plans à différents étages. En A, au niveau des
lices ou du chemin militaire entre les deux enceintes,--le crénelage de
l'enceinte extérieure étant en <i>a</i> et la courtine de l'enceinte intérieure
en <i>b</i>.--Le premier étage est tracé en B. Du terre-plein de la cité, on
arrive à cet étage par l'escalier <i>d</i>, qui monte aux deux étages supérieurs. Le plan C donne l'étage du crénelage avec son hourd de face <i>e</i>.
</div>
[[Image:Plan.tour.eveque.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
On communique du chemin de ronde <i>g</i> au chemin de ronde <i>h</i>, en passant
par la porte <i>i</i>, montant quelques degrés qui arrivent au niveau de
la salle <i>k</i> et en redescendant par l'escalier à vis. Deux mâchicoulis en
<i>m</i> et <i>n</i> (voy. le plan B) commandent les deux arcs à cheval sur le chemin
militaire.
</div>
[[Image:Coupe.tour.eveque.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
La figure 23 donne la coupe de cet ouvrage, faite sur la ligne <i>op</i>.
Le niveau des lices est en A, le niveau du sol intérieur de la cité en B.
Outre les deux mâchicoulis percés dans les archivoltes des passages P,
on établissait, en temps de guerre, des hourds au deuxième étage, au-dessus
de ces arcs, ainsi que l'indiquent le tracé D et le profil <i>d</i>; hourds
auxquels les baies C donnaient accès. Un hourd établi en E, sur la face
de la tour, commandait son pied et flanquait ses angles. Le profil F
donne la coupe sur la courtine intérieure, les lices et la courtine extérieure. Tous les étages sont mis en communication par les œils percés
au milieu des voûtes d'arête. Ces œils permettent aussi d'approvisionner
les étages supérieurs des munitions nécessaires au service des
hourds.
 
La figure 24 présente la vue perspective de cette tour en dehors de
l'enceinte extérieure, avec les hourds posés partout. On voit que les
meurtrières des crénelages ont leur champ de tir dégagé au-dessous des
hourds, ce qui permet à deux lignes d'arbalétriers ou d'archers de
défendre les ouvrages, puisque les hourds possèdent des meurtrières
au-dessus des mâchicoulis. Les tourelles d'angle, octogones, donnent
un tir divergeant et sont flanquées par les meurtrières des flancs des
hourds. Cette tour a l'avantage d'enfiler le chemin militaire entre les
deux enceintes, de le couper totalement au besoin, et de posséder des
flanquements sur l'escarpe de l'enceinte extérieure. Parfaitement conservée,
bâtie avec des matériaux inaltérables, elle a pu être utilisée au
moyen de travaux peu importants.
</div>
[[Image:Tour.eveque.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
Tous les ouvrages entrepris à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], sous Philippe le Hardi,
ont un caractère de puissance remarquable, et indiquent de profondes
connaissances dans l'art de la fortification, eu égard aux moyens d'attaque de l'époque. Les flanquements étant courts, il est impossible de
les mieux combiner. Les garnisons étaient composées alors de gens
de toutes sortes, hommes liges et mercenaires, il fallait se tenir en
défiance contre les trahisons possibles. Ces tours étaient des réduits
indépendants, interceptant le parcours sur les chemins de ronde, même
sur les lices, comme on le voit par l'exemple précédent. Commandées
chacune par un capitaine, la reddition de l'une d'elles n'entraînait pas
la chute des autres. Les gens de la ville ne pouvaient monter sur les
chemins de ronde, qui avaient Sur le terre-plein un relief considérable
et n'étaient mis en communication avec le sol intérieur que par des
escaliers très-rares passant généralement par des postes. Toute tentative
de trahison devenait difficile, chanceuse, parce qu'il fallait, ou qu'elle
pût mettre beaucoup de monde dans la confidence des moyens à employer, ou qu'elle restât isolée, et par suite promptement réprimée.
 
Quelquefois le chemin de ronde de la courtine tourne autour de
l'ouvrage flanquant et contenant un poste; mais alors la tour a tous les
caractères d'un réduit, d'un petit donjon possédant ses moyens de
défense, de retour offensif et de retraite, indépendants. Plusieurs des
tours de l'enceinte intérieure de la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] sont conçues
suivant ce système. L'une d'elles, dite tour Saint-Martin, est bien conservée et nous explique clairement cette disposition.
</div>
[[Image:Plan.tour.Saint.Martin.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
Bâtie sur le front sud, près de la poterne de Saint-Nazaire, la tour
Saint-Martin s'élève de 25 mètres au-dessus du chemin militaire des
ces et de 15<sup>e</sup>,50 au-dessus du sol de la cité. Elle possède deux étages
inférieurs voûtés et deux étages supérieurs sous le comble, avec plancher intermédiaire au niveau des hourds. La figure 25 donne en A les
plans superposés des deux étages inférieurs, et en B les plans superposés des deux étages supérieurs. En examinant ces plans avec quelque
attention, on observera que le cylindre de maçonnerie est plus épais
vers l'extérieur que vers l'intérieur de la cité; en d'autres termes, que
le cercle traçant le vide n'est pas concentrique au cercle traçant la périphérie
de la tour; que cette périphérie qui fait face à l'extérieur, est
renforcée par un éperon C ou bec saillant. Cet éperon et cette plus
forte épaisseur donnée à la maçonnerie ont pour résultat d'annuler
les effets du <i>bosson</i> ou bélier, et de placer l'assaillant sous le tir direct
des flanquements voisins (voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Porte|Porte ]]). De la
ville, on entre dans la tour par la porte P, et la rampe droite qui
monte au premier étage. De ce premier étage, par l'escalier à vis, on
descend à l'étage inférieur et l'on monte aux étages supérieurs.
 
L'étage crénelé, et pouvant être muni de hourds, est mis en communication
avec le chemin de ronde des courtines par les deux portes
K et L. Ce chemin de ronde pourtourne l'étage supérieur de la tour du
côté de la ville en G. Une coupe faite sur <i>ab</i> (fig. 26) permet de saisir
facilement ces dispositions. L'étage H renferme une cheminée et est
éclairé par une fenêtre F donnant sur la cité. Les hourds étaient posés
en I, conformément à l'usage. Les meurtrières des deux salles inférieures
sont chevauchées, ainsi que l'indique le plan<span id="note24"></span>[[#footnote24|<sup>24</sup>]].
</div>
[[Image:Coupe.tour.Saint.Martin.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
Cet ouvrage, comme le précédent, appartient aux constructions de
Philippe le Hardi, et qui datent, par conséquent, des dernières années
du XIII<sup>e</sup> siècle.
 
Quelquefois, à cette époque, pour étendre les flanquements des tours,
on leur donne en plan la forme d'un arc brisé<span id="note25"></span>[[#footnote25|<sup>25</sup>]]. C'est sur ce plan que
sont bâties quelques-unes des tours du château de Loches.
 
Les grands engins d'attaque étaient alors perfectionnés: on leur opposait des murs bâtis en pleine pierre de taille, des merlons épais, des hourds formés de gros bois; on disposait plusieurs étages voûtés afin de mettre les postes à l'abri des projectiles lancés en bombe. Parfois on revenait à la tour carrée comme présentant des flancs plus étendus et des faces que l'on protégeait par des hourdages très-saillants
et bientôt par des mâchicoulis de pierre.
 
<span id="Aigues-Mortes5">Les tours d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Aigues-Mortes|Aigues-Mortes]], bâties par Philippe le Hardi, sont sur
plan quadrangulaire; <span id="Avignon16">même plan adopté pour la plus grande partie des
tours de l'enceinte d’[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Avignon|Avignon]]. Il faut dire que tout un front de ces
remparts fut ordonné sous le pape Innocent VI, par Jean Fernandez
Heredia, commandeur de Malte, et que les dispositions adoptées alors
furent suivies successivement, c'est-à-dire de 1350 à 1364<span id="note26"></span>[[#footnote26|<sup>26</sup>]]. La plupart
de ces tours sont très-saillantes sur la courtine, dont le chemin de ronde
passe derrière elles ou qui se trouve interrompu par les flancs. De plus,
ces tours sont généralement ouvertes à la gorge.
 
La figure 27 présente le plan d'une de ces tours d’[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Avignon|Avignon]], à rez-de-chaussée.
</div>
[[Image:Plan.tour.Avignon.png|center]]
 
[[Image:Plan.tour.Avignon.2.png|center]]
 
[[Image:Plan.tour.Avignon.3.png|center]]
<div class="text">
Un escalier E, fermé par une porte, permet de monter au
premier étage (fig. 28), qui communique par deux issues avec les chemins de ronde des courtines Voisines G, H. Un second escalier en encorbellement
monte jusqu'à l'étage crénelé supérieur (fig. 29), percé de
mâchicoulis. Cette tour ne se défend, comme on peut le voir, que par
son sommet. La vue perspective (fig. 30), prise du côté de la ville,
explique complétement le système de défense, et indique les moyens
d'accès aux deux étages. Ouverte à la gorge, elle ne peut être considérée
comme un réduit indépendant, au besoin; cependant les chemins
de ronde des courtines sont interrompus à la façon des tours romaines
dont parle Vitruve. Sa surface étendue permettait de réunir à son
sommet un assez grand nombre de défenseurs. Si l'assaillant parvenait
à saper sa face en K (fig. 27), il était encore possible de défendre la
brèche, soit en remparant la gorge de L en M, soit en accablant les ennemis de projectiles lancés à travers le grand mâchicoulis ouvert au
milieu du plancher du premier étage. Un comble, que nous avons
supposé enlevé, afin de mieux faire voir le système de défense, était
posé sur le vide supérieur et abritait le plancher du premier étage et le
sol du rez-de-chaussée.
 
Déjà, au milieu du XIV<sup>e</sup> siècle, on commençait à faire usage de
bouches à feu. Ces premiers engins, toutefois, n'ayant qu'un faible.
calibre et une portée médiocre, ne pouvaient produire un effet sérieux
sur des maçonneries quelque peu épaisses.
</div>
[[Image:Tour.Avignon.png|center]]
<div class="text">
Les anciens grands engins de siège, pierrières, mangonneaux, trébuchets, envoyant des projectiles de pierre pesant 100 ou 150 kilogrammes,
et quelquefois plus, suivant un tir parabolique, étaient plus
redoutables que les premières pièces d'artillerie. Les projectiles lancés
par ces grands engins ne pouvaient produire d'effet qu'autant qu'ils
passaient par-dessus les défenses et qu'ils retombaient, soit sur les
combles des tours, soit dans les places. Du Guesclin, bien qu'il ne fît
pas trop usage de ces machines de guerre et qu'il préférât brusquer les
attaques, les employa parfois, et lorsqu'il les mit en batterie devant
une forteresse, ce fut toujours pour démoraliser les garnisons par la
quantité de projectiles dont il couvrait les rues et les maisons<span id="note27"></span>[[#footnote27|<sup>27</sup>]].
 
Si les défenses étaient très-hautes, les projectiles ne faisaient que
frapper directement leurs parements et ne pouvaient les entamer<span id="note28"></span>[[#footnote28|<sup>28</sup>]]. Le
trouvère Cuvelier, dans la <i>Vie de Bertrand du Guesclin</i>, raconte comment,
au siège du château de Valognes, à chaque pierre que lançaient
les engins des assiégeants, un homme de garde venait frotter les moellons,
par dérision, avec une serviette blanche. Il a le soin de nous dire
aussi, dans le même passage, comment la garnison avait fait blinder
les tours avec du fumier, pour éviter l'effet des projectiles lancés à
la volée:
</div>
<center>
«De fiens y ot.on mis mainte grande chartée.»<br>
</center>
<div class="text">
La grande puissance donnée alors aux engins obligeait les architectes
militaires à surhausser les tours et les courtines. Mais s'il s'agissait d'une place couvrant une grande superficie, on ne pouvait donner
à ces courtines un relief très-considérable sans de grandes dépenses;
aussi sous Charles V prit-on de nouvelles dispositions. Jusqu'alors on
n'avait songé qu'exceptionnellement à terminer les tours par des plates-formes
propres à recevoir des engins. Ces machines étaient mises en
position sur des plates-formes de bois charpentées intérieurement le
long des courtines, ou même sur le sol, derrière celles-ci, lorsqu'elles
n'avaient qu'un faible relief, ou encore le long des lices, quand les
places possédaient une double enceinte, afin d'éloigner l'assaillant. Mais
quand la première enceinte était prise, il ne s'agissait plus que de
pourvoir à la défense très-rapprochée, et alors les machines de jet devenaient
inutiles, les hourds ou les mâchicoulis suffisaient.
 
Sous Charles V, disons-nous, on modifia l'ancien dispositif défensif.
On possédait déjà de petites pièces d'artillerie, qui permettaient d'allonger les fronts, d'éloigner les flanquements par conséquent. On avait
reconnu que les fronts courts avaient l'inconvénient, si les deux flancs
voisins avaient été détruits, de défiler l'assaillant et de ne lui présenter
qu'un obstacle peu étendu, contre lequel il pouvait accumuler ses
moyens d'attaque. Aussi était-ce toujours contre ces courtines étroites,
entre deux tours, que les dernières opérations d'un siége se concentraient,
dès qu'au préalable on était parvenu à ruiner les défenses supérieures des tours par le feu, si elles se composaient de hourds, ou par
de gros projectiles, si les galeries des mâchicoulis étaient revêtues d'un manteau de maçonnerie. Vers 1360, les courtines furent donc allongées;
les tours furent plus espacées, prirent une plus grande surface,
eurent parfois des flancs droits,--c'est-à-dire que ces tours furent bâties
sur plan rectangulaire,--et furent couronnées par des plates-formes.
Le château de Vincennes est une forteresse type conforme à un nouveau dispositif. Le plan bien connu de cette place<span id="note29"></span>[[#footnote29|<sup>29</sup>]] présente un grand
parallélogramme flanqué de quatre tours rectangulaires aux angles,
d'une tour (porte) également rectangulaire au milieu de chacun des
petits côtés, de trois tours carrées sur l'un des grands côtés, et par le
donjon avec son enceinte sur l'autre.
 
Les courtines entre les tours ont environ 100 mètres de long, ce qui
dépasse la limite des anciennes escarpes flanquées.
 
Les tours d'angle sont plantées de telle façon, que leurs flancs sont
plus longs sur les petits côtés du parallélogramme que sur les grands,
afin de mieux protéger les portes.
 
Voici en A (fig. 31) le plan d'une de ces tours d'angle, à rez-de-chaussée,
c'est-à-dire au niveau du sol de la place. De gros contre-forts
reposant sur un talus montent jusqu'à la corniche supérieure, qui n'est
qu'une suite de larges mâchicoulis. Les trois étages étaient voûtés,
et sur la dernière voûte reposait une plate-forme dallée, très-propre
à recevoir, ou de grands engins, ou des bouches à feu. Un crénelage
protégeait les arbalétriers. En B, est tracé le plan de cette plate-forme.
</div>
[[Image:Plan.tour.angle.chateau.Vincennes.png|center]]
<div class="text">
La figure 32 donne l'élévation de cette tour sur son grand côté, avec
la courtine voisine. On reconnaît ici que vers la seconde moitié du
XIV<sup>e</sup> siècle, on revenait aux commandements considérables des tours
sur les courtines, avec l'intention évidente de faire servir ce commandement
au placement d'engins à longue portée. La voûte supérieure, couverte
</div>
[[Image:Tour.angle.chateau.Vincennes.png|center]]
<div class="text">
d'un épais blindage de <i>cran</i><span id="note30"></span>[[#footnote30|<sup>30</sup>]]
sous le dallage, résistait à tous les
projectiles lancés à la volée, en supposant que ces projectiles aient pu
s'élever assez haut pour retomber sur la plate-forme.
 
La tour ne se défend absolument que du sommet, soit par les engins
de position, soit, contre l'attaque rapprochée, par les crénelages et
mâchicoulis<span id="note31"></span>[[#footnote31|<sup>31</sup>]].
 
Il est curieux de suivre pas à pas, depuis l'antiquité, ce mouvement
d'oscillation constant, qui, dans les travaux de défense, tantôt fait donner
aux tours ou flanquements un commandement sur les courtines, tantôt
réduit ce commandement et arase le sommet des tours au niveau des
courtines. De nos jours encore ces mêmes oscillations se font sentir dans
l'art de la fortification, et Vauban lui-même, vers la fin de sa carrière,
après avoir préconisé les flanquements de niveau avec les courtines,
était revenu aux commandements élevés sur les bastions.
 
C'est qu'en effet, quelle que soit la portée des projectiles, ce n'est là
qu'une question relative, puisque les conditions de tir sont égales pour
l'assiégé comme pour l'assaillant. Si l'on supprime les commandements
élevés, on découvre l'assaillant de moins loin, et on lui permet de commencer
de plus près ses travaux d'approche; si l'on augmente ces
commandements, on donne une prise plus facile à l'artillerie de l'assiégeant.
Aussi voyons-nous, pendant le moyen âge, et principalement
depuis l'adoption des bouches à feu, les systèmes se succéder et flotter
entre ces deux principes<span id="note32"></span>[[#footnote32|<sup>32</sup>]]. D'ailleurs une difficulté surgissait autrefois
comme elle surgit aujourd'hui.
 
Le tracé d'une place en projection horizontale peut être rationnel, et
ne plus l'être en raison des reliefs.
 
Avec les commandements élevés, on peut découvrir au loin la campagne,
mais on enfile les fossés et les escarpes par un tir plongeant qui
ne produit pas l'effet efficace du tir rasant. Il faut donc réunir les deux
conditions.
 
Nous verrons tout à l'heure comment les derniers architectes militaires
du moyen âge essayèrent de résoudre ce double problème. Le
château de Vincennes n'en est pas moins, pour le temps où il fut élevé,
une tentative dont peut-être on n'a pas apprécié toute l'importance,
L'architecte constructeur des défenses a prétendu soustraire les tours
à l'effet du tir parabolique, en leur donnant un relief considérable, et il
a prétendu utiliser ce commandement, inusité alors, pour le tir des
nouveaux engins à feu, et des grands engins perfectionnés, tels que les
mangonneaux et trébuchets<span id="note33"></span>[[#footnote33|<sup>33</sup>]].
 
Sous le règne de Charles V, on ne trouve nulle part, en France, en
Allemagne, en Italie, en Angleterre ou en Espagne, un second exemple
de la disposition adoptée pour la construction du château de Vincennes.
C'est une tentative isolée qui ne fut pas suivie; en voici la raison: Alors
(de 1365 à 1370)<span id="note34"></span>[[#footnote34|<sup>34</sup>]] on commençait à peine à employer des bouches à
feu d'un assez faible calibre, ou des bombardes de fer courtes, frettées,
propres à lancer des boulets de pierre à la volée, ainsi que pouvaient le
faire les engins à contre-poids. On ne croyait pas que la nouvelle artillerie
à feu remplacerait un siècle plus tard ces machines encombrantes,
mais dont le tir était très-précis et l'effet terrible jusqu'à une portée de
150 à 200 mètres. L'artillerie à feu usitée vers la fin du XIV<sup>e</sup> siècle dans
les places consistait en des tubes de fer qui envoyaient des balles de
deux ou trois livres au plus, ou même des cailloux arrondis. Ces engins
remplaçaient avec avantage les grandes arbalètes, et pouvaient être
mis en batterie derrière les merlons des tours. Il y avait donc intérêt
à augmenter le relief de ces tours, car le tir de plein fouet étant faible,
plus on l'élevait, plus il pouvait causer de dommages aux assiégeants,
D'ailleurs, ainsi que nous l'avons dit tout à l'heure, il était important de
soustraire le sommet de ces tours aux projectiles lancés à la volée par
les anciens engins. Les courtines devaient, relativement, n'avoir qu'un
relief moindre, afin de poster les arbalétriers, qui envoyaient leurs
carreaux de but en blanc à 60 mètres environ. Les machines et
bouches à feu des plates-formes des tours couvraient la campagne de
gros projectiles dans un rayon de 200 mètres, et tenant ainsi les assiégeants
à distance, les courtines se trouvaient protégées jusqu'au moment
où, par des travaux d'approche, les assaillants arrivaient à la
crête du fossé. Dans ce dernier cas, les arbalétriers des courtines en
défendaient l'approche, et ceux des tours prenaient en flanc les colonnes
d'assaut par un tir plongeant. Mais bien que les progrès de l'artillerie à
feu fussent lents, cependant, à la fin du XIV<sup>e</sup> siècle, les armées assiégeantes
commençaient à mettre des bombardes en batterie. Celles-ci,
couvertes par des épaulements et des gabionnades, n'avaient pas à
redouter beaucoup les rares engins disposés au sommet des tours, concentraient
leur feu sur les courtines relativement basses, écrêtaient
leurs parapets, détruisaient leurs mâchicoulis, rendaient la défense
impossible, et l'assiégeant pouvait alors procéder par la sape pour faire
brèche. Les commandements élevés des tours devenaient inutiles dès que
l'ennemi s'attachait au pied de l'escarpe. Vers 1400, on changea donc de
système, on éleva les courtines au niveau des tours; la défense bâtie fut
réservée pour l'attaque rapprochée, et en dehors de cette défense on
éleva des ouvrages avancés sur lesquels on mit les bouches à feu en
batterie. Celles-ci furent donc réservées pour garnir ces ouvrages bas,
étendus, battant la campagne, et la forteresse ne fut plus qu'une sorte
de réduit uniquement destiné à la défense rapprochée.
 
