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<references />
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|}
 
=== ROSE ===
 
s.f. C’est le nom que l’on donne aux baies circulaires
qui s’ouvrent
sur les parois des églises du moyen âge. L’''oculus'' de la primitive
basilique chrétienne, percé dans le pignon élevé au-dessus de l’entrée,
paraît être l’origine de la rose du moyen âge. Mais jusque vers la fin du
XII<sup>e</sup> siècle, la rose n’est qu’une ouverture d’un faible diamètre, dépourvue
de châssis de pierre : c’est une baie circulaire. L’architecture romane
française du Nord et du Midi n’emploie que rarement ce genre de
fenêtre,
qui n’a guère alors plus de 50 centimètres à 1 mètre de diamètre.
Mais à dater de la seconde moitié du XII<sup>e</sup> siècle, lorsque l’école laïque se
développe, les roses apparaissent, et prennent des dimensions de plus en
plus considérables, jusque vers le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle. Alors, surtout,
dans l’Île-de-France et les provinces voisines, telles que la Champagne et la
Picardie, les roses s’ouvrent sous les voûtes, dans toute la largeur des
nefs. En Normandie et en Bourgogne, au contraire, les roses n’apparaissent
que tard, c’est-à-dire vers la fin du XIII<sup>e</sup> siècle.
 
La baie circulaire appartient à toutes les époques de l’architecture,
depuis le Bas-Empire. Mais de l’''oculus'' roman, non vitré
souvent<span id="note1" ></span>[[#footnote1|<sup>1</sup>]], à la
rose occidentale de la cathédrale de Paris, il y a un progrès. Comment ce
progrès s’est-il accompli ? Pourquoi la figure circulaire a-t-elle été adoptée ?
Telles sont les questions posées tout d’abord et auxquelles il faut
répondre. Nous devons distinguer, entre les roses, celles qui s’ouvrent
dans les murs pignons de celles qui n’ont qu’une importance
secondaire.
 
On comprend, par exemple, que dans une grande nef comme celle de
la cathédrale de Paris (voy. [[../Cathédrale|Cathédrale]], fig. 2 et 4), si l’on voulait ouvrir
des baies au-dessus de la galerie du triforium pour alléger la
construction
et fournir de la lumière sous les combles de cette galerie, il eût
été fort disgracieux de donner à ces ouvertures la forme d’une fenêtre.
Une rose, au contraire, allégissait la construction en étrésillonnant
les
piles, et donnait à ces baies une apparence particulière qui les distinguait
entre les claires-voies vitrées.
 
<span id=Laon1>Pour ces roses secondaires, la pensée d’étrésillonner les maçonneries tout en les allégissant, avait dû, en maintes circonstances, imposer la figure circulaire. C’est ainsi, par exemple, qu’à la base des tours de la cathédrale de [[../Index communes L#Laon|Laon]], l’architecte a pratiqué des ouvertures circulaires de
préférence à des baies avec pieds-droits, pour donner plus de solidité à l’ouvrage.
 
Mais ces vides circulaires, du moment qu’ils atteignirent un diamètre
de 3 à 4 mètres, étaient bien tristes, surtout s’ils n’étaient point vitrés,
comme à Notre-Dame de Paris, au-dessus du triforium. Les architectes
pensèrent donc à les garnir de découpures de pierre plus ou moins
riches. Si ces roses étaient destinées à être vitrées, ces découpures de
pierre maintenaient les vitraux, comme le ferait un châssis de bois ou
de fer et pouvaient résister à la pression du vent.
 
Nous ne pourrions dire aujourd’hui si les pignons du transsept de la
cathédrale de Paris, bâtis sous Maurice de Sully, étaient ou devaient être
percés de roses. Cela est probable toutefois ; nous pensons même que
l’une de ces roses a existé du côté sud, car dans les maçonneries refaites
au XIII<sup>e</sup> siècle de ce côté, nous avons trouvé des fragments employés dans
les blocages, et qui ne pouvaient avoir appartenu qu’à une rose d’un
grand diamètre. En supposant que cette rose eût existé, elle daterait de
1180 environ, et serait une des plus anciennes connues, dans des dimensions
jusqu’alors inusitées. En effet, les roses qui datent de cette époque
ne dépassent guère 5 ou 6 mètres de diamètre.
 
À défaut de grandes roses munies de châssis de pierre, antérieures à
1190, nous en trouvons de petites, percées dans le chœur de Notre-Dame
de Paris, pour éclairer le triforium, et qui datent de 1165 à 1170, puisqu’en cette année 1170, l’abbé du Mont-Saint-Michel en mer raconte
qu’il vit ce chœur voûté. Ces roses avaient été supprimées déjà, vers
1230, lorsqu’on voulut agrandir les fenêtres hautes du chœur et qui
s’ouvraient, comme nous venons de le dire, sous les combles de la galerie
du premier étage.
</div>
[[Image:Rose.Notre.Dame.Paris.png|center]]
<div class="text" >
Il existe trois modèles différents de châssis de pierre qui garnissent ces
roses dans le chœur. Nous donnons l’un d’eux (fig. 1) ; le vide circulaire
a 2<sup>m</sup>, 85 de diamètre, et le châssis de pierre, d’une composition
très-singulière,
ne se compose que de huit morceaux qui sont posés comme les
rayons d’une roue embrevés d’un centimètre ou deux dans l’intrados des
claveaux formant le cercle. Si ces roses étaient vitrées, comme le sont
celles éclairant le triforium, les panneaux de verre étaient simplement
maintenus par des pitons scellés sur la face intérieure des pierres composant
le châssis. Mais nous reviendrons tout à l’heure sur cette disposition.
La rose que nous traçons ici, étant une de celles qui s’ouvraient sous le
comble de la galerie, n’était point munie de vitraux, et sa face ornée se
présentait vers l’intérieur. Cette ornementation consiste en des pointes
de diamant en creux et en saillie, ces dernières recoupées en petites
feuilles, et en des boutons, ainsi que l’indiquent le détail B et la section C.
On remarquera que les jambettes A sont diminuées latéralement et terminées,
vers l’œil intérieur, par deux corbelets latéraux, formant chapiteau,
pour présenter un étrésillonnement plus solide. En effet, ce qui
mérite particulièrement d’être observé dans cette composition d’un châssis
de pierre, c’est le système d’étrésillonnement bien entendu pour éviter
toute brisure et pour maintenir les clavaux du cercle comme les rais
d’une roue maintiennent les jantes.
 
Ce principe a évidemment commandé la composition des châssis de
pierre des premières grandes roses dans l’architecture de
l’Île-de-France,
et il faut reconnaître qu’il est excellent. Une des plus anciennes parmi
les grandes roses, est certainement celle qui s’ouvre sur la façade occidentale
de l’église Notre-Dame de Mantes, église qui fut bâtie en même
temps que la cathédrale de Paris, peut-être par le même architecte, et
qui reproduit ses dispositions générales, son mode de structure et quelques-uns
de ses détails.
 
Mais nous devons d’abord dire quel était le motif qui avait fait adopter
ces grandes baies circulaires. Lorsque l’école laïque inaugura son système
d’architecture pendant la seconde moitié du XII<sup>e</sup> siècle, elle s’était
principalement préoccupée de la structure des voûtes. Elle