Nous voyons, en effet, que les châteaux bâtis à cette époque établissent
les défenses des courtines presque au niveau de celles des tours,
ne laissant à celles-ci qu'un commandement un peu plus élevé, pour la
surveillance des dehors, et que beaucoup de vieilles courtines des
XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles sont relevées jusqu'au niveau des chemins de ronde
des tours<span id="note35"></span>[[#footnote35|<sup>35</sup>]]. On renonçait complétement alors à mettre des pièces en
batterie sur ces tours; les plates-formes disparurent pour un temps, et
l'artillerie à feu ne fut employée par la défense que pour balayer les
approches,
 
Le château de Pierrefonds, bâti entièrement par Louis d'Orléans,
nous fournit à cet égard des renseignements précieux. Non-seulement
les travaux de déblaiement et de restauration entrepris dans cette forteresse<span id="note36"></span>[[#footnote36|<sup>36</sup>]]
ont permis de reconnaître exactement les dispositions des
tours et courtines, c'est-à-dire de la défense rapprochée, mais ils ont
mis en lumière une suite d'ouvrages avancés, de peu de relief, qui formaient
une zone de défense faite pour recevoir de l'artillerie à feu. Ces
ouvrages expliquent comment les troupes envoyées à deux reprises par
Henri IV, avec de l'artillerie pour prendre ce château, ne purent s'en
emparer, et comment il fallut, sous la minorité de Louis XIII, entreprendre
un siége en règle pour le réduire.
 
Ces observations feront comprendre pourquoi les tours de Vincennes,
qui datent du règne de Charles V, possèdent des plates-formes propres à
placer de l'artillerie, et pourquoi elles ont sur les courtines un commandement
considérable, tandis que les tours du château de Pierrefonds,
bâties trente ans plus tard environ, ne présentent aucune disposition
propre à recevoir des bouches à feu, et n'ont sur les courtines
qu'un commandement insignifiant. Nous voyons qu'à partir de 1400,
les architectes militaires suivent pas à pas les progrès de l'artillerie à
feu, tantôt donnant à ces engins un commandement sur la campagne,
tantôt les plaçant à la base des tours et les réservant pour battre la
crête des fossés; tantôt les rendant indépendants des anciennes défenses
conservées, et les employant à retarder les travaux d'approche au
moyen d'ouvrages avancés, de boulevards, de cavaliers, etc.<span id="note37"></span>[[#footnote37|<sup>37</sup>]].
 
La figure 33 donne le plan du rez-de-chaussée de l'une des tours du
château de Pierrefonds<span id="note38"></span>[[#footnote38|<sup>38</sup>]], au niveau du sol de la cour et au-dessus des
deux étages souterrains par rapport à ce sol. En A, sont des bâtiments
d'habitation adossés aux courtines B. Conformément à la disposition
habituelle, il faut entrer dans la tour occupée par un poste pour arriver
à l'escalier qui monte à tous les étages. La porte du poste est en <i>a</i>.
Trois fenêtres éclairent cette salle, auprès de laquelle se trouvent, en <i>b</i>,
des latrines. En <i>c</i>, est une cheminée.
</div>
[[Image:Plan.tour.chateau.Pierrefonds.png|center]]
<div class="text">
La coupe sur <i>fe</i> (fig. 34) explique les divers services de cet ouvrage.
Le niveau du chemin de ronde couvert des courtines est en N, et le
crénelage supérieur de ces courtines, à la base des combles des bâtiments,
est au niveau G du chemin de ronde des tours; donc ces tours
n'ont sur les courtines que le commandement GK.
</div>
[[Image:Coupe.tour.chateau.Pierrefonds.png|center]]
<div class="text">
Les quatre étages supérieurs, compris le rez-de-chaussée, sont fermés
par des planchers, mais les deux étages au-dessous du sol de la
cour, qui est en L, sont voûtés. On remarquera même que la voûte V
est couverte par une épaisse couche de blocage qui met celle-ci a l'abri
des incendies ou chutes des parties supérieures.
 
L'escalier à vis s'arrête au niveau du sol A de la seconde cave, car la
première cave B est un cachot dans lequel on ne descend que par l'œil
percé au milieu de la voûte ellipsoïde construite par assises horizontales posées en encorbellement. On ne peut douter que cette cave n'ait
été destinée à servir de cachot, de <i>chartre</i>, puisqu'elle possède une niche
avec siége d'aisances C et petite fosse.
 
Le sol des lices, ou du chemin militaire extérieur, est, le long de cette
tour, au niveau P.
 
Le cachot B ne reçoit ni air ni lumière de l'extérieur. On observera
que la maçonnerie du cylindre, au niveau P, a 5<sup>m</sup>,20 d'épaisseur
(16 pieds), et que derrière les parements, intérieur et extérieur, en pierres
d'appareil, cette maçonnerie est composée d'un blocage bien lité de
gros moellons de caillasse d'une extrême dureté<span id="note39"></span>[[#footnote39|<sup>39</sup>]]. Il n'était donc pas
aisé de saper un ouvrage ainsi construit, défendu par la ceinture des
mâchicoulis du chemin de ronde G. Cet ouvrage date de 1400. Nulle
trace de plates-formes supérieures pour mettre de la grosse artillerie en
batterie. Les bombardes, les passe-volants, veuglaires, basilics, coulevrines,
étaient placés sur les ouvrages extérieurs, c'est-à-dire sur la
crête du plateau qui sert d'assiette au château, de manière à battre les
vallons environnants. Les chemins de ronde supérieurs n'étaient occupés, au moment de la construction du château de Pierrefonds, que par des arbalétriers ou des archers contre l'attaque rapprochée.
 
Cependant, du jour que les assiégeants possédaient des pièces d'artillerie
d'un assez gros calibre pour pouvoir battre les ouvrages extérieurs
et éteindre leur feu, il fallait que la défense dernière, le château,
pût opposer du canon aux assaillants. Les architectes s'ingénièrent donc,
dès l'époque de la guerre contre les Anglais, à trouver le moyen de
placer des bouches à feu sur les tours<span id="note40"></span>[[#footnote40|<sup>40</sup>]]. Pour obtenir ce résultat, on
donna il celles-ci moins de relief, on augmenta l'épaisseur de leurs
parois cylindriques, on les voûta pour porter une plate-forme; ou bien,
conservant l'ancien système de la défense supérieure du XIV<sup>e</sup> siècle,
destinée aux arbalétriers, on perça des embrasures pour du canon à la
base de ces tours, si elles étaient bâties sur un lieu escarpé, afin de battre
les approches<span id="note41"></span>[[#footnote41|<sup>41</sup>]].
Il faut dire qu'alors les bouches à feu, qui envoyaient des projectiles
de plein fouet, n'avaient qu'un faible calibre; ces engins projetaient des
balles de plomb, mais plus souvent des pyrites de fer ou de petites
sphères de grès dur. Ces derniers projectiles ne pouvaient avoir une
longue portée. Quant aux grosses bouches à feu réservées pour les dehors
ou les plates-formes des tours, elles n'envoyaient guère, pendant le
cours du XV<sup>e</sup> siècle, que des boulets de pierre à la volée, c'est-à-dire
suivant une parabole. Les artilleurs d'Orléans, au moment du siége, en
1428, possédaient cependant des canons envoyant des balles de plein
fouet à 600 mètres<span id="note42"></span>[[#footnote42|<sup>42</sup>]]; ces canons furent tous placés sur les anciennes
tours ou sur des boulevards <span id="note43"></span>[[#footnote43|<sup>43</sup>]]; quant aux courtines, elles étaient garnies
de mâchicoulis et de hourdis de maçonnerie ou de bois. Pendant long
temps, en effet, l'artillerie à feu est mise en batterie sur les tours pour
commander les approches, ou à la base des tours pour enfiler les fossés,
protéger les courtines, qui ne se défendent que contre l'attaque rapprochée
à l'aide des anciennes armes. Ainsi le rôle des tours, à la fin du
moyen âge, au lieu de diminuer, prend plus d'importance. Moins rapprochées
les unes des autres, puisqu'elles sont munies d'engins à longue
portée, elles se projettent davantage en dehors des courtines afin de les
mieux flanquer; elles s'en détachent même parfois presque entièrement,
surtout aux saillants; elles étendent considérablement leur diamètre,
elles renforcent leurs parois et sont casematées. Souvent même la batterie
supérieure, au lieu d'être découverte, est blindée au moyen d'une
carapace de maçonnerie et de terre. Nous ne pourrions dire si cette
innovation des batteries supérieures blindées est due à la France, à
l'Allemagne ou à l'Italie. Francesco di Giorgio Martini, architecte de
Sienne, qui vivait au milieu du XV<sup>e</sup> siècle, donne plusieurs exemples de
ces tours avec batteries supérieures blindées dans son <i>Traité de l'architecture
militaire</i><span id="note44"></span>[[#footnote44|<sup>44</sup>]]
. Nous avons trouvé, en France, des traces de ces couvertures dans des ouvrages en forme de tours protégeant des saillants<span id="note45"></span>[[#footnote45|<sup>45</sup>]], ce qui n'interdisait pas l'emploi des anciens mâchicoulis et crénelages.
</div>
[[Image:Tour.XVe.siecle.png|center]]
<div class="text">
Voici (fig. 35) un exemple de ces sortes de tours. En A est tracé le
plan de l'ouvrage au niveau du sol de la place. La salle D est percée
d'embrasures pour trois pièces de canon; un escalier, ouvert au centre
de cette salle, permet de descendre dans le <i>moineau</i> C', dont le plan est
détaillé en C<span id="note46"></span>[[#footnote46|<sup>46</sup>]]. La salle D, voûtée, est ouverte du côté de la place, tant
pour aider à la défense que pour laisser échapper la fumée. La tour
est munie d'un parapet crénelé avec mâchicoulis en forme de pyramides
renversées pour faciliter le tir de haut en bas et mieux protéger le
talus. Sur la plate-forme est établie une batterie casematée avec quatre
embrasures, ainsi que l'indique le plan B. Ces embrasures commandent
les dehors par-dessus la crête des merlons. Une traverse en maçonnerie E garantit les hommes postés derrière le parapet des coups d'enfilade et de revers. La voûte de la batterie et celle du moineau sont
couvertes de <i>cran</i> et de terre battue et gazonnée. Le système défensif
de cette tour est facile à comprendre. La batterie basse, avec les deux
pièces <i>a</i>, enfile les courtines, bat le fossé; et flanque les tours voisines;
avec sa pièce <i>b</i> elle défend la contrescarpe du fossé en face du point
mort. La batterie haute protège les dehors; le moineau empêche le
passage du fossé; les crénelages et mâchicoulis protègent la base de
l'ouvrage contre l'attaque rapprochée et la sape.
 
L'incertitude qui apparaît dans les ouvrages défensifs de la seconde
moitié du XV<sup>e</sup> siècle est ici évidente. On n'ose pas abandonner entièrement la forme et la destination de l'ancienne tour. Les tours étaient les
parties fortes des places du moyen âge avant l'emploi des bouches à feu.
On ne cherchait point, pendant un siége, à entamer une forteresse par
ses tours, mais par ses courtines. Les architectes militaires du XV<sup>e</sup> siècle
n'avaient d'autre préoccupation que d'approprier les tours aux nouveaux
engins, de les rendre plus épaisses pour résister aux coups de l'assaillant
et à l'ébranlement causé par l'artillerie qu'elles devaient contenir, de les
garantir contre les feux courbes et de leur donner un flanquement plus
efficace. On voulait leur conserver un commandement sur les dehors
et même sur les courtines, et l'on craignait, en les élevant, de les exposer
trop aux coups de l'ennemi. On sentait que ces crénelages et ces
mâchicoulis étaient, contre les boulets, une faible défense, facilement
bouleversée bien avant le moment où l'on en avait le plus besoin, et
cependant on ne pensait pas pouvoir les supprimer, tant on avait pris
l'habitude de considérer cette défense rapprochée comme une garantie
sérieuse. Toutefois ce furent ces mâchicoulis et crénelages qui disparurent
les premiers dans les défenses fortement combinées vers la fin
du XV<sup>e</sup> siècle. Le crénelage supérieur, destiné à empêcher l'approche,
descendit au niveau du fossé, devint une fausse braie couvrant la base
des tours. Le tir à ricochet n'était pas encore employé. Les batteries de
l'assiégeant ne pouvaient détruire ce qu'elles ne voyaient pas; or la
fausse braie primitive, étant couverte par la contrescarpe du fossé, restait intacte jusqu'au moment où l'assaillant s'apprêtait à franchir ce fossé
pour s'attaquer aux escarpes et aux tours. Elle devenait ainsi un obstacle
opposé à l'attaque rapprochée, et qui restait debout encore quand toutes
les défenses supérieures étaient écrêtées. Mais déjà, vers le milieu du
XV<sup>e</sup> siècle, les armées assiégeantes traînaient avec elles des pièces de
bronze sur affûts, qui envoyaient des boulets de fonte<span id="note47"></span>[[#footnote47|<sup>47</sup>]]. Ces projectiles,
lancés de plein fouet contre les tours, couvraient les fausses braies
d'éclats de pierre et comblaient l'intervalle qui séparait ces fausses
braies de la défense, si l'on ruinait celle-ci. Les tours à court flanquement
et de faible diamètre devenaient plus gênantes qu'utiles; on songea
à les supprimer tout à fait, du moins à les appuyer par de nouveaux
ouvrages disposés pour recevoir de l'artillerie, indépendamment des
boulevards de terre que l'on élevait en avant des points faibles. Ces
nouveaux ouvrages tenaient au corps de la place. Bâtis à distance d'une
demi-portée de canon, ils affectaient la forme de grosses tours cylindriques,
recevaient des pièces à longue portée à leur sommet pour
battre les dehors et enfiler les fronts et les fossés, à leur pied pour la
défense rapprochée et pour envoyer des projectiles rasants sur les boulevards de terre qui couvraient les saillants ou les portes<span id="note48"></span>[[#footnote48|<sup>48</sup>]]. Alors, à la fin
du XV<sup>e</sup> siècle, le château féodal ne pouvait avoir assez d'étendue pour se
défendre efficacement contre l'artillerie à feu. Le canon acheva la ruine de
la féodalité. Il fallait, pour pouvoir résister à l'artillerie à feu, des fronts
étendus; les villes seules comportaient ce genre de défenses. Étendant
les fronts, il fallait les flanquer. On ne pourvut d'abord à cette nécessité,
indiquée par la nature des choses, qu'au moyen de boulevards de terre
établis en dehors des saillants et des portes, lesquels boulevards croisaient
leurs feux; puis comme il faut, en toute fortification, que ce qui
défend soit défendu, on ne trouva rien de mieux que d'établir le long
des vieilles enceintes, en arrière des boulevards, de grosses tours ayant
assez de relief pour commander ces boulevards et les dehors par-dessus
leurs parapets. Les systèmes trouvés par les ingénieurs militaires depuis
le XVI<sup>e</sup> siècle jusqu'à nos jours sont donc en germe dans ces premières
tentatives faites à la fin du XV<sup>e</sup> siècle en Italie, en France et en Allemagne.
Les Allemands, conservateurs par excellence, possèdent encore
des exemples intacts de ces ouvrages, transition entre l'ancien système
de la fortification du moyen âge et le système moderne. <span id=Nuremberg>[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Nuremberg|Nuremberg]]
est, à ce point de vue, la ville la plus intéressante à étudier.
</div>
[[Image:Plan.tour.Nuremberg.png|center]]
<div class="text">
Le plan général de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Nuremberg|Nuremberg]] affecte la forme d'un trapèze arrondi
aux angles, possédant un point culminant près de l'un des angles, occupé
par un ancien château. Une double enceinte des XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles avec
tours carrées flanquantes et large fossé extérieur plein d'eau, avec contrescarpe, entourait entièrement la cité, traversée par une rivière dans
sa largeur. À chaque angle, Albert Dürer éleva une grosse tour, et une
cinquième auprès du château, sur le point culminant de la ville. Des
portes sont percées dans le voisinage des quatre tours, lesquelles sont
protégées par des ouvrages avancés. Du haut de chacune des cinq tours,
on découvre les quatre autres. Celles de l'enceinte protègent les saillants, flanquent deux fronts, commandent les portes, enfilent les lices entre
les deux enceintes, et découvrent la campagne par-dessus les boulevards
des portes. Ces tours ont environ 20 mètres de diamètre à 5 mètres
du sol, sont bâties en <i>fruit</i> par assises de grès dur, avec bossages en
bas et près du sommet. Au rez-de-chaussée elles possèdent une chambre
voûtée,
mais tracée de manière à laisser à la maçonnerie une épaisseur
considérable du côté extérieur (voyez le plan, fig. 36<span id="note49"></span>[[#footnote49|<sup>49</sup>]]). L'intérieur de la
ville est en A; en B sont les lices, entre la porte de l'enceinte extérieure
et celle C de l'enceinte intérieure; la poterne D permet de descendre
dans le fossé. En <i>a</i> est pratiqué un large mâchicoulis qui défend l'entrée
dans la salle basse, et en <i>b</i> un œil carré, ouvert dans la voûte, met le
premier étage, également voûté, en communication avec ce rez-de-chaussée.
On ne monte à la plate-forme supérieure que par un escalier
pris dans l'épaisseur du mur et partant du niveau du chemin de ronde
des courtines. En <i>d</i> sont deux chambres avec embrasures pour des
pièces d'artillerie. La figure 37 donne la vue perspective de cette tour<span id="note50"></span>[[#footnote50|<sup>50</sup>]].
Les remparts datent du XV<sup>e</sup> siècle; Albert Dürer n'a bâti, dans cet ouvrage,
que la tour et la porte qui s'y réunit. La salle du premier étage
était destinée à loger le poste, car elle ne possède aucune embrasure.
</div>
[[Image:Tour.Nuremberg.png|center]]
<div class="text">
Sa voûte épaisse porte la plate-forme circulaire supérieure entourée
d'un masque de gros bois de charpente, avec créneaux à volets<span id="note51"></span>[[#footnote51|<sup>51</sup>]] pour du
canon. Un blindage, également de charpente, reçoit la toiture conique
qui autrefois était surmontée d'une guette<span id="note52"></span>[[#footnote52|<sup>52</sup>]]. En A nous avons tracé le profil de cette plate-forme supérieure.
 
Ces commandements élevés furent rarement adoptés en France à dater
de la fin du XV<sup>e</sup> siècle. Les ingénieurs français cherchaient plutôt à élargir
les fronts, à étendre le champ de tir, qu'à obtenir des commandements
considérables. Ils préféraient les batteries à barbette à ces batteries blindées
où le service était gêné et où l'on était étouffé par la fumée, comme
dans l'entrepont d'un vaisseau de guerre. D'ailleurs, en supposant ces
tours battues par de l'artillerie, même à grande distance, les feux convergents
de l'ennemi devaient promptement détruire ces masques de
bois qui, pareils à des bordages de gros vaisseaux, n'avaient pas l'avantage
de la mobilité que donne la mer et servaient de points de mire.
Si longue que fût la portée des pièces mises en batterie sur la plate-forme,
ces pièces ne pouvaient opposer qu'un tir divergent à l'artillerie
de l'assiégeant et recevaient dix projectiles pour un qu'elles envoyaient<span id="note53"></span>[[#footnote53|<sup>53</sup>]].
 
Quelques tentatives en ce genre furent cependant faites de ce côté-ci
du Rhin, mais les tours françaises du commencement du XVI<sup>e</sup> siècle ont
un plus grand diamètre, moins de hauteur et étaient couronnées par
des batteries à barbette avec gabionnades, ou par des caponnières,
comme celle présentée dans l'exemple précédent. Le plus souvent on fit
de ces tours de véritables porte-flancs, c'est-à-dire qu'on leur donna, en
plan horizontal, la forme d'un fer à cheval, et leurs batteries supérieures
ne dépassèrent guère le niveau de la crête des courtines (fig. 38).
</div>
[[Image:Tour.XVIe.siecle.png|center]]
<div class="text">
Il y a toujours un avantage cependant, pour l'assiégé, à obtenir des
commandements élevés, ou tout au moins des guettes qui permettent
de découvrir au loin les travaux d'approche de l'assiégeant, à établir sur
les bastions retranchés des réduits à cheval sur le fossé du retranchement,
de manière à rendre l'occupation du bastion difficile. C'est ce
besoin qui explique pourquoi on maintint si tard les vieilles tours
des places du moyen âge en arrière des bastions ou des demi-lunes;
pourquoi Vauban, dans sa troisième manière, tenta de revenir à ces tours dominant les bastions, et pourquoi aussi Montalembert fit de ces tours
dominantes en capitales un des principes de son système défensif. De nos
jours et depuis les progrès merveilleux de l'artillerie, la question est de
nouveau posée, d'autant que ces tours peuvent servir de traverses pour
garantir les défenseurs des coups de revers et défier les effets du tir en
ricochet. La difficulté est de recouvrir ces tours d'une cuirasse capable
de résister aux projectiles modernes, car, si épaisse que soit leur maçonnerie,
celle-ci serait bientôt bouleversée par les gros boulets creux
de notre artillerie, et un de ces projectiles pénétrant dans une casemate
y causerait de tels désordres, que la défense deviendrait impossible. Ce
n'est donc pas seulement la cuirasse qu'il s'agit de trouver, mais aussi,
pour les embrasures, un masque qui arrête complètement le projectile
de l'ennemi, tout en permettant de pointer les pièces.
 
Il existe encore un exemple à peu près intact du système défensif de
transition où l'emploi des tours (non point d'anciennes tours conservées,
mais des tours construites pour recevoir de l'artillerie à feu) entre dans
le plan général d'une place forte suivant une donnée méthodique: c'est
la place de Salces, commencée en 1497 et terminée vers 1503 environ,
sous la direction d'un ingénieur nommé Ramirez.
 
Voisine de Perpignan, la place de Salces est située entre l'étang de
Leucate et les montagnes; elle commande ainsi le passage du Roussillon
en Catalogne. Bâtie avec un grand soin, elle consiste en un parallélogramme
flanqué aux angles de quatre tours. Deux demi-lunes couvrent
deux des fronts. Un donjon occupe le troisième, et une demi-lune forme
saillant sur un des angles. Les ouvrages sont casematés; les tours et
demi-lunes couronnées par des plates-formes pour recevoir de l'artillerie.
De petites bouches à feu étaient en outre mises en batterie dans les
étages inférieurs des tours pour enfiler les fossés. Les ouvrages que nous
désignons comme des demi-lunes sont de véritables tours isolées porte-flancs,
ouvertes à la gorge et réunies aux casemates des courtines par
des caponnières, ou galeries couvertes, percées d'embrasures pour de la
mousqueterie<span id="note54"></span>[[#footnote54|<sup>54</sup>]]. Un fossé de 15 mètres de largeur environ sur 7 mètres de
profondeur circonscrit tout le château. Ce fossé, qui peut être inondé
jusqu'au niveau de la cour du château et même au-dessus, est mis en
communication avec le château par des poternes étroites. En outre,
d'autres issues ouvertes dans la contrescarpe donnaient vraisemblablement
sur les dehors, car dans la légende jointe au plan du château
de Salces donné par le chevalier de Beaulieu<span id="note55"></span>[[#footnote55|<sup>55</sup>]], on lit: «Il y a plus
de logement soubs terre, dans ce château, qu'il n'y en a dehors; car
il est casematé et contre-miné partout, et l'on passe par dessoubs les
fossés pour aller dans les dehors...» On ne passait certainement pas
<i>sous la cunette</i> des fossés qui étaient inondés, mais on passait au fond du
fossé, dans des galeries casematées qui communiquaient à un chemin
couvert pratiqué derrière la contrescarpe; chemin couvert dont on
retrouve certaines galeries creusées sur le fossé et de là sur les dehors,
protégés par des ouvrages de terre avancés.
 
Mais ce qui donne à l'étude des tours du château de Salces un intérêt
marqué, c'est la manière dont elles sont disposées pour abriter les
défenseurs. En effet, la place de Salces, barrant la route entre l'étang de
Leucate et les derniers contre-forts des Corbières, est dominée par ces
hauteurs. Les tours, les courtines, les demi-lunes sont soumises à des
vues de revers et d'enfilade.
 
C'est en exhaussant les parapets des tours du côté dangereux et en
établissant à la gorge des tours opposées des parados, que l'ingénieur
a couvert les plates-formes. L'exhaussement des parapets du côté de la
montagne met les embrasures à couvert, tandis que celles du côté opposé
sont à ciel ouvert.
 
La figure 39 présente à vol d'oiseau la perspective d'une de ces
tours. On voit en A le parapet exhaussé défilant les canonniers et les
pièces placés sur la plate-forme, ainsi que le ferait un cavalier ou une
traverse. Les courtines, construites seulement pour de la mousqueterie,
ne sont pas munies d'embrasures, mais possèdent une banquette B et
relèvent leurs parapets en face des terrains élevés qui ont des vues sur
le château. Des échauguettes C occupent les angles rentrants des tours
avec les courtines, et peuvent recevoir des arquebusiers dont le tir
flanque les escarpes. De plus, de petites pièces placées dans des étages
voûtés et suffisamment aérés enfilent les fossés à la base et vers le
sommet des talus des tours.
</div>
[[Image:Tour.chateau.Salces.png|center]]
<div class="text">
La figure 40 donne la perspective d'une des demi-lunes avec son parapet relevé en E pour couvrir la plate-forme contre les vues d'enfilade
des hauteurs voisines. On observera, dans cette figure, le bec saillant
qui renforce la demi-lune sur sa face, et qui couvre une partie de l'angle
mort dont l'assiégeant pourrait profiter, car ces demi-lunes sont incomplètement
flanquées par les tours d'angle.
 
Les plates-formes ne sont pas assez spacieuses pour pouvoir garnir à
la fois toutes les embrasures par de grosses pièces de canon. L'ingénieur
comptait, ou ne mettre en batterie que des fauconneaux, ou changer les
pièces de place au besoin.
</div>
[[Image:Tour.chateau.Salces.2.png|center]]
<div class="text">
«De grandes précautions sont prises contre la mine, dit M. le capitaine Ratheau<span id="note56"></span>[[#footnote56|<sup>56</sup>]]; une galerie règne le long des quatre courtines, en avant
des souterrains, et de distance en distance sont des amorces de galerie
d'écoute ingénieusement disposées.»
 
==== Tours-réduits <i>tenant lieu de donjons ou dépendant de donjons.</i> ====
Les plus anciens donjons ne sont guère que de grosses tours voisines de l'un
des fronts du château féodal, commandant les dehors du côté attaquable
et tous les ouvrages de la forteresse, avec sortie particulière sur les
dehors et porte donnant dans la cour du château (voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Château|Château]], [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Donjon|Donjon]]). Mais certaines places fortes possédaient
des réduits qui doivent être plutôt considérés comme des tours dominantes et indépendantes que comme des donjons. Puis, vers la fin du
XIII<sup>e</sup> siècle, les donjons devenant de véritables logis, renfermant les services propres à l'habitation, sont renforcés souvent de tours formidables
qui commandent les dehors, protègent ces logis et deviennent au besoin
des réduits pouvant tenir encore, si le donjon était en partie ruiné par
la sape ou l'incendie.
 
<span id=Compiegne><span id=Avignon19>On voit encore à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Compiegne|Compiègne]] les restes d'une grosse tour du commencement du XII<sup>e</sup> siècle) voisine de l'ancien pont sur lequel passa Jeanne
Darc le jour où elle fut prise par les Anglais, et qui est un de ces ouvrages
servant de réduit le long d'une enceinte. À Villeneuve-sur-Yonne
il existe également, sur le front opposé à la rivière, une grosse tour
cylindrique indépendante, qui servait de réduit et commandait la campagne.
Cette tour appartient au XIII<sup>e</sup> siècle. <span id="Carcassonne"></span>Le château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]]
possède, sur le front qui fait face au dehors, du côté de la Barbacane et
de l'Aude, deux tours sur plans quadrangulaires presque juxtaposées, qui
tenaient lieu de donjon; ces tours datent du XII<sup>e</sup> siècle et furent encore
surélevées à la fin du XIII<sup>e</sup> (voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 12
et 13). Le château (palais) des papes, à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Avignon|Avignon]], ne possède pas, à proprement
parler, de donjon, mais plusieurs tours-réduits qui commandent
les dehors et la forteresse et qui datent du XIV<sup>e</sup> siècle. Il est donc
nécessaire de distinguer, dans cet article, les tours-réduits tenant à des
enceintes, des tours-réduits tenant à des châteaux et des tours tenant à des donjons. Nous nous occuperons d'abord des premières.
 
C'est encore à l'enceinte de la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] qu'il faut recourir
pour trouver les exemples les mieux caractérisés de ces tours, sortes de
donjons appuyant un front. Le long de la première enceinte de cette
cité, vers le sud-est, il existe une grosse tour cylindrique presque entièrement
détachée de cette enceinte, et qui a nom, tour de la Vade ou
du Papegay<span id="note57"></span>[[#footnote57|<sup>57</sup>]]. Elle est bâtie sur un saillant et en face de la partie la plus
élevée du plateau qui, de ce côté, fait face aux remparts. Sa base est
flanquée par un redan de la courtine et par la tour que nous avons
donnée dans cet article<span id="note58"></span>[[#footnote58|<sup>58</sup>]]. Elle domine de beaucoup les alentours, est
complétement fermée, et n'était commandée que par la tour qui, derrière
elle, appartient à l'enceinte intérieure. Elle renferme cinq étages, dont
trois sont voûtés. Son crénelage supérieur était, en cas de guerre, garni
de hourds<span id="note59"></span>[[#footnote59|<sup>59</sup>]]. Le sol de l'étage inférieur est un peu au-dessus du niveau
du fond du fossé. Cet étage inférieur possède un puits.
 
Nous donnons les plans des étages de cette tour figure 41.
</div>
[[Image:Plan.tour.Papegay.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
L'étage A est à rez-de-chaussée pour le chemin militaire des lices L,
entre les deux enceintes de la cité. Le chemin de ronde des courtines
de l'enceinte extérieure est en <i>c</i>, le fossé en F. De la route militaire L,
on monte sur le chemin de ronde par un degré d'une dizaine de
marches <i>d</i>, puis on se trouve en face de l'unique porte de la tour <i>e</i> qui
donne entrée dans la salle voûtée S. En prenant l'escalier <i>f</i>, on descend
à l'étage inférieur B, également voûté. Cet escalier débouche en <i>g'</i>. Une
trémie, établie de <i>g'</i> en <i>g</i>, permet de monter, au moyen d'un treuil
de l'eau ou des provisions au niveau du sol du rez-de-chaussée. Le puits
est en <i>p</i>, Cette cave n'est éclairée que par deux soupiraux relevés <i>i</i>. De
la salle du rez-de-chaussée S, en prenant l'escalier <i>k</i>, on monte à la
salle du premier étage S', où l'on débouche en <i>l</i>. Cette salle S', voûtée,
possède une cheminée <i>m</i> et est éclairée par quatre meurtrières et une
baie relevée. De cette salle S'', en prenant l'escalier <i>n</i>, on monte à la
salle du second étage S'', couverte par un plancher; cet escalier débouche
en <i>o</i>. En reprenant le degré <i>q</i>, on arrive au crénelage supérieur.
Ce second étage possède quatre fenêtres et des latrines en <i>t</i>. On remarquera
que la salle du rez-de-chaussée S est percée de sept meurtrières
qui enfilent la crête de la contrescarpe du fossé. Si nous faisons une
section sur <i>ab</i>, et que nous prenions la partie de cette section du côté
des lices, nous obtenons la coupe figure 42, coupe qui permet de se
rendre compte de la disposition de toutes les issues des escaliers. Le
niveau du fond du fossé est en N et les niveaux des crénelages des courtines en R. En E est tracé le plan du crénelage supérieur, au sol duquel
on arrive par l'escalier <i>h</i>. Des hourds étaient disposés tout autour de ce
crénelage, ainsi que nous l'avons indiqué partiellement en VV'. Par les
fenêtres <i>rr</i> (voyez en D, fig. 41), le poste enfermé dans la tour voyait les
parties supérieures de l'enceinte intérieure et communiquait ou recevait
des avis. Trente hommes pouvaient facilement loger dans cette tour, y
amasser des provisions pour longtemps, avoir de l'eau et faire la cuisine.
C'était donc un réduit se défendant encore si l'enceinte extérieure
tombait au pouvoir de l'assiégeant. La seule entrée, étroite, était
barricadée et fermée avec des barres épaisses.
</div>
[[Image:Coupe.tour.Papegay.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
<span id="Carcassonne2"></span>La tour du Trésau, de la même cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], attachée à l'enceinte intérieure et qui dépend des ouvrages dus à Philippe le Hardi, est aussi un réduit. Nous donnons cette belle tour à l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]]
fig. 149, 150, 151, 152, 153 et 154).
 
La tour du Trésau domine de beaucoup les courtines, et, de plus, elle
est munie de deux guettes qui permettaient de découvrir tous les abords
de la cité de ce côté, le château, la tour du coin ouest au saillant opposé,
et tout le front du nord (voyez le plan de la cité, [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]],
fig. 11<span id="note60"></span>[[#footnote60|<sup>60</sup>]]).
 
Il serait superflu de fournir un grand nombre d'exemples de ces tours,
qui ne diffèrent des tours flanquantes fermées que par leur hauteur et
leur diamètre relativement plus fort. Les enceintes bien défendues possédaient
toujours un certain nombre de tours-réduits plus ou moins
considérable, en raison de leur étendue; quelques enceintes d'un développement
peu considérable n'en possédaient parfois qu'une seule. Telle
est l'enceinte de Villeneuve-sur-Yonne. Cette tour remplaçait alors le
château et était entourée d'une chemise. Les tours dépendant de châteaux
et tenant lieu de donjons présentent, au contraire, comme les
donjons eux-mêmes, une grande variété de formes. Les unes sont indépendantes,
peuvent au besoin s'isoler, possèdent une chemise, ont leur
porte relevée au-dessus du sol extérieur; les autres sont comme le réduit
du donjon et y tiennent par un point: elles sont au donjon ce que
celui-ci est au château. Il ne faut pas perdre de vue la véritable fonction
du donjon, qui est l'habitation du seigneur; or il est fort rare de trouver
des donjons qui, comme ceux du Louvre et de Coucy, ne se composent
que d'une grosse tour sans aucune dépendance. Nous voyons que les
donjons normands, par exemple ceux du Berry, du Poitou, consistent
habituellement, jusqu'au XIII<sup>e</sup>
siècle, en un gros logis quadrangulaire
divisé à chaque étage en deux salles. Ce donjon était toujours l'habitation
seigneuriale. Les donjons du Louvre et de Coucy sont des exceptions, et ne servaient de logis seigneurial qu'en temps de guerre (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Donjon|Donjon]]).
 
Dans tous les châteaux de quelque importance, il est une partie plus
forte, dont les murailles sont plus épaisses, qui domine les autres ouvrages;
partie qui est réellement le donjon. Ou ce donjon est renforcé
d'une tour plus haute et plus forte que les tours de flanquements; ou
bien, à côté de la partie du château qui était le plus spécialement
réservée à l'habitation du seigneur, est une tour isolée qui devient, en
cas de siége, le réduit dans lequel le seigneur se retire avec ses fidèles,
sa famille et ce qu'il possède de plus précieux. Enfermé dans cette
tour, il surveille les dehors (car ces ouvrages sont élevés sur le point le
plus accessible); il contient sa garnison et peut soutenir un second siége
lorsque le château proprement dit est pris. Si le château n'occupait pas
une assez grande surface de terrains propres à recevoir des bâtiments
pour les gens de la garnison, une cour, un logis pour le seigneur ou
donjon complet, s'il avait peu d'étendue, en temps ordinaire le seigneur
et les siens occupaient le logis; en temps de guerre, il appelait les
hommes liges, ceux qui lui devaient le service militaire, il recrutait des
gens de guerre soldés, et se retirait, lui et ses proches, dans une tour,
la plus forte, qui devenait ainsi le donjon. Nous trouvons la trace bien
évidente de cet usage jusqu'au XIV<sup>e</sup> siècle, dans les places fortes intéressantes,
mais petites, de la Guyenne. Plus anciennement, dans des
châteaux de l'Île-de-France d'une médiocre étendue, nous pouvons
également reconnaître cette disposition. À peine si les caractères effacés
de notre siècle nous permettent de comprendre la vie, en temps de
guerre, d'un seigneur possesseur de fiefs considérables et d'une belle et
grande habitation seigneuriale; mais combien nous sommes loin de
nous représenter exactement l'énergie morale et physique de ces
châtelains
possesseurs de forteresses peu étendues, et dans lesquelles,
cependant, ils n'hésitaient pas, au besoin, à se défendre contre des
voisins dix fois plus puissants qu'eux. Dans ces places resserrées, le châtelain,
entouré d'un petit nombre de vassaux sur la fidélité desquels il
pouvait toujours compter, s'enfermait dans la tour maîtresse, et de là
devait pourvoir à la défense extérieure, prévoir les trahisons, et inspirer
assez de crainte et de respect à sa garnison pour qu'elle ne fût pas
tentée de l'abandonner. Alors (ce fait se présentait-il souvent) le châtelain et quelques fidèles, les ponts coupés, les herses baissées, les portes
et fenêtres barricadées, enclos dans ce dernier refuge, se défendaient à
outrance jusqu'à ce que les vivres vinssent à manquer.
 
Ce système de réduit, propre à une défense extrême, est adopté
d'une manière absolue dans la grosse tour éventrée du château de
Montépilloy,
près de Senlis. D'un côté, cette tour donnait sur la baille du
château, de l'autre sur le château lui-même, qui avait peu
d'étendue<span id="note61"></span>[[#footnote61|<sup>61</sup>]].
Nous parlons ici du château tel qu'il existait au XII<sup>e</sup> siècle avant les
adjonctions et modifications que lui fit subir Louis d'Orléans.
</div>
[[Image:Plan.tour.chateau.Montepilloy.png|center]]
<div class="text">
Nous donnons (fig. 43) le plan du premier étage de cette tour, au
niveau
duquel s'ouvrait la seule poterne donnant entrée dans l'intérieur.
En A est la porte qui permet de descendre, par un escalier voûté, dans
l'épaisseur du cylindre, à l'étage inférieur; en B, la porte qui, par un
long degré, également voûté, donne accès au second étage en C, et à
la chambre D de la herse et du mâchicoulis de la poterne. En continuant
l'ascension par le degré, on arrive au troisième étage. La poterne
P est donc relevée au-dessus du sol extérieur de toute la hauteur du rez-de-chaussée. On n'y arrive que par une passerelle de bois facile à détruire.
Cette poterne était fermée au moyen d'une grille, d'une herse,
d'un mâchicoulis et d'un vantail barré. Une petite chambre E, propre
à contenir deux hommes, est percée d'une meurtrière oblique qui
enfile
le tablier de la passerelle. Ce tablier était percé d'une trappe, par
laquelle, au moyen d'une échelle, on descendait, défilé par la pile du
pont, sur le chemin de ronde de la chemise G. L'intervalle entre cette
chemise et la tour formait donc comme un fossé<span id="note62"></span>[[#footnote62|<sup>62</sup>]].
 
La coupe faite sur <i>ab</i> (fig. 44) montre en A la tour de Montépilloy
telle qu'elle existait au XII<sup>e</sup> siècle, et en B avec les modifications qui
furent apportées aux défenses, en 1400, dans les parties
supérieures<span id="note63"></span>[[#footnote63|<sup>63</sup>]].
On voit en C la coupe de la chemise, en P la coupe de la poterne, et en D
celle de la chambre de la herse et du mâchicoulis au-dessus de cette
poterne. On observera que le rez-de-chaussée est voûté, ainsi que
l'étage au-dessus, au moyen d'arcs ogives à section rectangulaire reposant
sur cinq piles. Cette salle voûtée supérieure est divisée par un
plancher, c'est le second étage. Le troisième étage, dans lequel on débouche
par la porte I, est resté tel qu'il était au XII<sup>e</sup> siècle, seulement
au XV<sup>e</sup> siècle on entailla sa muraille sur un point pour y loger un escalier
à vis qui était destiné à monter au quatrième étage et à l'étage crénelé,
avec mâchicoulis, M. La hauteur de l'ancienne tour ne dépassait pas
le niveau N. Alors les hourds H donnaient une plongée en dehors de la
chemise, comme l'indique la ligne ponctuée. Ce quatrième étage était
destiné à l'approvisionnement des projectiles et à la défense supérieure
qui se faisait par une série d'arcades dont on distingue quelques restes
englobés dans la maçonnerie de 1400; arcades qui mettaient la salle
supérieure en communication avec les hourds. Cette défense n'ayant
pas paru avoir un commandement suffisant, en 1400 on suréleva cet
étage à arcades; on le voûta en V, et l'on établit sur cette voûte une
plate-forme avec crénelage et mâchicoulis M dont la plongée permettait
de battre le pied de l'escarpe de la chemise, ainsi que l'indique, de
ce côté, la ligne ponctuée. Il est clair que les passerelles S qui mettaient
la tour en communication avec le château pouvaient être enlevées facilement. En E est figurée l'échelle qui, de la trappe de cette
passerelle, permettait de descendre derrière la pile par le chemin de
ronde de la chemise.
</div>
[[Image:Coupe.tour.chateau.Montepilloy.png|center]]
<div class="text">
La figure 45 donne le développement de l'intérieur de la tour de
Montépilloy de <i>e</i> en <i>f</i> (voyez au plan, fig. 43). Les escaliers, pris aux dépens
de l'épaisseur du mur cylindrique, sont indiqués par des lignes
ponctuées. En A est la poterne, et en B, au-dessus, la chambre de la
herse et du mâchicoulis. En C, les arcades qui, de l'étage supérieur,
donnaient sur la galerie des hourds avant la surélévation du XV<sup>e</sup> siècle.
</div>
[[Image:Tour.chateau.Montepilloy.png|center]]
<div class="text">
Cette construction est bien faite, en assises réglées de 0<sup>m</sup>,32 de
hauteur (un pied), et tout l'ouvrage serait intact si l'on n'avait pas fait
sauter à la mine la moitié environ du cylindre. Heureusement la
partie conservée est celle qui présente le plus d'intérêt, en ce qu'elle
renferme les escaliers de la poterne. Naturellement on a fait sauter de
préférence les parties qui regardaient l'extérieur, lorsqu'on a voulu
démanteler le château.
 
On comprend, quand on visite le château de Montépilloy, pourquoi
Louis d'Orléans jugea nécessaire de surélever la tour et de la terminer
par une plate-forme.
 
Possesseur du duché de Valois, prétendant faire de ce territoire un
vaste réseau militaire propre à dominer Paris, il était important d'avoir
près de Senlis, sur la route de la capitale, un point d'observation qui
pût découvrir le parcours de cette route depuis sa sortie de Senlis
jusqu'à Crespy. Or, on ne pouvait mieux choisir ce point d'observation
qui, occupé par une garnison sur une hauteur, permettait de couper
le passage à tout corps d'armée débouchant de Senlis. Cette garnison
avait d'ailleurs la certitude d'être soutenue par les troupes enfermées
dans Crespy, Béthisy, Vez et Pierrefonds, si ce corps d'armée tentait
de forcer le passage. Les gens sortis de Montépilloy n'avaient point à
s'inquiéter s'ils étaient coupés eux-mêmes de leur château, puisqu'ils
pouvaient battre en retraite jusqu'à Crespy, et plus loin encore, en
défendant pied à pied la route qui pénètre au cœur du Valois. Mais
pour que ces obstacles fussent efficaces, il fallait avoir le temps:
1º de
se mettre en travers de la route ou sur ses flancs, au moment où une
armée envahissante sortait de Senlis; 2º de prévenir par des signaux
ou des émissaires les garnisons des châteaux de Crespy et de Béthisy
situés chacun à huit kilomètres de Montépilloy, afin de se faire
appuyer sur les flancs.
 
Or, pour prendre ces dispositions militaires, il était d'une grande
importance de donner à la tour de Montépilloy la hauteur que nous
lui connaissons.
 
Il faut considérer que l'élévation de ces sortes de tours tenait bien
plus de leur situation stratégique que de leur défense propre. On fait
habituellement trop bon marché des dispositions stratégiques dans les
forteresses du moyen âge. On les étudie séparément, avec plus ou
moins d'attention, mais on tient peu compte de l'appui qu'elles se prêtaient pour défendre un territoire appartenant à un même suzerain ou
à des seigneurs alliés en vue d'une défense commune, fait qui se
présentait
souvent. <span id="Aigues-Mortes6">La fréquence des luttes entre châtelains n'empêchait
point qu'ils ne se réunissent, à un moment donné, contre un envahisseur;
et ce fait s'est présenté notamment lors du voyage de saint Louis dans
la vallée du Rhône pour se rendre à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Aigues-Mortes|Aigues-Mortes]]. Ce prince réduisit les
petites forteresses qui commandaient le fleuve, et dont les possesseurs se
défendirent tous contre son corps d'armée, bien que ces châtelains
fussent perpétuellement en guerre les uns avec les autres.
 
Pour ne parler que d'une contrée qui a conservé un grand nombre
de restes féodaux, le Valois, on remarquera que les postes militaires
étaient disposés en vue d'une défense commune au besoin, bien avant
la suzeraineté de Louis d'Orléans, et que ce prince ne fit qu'améliorer
et compléter une situation stratégique déjà forte.
 
Le Valois était borné au nord-ouest et au nord par les cours de l'Oise,
de l'Aisne et de la Vesle, au sud-est par la rivière d'Ourcq, au sud par
la Marne. Il n'était largement ouvert que du côté de Paris, au
sud-ouest,
de Gesvres à Creil. Or, le château de Montépilloy est placé en vedette
entre ces deux points, sur la route de Paris passant par Senlis; il s'appuyait
sur le château de Nanteuil-le-Haudouin, sur la route de Paris à
Villers-Cotterets, et qui se reliait au château de Gesvres, sur l'Ourcq.
C'était une première ligne de défense couvrant les frontières les plus
ouvertes du duché. En arrière, était une seconde ligne de places
s'appuyant
à l'Oise et suivant le petit cours d'eau de l'Automne: Verberie,
Béthisy, Crespy, Vez, Villers-Cotterets, la Ferté-Milon sur l'Ourcq, et
Louvry au delà. Derrière ces deux lignes, Louis d'Orléans établit,
comme réduit seigneurial, la place de Pierrefonds, dans une excellente
position. Des tours isolées furent élevées ou d'anciens châteaux
augmentés
sur les bords de l'Aisne et de l'Ourcq. Le passage de la Champagne
en Valois, entre ces deux rivières, était commandé par les châteaux d'Ouchy, sur l'Ourcq, et de Braisne, sur la Vesle, couverts par la
forêt de Daule.
 
Au nord, en dehors du Valois, dans le Vermandois, Louis d'Orléans
avait acheté et restauré la place de Coucy, qui couvrait le cours de
l'Aisne. Tous ces châteaux (Coucy excepté) étaient mis en
communication
par les vues directes qu'ils avaient les uns sur les autres au moyen
de ces hautes tours, ou par des postes intermédiaires. C'est ainsi, par
exemple, que le château de Pierrefonds était mis en communication de
signaux avec celui de Villers-Cotterets par la grosse tour de Réalmont,
dont on voit encore les restes sur le point culminant de la forêt de
Villers-Cotterets.
 
Les expéditions tentées par Louis d'Orléans, et qui n'eurent qu'un
médiocre
succès, ne prouveraient pas en faveur des talents militaires de ce
prince, mais il est certain que lorsqu'il résolut de s'établir dans le Valois
de manière à se rendre maître du pouvoir et à dominer Paris, il
dut s'adresser à un homme habile, car ces mesures furent prises avec
une connaissance parfaite des localités et le coup d'œil d'un stratégiste.
Aussi le premier acte du duc de Bourgogne, après l'assassinat du duc
d'Orléans, fut-il d'envoyer des troupes dans le Valois, pour mettre la
main sur ce réseau formidable de places fortes.
 
Ainsi donc il ne faut pas confondre le donjon proprement dit, ou
habitation
seigneuriale, dernier réduit d'une garnison, avec ces tours qui,
indépendamment de ces qualités, ont été élevées suivant une disposition
stratégique, afin d'établir des communications entre les diverses places
d'une province, et de fournir les moyens à des garnisons isolées de
concerter leurs efforts.
 
La féodalité en France et en Angleterre possède ce caractère
militaire
particulier; caractère que nous ne voyons pas exprimé d'une manière
aussi générale en Allemagne et en Espagne, si ce n'est, dans cette
dernière contrée, par les Maures. Il semble chez nous que ces
dispositions
défensives d'ensemble soient dues plus particulièrement au génie
des Normands, qui, au moment de leur entrée sur le sol des Gaules,
comprirent la nécessité de concerter les moyens défensifs pour assurer
leur domination. Aussi ne les voyons-nous jamais perdre du terrain
dès qu'ils ont pris possession d'une contrée; et, de toutes les conquêtes
enregistrées depuis l'époque carlovingienne, celles des Normands ont
été à peu près les seules qui aient pu assurer une possession durable
aux conquérants: la noblesse française profita, pensons-nous, de cet
enseignement, et, malgré le morcellement féodal, comprit de bonne
heure cette loi de solidarité entre les possesseurs d'un pays. L'unité que
put établir plus tard la monarchie avait donc été préparée, en partie,
par un système de défense stratégique du sol, par provinces, par vallées
ou cours d'eau. Philippe-Auguste paraît être le premier qui ait compris
l'importance de ce fait, car nous le voyons rompre méthodiquement ces
lignes ou réseaux de forteresses, en s'attaquant toujours, dans chaque
noyau, avec la sagacité d'un capitaine consommé, à celle qui est comme
la clef des autres; Saint Louis continua l'œuvre de son aïeul moins en
guerrier qu'en politique.
 
Quand les Anglais furent en possession de la Guyenne, ils suivirent
avec méthode ce principe de défense, et tous les châteaux qu'ils ont
élevés dans cette contrée ont, indépendamment de leur force
particulière,
une assiette choisie au point de vue stratégique. Nous trouvons en
Bourgogne l'influence de la même pensée. Nulle contrée peut-être ne
présentait un système de défense solidaire plus marqué. Les cours
d'eau, les passages, sont hérissés d'une suite de châteaux ou postes
dont l'emplacement est merveilleusement choisi, tant pour la défense
locale que pour la défense générale contre une invasion. Ces points
fortifiés se donnent la main comme le faisaient nos tours de télégraphes
aériens; et la preuve en est que la plupart de ces postes télégraphiques,
en Bourgogne, s'établirent sur les restes des forteresses des XIII<sup>e</sup> et
XIV<sup>e</sup> siècles. Considérant donc les châteaux à ce point de vue, on comprend
l'importance des tours dont nous nous occupons; elles constituaient
une défense sérieuse par elles-mêmes, et assuraient d'autant
mieux ainsi la communication entre les garnisons féodales, leur action
commune. Il importait surtout, si l'un de ces châteaux était pris par
trahison ou par un coup de main, que des hommes dévoués pussent
tenir encore quelques jours ou seulement quelques heures dans ces réduits,
du haut desquels il était facile de communiquer, par signaux, avec
les forteresses les plus rapprochées; car, alors, les garnisons voisines
pouvaient, à leur tour, envahir la place tombée et mettre l'agresseur
dans la plus fâcheuse position. C'est ce qui arrivait fréquemment. En
France, les cours d'eau ont un développement considérable, les bassins
sont parfaitement définis; il s'établissait ainsi forcément, par la configuration
même du terrain, de longues lignes de forteresses solidaires
qui préparaient merveilleusement l'unité d'action en un moment donné.
Ce sont là des vues qui nous semblent n'avoir pas été suffisamment
appréciées dans l'histoire de notre pays, et qui expliqueraient en partie
certains phénomènes politiques que l'on énonce trop souvent sans en
rechercher les causes diverses. Mais toute notre histoire féodale est à
faire, et, pour l'écrire, il serait bon, une fois pour toutes, de laisser de
côté ces lieux communs sur les abus du régime féodal. Il est bien certain
que nous ne pourrons posséder une histoire de notre pays que du
jour où nous cesserons d'apprécier notre passé avec les partis pris qui nous troublent l'entendement, du jour où nous saurons appliquer à
cette étude l'esprit d'analyse et de méthode que notre temps apporte
dans l'observation des phénomènes naturels, du jour, enfin, où nous
comprendrons que l'histoire n'est pas un réquisitoire ou un plaidoyer,
mais un procès-verbal fidèle et impartial dressé pour éclairer des juges,
non pour faire incliner leur opinion vers tel ou tel système.
 
Mais laissons là ces considérations un peu trop générales relativement
à l'objet qui nous occupe, et revenons à nos tours.
 
Parmi ces tours de la Bourgogne dont la destination est bien marquée,
c'est-à-dire qui servaient à la fois de réduits au besoin et de postes
d'observation, il faut citer la tour de Montbard, du sommet de laquelle
on aperçoit la tour du petit château qui domine le village de Rougemont,
sur la Brenne, et le château de Montfort, qui, par une suite de
postes, mettait Montbard en communication avec le château de Semur
en Auxois, sur l'Armançon.
</div>
[[Image:Plan.tour.chateau.Montbard.png|center]]
<div class="text">
Montbard était un point très-fort; le château occupait un large mamelon escarpé, de roches jurassiques, à la jonction de trois vallées. De ce
château il ne reste que l'enceinte, et la grosse tour à six pans, qui
occupe un angle de cette enceinte au point culminant, de telle sorte
qu'elle donne directement sur les dehors, au-dessus de roches abruptes.
La figure 46 donne les plans de cette tour, qui date de la fin du XIII<sup>e</sup> siècle.
Le rez-de-chaussée A se compose d'une salle dans laquelle on n'entre
que par la porte <i>a</i>, percée au niveau du sol du terre-plein; en <i>b</i> et <i>c</i> sont
</div>
[[Image:Plan.tour.chateau.Montbard.2.png|center]]
<div class="text">
<br>
les deux courtines. L'angle <i>d</i> profite d'une saillie du rocher et contient
des latrines. Un caveau est creusé dans le roc, au-dessous de cette
salle; son orifice est en <i>e</i>. La salle basse est éclairée par deux fenêtres
et possède une meurtrière sur les dehors; elle est voûtée en arcs
d'ogive et n'est pas mise en communication avec les étages supérieurs.
On ne peut pénétrer dans la salle du premier étage que par les chemins
de ronde des courtines (voyez en B). L'angle <i>g</i> est couvert par un talus
de pierre; puis, à partir de ce niveau, un pan coupé <i>h</i> correspond au pan
coupé <i>i</i>. Le pan coupé <i>h</i> est porté sur l'arc inférieur <i>j</i>. La salle du
premier étage est éclairée par deux fenêtres donnant sur les dehors.
Un escalier, pratiqué dans l'épaisseur du mur, du côté du terre-plein,
monte au deuxième étage, semblable en tout au troisième, dont nous
donnons le plan (voyez en C). Ce troisième étage possède trois fenêtres
et deux armoires <i>k</i> qui n'existent pas dans l'étage du dessous, à cause
du passage de l'escalier. Ces pièces sont voûtées comme le rez-de-chaussée.
Un escalier à vis monte à la plate-forme, dont nous donnons
le plan figure 47. Cette plate-forme est défendue par un crénelage, et,
sur chaque face, par un mâchicoulis avec meurtrière<span id="note64"></span>[[#footnote64|<sup>64</sup>]]. La figure 48
donne la coupe de cet ouvrage sur la ligne <i>op</i>. Des pinacles, dressés
sur le crénelage supérieur, font reconnaître au loin le sommet de la
tour. Le couronnement du donjon de Coucy présente une disposition
analogue<span id="note65"></span>[[#footnote65|<sup>65</sup>]]. Ces pinacles pouvaient d'ailleurs faciliter l'intelligence des
signaux, puisqu'une bannière posée au droit de tel pinacle indiquait un
mouvement de l'ennemi, ou les dispositions prises par la garnison, ou
la nature des secours qu'elle attendait.
</div>
[[Image:Coupe.tour.chateau.Montbard.png|center]]
<div class="text">
La porte A de l'étage inférieur était masquée par le terre-plein du
château, dont le niveau s'élevait au-dessus de son linteau. Les défenseurs
préposés à la garde de la tour, postés dans les étages supérieurs,
commandaient les deux courtines, et tous les efforts d'un assaillant qui,
après s'être emparé du château, aurait cherché à pénétrer dans l'étage
inférieur de la tour,--ce qui était difficile, puisque sa porte est percée
dans un angle rentrant,--n'auraient abouti qu'à le faire tomber dans
une véritable souricière, puisque cet étage n'a pas de communication
avec les salles supérieures. D'ailleurs, un mâchicoulis est directement
placé au-dessus de cette porte et en rendait l'accès fort périlleux. Si,
du dehors, l'assaillant, au moyen d'échelles, gravissant le rocher à pic
sur lequel la tour est bâtie, parvenait à attacher le mineur au pied de
cette tour et pénétrait dans la salle du rez-de-chaussée,--opération
qui n'était guère praticable,--il n'était pas pour cela maître de l'ouvrage.
Ici le système angulaire est adopté pour le plan de la tour, conformément
à la méthode admise vers la fin du XIII<sup>e</sup> siècle pour les
tours-réduits couronnées par des plates-formes, particulièrement dans
les provinces méridionales. Cette configuration se prêtait mieux au
logement des hommes et aux dispositions d'habitation que la forme
circulaire; elle donnait des faces inabordables, et l'on comptait sur la
force passive des saillants pour résister aux attaques. Ceux-ci étaient
d'ailleurs flanqués par des échauguettes supérieures, ou, vers le milieu
du XIV<sup>e</sup> siècle, dominés par des mâchicoulis.
 
<span id=Narbonne>C'est en 1318 que l'archevêque Gilles Ascelin construisit la grosse
tour quadrangulaire du palais archiépiscopal de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Narbonne|Narbonne]]. Cet ouvrage
est un réduit, en même temps qu'il commande la place de la ville, les
quais de l'ancien port, les rues principales et tous les alentours. Bâti
à l'angle aigu formé par les bâtiments d'habitation, il peut être isolé,
puisqu'il n'avait, avec ces corps de logis, aucune communication directe<span id="note66"></span>[[#footnote66|<sup>66</sup>]].
Cette tour renferme quatre étages et une plate-forme ou place d'armes,
en contre-bas du crénelage, bien abritée du vent, terrible en ce pays, et
pouvant contenir une masse considérable de projectiles. Trois échauguettes flanquent, au sommet de la tour, les angles vus, et le quatrième
angle, qui est engagé dans le palais, contient l'escalier couronné par
une guette.
</div>
[[Image:Plan.tour.Narbonne.png|center]]
<div class="text">
Voici (fig. 49) les plans de cette tour, en A, au niveau du sol extérieur, et en B, au niveau du premier étage. L'étage A n'est qu'une cave
circulaire voûtée en calotte hémisphérique, ne prenant pas de jour à
l'extérieur. Le premier étage, de forme octogone à l'intérieur, se défend par des meurtrières sur chacune des trois faces vues du dehors.
On observera que les chambres de tir de ces meurtrières sont séparées
de la salle centrale, qui est voûtée en arête. Au-dessus (fig. 50) est
élevée une salle quadrangulaire destinée à l'habitation (plan C). Cette
salle était la seule qui possédât une cheminée. Elle était éclairée par
trois fenêtres et couverte par un plafond de charpente. Le quatrième
étage présente également une salle carrée, voûtée en arcs d'ogive,
possédant trois petites fenêtres et des meurtrières dont les chambres
de tir sont, de même qu'au premier étage, séparées de la salle centrale
(plan D). Puis, sur la voûte est disposée la plate-forme, dont la figure 51
donne le plan. La partie centrale, immédiatement sur la voûte, est en
contre-bas du chemin de ronde, dont le parapet n'est point percé de
créneaux, mais seulement de longues meurtrières. Les échauguettes
flanquantes possèdent trois étages de meurtrières. Les défenseurs pénètrent
dans l'étage inférieur par les portes <i>a</i>, percées un peu au-dessus
du niveau de la place d'armes, dans le premier étage par les portes <i>b</i>,
et arrivent au troisième étage, à ciel ouvert, par les baies <i>d</i>. De l'escalier
à vis on arrive à la place d'armes par la porte <i>c</i>, et au chemin de ronde
du crénelage par la porte <i>e</i>. Les chemins de ronde pourtournent en <i>f</i> les
échauguettes.
</div>
[[Image:Plan.tour.Narbonne.2.png|center]]
 
[[Image:Plan.tour.Narbonne.3.png|center]]
<div class="text">
Une coupe faite sur <i>gh</i> (fig. 52) explique cette intéressante disposition.
En A est la salle destinée à l'habitation du seigneur, tous les autres
étages étant aménagés pour la défense. Cette tour ne possédait ni hourds
ni mâchicoulis; elle se défendait surtout par sa masse, composée d'une
excellente maçonnerie de pierre de taille dure de Sainte-Lucie. Les faces
étaient à peine flanquées par les échauguettes. Aussi pensons-nous qu'en
cas de siége, des mâchicoulis de bois étaient disposés au-dessus du parapet, ou peut-être seulement au-dessus des échauguettes, pour pouvoir
découvrir la base de la tour et la défendre. Ce magnifique réduit est un
chef-d'œuvre de structure; les assises, réglées de hauteur, sont choisies
dans le cœur de la pierre et reliées par un excellent mortier. Dans cette
masse nul craquement, nulle déchirure; c'est un bloc de maçonnerie
homogène. Cette place d'armes, pratiquée à un niveau inférieur à celui
du chemin de ronde, servait à plusieurs fins. C'était une excellente
assiette pour établir des engins à longue portée, mangonneaux ou pierrières,
un abri pour les défenseurs et un magasin à projectiles.
</div>
[[Image:Coupe.tour.Narbonne.png|center]]
<div class="text">
Vers le même temps, c'est-à-dire de 1320 à 1325, était élevée, au
château de Curton, en Guyenne (arrondissement de Libourne), une tour-réduit
dont le plan présente certaines particularités remarquables. Ce
château était plutôt défendu par sa position et son double fossé que
par ses ouvrages; seule, la tour principale avait de l'importance<span id="note67"></span>[[#footnote67|<sup>67</sup>]]. Cette
tour, dont la figure 53 présente les plans, contenait cinq étages et un
cachot, tous voûtés en berceaux chevauchés. La seule entrée <i>b</i>, dans la
tour, était pratiquée du logis voisin au niveau du second étage A. Par
l'escalier à vis on descendait à l'étage au-dessous B, percé de deux
meurtrières. Par une trappe <i>c</i> on descendait dans le cachot C, composé
de deux étroites galeries se coupant à angle droit et contenant un siége
d'aisances. L'escalier à vis montait du second étage A aux trois salles
supérieures, bâties sur le même plan, et à la plate-forme D, munie
d'un crénelage et de mâchicoulis. Les contre-forts qui épaulent les quatre
angles n'avaient d'autre fonction que de donner des flanquements, car
les murs de la tour sont assez épais pour n'avoir pas besoin de ces
appendices. Si l'on examine le plan général du château<span id="note68"></span>[[#footnote68|<sup>68</sup>]], on verra en
effet que l'angle G forme un saillant que flanquent (incomplètement,
il est vrai) les échauguettes voisines. Ce renfort avec saillant avait
encore l'avantage de rendre la tâche du mineur beaucoup plus longue
et plus difficile. La tour de Curton a d'ailleurs 33 mètres de hauteur,
du niveau du sol du cachot à la plate-forme supérieure, et les quatre
contre-forts augmentent singulièrement son assiette. <span id=Lesparre>Dans la même
contrée, il faut citer la tour carrée du château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Lesparre|Lesparre]], qui était un réduit couronné par une plate-forme sur voûte<span id="note69"></span>[[#footnote69|<sup>69</sup>]], un véritable poste, car
la surface de ce château en dehors de la tour carrée n'est que de
700 mètres. Beaucoup de ces châteaux de la Guyenne anglaise du XIV<sup>e</sup>
siècle n'ont qu'une très-médiocre étendue, et paraissent plutôt être des
forteresses propres à garder le pays que des habitations seigneuriales
telles qu'étaient nos châteaux du Nord. Ce n'est pas qu'alors la population
de la Gascogne ne fût complétement soumise à la domination
anglaise, dont elle n'avait pas à se plaindre et qui fut pour ce pays une
ère de prospérité, mais il s'agissait de protéger la Guyenne contre les
attaques presque continuelles du roi de France, et ces petits châteaux,
nombreux, bien établis au point de vue stratégique, commandant le
cours de la Garonne et les débouchements des vallées latérales, étaient
</div>
[[Image:Plan.tour.chateau.Curton.png|center]]
<div class="text">
<br>
plus propres à garder la campagne que ne l'eussent été de vastes forteresses séparées par de grandes distances. Aussi la plupart de ces petits
châteaux, bâtis ou restaurés à cette époque, se défendent-ils par leur
assiette même, quelques ouvrages peu importants et par des tours-réduits,
où des troupes d'hommes d'armes isolées pouvaient se retirer
et attendre en sûreté qu'on les vînt dégager; d'où elles pouvaient sortir
et surveiller la contrée.
</div>
[[Image:Plan.chateau.Falaise.2.png|center]]
<div class="text">
En Normandie, où la domination anglaise, au commencement du
XV<sup>e</sup> siècle, fut contestée par une grande partie de la population, où il
s'agissait non-seulement de protéger le pays contre des ennemis du dehors, mais de se garder contre ceux du dedans, les rares fortifications
que les Anglais ont élevées ont un tout autre caractère. Elles tendent à
augmenter et à renforcer les places importantes, afin d'avoir des garnisons
nombreuses centralisées sur certains points stratégiques. C'est ainsi que
le château de Falaise, dont la position était si importante, fut renforcé
pendant la domination anglaise, c'est-à-dire de 1418 à 1450, par une
grosse tour cylindrique qui formait une annexe au donjon normand
du XII<sup>e</sup> siècle (fig. 54). Le château de Falaise couvre une surface d'un
hectare et demi<span id="note70"></span>[[#footnote70|<sup>70</sup>]]; le donjon, composé de bâtiments quadrangulaires
juxtaposés, suivant l'habitude normande, était peu élevé et ne commandait
pas suffisamment les dehors: les Anglais y ajoutèrent la grosse
tour A, dite tour de Talbot, qui renferme six étages, dont un cachot et
l'étage de combles. Cette grosse tour-réduit est couronnée par des mâchicoulis avec chemin de ronde. Le crénelage supérieur et le comble
n'existent plus depuis les guerres de religion du XVI<sup>e</sup> siècle. Plusieurs
anciens donjons carrés de l'époque romane furent simplement considérés comme des logis à la fin du XIV<sup>e</sup> siècle et au commencement du
XV<sup>e</sup> siècle, logis que l'on renforçait au moyen de grosses tours annexes.
Cette disposition motiva un nouveau programme qui fut suivi, à cette
époque, dans des constructions élevées d'un seul jet. On se mit à bâtir
des donjons qui consistaient en un logis spacieux habitable pour le
seigneur, en tout temps, et l'on flanqua ce logis de fortes et hautes
tours commandant les dehors. C'est suivant cette donnée qu'a été
conçu le donjon du château de Pierrefonds<span id="note71"></span>[[#footnote71|<sup>71</sup>]]. Sur les dehors, ce donjon
est en effet protégé par deux grosses tours cylindriques dont le diamètre
est de 15 mètres 50 centimètres hors œuvre. Ces deux tours,
pleines dans la hauteur du talus, pouvant par conséquent défier la
sape, renferment trois étages destinés aux provisions et à l'habitation,
et un étage supérieur de défenses très-important, couronné par un
crénelage double<span id="note72"></span>[[#footnote72|<sup>72</sup>]].
</div>
[[Image:Plan.tour.Charlemagne.Pierrefonds.png|center]]
<div class="text">
Des deux tours, à peu près pareilles dans leurs distributions intérieures,
nous donnons celle d'angle, dite tour de Charlemagne<span id="note73"></span>[[#footnote73|<sup>73</sup>]]. Elle
contient, au niveau de la cour du château, une cave voûtée, éclairée
par deux meurtrières (fig. 55, en A). Un couloir B permet de communiquer
des salles basses du donjon à cette cave. Par l'escalier C, on
monte à la vis qui dessert tous les étages et la guette. En E, est une
fosse pratiquée sous les garde-robes voisines de cette tour. Au-dessus
de la cave A est une salle voûtée en arcs ogives surbaissés, qui est de
plain-pied avec le premier étage du logis et dont le plan est semblable
à celui de la salle G du second étage, laquelle salle est de même voûtée
en arcs ogives et se trouve de plain-pied avec le deuxième étage du
logis. Ces pièces hexagones sont éclairées chacune par trois fenêtres,
possèdent une cheminée K et un couloir I communiquant aux garde-robes
M. En O, est la cour des provisions<span id="note74"></span>[[#footnote74|<sup>74</sup>]]. L'escalier de la guette N
met ce couloir I, et par conséquent la salle G, en communication avec
le chemin de ronde P du mur de garde de la cour aux provisions, qui
lui-même communique aux défenses supérieures du château.
</div>
[[Image:Plan.tour.Charlemagne.Pierrefonds.2.png|center]]
<div class="text">
Au-dessus de cette salle voûtée G est l'étage particulièrement réservé
à la défense et dont nous traçons le plan (fig. 56). On monte à cet étage
par l'escalier à vis. Une première porte L donne entrée de plain-pied
sur l'aire S dallée sur la voûte de la salle du deuxième étage. Une seconde
porte percée au niveau de la révolution supérieure de la vis
donne accès sur le chemin de ronde R des mâchicoulis. Des arcades
percées dans le mur cylindrique donnent, au moyen d'emmarchements
en façon de gradins d'amphithéâtre; du chemin de ronde R sur l'aire S
placée à 3 mètres au-dessous. L'escalier à vis permet d'atteindre,
au-dessus de cette salle, un balcon circulaire intérieur ayant vue sur
les dehors par un grand nombre de créneaux.
 
La coupe faite sur <i>ab</i> (fig. 57) explique l'importance de cet étage,
au point de vue de la défense. Sur l'aire A étaient accumulés les projectiles propres à être lancés par les mâchicoulis, pierres rondes, cailloux de toutes grosseurs, jusqu'à 40 centimètres de diamètre, puisque les trous des mâchicoulis ont 42 centimètres environ. Cet amas de
projectiles pouvait, à la rigueur, atteindre le niveau du chemin de
ronde B, en laissant un vide dans le milieu pour le service et pour
le passage des hommes par la porte C.
</div>
[[Image:Coupe.tour.Charlemagne.Pierrefonds.png|center]]
<div class="text">
Les servants des mâchicoulis se tenaient sur le chemin de ronde B,
ainsi que les arbalétriers. Des manœuvres passaient les projectiles aux
servants, suivant les ordres donnés par le capitaine de la tour, qui était
posté sur le balcon D dont nous avons parlé plus haut. Par les créneaux
nombreux donnant sur le balcon, le capitaine découvrait tous les
dehors, et les gens postés dans la galerie, non plus que ceux préposés
aux projectiles, n'avaient point à s'enquérir des mouvements de l'ennemi,
mais seulement à exécuter les ordres qui leur étaient donnés.
L'étage crénelé supérieur E était en outre garni d'arbalétriers chargés
du tir dominant et éloigné. Suivant que l'assiégeant se portait vers un
point, le capitaine faisait accumuler les projectiles sur ce point sans
qu'il pût y avoir de confusion. Si l'assaillant abordait le pied du talus
de la tour, par les trous des mâchicoulis les servants le voyaient et
n'avaient qu'à laisser tomber des moellons pour l'écraser. Le tir par
les créneaux découverts E ne pouvait être qu'éloigné, ou au plus suivant
un angle de 60 degrés, à cause du défilement produit par la saillie de la
galerie. Le tir par les créneaux du balcon D était ou parabolique, ou
suivant un angle de 30 et de 60 degrés. Il en était de même du tir des arbalétriers, postés sur le chemin de ronde B. Puis, par les mâchicoulis on
obtenait un tir très-plongeant et la chute verticale des projectiles, qui,
ricochant sur le talus, prenaient les assaillants en écharpe. Ainsi, dans
un rayon de 150 à 200 mètres, les défenseurs pouvaient couvrir le
terrain d'une quantité innombrable de carreaux, de viretons et de
pierres. Le sommet de la guette dépasse de plusieurs mètres le sommet
du comble de la tour, et son escalier à vis possède un noyau à jour de
manière à permettre au guetteur de se faire entendre des gens postés
dans le chemin de ronde, comme s'il parlait à travers un tube ou
porte-voix.
 
En G, est tracée la coupe sur le milieu des côtés de l'hexagone intérieur,
c'est-à-dire suivant l'axe des fenêtres.
 
C'est là un des derniers ouvrages qui précèdent de peu l'emploi régulier
des bouches à feu, puisque le château de Pierrefonds était terminé
en 1407; aussi ces belles tours, élevées suivant l'ancien système
défensif perfectionné, sont-elles très-promptement renforcées d'ouvrages
de terre avancés propres à recevoir des bouches à feu. À Pierrefonds
comme autour des autres places fortes, au commencement du
XV<sup>e</sup> siècle, on retrouve des traces importantes et nombreuses de ces
défenses avancées faites au moment où les assiégeants traînent avec eux
du canon. La plate-forme qui précède ces tours vers le plateau est
disposée pour pouvoir mettre en batterie des bombardes ou coulevrines.
 
La célèbre tour de Montlhéry, sur l'ancienne route de Paris à Orléans,
est à la fois réduit du donjon et guette. Ce qu'on désigne aujourd'hui
sous le nom de <i>château de Montlhéry</i> n'est, à proprement parler,
que le donjon, situé au point culminant de la motte. Le château consistait en plusieurs enceintes disposées en terrasses les unes au-dessus
des autres, et renfermant des bâtiments dont on découvre à peine aujourd'hui les traces. Chacune de ces terrasses avait plus de cent pieds
de longueur, et c'était après les avoir successivement franchies qu'on
arrivait au donjon ayant la forme d'un pentagone allongé (fig. 58).
Lorsqu'on avait gravi les terrasses, on se trouvait devant l'entrée A
du donjon, dont la construction appartient à la première moitié du
XIII<sup>e</sup> siècle.
</div>
[[Image:Plan.tour.Montlhery.png|center]]
<div class="text">
Du château où résida Louis le Jeune en 1144, il reste peut-être des
substructions, mais toutes les portions encore visibles du donjon, et
notamment la tour principale, réduit et guette, ne remontent pas au
delà de 1220, bien qu'elle passe généralement pour avoir été construite
par Thibaut, forestier du roi Robert, au commencement du XI<sup>e</sup> siècle.
 
Cette tour B, plus grosse et plus haute que les quatre autres qui
flanquent le donjon, a 9<sup>m</sup>,85 de diamètre au-dessus du talus (30 pieds);
le niveau de sa plate-forme était à 35 mètres environ au-dessus du
seuil de la porte du donjon. Son plan présente des particularités curieuses.
Une poterne relevée, fermée par une herse, donne sur les dehors
indépendamment de la porte qui s'ouvre sur la cour. Deux étages
étaient voûtés, trois autres supérieurs fermés par des planchers. Une
ceinture de corbeaux, comme ceux du donjon de Coucy, recevait des
hours à double étage; une porte s'ouvrait aussi sur le chemin de ronde
de la courtine C. Cette entrée passait à travers la cage d'un escalier à
vis qui, inscrit dans une tourelle cylindrique, partait du niveau de ce
chemin de ronde pour arriver à tous les étages supérieurs. Du rez-de-chaussée
on montait au premier étage par un degré pris dans
l'épaisseur du mur du côté intérieur. En D, il existait un bâtiment
d'habitation assez vaste, dont on aperçoit aujourd'hui seulement les
fondations. On sait quel rôle important joua le château de Montlhéry
pendant le moyen âge.
 
Cette valeur tenait plus encore à sa position stratégique qu'à la puissance
de ses ouvrages; et la grosse tour B du donjon était bien plus un
point d'observation qu'une défense. Il est évident que pour la garnison de Montlhéry, l'essentiel était d'être prévenue à temps, car alors il
devenait impossible à des assaillants d'aborder la motte élevée sur
laquelle s'étageaient les défenses; quelques hommes suffisaient à déjouer
un coup de main.
 
==== Tour de guet (<i>guettes)</i> ====
Les châteaux, les donjons, avaient leur
guette mais aussi les villes. Dans l'état présent de l'Europe, on ne
saurait comprendre l'importance de ces observatoires élevés sur les
points dominants des châteaux et des villes.
 
Si nous avons encore conservé les voleurs qui cherchent à s'introduire la nuit dans les habitations des cités et des campagnes, du moins
cette corporation n'exécute-t-elle ses projets qu'en se cachant du mieux
qu'elle peut. Mais il n'en était pas ainsi depuis l'empire romain jusqu'au
XVII<sup>e</sup> siècle. Pendant l'administration des derniers empereurs, les <i>villæ</i>
et même les bourgades n'étaient pas toujours à l'abri des expéditions
de bandes d'aventuriers qui, en plein jour, rançonnaient les particuliers
et les petites communes, ainsi que nous voyons encore la chose se
faire parfois en Italie, en Sicile et sur une partie du territoire de l'Asie.
Le brigandage (pour nous servir d'un mot qui ne date que du XV<sup>e</sup> siècle)
existait à l'état permanent sous l'administration romaine, aux portes
mêmes de la capitale de l'empire, et il n'est pas équitable de faire remonter
cette institution au moyen âge seulement; elle appartient un
peu à tous les temps, et aux sociétés particulièrement qui inclinent
vers la dissolution. Le moyen âge féodal ne pratiqua pas le brigandage
et ne l'éleva pas à la hauteur d'une institution, ainsi que plusieurs
feignent de le croire pour arriver à nous démontrer que l'histoire de la
civilisation ne date que du XVI<sup>e</sup> siècle.
 
La féodalité entreprit au contraire de détruire le brigandage qui,
après la chute de l'empire romain, était passé dans les mœurs et s'étendait à l'aise sur toute l'Europe occidentale. La féodalité fut une véritable gendarmerie, une magistrature armée, et malgré tous les abus
qui entourent son règne, elle eut au moins cet avantage de relever les
populations de l'affaissement où elles étaient tombées à la fin de l'empire
et sous les Mérovingiens. Ces premiers possesseurs terriens, ces
leudes, surent grouper autour de leurs domaines les habitants effarés
des campagnes, et si des colons romains ils ne firent pas du jour au lendemain des citoyens (tâche impossible, puisque à peine les temps modernes ont pu la remplir), du moins leur enseignèrent-ils par l'exemple
à se défendre et à se réunir au besoin, à l'ombre du donjon, contre un
ennemi commun. Que des châtelains aient été des voleurs de grands
chemins, le fait a pu se présenter, surtout au déclin de la féodalité;
mais il serait aussi injuste de rendre l'institution féodale responsable
de ces crimes qu'il serait insensé de condamner les institutions de
crédit, parce qu'il se rencontre parfois des banqueroutiers parmi les
financiers. Les <i>Assises de Jérusalem</i>, ce code élaboré par la féodalité
taillant en plein drap, est, pour l'état de la société d'alors, un recueil
d'ordonnances fort sages, et qui indique une très-exacte appréciation
des conditions d'ordre social; et les barons, guerriers et légistes qui
ont rédigé ce code, eussent été fort surpris si on leur eût dit qu'un
siècle comme le nôtre, qui se prétend éclairé sur toutes choses, les
considérerait comme des détrousseurs de pèlerins; des soudards, pillards sans vergogne.
 
La guette, ou la tour de guet, est le signe visible du système de police
armée établi par la féodalité. La tour de guet du château n'a pas seulement
pour objet de prévenir la garnison d'une approche suspecte,
mais bien plus d'avertir les gens du bourg ou du village de se défier
d'une surprise et de se prémunir contre une attaque possible. Il n'était
pas rare de voir une troupe de partisans profiter de l'heure où les gens
étaient aux champs pour s'emparer d'une bourgade et la mettre à rançon.
À la première alarme, le châtelain et ses hommes avaient bientôt fait
de relever le pont et de se mettre à l'abri des insultes; mais ces garnisons, très-faibles en temps ordinaire, n'eussent pas pu déloger des
troupes d'aventuriers et empêcher le pillage du bourg; il fallait avoir
le temps de rassembler les paysans dispersés dans la campagne: c'est
à cette fin que les tours de guet étaient élevées. Aux premiers sons
du cor, aux premiers tintements du beffroi, les populations rurales se
groupaient sous les murs du château et organisaient la défense, appuyées sur la garnison de la forteresse. Les villes possédaient, par le
même motif, des tours de guet sur les points qui découvraient la campagne au loin. Ces tours de guet établies le long des remparts devinrent,
vers le XIV<sup>e</sup> siècle, le beffroi de la ville; outre les guetteurs, elles renfermaient des cloches dont les tintements appelaient les habitants aux
points de leurs quartiers désignés d'avance, d'où les quarteniers les
dirigeaient d'après les instructions qui leur étaient transmises par les
chefs militaires.
 
Dans les châteaux, les tours de guet ne servaient pas seulement à
prévenir les dangers d'une surprise; les guetteurs, qui veillaient nuit et
jour à leur sommet, avertissaient les gens du château de la rentrée du
maître, de l'heure des repas, du lever et du coucher du soleil, des feux
qui s'allumaient dans la campagne, de l'arrivée des visiteurs, des messagers,
des convois. La guette était ainsi la voix du château, son avertisseur;
aussi les fonctions de guetteur n'étaient-elles confiées qu'à
des hommes éprouvés et étaient-elles largement rétribuées, car le
métier était pénible.
 
Souvent les tours de guet ne sont que des guettes, c'est-à-dire des
tourelles accolées à une tour principale et dépassant en hauteur ses
couronnements<span id="note75"></span>[[#footnote75|<sup>75</sup>]]. Mais aussi existe-t-il de véritables tours de guet, c'est-à-dire uniquement destinées à cet usage.
 
<span id="Carcassonne5"></span>La cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] en possède une très-élevée d'une époque ancienne (fin du XI<sup>e</sup> siècle), entièrement conservée. Cette tour dépend du
château, domine toute la cité et le cours de l'Aude; elle est bâtie sur
plan rectangulaire<span id="note76"></span>[[#footnote76|<sup>76</sup>]] et ne contenait qu'un escalier de bois avec paliers.
Son sommet pouvait être garni de hourds<span id="note77"></span>[[#footnote77|<sup>77</sup>]].
<span id=Autun31>
</div>
[[Image:Tour.de.guet.Autun.png|center]]
<div class="text">
L'angle sud-ouest des murs romains de la ville d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Autun|Autun]], point culminant
de l'enceinte, possède une tour de guet du XII<sup>e</sup> siècle, dont nous
donnons (fig. 59) la vue prise au dehors des murs. Cette tour contenait
plusieurs chambres les unes au-dessus des autres et un escalier
de bois. Les fenêtres jumelles de la chambre supérieure s'ouvrent du
côté de la ville. La corniche de couronnement formait parapet, et le
chéneau du comble en charpente, chemin de ronde. Les eaux de ce
comble plat, posé en contre-bas du couronnement, s'écoulaient par des
gargouilles<span id="note78"></span>[[#footnote78|<sup>78</sup>]].
 
La tour de Nesle, à Paris, qui commandait, sur la rive gauche, le
cours de la Seine à sa sortie de la ville, était plutôt une tour de guet
qu'un ouvrage propre à la défense. Elle était mise en communication
par une estacade avec la tour de la rive droite (dite <i>tour qui fait le
coin</i>), qui, en amont du Louvre, terminait l'enceinte de la ville. Un fanal
était suspendu à ses créneaux pour indiquer aux bateliers l'entrée de
l'estacadé qui barrait une partie notable du fleuve. De sa plate-forme
on découvrait les enceintes de l'ouest (rive gauche), le faubourg Saint-Germain, le Pré aux Clercs, le Louvre et la Cité.
</div>
[[Image:Plan.tour.de.Nesle.png|center]]
<div class="text">
La tour de Nesle, bâtie sous le règne de Philippe-Auguste, en même
temps que l'enceinte de Paris, c'est-à-dire vers 1200, est désignée dans
un acte de 1210: <i>Tornella Philippi Hamelini supra Sequanam</i><span id="note79"></span>[[#footnote79|<sup>79</sup>]]. Ce n'est
qu'un siècle plus tard qu'elle est connue sous le nom de <i>tour de Nesle</i>
ou <i>de Nelle</i>. Elle était plantée à la place qu'occupe le pavillon oriental
du palais de l'Institut. Sur le quai, près d'elle, s'ouvrait la porte de la
ville dite porte de Nesle (voyez le plan, fig. 60), et en A s'étendait l'hôtel
de même nom. La tour de Nesle D avait, hors œuvre, cinq toises de
diamètre, possédait deux étages voûtés et deux étages plafonnés, avec
une plate-forme à laquelle arrivait l'escalier à vis E, après avoir desservi
tous les étages. Cet escalier dépassait de beaucoup le niveau de la
plate-forme (qui peut-être était primitivement couverte par un comble
conique) et servait de guette.
</div>
[[Image:Tour.de.Nesle.png|center]]
<div class="text">
La vue perspective de cette tour (fig. 61), prise en dehors de la porte
de Nesle<span id="note80"></span>[[#footnote80|<sup>80</sup>]], en fait comprendre la valeur comme poste d'observation sur
le fleuve. De là des signaux pouvaient être transmis au Louvre , et <i>vice
versa</i>, sur tout le front occidental des remparts de la rive gauche<span id="note81"></span>[[#footnote81|<sup>81</sup>]] et au
palais de la Cité. En amont de Paris, deux autres tours à peu près semblables à celle-ci barraient la rivière: l'une, dite <i>tour Barbeau</i>, formait
tête du rempart sur la rive droite; l'autre, dite <i>la Tournelle</i>, avait la
même destination sur la rive gauche. Ces deux ouvrages, qui se trouvaient au droit du milieu de l'île Saint-Louis, se reliaient avec deux autres
tours élevées sur les berges de cette île, coupée alors par un fossé que
remplissait la Seine<span id="note82"></span>[[#footnote82|<sup>82</sup>]].
 
La tour de Villeneuve-lez-Avignon, bâtie sur la rive droite du Rhône,
au débouché du pont de Saint-Bénezet, par Philippe le Bel, en 1307,
est une tour d'observation en même temps qu'un donjon propre à la
défense. Elle se reliait à un vaste système de fortifications qui défendait
de ce côté le territoire français contre les empiétements de la Provence<span id="note83"></span>[[#footnote83|<sup>83</sup>]],
et qui, plus tard, contribua à enlever aux papes d’[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Avignon|Avignon]] tous
droits de seigneurie sur le cours du Rhône.
 
Cette tour, bâtie sur plan quadrilatère losangé, possède plusieurs
salles voûtées et une guette carrée au sommet, avec tourelle propre
encore à recevoir un guetteur. C'est un ouvrage admirablement construit,
avec plate-forme, crénelage armé de mâchicoulis, et échauguettes
aux angles. Ce genre de défenses nous amène à parler des tours considérées
comme postes isolés, sortes de blockaus permanents.
 
==== Tours-postes isolées. Tours défenses de passages, de ponts. ====
Le cours de nos fleuves, les passages des montagnes, certaines lignes de défense
d'un territoire, laissent encore voir des traces de tours, carrées habituellement,
qui servaient à assurer le péage sur les cours d'eau, à réprimer
le brigandage, arrêter les invasions, les surprises de voisins
trop puissants ou turbulents. Ces tours, que l'on trouve encore en grand
nombre dans les passages des Pyrénées, le long de la haute Loire, du
Rhône, de la Saône, de l'Aveyron et du Tarn, du Doubs et de l'Isère,
sur les frontières du Morvan, dans les Vosges, sont plantées sur des
points élevés et peuvent correspondre au moyen de signaux. L'assiette
choisie est habituellement un promontoire escarpé ne se reliant aux
hauteurs voisines que par une langue de terre, de manière à n'être
accessible que vers un point. Cette chaussée naturelle est parfois coupée
par un fossé ou défendue par un rempart qui sert de chemise à la tour.
On ne peut pénétrer dans l'intérieur de celle-ci que par une porte relevée
au-dessus du sol et par une échelle ou par un pont volant jeté sur
le chemin de ronde de la chemise. Un exemple type fera comprendre
cette disposition adoptée fréquemment dans les passages des Pyrénées
(fig. 62). Devant la porte de la chemise était placée une barrière de
bois. Un mâchicoulis défendait cette première porte. Pour pénétrer
dans la tour-poste, on montait un degré qui aboutissait au chemin de
ronde de la chemise. Ce chemin se présentait latéralement à la face
de la tour dans laquelle était percée la porte. Un pont mobile qui
s'abattait d'un encorbellement sur le chemin de ronde de la chemise
au moyen d'un treuil placé dans le mâchicoulis-échauguette, permettait
de pénétrer dans ce réduit contenant plusieurs étages et une plate-forme
supérieure destinée à la défense et aux signaux. Ces postes sont souvent
munis de cheminées et même d'un four et d'un puits allant chercher
une source, ou d'une citerne creusée dans le roc et recueillant les eaux
de pluie de la plate-forme et du plateau.
</div>
[[Image:Tour.isolee.png|center]]
<div class="text">
Les chevaliers du Temple possédaient beaucoup de ces postes établis,
sur une grande échelle, en Syrie. «Les diverses places de guerre possédées
au moyen âge par les chrétiens, en terre sainte, étaient reliées
entre elles par de petits postes ou tours élevés d'après un plan uniforme:
un grand nombre subsistent encore aujourd'hui, savoir:
Bord-ez-Zara, Bordj-Maksour, Om-el-Maasch, Aïn-el-Arab, Miar,
Toklé, etc.<span id="note84"></span>[[#footnote84|<sup>84</sup>]].»
 
Ces tours-postes bâties par les chevaliers du Temple, en Syrie et en
Occident, sont sur plan barlong. M. G. Rey, auquel nous empruntons
les renseignements concernant celles de la Syrie, donne les plans et
la coupe d'une de ces tours, celle de Toklé, que nous reproduisons ici
d'après lui (fig. 63). On pénètre dans la salle basse par une porte A. Au
centre de cette salle est creusée une citerne. Pour aller chercher la
porte qui donne dans les escaliers droits montant aux étages supérieurs,
il fallait atteindre le niveau du plancher B au moyen d'une échelle.
Une voûte en berceau forme le premier étage, et une voûte d'arête,
sans arêtiers, supporte la plate-forme supérieure; un second plancher
divise ce second étage en deux pour réserver, sous la plate-forme, un
magasin à provisions. Un mâchicoulis commande la porte. Le rez-de-chaussée
pouvait servir d'écurie pour quelques chevaux.
</div>
[[Image:Tour.Tokle.png|center]]
<div class="text">
Il est intéressant de retrouver à Paris une tour bâtie par les chevaliers
du Temple, et qui présente une disposition analogue à celles que l'on
rencontre en Syrie dans les postes de cet ordre militaire. Cette défense,
placée en face du Collège de France actuel, était connue sous le nom de
<i>tour Bichat</i>, parce que le célèbre professeur y fit longtemps ses cours<span id="note85"></span>[[#footnote85|<sup>85</sup>]]
 
Elle dépendait de la commanderie de Saint-Jean de Jérusalem, qui plus
tard, au XVI<sup>e</sup> siècle, prit le nom de Saint-Jean de Latran. «L'entrée
principale de la commanderie s'ouvrait, dit M. le baron de Guilhermy<span id="note86"></span>[[#footnote86|<sup>86</sup>]],
en face du Collège de France. Les bâtiments les plus notables
de l'enclos étaient la grange aux dîmes, le logis du commandeur, la
tour, l'église et le cloître... Nous pensons que cette tour était
le donjon de la commanderie, le dépôt des titres, des armes, des objets
précieux, le lieu de réunion des chevaliers, le signe de la suzeraineté
du commandeur sur les fiefs qui relevaient de Saint-Jean....»
</div>
[[Image:Plan.tour.commanderie.Saint.Jean.Jerusalem.png|center]]
<div class="text">
La tour de la commanderie de Saint-Jean de Jérusalem, bâtie sur plan
barlong, se rattachait au logis du commandeur par un de ses angles;
par l'autre elle se reliait à la courtine. Cette commanderie ayant été
transformée à plusieurs reprises, il devenait difficile de reconnaître
exactement quelle était la position de la tour par rapport aux bâtiments
de la même époque. Cependant le plan de Gomboust la montre comme
faisant face sur les dehors du côté de l'occident, et en effet ses défenses
principales se présentaient de ce côté. Du reste, les relevés sur place
nous en apprendront plus que ne pourraient le faire les documents
fournis par les plans anciens de Paris. Voici donc (fig. 64), en A, le
plan de la tour à rez-de-chaussée. Ce rez-de-chaussée consistait en une
salle voûtée en deux travées d'arcs ogives, avec une poterne basse <i>a</i> qui
donnait autrefois sur les fossés extérieurs; une porte <i>b</i> s'ouvrait également
sur l'escalier qui permettait d'atteindre le niveau <i>h</i> du sol de la
cour en passant sur un pont mobile <i>g</i>, car le fossé intérieur <i>f</i> se prolongeait
par un redan jusqu'à cet escalier. D était donc le fossé de
clôture de la commanderie; <i>f</i>, le fossé spécial à la tour. La salle basse
n'avait aucune communication avec les étages supérieurs. Pour arriver au premier étage B, il fallait monter par l'escalier C accolé à la courtine
occidentale. Ce premier étage ne communiquait pas avec le logis
du commandeur situé en H; il fallait reprendre l'escalier C pour
atteindre le niveau du deuxième étage E. De cette salle on pouvait
entrer dans le bâtiment du commandeur par la porte <i>e</i>, percée dans
un pan coupé. C'était encore par l'escalier C que l'on montait à la
plate-forme G, qui était couverte par un comble en pavillon. Cet escalier
C était de bois, enfermé dans une cage dont les murs de pierre
étaient minces. Du logis du commandeur, à mi-étage du premier, on
communiquait par une galerie crénelée I (voyez le plan K), avec le
chemin de ronde O de la courtine. Une coupe longitudinale faite sur <i>mn</i>
expliquera plus clairement ces dispositions (voyez fig. 65). A est le fond
du fossé, dont la contrescarpe ne paraît pas avoir dépassé le niveau B.
</div>
[[Image:Coupe.tour.commanderie.Saint.Jean.Jerusalem.png|center]]
<div class="text">
En C, on retrouve la porte qui donne entrée dans la cage de l'escalier.
En D, des meurtrières sont percées au fond de trois niches ouvertes dans
la salle du premier étage. En E, est le passage crénelé communiquant, à
mi-étage, du logis du commandeur à la courtine de l'ouest. La salle
basse n'était éclairée que par des soupiraux; quant aux deux salles
voûtées au-dessus, des fenêtres assez nombreuses y laissaient pénétrer
la lumière. Les créneaux supérieurs étaient fermés par des volets de
bois entrant en feuillure. La figure 66 présente la coupe en travers de la
salle du premier étage du côté de la défense. On aperçoit les trois
niches pratiquées au fond de la salle. Devant celle du milieu, est plantée
une colonne double qui porte les deux arcs de décharge sur lesquels
repose le mur supérieur (voyez le plan B et la coupe longitudinale).
Car on observera que pour donner plus de solidité à la construction et
porter ses pressions vers l'intérieur, les murs se retraitent intérieurement
sur les formerets des voûtes. De l'extérieur de la commanderie,
la tour avait un aspect sévère. Nous en donnons la vue (fig. 67), avec la
courtine, la cage de l'escalier et l'amorce du logis du commandeur.
</div>
[[Image:Coupe.tour.commanderie.Saint.Jean.Jerusalem.2.png|center]]
<div class="text">
Cette construction, de petit appareil, était bien traitée et n'avait subi
d'autres altérations que celles causées par le voisinage de constructions
modernes accolées à ses flancs. Les voûtes des salles étaient en bon état,
et la restauration de ce curieux spécimen d'une tour de commanderie
n'eût été ni difficile ni dispendieuse.
</div>
[[Image:Tour.commanderie.Saint.Jean.Jerusalem.png|center]]
<div class="text">
La tour du Temple, à Paris, datait de la fin du XIII<sup>e</sup> siècle et avait été
achevée en 1306, peu avant la dissolution de l'ordre<span id="note87"></span>[[#footnote87|<sup>87</sup>]]. Cette tour était
sur plan carré, avec quatre tourelles aux angles, montant de fond. Elle
servait de trésor, de dépôts de titres et de prison, comme la plupart de
ces donjons appartenant aux établissements des chevaliers du Temple.
Cet édifice fut détruit en 1805.
 
Nous possédons encore à Paris un de ces ouvrages servant de retrait,
de trésor, de lieu de sûreté, dans les hôtels que les princes possédaient
au milieu des villes: c'est la tour que l'on voit encore dans la rue du
Petit-Lion, et qui dépendait de l'hôtel des ducs de Bourgogne.
«L'édifice,
dit notre savant ami M. le baron de Guilhermy<span id="note88"></span>[[#footnote88|<sup>88</sup>]], est solidement
construit en pierres de taille soigneusement appareillées; il est percé
de baies en tiers-point et couronné de mâchicoulis. Un large escalier à
vis monte à l'étage supérieur, comprenant une belle salle voûtée en arcs
ogives. Les fenêtres qui éclairent l'escalier sont rectangulaires et décorées
de moulures. Les degrés tournent autour d'une colonne qui se
termine par un chapiteau très-simple; mais ce chapiteau sert de support
à une caisse cylindrique d'où s'élancent des tiges vigoureuses figurant
des branches de chêne dont les entrelacs forment les nervures de
quatre voûtes d'arête et dont le feuillage se détache en saillie sur les
remplissages de la maçonnerie.» Une chambre secrète est disposée au
sommet de la tour, et pouvait être isolée des passages au moyen d'une
bascule.
 
La tour a été bâtie par le duc Jean-sans-Peur, dans les premières
années du XV<sup>e</sup> siècle. Ce prince habitait cet hôtel lorsqu'il fit assassiner
Louis d'Orléans dans la rue Barbette. <span id=Bourges>L'hôtel de Jacques Cœur, à
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Bourges|Bourges]], possédait aussi sa tour, réduit et trésor, dont la pièce principale,
au niveau du premier étage, était fermée par une porte de fer<span id="note89"></span>[[#footnote89|<sup>89</sup>]].
 
<span id="Carcassonne6"></span>Nous ne saurions passer sous silence les tours-portes. Souvent des
portes secondaires, ou même des poternes étaient percées à travers des
tours, au lieu d'être flanquées par elles. Cette disposition n'apparaît
guère qu'à la fin du XIII<sup>e</sup> siècle, et est-elle assez rare. C'est encore
dans la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] que nous trouverons un des exemples les
plus remarquables de ces sortes d'ouvrages. Sur le front sud de la
seconde enceinte s'élève une haute tour carrée avec quatre échauguettes
montant de fond, qui, à l'extérieur, ne laisse voir aucune issue, mais
sur l'un de ses flancs (celui de l'est) s'ouvre une porte ou plutôt une
large poterne dont le seuil est posé à 2 mètres au-dessus du sol
extérieur.
</div>
[[Image:Plan.tour.porte.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
La figure 68 présente le plan de cette tour au niveau du rez-de-chaussée.
Pour atteindre le seuil A, il fallait disposer en dehors une
échelle ou un plan incliné de bois. Cette première entrée est défendue
par un mâchicoulis <i>a</i>, une herse <i>b</i> et des vantaux <i>c</i>. On pénètre alors
sous la voûte percée d'un œil carré au centre; puis il faut se détourner à
droite, et l'on se trouve en face d'une seconde porte également défendue
par un mâchicoulis <i>d</i>, une herse <i>f</i>, et des vantaux <i>g</i>. Cette seconde
porte franchie, on est dans la cité<span id="note90"></span>[[#footnote90|<sup>90</sup>]]. Les courtines de l'enceinte sont en
B et en C. Les deux portes <i>h</i> et <i>i</i> donnent dans un couloir qui communique
à l'escalier à vis montant à la guérite <i>l</i> et aux étages supérieurs.
Le premier étage (fig. 69) montre en <i>o</i> le mâchicoulis extérieur, qui est
servi par-dessus la herse <i>p</i>, lorsque celle-ci est baissée; le second mâchicoulis
<i>q</i> et la seconde herse <i>r</i>, servie par le passage <i>t</i>. La salle du
premier étage contient une cheminée <i>k</i> avec four, trois armoires <i>s</i>, et
un puits <i>v</i>, qui possède aussi une ouverture sur les lices. Deux fenêtres
<i>f</i> éclairent la pièce. L'escalier à vis monte, au-dessus de cette salle, sur
un premier crénelage entourant une seconde salle voûtée en berceau,
couronnée par une plate-forme propre à recevoir un engin à longue
portée.
</div>
[[Image:Plan.tour.porte.Carcassonne.2.png|center]]
<div class="text">
La figure 70 donne l'aspect de la tour du côté de la ville.
</div>
[[Image:Tour.porte.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
On observera que cette tour interrompt le chemin de ronde des
courtines sur lesquelles, d'ailleurs, elle prend un commandement considérable.
Un large degré à rampe droite, posé sur des arcs (voyez en E,
fig. 68), atteint le niveau d'un des chemins de ronde et débouche en
face d'une porte s'ouvrant sur l'escalier à vis. La pente du sol intérieur
s'inclinant vers l'entrée, une gargouille est percée en G, à 2 mètres environ
au-dessus du sol des lices, et pouvait, au besoin, servir de porte-voix
pour des patrouilles rentrantes. Cet ouvrage, qui appartient aux
défenses ajoutées à la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] par Philippe le Hardi, est
construit comme la tour de l'Évêché, en assises de grès dur, à bossages,
et appareillé avec soin. Il domine la barbacane de l'enceinte extérieure
et tous les alentours, car il se trouve planté sur le point le plus élevé du
plateau. Sa masse sert de masque à l'église de Saint-Nazaire, distante
seulement de 25 mètres. Sa plate-forme est couverte de dalles, et une
guette H (voyez fig. 70) la surmonte, afin de permettre au maître <i>enginéor</i>
de commander la manœuvre du grand engin mis en batterie sur
cette plate-forme<span id="note91"></span>[[#footnote91|<sup>91</sup>]].
</div>
[[Image:Tour.poterne.Saint.Nazaire.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
<span id="Carcassonne7"></span>Du dehors, la tour de la poterne Saint-Nazaire présente un aspect
plus imposant encore, car le sol des lices est à 3 mètres en contre-bas
du seuil de la seconde porte. La figure 71 montre ces dehors du côté
de la poterne, les hourds étant supposés mis en place pour la défense.
 
Ces hourds ne sont posés que sur les trois faces de la tour, devant le
crénelage du chemin de ronde, laissant les échauguettes libres et leurs
meurtrières; de sorte que ces échauguettes flanquent les hourds et sont
flanquées par les archères latérales de ceux-ci. Les hourds sont doubles
et disposés ainsi que l'indique la coupe (fig. 71 <i>bis</i>).
</div>
[[Image:Hourds.tour.poterne.Saint.Nazaire.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
Suivant l'usage, la communication entre le chemin de ronde A ordinaire
et le chemin de ronde B de guerre se faisait par les créneaux
percés dans le parapet. De ce chemin de. ronde B, par un bout d'échelle
de meunier, les arbalétriers montaient sur le chemin relevé C et pouvaient
envoyer des carreaux par le mâchicoulis D. Trois rangs d'arbalétriers
tiraient ainsi simultanément. De plus, des projectiles étaient
jetés verticalement, au besoin, par les mâchicoulis M.
 
Profitant du commandement de la plate-forme supérieure E, un quatrième
rang d'arbalétriers envoyait des carreaux au loin par les créneaux
à volets et les meurtrières percés dans le parapet F. Les lignes
ponctuées indiquent les angles de tir.
Quelquefois la disposition des tours-portes était adoptée par raison
d'économie. Il était moins dispendieux d'ouvrir une baie à la base d'une
tour que de flanquer cette baie de deux tours suivant l'usage le plus
général. Plusieurs des bastides bâties dans la Guyenne, sous la domination
anglaise, ont, pour portes, des tours carrées. On trouve même
avant cette époque, dans la contrée, des traces de portes percées à
travers des ouvrages carrés ou barlongs. Telle est la porte Brunet,
à Saint-Émilion, dont la construction est encore romane, bien qu'elle
ne remonte guère plus loin que le commencement du XIII<sup>e</sup> siècle. <span id=Cadillac>Une
des portes de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Cadillac|Cadillac]] offre une disposition curieuse, parmi les ouvrages
de cette nature. Ce ne fut qu'en 1315 que la clôture de la bastide
de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Cadillac|Cadillac]] et ses <i>portails</i> furent commencés<span id="note92"></span>[[#footnote92|<sup>92</sup>]]. Les habitants devaient
élever les murs, et le seigneur du lieu, Pierre de Grailly, les quatre
<i>portails bons et suffisants</i>. Il paraîtrait que de ces quatre portails, le sire
de Grailly n'en éleva que deux. Or, voici l'un de ceux-ci, dit <i>porte Garonne</i>,
construit avec la plus grande économie, mais présentant une
disposition peu commune.
</div>
[[Image:Plan.tour.porte.Garonne.Carcssonne.png|center]]
<div class="text">
Des fossés de 20 mètres de largeur environ, remplis par les eaux de
l'Œille, entourent l'ancienne bastide. La porte Garonne projette toute
son épaisseur en dehors de la courtine, dont les chemins de ronde continuent
derrière elle, et bat le fossé. Voici (fig. 72) le plan de cette porte
au niveau du rez-de-chaussée, en A, et au niveau du premier étage, en B.
Dans ce dernier plan, on voit en <i>a</i> le chemin de ronde de la courtine,
que l'ouvrage n'interrompt pas. Les mâchicoulis et meurtrières <i>b</i> sont
percés à 2 mètres en contre-haut du sol de ce chemin de ronde, et ne
pouvaient, par conséquent, être servis par les gens postés sur ce chemin,
mais bien par les soldats placés sur un plancher de bois que l'on voit
tracé en <i>d</i> dans la coupe longitudinale (fig. 73); or, on ne pouvait se
placer sur ce plancher qu'en passant par une porte percée au niveau
du plancher du premier étage en <i>e</i> (voyez le plan B), et l'on ne pouvait
monter sur ce plancher que par une échelle mobile tracée en <i>f</i> (voyez
la coupe 73) et qui partait du sol de la porte. Les gardes de la porte
avaient donc l'unique charge de veiller à sa défense et ne communiquaient
pas avec les chemins de ronde des courtines. Comme, d'après
la charte d'établissement des défenses de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Cadillac|Cadillac]], ce sont les habitants
qui construisent l'enceinte et le seigneur qui élève les portes, il se
pourrait que la garde de celles-ci eût été confiée seulement aux gens
du sire de Grailly. Eux seuls auraient pu ouvrir les portes, eux seuls devaient
les défendre. Le seigneur aurait eu ainsi moins à redouter les
conséquences de la faiblesse, du découragement, ou même de la négligence
des bourgeois, assez disposés en tout temps à ne pas affronter
les longueurs et les privations d'un siége.
</div>
[[Image:Coupe.tour.porte.Garonne.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
S'entendre avec des ennemis et leur faciliter les moyens de passer
un fossé plein d'eau, de 20 mètres de largeur, et d'escalader un rempart
de 10 mètres, c'était là un acte de trahison que de braves gens ne
pouvaient accomplir; mais laisser surprendre le poste d'une porte ou
écouter des propositions, et consentir à baisser le pont-levis devant une
troupe qui fait de belles promesses, c'était ce qui arrivait fréquemment
aux milices.
 
Il semble que le constructeur de la porte Garonne de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Cadillac|Cadillac]] ait
voulu prévenir ce danger, en faisant de cette défense, malgré son peu
d'importance, un poste absolument indépendant des remparts de la
ville. Dans notre coupe longitudinale (73), on voit que le chemin de
ronde en <i>n</i> n'a point de vues sur l'intérieur de la tour, et que ce chemin
de ronde est facilement surveillé par les hommes postés sur le plancher
<i>d</i>.
La place de l'échelle mobile qui permettait d'atteindre la porte <i>e</i>
(voyez le plan 72 B, et la coupe 73) est parfaitement visible encore. Le
pied-droit <i>p</i> (voyez le plan) est plus large que le pied-droit <i>q</i>. Puis le mâchicoulis
et les meurtrières ne commencent qu'après la porte <i>e</i> (voyez la
coupe transversale 74). Le mur de garde de ces meurtrières, porté sur
deux corbeaux saillants et sur un arc, laisse donc une sorte de rainure
entre lui et le mur latéral <i>g</i>; rainure dans laquelle passait l'échelle.
</div>
[[Image:Coupe.tour.porte.Garonne.Carcassonne.2.png|center]]
<div class="text">
Celle-ci était en deux parties: l'un des jambages de la partie supérieure
était fixe, posé sur un repos ménagé sur le corbeau à côté du mur de
garde; l'autre suivait le mur <i>g</i> jusqu'au sol. La seconde partie de
l'échelle <i>f</i> (voyez la coupe 73) coulait au besoin sur le jambage <i>i</i> accolé
au mur, et sur l'autre jambage <i>l</i> maintenu en l'air par la pièce de bois <i>m</i>
appuyée sur le repos du corbeau <i>s</i>. Par la porte <i>e</i>, au moyen d'un cordage,
il était aisé de faire glisser l'échelle descendante sur les montants
de l'échelle fixe. Bien entendu, un guide empêchait cette échelle descendante
de sortir de son plan.
</div>
[[Image:Coupe.tour.porte.Garonne.Carcassonne.3.png|center]]
<div class="text">
Les hommes de garde ayant remonté l'échelle passaient par la porte <i>e</i>
et redescendaient par la petite échelle sur le chemin de ronde spécial <i>d</i>. De là ils pouvaient, par trois meurtrières, envoyer des carreaux
sur la première porte, et servir le mâchicoulis, si l'ennemi arrivait jusqu'à la porte-barrière <i>t</i>. Un petit pont-levis V fermait la première porte.
Le chemin de ronde <i>d</i> était couvert par un simple appentis très-incliné <i>r</i>.
C'était également par des échelles qu'on montait au second étage et à
la défense supérieure, consistant en des créneaux et merlons percés de
meurtrières avec mâchicoulis, sur la face et les flancs de la tour. Si
nous supposons une section faite de <i>x</i> en <i>y</i> (du plan B) en regardant vers
l'intérieur de la tour, nous obtenons la figure 75. Ce tracé nous montre
l'arc de la porte en <i>a</i>, le sol du chemin de ronde des courtines pour le
service des milices en <i>b</i>, et le chemin de ronde du poste spécialement
affecté à la garde de la tour en <i>c</i>, avec sa porte <i>e</i> donnant sur l'échelle
mobile<span id="note93"></span>[[#footnote93|<sup>93</sup>]].
 
Cependant ces tours carrées servant de portes ne paraissaient pas
offrir assez de résistance contre un assaillant déterminé; leurs faces
n'étaient point flanquées, et la défense sérieuse ne commençait qu'à
l'intérieur même de la tour, lorsque la porte extérieure était déjà prise.
Il y avait dans ce parti un inconvénient. Il a toujours été mauvais, en
fait de fortifications, de réserver les moyens défensifs les plus efficaces
en arrière, car les troupes sont alors disposées à abandonner facilement
les défenses extérieures pour se réfugier dans celles qu'elles considèrent
comme plus fortes, mais qui sont les dernières, et qui, par cela même,
excitent les efforts énergiques de l'assaillant. Place entamée est bientôt
prise, l'assiégeant devenant d'autant plus entreprenant et audacieux,
qu'il a déjà obtenu un premier avantage. Il est un autre axiome de défense
qui n'a jamais cessé d'être applicable. Il est plus aisé d'empêcher
un assaillant d'avancer qu'il ne l'est de le faire reculer lorsqu'il a
gagné un poste.
 
Une porte non flanquée, comme celle de la bastide de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Cadillac|Cadillac]], était
bientôt forcée en comblant le fossé. Alors l'assiégeant se trouvait, il
est vrai, en face d'une seconde défense, relativement forte et bien
munie; mais il lui était facile de mettre le feu aux planchers de la tour
en accumulant des fascines sous le passage, et, dans ce cas, l'ouvrage
n'avait plus de valeur. À la fin du XIV<sup>e</sup> siècle, les tours cependant, à
cause de leur commandement, prenaient une nouvelle importance<span id="note94"></span>[[#footnote94|<sup>94</sup>]], et
un homme de guerre célèbre, Olivier de Clisson, persista à les employer
comme portes. Toutefois Olivier de Clisson renonça au plan
carré, et adopta la forme cylindrique. <span id=Blain>Le château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Blain|Blain]], situé entre
Redon et Nantes, fut bâti à la fin du XIV<sup>e</sup> siècle par le connétable Olivier
de Clisson. La porte d'entrée de la baille est pratiquée dans une tour
ronde, dite tour du Pont-levis, qui montre encore à l'extérieur et à l'intérieur
l'M couronnée accostée d'un heaume. Ce chiffre équivaut à une
date certaine, car on le retrouve sur le sceau d'Olivier de Clisson, de
1407, et sur les bâtiments de l'hôtel du connétable, bâti à Paris vers
1388, et compris aujourd'hui dans l'hôtel des Archives de l'empire<span id="note95"></span>[[#footnote95|<sup>95</sup>]].
On sait, d'ailleurs, que vers 1366, Olivier de Clisson, qui avait juré de
n'avoir jamais d'Anglais pour voisins, alla démolir le château de Gâvre
que le duc de Bretagne venait de donner à Jean Chandos, et en fit porter
les pierres à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Blain|Blain]] pour les employer dans la bâtisse du nouveau château.
Or, il paraîtrait que le farouche connétable avait adopté, dans les
défenses qu'il faisait élever, un système de portes passant à travers le
cylindre d'une tour ronde, avec pont-levis, long couloir, vantaux, mâchicoulis
et herses<span id="note96"></span>[[#footnote96|<sup>96</sup>]].
 
La tour ronde avait cet avantage sur la tour carrée, qu'elle envoyait
des projectiles divergents, ne laissait pas de points morts sous les mâchicoulis
et était difficile à attaquer par la mine.
 
Ces tours-portes cylindriques d'Olivier de Clisson avaient sur les
courtines un commandement considérable. Celle de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Blain|Blain]] est couverte
par un comble conique, et au-dessus du passage voûté de la porte est
une salle carrée, avec cheminée, cabinets et escalier montant aux
chemins de ronde des mâchicoulis.
</div>
[[Image:Plan.tour.porte.chateau.Montargis.png|center]]
<div class="text">
Le célèbre château de Montargis possédait une tour-porte construite
à peu près suivant ce programme, mais développé. Nous en présentons
les plans (fig. 76)<span id="note97"></span>[[#footnote97|<sup>97</sup>]]. En A, est tracé le plan du rez-de-chaussée. Un pont-levis
s'abattait en <i>a</i>, sur une chaussée; <i>b</i> était un large fossé; <i>d</i>, la courtine
isolée de la tour; <i>e</i>, la grande salle crénelée<span id="note98"></span>[[#footnote98|<sup>98</sup>]]; <i>f</i>, un second pont-levis,
de sorte que la tour pouvait être complétement isolée des dehors
et de la cour du château <i>g</i>.
 
Quand on avait franchi la première porte <i>a</i>, on se trouvait dans une
cour cylindrique, sorte de puits à ciel ouvert, n'ayant d'autre issue que la
porte <i>f</i> vers la cour. Au premier étage B, la tour était mise en communication
avec la courtine <i>d</i> au moyen d'une passerelle de bois aboutissant
à un petit poste <i>h</i>. Par deux couloirs réservés dans l'épaisseur du
cylindre, on arrivait aux deux chambres de herses, et l'on trouvait en
face de la passerelle un escalier à vis montant à l'étage supérieur de la
défense, dont le plan est figuré en C. Cet étage ne consistait qu'en une
galerie annulaire crénelée à l'extérieur et à l'intérieur, afin de permettre
aux défenseurs d'écraser les assaillants qui se seraient aventurés dans la
cour circulaire.
</div>
[[Image:Coupe.tour.porte.chateau.Montargis.png|center]]
<div class="text">
Du rez-de-chaussée on ne pouvait monter aux étages supérieurs. De
petits postes étaient probablement ménagés dans l'épaisseur du cylindre,
entre l'étage des chambres de herses et la galerie de couronnement.
La figure 77 présente la coupe de cette tour, faite sur l'axe des
portes en A, et le détail de la galerie supérieure en B. Nous ne saurions
dire si cet ouvrage était antérieur ou postérieur aux défenses faites dans
l'Ouest sous les ordres du connétable de Clisson; mais il est certain
qu'il appartient au même ordre de défenses.
 
Nous avons montré, dans l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Pont|Pont ]], des tours destinées à défendre
ces passages: les unes sont carrées, comme celles du pont de Cahors;
d'autres sont circulaires ou elliptiques, comme la grosse tour du pont
de Saintes. Il est donc inutile de nous étendre plus longtemps ici sur
ces tours à cheval sur des passages. <span id="Aigues-Mortes7">Il nous reste à dire quelques mots
des tours-phares. Une des plus anciennes est la tour d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Aigues-Mortes|Aigues-Mortes]],
dite tour de Constance, bâtie par saint Louis. Cette tour cylindrique a
29 mètres de hauteur sur 22 mètres de diamètre; une tourelle de
11 mètres s'élève près du crénelage sur la plate-forme, et portait les
feux de nuit destinés à guider les navires entrant dans le port. Cette
plate-forme est disposée pour recevoir les eaux pluviales qui s'écoulent
dans une citerne. Deux salles voûtées sont pratiquées sous le crénelage
et ne sont éclairées que par des meurtrières.
 
Sur la tour carrée du fort Saint-Jean qui flanque le côté gauche de
l'entrée du vieux port de Marseille, et qui date du XIV<sup>e</sup> siècle, existait
autrefois une tourelle portant un feu. Sur les côtes de la Méditerranée,
dans les environs d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Aigues-Mortes|Aigues-Mortes]], on voit encore la trace de tours
isolées qui servaient à la fois de phares et de postes pour défendre le
littoral contre les descentes fréquentes des pirates.
 
La plupart de ces ouvrages datent des règnes de saint Louis, de Philippe
le Hardi et de Charles VI.
 
<span id=La.Rochelle>Le climat destructeur des côtes de l'Océan n'a pas laissé subsister de
tours de phares d'une époque reculée, et l'on peut considérer comme
une des plus anciennes la tour du port de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#La.Rochelle|la Rochelle]], dite tour de la
Lanterne. Cet ouvrage, attaché aux remparts, s'élève sur le bord de la
mer, à 100 mètres environ du goulet du port, à l'extrémité du front de
gauche. C'est une grosse tour de 16 mètres de diamètre, terminée par
une flèche pyramidale de pierre.
</div>
[[Image:Plan.tour.Lanterne.La.Rochelle.png|center]]
<div class="text">
Nous donnons les plans (fig. 78) de ses trois étages, en A à rez-de-chaussée,
en B au niveau du premier, et en C au niveau du chemin de
ronde<span id="note99"></span>[[#footnote99|<sup>99</sup>]]. L'étage bas est voûté; il est mis en communication avec la ville
par le couloir <i>a</i>, mais n'est relié aux étages supérieurs par aucun escalier.
</div>
[[Image:Coupe.tour.Lanterne.La.Rochelle.png|center]]
<div class="text">
On n'entre au premier étage que par le couloir <i>b</i> donnant sur le
chemin de ronde de la courtine. De ce couloir on monte par un escalier
à vis jusqu'au chemin de ronde crénelé de la tour, C; puis à ce niveau
on trouve le second escalier <i>h</i> qui monte à la lanterne accolée à la flèche.
La figure 79 présente la coupe de la tour. On remarquera que le chemin
de ronde est percé de mâchicoulis. En A, est la lanterne qui recevait le
feu, lequel, vers certains points de l'horizon, était masqué par la flèche.
Il est vrai que la lanterne est tournée du côté de la haute mer, et que
son feu illuminait la pointe de la flèche, ce qui pouvait être, pour les
navigateurs, un moyen de ne point confondre ce phare avec un autre.
La construction de cette tour date de la fin du XIV<sup>e</sup> siècle. La figure 80
présente son élévation du côté de l'entrée du port. Un balcon, auquel
on arrive par l'escalier à vis, est pratiqué à mi-hauteur de la flèche de
pierre, et permettait de placer des guetteurs ou encore des feux supplémentaires.
</div>
[[Image:Tour.Lanterne.La.Rochelle.png|center]]
<div class="text">
Il a été reconnu, de nos jours, qu'il ne pouvait suffire de placer des
phares à l'entrée des rades ou des fleuves pour indiquer les passes aux
navigateurs, mais qu'il importait, avant tout, de signaler la position du
littoral. «Or, ce littoral présente une série de caps diversement accentués,
qui peuvent être considérés comme les sommets d'un polygone
circonscrit à tous les écueils; et l'on a placé un feu sur chacun d'eux,
de manière à annoncer la terre aussi loin que le permettent la hauteur
et la puissance des appareils. On a établi d'ailleurs une relation
telle entre l'espacement des sommets et la portée des phares, qu'il
soit impossible d'approcher de la côte sans avoir au moins un feu en
vue, tant que l'atmosphère n'est pas embrumée<span id="note100"></span>[[#footnote100|<sup>100</sup>]].» On comprendra que pour faire un travail de cette nature, et d'après cette méthode, il
faut, avant tout, posséder des cartes côtières très-exactes. Or, la science
topographique est une science toute moderne.
 
Les côtes, pendant le moyen âge, aussi bien que pendant la période
de l'antiquité grecque et romaine, n'étaient reconnues que d'une manière
incomplète, assez cependant pour que les écueils ou les promontoires
aient été signalés par des tours ou de simples fourneaux dans
lesquels on brûlait des matières résineuses pendant la nuit.
 
Si l'on parcourt les côtes de France, particulièrement en Normandie
et sur la Méditerranée, il est bien rare que, dans le voisinage des phares
modernes, établis sur des promontoires, on ne trouve pas les traces de
constructions du moyen âge. Pendant cette période, comme pendant
l'antiquité, si l'on correspondait au moyen de signaux placés sur des
points élevés tant que durait le jour, la nuit les feux devenaient un
moyen habituel de correspondance entre des points éloignés, ainsi que
cela se pratiquait encore dans les montagnes de la Suisse et des
Cévennes, avant l'établissement des télégraphes électriques. Il n'est
pas besoin de dire que ces phares portaient, ou de simples grils à résine,
ou des feux fixes enfermés dans des lanternes, et qu'ils ne pouvaient
avoir la portée de nos appareils modernes.
 
L'étendue que nous avons été obligé de donner à cet article fait assez
connaître de quelle importance étaient, dans l'architecture du moyen
âge, les constructions à grands commandements. Ce désir ou ce besoin
d'élever des tour a existé chez toutes les civilisations qui ne sont point
arrivées à un développement complet. Ceux qui bâtissent tiennent à
voir au loin et à être vus. La tour devient ainsi, en même temps qu'une
sûreté, un moyen de surveillance et une marque honorifique.
 
Sous le régime féodal, les seigneurs seuls avaient le droit d'élever
des tours; les tenanciers ne pouvaient en posséder (voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Château|Château]],
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Manoir|Manoir]]).
 
Bien entendu, comme seigneurs féodaux, les abbés usaient de ce
même droit, qui, pour les seigneurs laïques aussi bien que pour les
religieux, était soumis à l'autorisation du suzerain. C'est ainsi que sous
Philippe-Auguste et sous saint Louis, maint seigneur est contraint de
démolir les tours qu'il fait élever sans, au préalable, avoir obtenu la
sanction royale.
 
Les démolitions de tours ordonnées par le suzerain étaient presque
toujours provoquées par les plaintes de voisins. Les abbayes notamment,
et les évêques, veillaient scrupuleusement à ce qu'il ne fût pas
élevé de châteaux avec tours dans leur voisinage. Leurs plaintes à ce
sujet sont fréquentes, et quand les parties ne pouvaient s'accommoder,
il fallait recourir à l'autorité royale. Était-elle toujours respectée? Cela
est douteux; de là, entre seigneurs, des conflits qui, en fin de compte,
finissaient par provoquer l'intervention royale au détriment de l'un des
deux adversaires, quelquefois de tous les deux, et au profit du pouvoir
suzerain. Le roi, d'ailleurs, en cas de guerre, de défense du territoire,
avait le droit d'occuper et de faire occuper par ses troupes les châteaux,
tours et donjons de ses vassaux.
 
Or, en dépit de ce droit, il arriva parfois que les portes des châteaux
restaient closes devant leur suzerain, qui n'était pas toujours en état de
les faire ouvrir par la force. Les châteaux et leurs tours formidables
devinrent ainsi, pour la royauté, à mesure qu'elle s'affermissait, un
souvenir d'insultes souvent demeurées impunies. Louis XI porta un
premier coup à ces nids féodaux. La renaissance, plus encore par
mode que par politique, en vit détruire un grand nombre. Henri IV,
Richelieu et Mazarin démantelèrent les derniers.
 
Tel était leur nombre, cependant, sur le territoire français, que nous
trouvons beaucoup de ces défenses et de ces postes encore debout.
 
<br><br>
----
 
<span id="footnote1">[[#note1|1]] : «Castra extollens altius et castella, turresque adsiduas per habiles locos et opportunos, quà Galliarum extenditur longitudo; nonnunquam etiam ultra flumen ædificiis
positis snbradens barbaros fines.» (Ammien Marcellin, lib. XXVIII, cap. II.)
 
<span id="footnote2">[[#note2|2]] : C'est ainsi que sont construites les tours romaines de Besigheim, au confluent du Necker et de l'Enz.
 
<span id="footnote3">[[#note3|3]] : Voyez <i>Essai sur le système défensif des Romains dans le pays éduen</i>, par M. Bulliot, p. 26.
 
<span id="footnote4">[[#note4|4]] : Lib. I, cap. v.
 
<span id="footnote5">[[#note5|5]] : Voyez <i>La fortification déduite de son histoire</i>, par le général Tripier. Paris, 1866.
 
<span id="footnote6">[[#note6|6]] : Tours visigothes de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]]; tours d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Autun|Autun]], de Cologne, de Dax; tours de Rome
du temps de Bélisaire.
 
<span id="footnote7">[[#note7|7]] : La tour dite du <i>Four Saint-Nazaire.</i>
 
<span id="footnote8">[[#note8|8]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Hourd|Hourd]].
 
<span id="footnote9">[[#note9|9]] : Mosaïque gallo-romaine, musée de Carpentras.
 
<span id="footnote10">[[#note10|10]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Hourd|Hourd]], fig. 1.
 
<span id="footnote11">[[#note11|11]] : Quant au plomb fondu, à l'huile bouillante, ce sont là des moyens de défense un
peu trop dispendieux pour qu'on les puisse prendre au sérieux. D'ailleurs le plomb
fondu, tombant de cette hauteur, serait arrivé en bas en gouttes froides, ce qui n'était
pas très-redoutable. Ce n'était que par exception qu'on avait recours à ces moyens de
défense. De simples cailloux du poids de 8 à 10 kilogrammes, tombant d'une hauteur
de 20 mètres, étaient les projectiles les plus dangereux pour des hommes armés et pavaisés.
 
<span id="footnote12">[[#note12|12]] : Il n'est question, bien entendu, que des constructions du commencement du
XIII<sup>e</sup> siècle, dues à Enguerrand. Les courtines du château de Coucy furent encore exhaussées
vers 1400 par Louis d'Orléans.
 
<span id="footnote13">[[#note13|13]] : Voyez, pour le système de structure de ces tours, à l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]], la
figure 144.
 
<span id="footnote14">[[#note14|14]] : Ces escaliers ont été surélevés, sous Louis d'Orléans, jusqu'au niveau des combles.
 
<span id="footnote15">[[#note15|15]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Latrines|Latrines]], fig. 1.
 
<span id="footnote16">[[#note16|16]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Donjon|Donjon]], [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Hourd|Hourd]], [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 Mâchicoulis|Mâchicoulis]].
 
<span id="footnote17">[[#note17|17]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Hourd|Hourd]], [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Porte|Porte ]] (la porte de Laon
à Coucy-le-Château).
 
<span id="footnote18">[[#note18|18]] : La partie supérieure du crénelage, détruite aujourd'hui, est restaurée à l'aide des gravures de du Cerceau et de Châtillon.
 
<span id="footnote19">[[#note19|19]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Château|Château]].
 
<span id="footnote20">[[#note20|20]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 11, et [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8, Siège|Siége]], fig. 2.
 
<span id="footnote21">[[#note21|21]] : Tour dite de <i>la Peyre</i>, à la gauche de la barbacane de la porte Narbonnaise.
 
<span id="footnote22">[[#note22|22]] :
</div>
<div class="text">
{| width=100% border="0"
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Huit arbalétriers dans les deux étages intérieurs servaient facilement les seize meurtrières, ci
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 8 hommes
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Un servant à chaque étage
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 2 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Huit arbalétriers dans les hourds
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 8 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Deux servants pour les mâchicoulis
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 2 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Un capitaine de tour; ci
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 1 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Total
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 21 hommes
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | L'enceinte extérieure de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] possède quatorze tours; en les supposant gardées chacune en moyenne par vingt hommes, cela fait
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 280 hommes
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Vingt hommes dans chacune des trois barbacanes
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 60 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Cent hommes pour servir les courtines sur les points d'attaque
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 100 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | L'enceinte intérieure comprend vingt-quatre tours, à vingt hommes par poste, en moyenne
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 480 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Pour la porte Narbonnaise
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 50 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Pour garder les courtines
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 100 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Pour la garnison du château
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 200 -
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Total
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 1270 hommes
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Ajoutons à ce nombre d'hommes les capitaines, un par poste ou par tour, suivant l'usage
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 50 hommes
|-
| width=80% style="background: #ffe4b5" | Nous obtenons un total de
| width=33% style="background: #ffe4b5" | 1320 hommes
|}
<div class="text">
 
Ce nombre était plus que suffisant, puisque les deux enceintes n'avaient pas à se
défendre simultanément, et que les hommes de garde, dans l'enceinte inlérieure, pouvaient envoyer des détachements pour défendre l'enceinte extérieure, ou que celle-ci
étant tombée au pouvoir de l'ennemi, ses défensenrs se réfugiaient derrière l'enceinte
inférieure. D'ailleurs l'assiégeant n'attaquait pas tous les points à la fois. Le périmètre
de l'enceinte extérieure est de 1400 mètres en dedans des fossés, donc c'est environ un
homme par mètre de développement qu'il fallait compter pour composer la garnison
d'une ville fortifiée comme l'était la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]].
 
<span id="footnote23">[[#note23|23]] : Voyez le plan général de la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 11, B,
et les archives des <i>Monuments historiques.</i>
 
<span id="footnote24">[[#note24|24]] : Les meurtrières du rez-de-chaussée sont <i>hachées</i>, ainsi que la porte qui, de cet étage, donne dans l'escalier à vis.
 
<span id="footnote25">[[#note25|25]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig.24 <i>bis</i>.
 
<span id="footnote26">[[#note26|26]] : La plupart des ouvrages militaires des ordres du Temple et de Malte présentent des
tours carrées. (Voyez <i>Essai sur la dominat. franç. en Syrie durant le moyen âge</i>, par
E. G. Rey, 1866.)
 
<span id="footnote27">[[#note27|27]] : «Et... (du Guesclin) prit son chemin et son retour, et tous les seigneurs de France
en sa compagnie, pour venir de rechef devant la cité d'Usson, en Auvergne, et l'assiégèrent;
et firent là le duc de Berry, le duc de Bourbon et le connétable, amener et
charrier grands engins de Riom et de Clermont, et dresser devant ladite forteresse, et
avec tout ce appareiller grands atournemens d'assaut.» (Froissart, <i>Chron</i>., cccxxix.)
 
<span id="footnote28">[[#note28|28]] :
</div>
<center>
Encontre Bertran a la deffense levée:<br>
N'i avoit sale amont qui ne fust bien semée;<br>
De fiens y ot.on mis mainte grande chartée,<br>
Par coi pierres d'engien, qui laiens soit getée,<br>
Ne mefface léons une pomme pelée.<br>
Car Bertran ot mandé par toute la contrée<br>
Pluseurs engiens, qu'il fist venir en celle anée,<br>
De Saint-Lo en y vint, cette ville alozée;<br>
Bertran les fist lever sans point de l'arrestée.<br>
Pardevant le chastel (de Valognes), dont je fuis devisée<br>
Ont dréciez. VI. engiens getans de randonnée,<br>
Mais en son de la tour, qui fu haulte levée,<br>
Il avoit une garde toute jour ajournée,<br>
Qui sonnoit. I. becin, quant la pierre est levée;<br>
Et quant la pierre estoit au chastel assenée,<br>
D'une blanche touaille (serviette), qui li fut présentée,<br>
Aloit frolant les murs, faisait grande risée;<br>
De ce avoit Bertran forment la chière irée.»<br>
</center>
<div class="text">
 
(<i>La Vie vaillant Bertran du Guesclin</i>, par Cuvelier, trouvère
du XIV<sup>e</sup> siècle, v. 5076 et suiv.)
 
<span id="footnote29">[[#note29|29]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 41.
 
<span id="footnote30">[[#note30|30]] : Le <i>cran</i> est la poussière que produit la taille de la pierre, et que l'on recueille sur
les chantiers. On s'en servait beaucoup, pendant le moyen âge, pour charger des voûtes
que l'on voulait mettre à l'abri des projectiles ou des incendies.
 
<span id="footnote31">[[#note31|31]] : Ces tours ont été dérasées au niveau des courtines en 1814. (Voyez les grandes
gravures d'Israël Sylvestre, <i>Les plus excellens bastimens de France</i> de du Cerceau, etc.)
 
<span id="footnote32">[[#note32|32]] : De notre temps nous avons vu la fortification allemande revenir aux commandements
élevés, aux tours bastionnées.
 
<span id="footnote33">[[#note33|33]] : Vovez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Engin|Engin]].
 
<span id="footnote34">[[#note34|34]] : Le château de Vincennes, dont il existe des restes considérables que nous voyons
aujourd'hui, fut commencé par le roi Jean, sur de nouveaux plans; mais si l'on considère
le style de l'architecture, il ne paraît pas que les prédécesseurs de Charles V aient
élevé l'ouvrage au-dessus du sol de la place; si même Charles V n'a pas entièrement
repris l'œuvre.
 
<span id="footnote35">[[#note35|35]] : Ce fait est bien visible dans les ouvrages entrepris par Louis d'Orléans, au château
de Coucy, de Montépilloy près de Senlis.
 
<span id="footnote36">[[#note36|36]] : Ces travaux ont été commencés en 1858 par ordre de l'Empereur, et en grande
partie au moyen des crédits ouverts sur la cassette de Sa Majesté.
 
<span id="footnote37">[[#note37|37]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Boulevard|Boulevard]].
 
<span id="footnote38">[[#note38|38]] : Tour Hector.
 
<span id="footnote39">[[#note39|39]] : Il a fallu vingt-sept jours à un ouvrier habile pour pratiquer un trou d'un mètre carré environ dans l'un de ces murs, au-dessus du talus, c'est-à-dire au point où la maçonnerie
n'a que 4 mètres d'épaisseur.
 
<span id="footnote40">[[#note40|40]] : Au siége d'Orléans, plusieurs des anciennnes tours de l'enceinte furent terrassées pour recevoir des pièces d'artillerie.
<span id="footnote41">[[#note41|41]] : Voyez à l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Château|Château]], la description des défenses du château de Bonaguil (fig. 28
et 29).
 
<span id="footnote42">[[#note42|42]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8, Siège|Siége]], page 426.
 
<span id="footnote43">[[#note43|43]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Boulevard|Boulevard]].
 
<span id="footnote44">[[#note44|44]] : <i>Trattato di architettura civile e militare</i> di F.G. Martini, publié pour la première
fois par les soins du chevalier César Saluzzo. Turin, 1861. Voyez l'atlas, pl. V, XXII,
XXIII et suiv.
 
<span id="footnote45">[[#note45|45]] : À Langres, à Dijon, ancien château, XV<sup>e</sup> siècle; à Marseille, fin du XV<sup>e</sup> siècle (front
démoli du Nord); peut-être au château de Ham, avant la reconstruction de la plate-forme
de la grosse tour, bâtie par le comte de Saint-Pol, et dont les murs ont 10 mètres
d'épaisseur.
 
<span id="footnote46">[[#note46|46]] : On donnait le nom de <i>moineau</i> à un petit ouvrage saillant bas, placé au fond du
fossé, le défendant et pouvant contenir des arquebusiers ou même des arbalétriers. On
croyait ainsi protéger le point mort des tours circulaires. (Voyez à l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Boulevard|Boulevard]] le
grand ouvrage de Schaffhausen, les défenses circulaires qui remplissaient exactement
dans le fossé d'office de moineaux.)
 
<span id="footnote47">[[#note47|47]] : On donne généralement, à l'invention du boulet de fonte de fer, une date trop
récente. Déjà, vers 1430, l'artillerie française et allemande s'en servait. Les inventaires
d'artillerie de Charles VII en font mention. Des vignettes de manuscrits de 1430 à 1440
figurent des projectiles de fer. Au musée d'artillerie il existe un canon de 1423, de
bronze, provenant de Rhodes, fondu en Allemagne, qui ne pouvait servir qu'à envoyer
des boulets de fonte. À la défense d'Orléans, en 1428, les artilleurs orléanais avaient des
boulets de fonte.
 
<span id="footnote48">[[#note48|48]] : Plus tard Castriotto (1584) adopte de nouveau les tours rondes au milieu des
bastions, en capitales, et au milieu des courtines. Vauban lui-même, dans sa dernière
manière (1698), établit des tours bastionnées formant traverses en capitales, entre les
bastions retranchés d'une façon permanente et le corps de la place, sortes de réduits
qui devaient inévitablement retarder la reddition de la place, puisque la chute du
bastion non-seulement n'entraînait pas celle des défenses voisines, mais exigeait des travaux
considérables pour prendre la tour bastionnée formant saillant porte-flancs. Montalembert
(1776) plaça également en capitales, à la gorge des bastions, des caponnières
élevées en maçonnerie, à plusieurs étages, qui ne sont autre chose que des tours casematées
ayant un commandement considérable sur les dehors. À la base, la caponnière
de Montalembert est entourée d'une série de <i>moineaux</i> qui donnent en plan une suite
d'angles saillants en étoile, se flanquant réciproquement, pour poster des fusiliers. Les
Allemands de nos jours en sont revenus aux tours possédant un commandement sur les
ouvrages. Mais en présence des effets destructifs de la nouvelle artillerie, ce système ne
peut être d'une graude valeur, à moins qu'on ne puisse revêtir ces tours casematées d'une
cuirasse assez forte pour résister aux projectiles. Ces tentatives répétées sans cesse depuis
le moyen âge prouvent seulement que les commandements sur les dehors sont toujours
considérés comme nécessaires, et que la fortification du moyen âge (eu égard aux moyens
d'attaque) avait sur la nôtre un avantage.
 
<span id="footnote49">[[#note49|49]] : Cette tour est celle qui commande la porte Laufer.
 
<span id="footnote50">[[#note50|50]] : Les cinq tours sont bâties sur le même modèle.
 
<span id="footnote51">[[#note51|51]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Créneau|Créneau]], fig. 19.
 
<span id="footnote52">[[#note52|52]] : Sauf ces guettes, les tours de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Nuremberg|Nuremberg]] sont intactes. Les
guettes sont indiquées dans d'anciennes gravures (voyez Mérian, <i>Cosmogr. univers.</i>).
 
<span id="footnote53">[[#note53|53]] : De notre temps, la fumeuse tour Malakof, qui était un ouvrage à commandement
élevé, fut détruite dès les premiers moments du siége, et la résistance de ce point dépendit
des ouvrages de terre qui furent élevés autour de la première défense.
 
<span id="footnote54">[[#note54|54]] : Voyez la <i>Monographie du château de Salces</i> par M. le capitaine Ratheau (Paris,
1860, Tanera). Cette étude, très-bien faite, de cette ancienne place en donne l'idée la plus
complète.
 
<span id="footnote55">[[#note55|55]] : <i>Plans et profils des principales villes et lieux considérables de la principauté de Catalogne</i>. Paris, 168...
 
<span id="footnote56">[[#note56|56]] : <i>Monogr. du château de Salces</i>.
 
<span id="footnote57">[[#note57|57]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 11. C'est la tour marquée O sur le plan.
 
<span id="footnote58">[[#note58|58]] : Tour de la Peyre, fig. 13, 14, 15, 16 et 17.
 
<span id="footnote59">[[#note59|59]] : Cet ouvrage dépend de l'enceinte bâtie sous le règne de saint Louis.
 
<span id="footnote60">[[#note60|60]] : La tour du Trésau est marquée M sur ce plan. (Voyez aussi l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Porte|Porte ]], fig. 18.)
 
<span id="footnote61">[[#note61|61]] : Ce château, qui dépendait du Valois, fut rebâti en partie par Louis d'Orléans, quand
ce prince fortifia son duché pendant la maladie de Charles VI. Le château de Montépilloy,
situé sur une hauteur, commandant la route de Senlis à Crespy, servit de point d'appui
aux armées des partis qui manœuvrèrent dans cette contrée pendant les guerres du
XV<sup>e</sup> et du XVI<sup>e</sup> siècle. Il fut démantelé après l'entrée de Henri IV à Paris.
 
<span id="footnote62">[[#note62|62]] : Plus tard Louis d'Orléans fit détruire une partie de cette chemise, et bâtir une courtine en F, laquelle enfermait les nouveaux ouvrages.
 
<span id="footnote63">[[#note63|63]] : Pour plus de clarté, nous n'avons pas présenté la passerelle avec ses piles en coupe, mais en élévation latérale.
 
<span id="footnote64">[[#note64|64]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 Mâchicoulis|Mâchicoulis]], fig. 6 et 7.
 
<span id="footnote65">[[#note65|65]] : Beaucoup de ces tours étaient couronnées de pinacles isolés les uns des autres.
 
<span id="footnote66">[[#note66|66]] : Voyez le plan du palais archiépiscopal de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Narbonne|Narbonne]] à l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Palais|Palais ]], fig. 11, 12 et 13.
 
<span id="footnote67">[[#note67|67]] : Voyez la <i>Guyenne militaire</i>, par M. Léo Drouyun, t. II, p. 158 et suiv.
 
<span id="footnote68">[[#note68|68]] : Voyez la <i>Guyenne militaire</i>, t. II, p. 162. M. Léo Drouyn donne, sur cette petite
place, de curieux détails auxquels nous engageons nos lecteurs à recourir.
 
<span id="footnote69">[[#note69|69]] : Voyez la <i>Guyenne militaire</i>, pl. 132.
 
<span id="footnote70">[[#note70|70]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Château|Château]], fig. 7.
 
<span id="footnote71">[[#note71|71]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Château|Château]], fig. 24, et [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Donjon|Donjon]], fig. 41, 42, 43 et 44.
 
<span id="footnote72">[[#note72|72]] : Ces deux tours avaient été renversées par la mine. Leurs fragments, en quartiers
énormes, gisaient sur le sol; c'est à l'aide de ces débris que ces ouvrages ont été restaurés.
Les hauteurs d'étages étaient d'ailleurs indiquées par les amorces sur les bâtiments
voisins conservés.
 
<span id="footnote73">[[#note73|73]] : Chacune des huit tours du château de Pierrefonds portait le nom du preux dont
la statue est placée sur le parement extérieur. La statue de Charlemagne remplissait la
niche pratiquée au sommet du cylindre de la tour d'angle du donjon. (Voyez la <i>Notice sur
le château impérial de Pierrefonds</i>, 4<sup>e</sup> édition.)
 
<span id="footnote74">[[#note74|74]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Donjon|Donjon]], fig. 41, 42 et 43.
 
<span id="footnote75">[[#note75|75]] : Voyez l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]], fig. 154; voyez aussi l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Échauguette|Échauguette]]. Les deux
tours extérieures du donjou de Pierrefonds possèdent chacune une guette (voyez la figure
précédente).
 
<span id="footnote76">[[#note76|76]] : Une légende prétend qu'elle salua Charlemagne à son passage à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]]; mais
Charlemagne est-il jamais passé à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]]? puis la tour n'est que du XI<sup>e</sup> siècle.
 
<span id="footnote77">[[#note77|77]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], le plan du château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], fig. 12 (la tour
de guet est en S), et figure 13, la vue perspective de ce château. Voyez aussi les
<i>Archives des monuments historiques</i>, Gide éditeur.
 
<span id="footnote78">[[#note78|78]] : Cette tour est dite aujourd'hui, <i>tour de François I<sup>er</sup></i>.
 
<span id="footnote79">[[#note79|79]] : Voyez <i>Dissert. archéol. sur les anciennes enceintes de Paris</i>, par Bonnardot Parisien,
1852. Voyez les plans de Gomboust, de de Fer, de Mérian, la tapisserie de l'hôtel de
ville, les gravures de Callot, d'Israël Sylvestre, les plans déposés aux Archives de l'empire,
les dessins et gravures de della Bella, les dessins de Le Vau (Archiv. de l'empire).
Cette tour ne fut démolie qu'au moment où l'on commença le palais des <i>Quatre Nations</i>
(l'Institut actuel), vers 1660.
 
<span id="footnote80">[[#note80|80]] : D'après les documeuts cités plus haut.
 
<span id="footnote81">[[#note81|81]] : Ces remparts suivaient la direction de la rue Mazarine actuelle, qui, bâtie hors de
la ville, dès le XV<sup>e</sup> siècle, s'appelait la rue des <i>Fossés de Nesle</i>, parce qu'elle s'élevait sur
la contrescarpe de ces fossés.
 
<span id="footnote82">[[#note82|82]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 78.
 
<span id="footnote83">[[#note83|83]] : Voyez, à l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Pont|Pont ]], l'historique de la construction de cette tour et la figure 2.
 
<span id="footnote84">[[#note84|84]] : Voyez <i>Essai sur la domination française en Syrie durant le moyen âge</i>, par E. G. Rey, 1866.
 
<span id="footnote85">[[#note85|85]] : Il eût été facile de conserver ce précieux monument qui ne gênait pas sérieusement
le tracé des voies nouvelles sur ce point de Paris. C'était un très-curieux exemple
des travaux dus aux Templiers vers la fin du XII<sup>e</sup> siècle.
 
Malgré des réclamations appuyées pur les personnages les plus autorisés, la démolition de la tour Bichat fut décidée hâtivement, et c'est à peine si nous eûmes le temps de
mesurer cet édifice. Quelques chapiteaux provenant de cette démolition ont été transportés
au musée de Cluny; mais ce n'était pas par sa sculpture, bien qu'elle soit belle,
que cet édifice intéressait l'historien.
 
<span id="footnote86">[[#note86|86]] : Voyez l'excellent <i>Itinéraire archéologique de Paris</i> du savant auteur de tant de travaux
précieux sur nos antiquités nationales. M. de Guilhermy déplorait, en 1855, comme
tous ceux qui ont quelque souci de nos monuments historiques, la destruction de la tour
Bichat. «La ville de Paris, disait-il, qui a fait de si généreux sacrifices pour sauver la
tour Saint-Jacques la Boucherie, s'est au contraire montrée insouciante envers celle
de Latran, ct cependant, si la première est en jouissance d'une plus grande renommée,
l'autre appartenait à une meilleure époque de l'art et se rattachait à une famille d'édifices
d'un caractère plus intéressant....» Nous ajouterions que la tour de Latran
était l'unique monument de ce genre en France.
 
<span id="footnote87">[[#note87|87]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9, Temple|Temple ]].
 
<span id="footnote88">[[#note88|88]] : <i>Itinéraire archéologique de Paris</i>, p. 299.
 
<span id="footnote89">[[#note89|89]] : Voyez, à l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Maison|Maison]], le plan, fig. 34.
 
<span id="footnote90">[[#note90|90]] : Voyez le plan général de la cité. Celle porte est celle de Saint-Nazaire ([[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 11, en D).
 
<span id="footnote91">[[#note91|91]] : La pierrière est figurée en batterie sur cette plate-forme.
 
<span id="footnote92">[[#note92|92]] : Voyez la <i>Guyenne militaire</i>, par M. Léo Drouyn, t. II, p. 255. Voyez aussi, dans le
même ouvrage, la porte de Saint-Macaire, dite porte de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Cadillac|Cadillac]], laquelle est sur plan
barlong et couronnée par une simple rangée de mâchicoulis.
 
<span id="footnote93">[[#note93|93]] : Les relevés très-complets de cet ouvrage nous ont été fournis par M. Durand, architecte à Bordeaux.
 
<span id="footnote94">[[#note94|94]] : Ainsi que nous l'avons expliqué à propos d'une des tours du château de Vincennes.
Les portes de ce château sont percées dans des tours sur plan barlong analogues à celle
représentée fig. 31 et 32.
 
<span id="footnote95">[[#note95|95]] : Renseignements extraits d'une note inédite de M. Alfred Ramé.
 
<span id="footnote96">[[#note96|96]] : C'est sur ce programme qu'est construite la porte de la baille du château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Blain|Blain]] dont nous venons de parler.
 
<span id="footnote97">[[#note97|97]] : Voyez du Cerceau, <i>Les plus excellens bastimens de France</i>.
 
<span id="footnote98">[[#note98|98]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8, Salle|Salle ]].
 
<span id="footnote99">[[#note99|99]] : M. Lisch, architecte, qui a fait sur le port de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#La.Rochelle|la Rochelle]] un travail très-remarquable,
a bien voulu nous permettre de reproduire ses relevés de la <i>tour de la Lanterne</i>.
 
<span id="footnote100">[[#note100|100]] : Voyez <i>Mémoire sur l'éclairage et le balisage des côtes de France</i>, 1864, par
M. Léonce Reynaud.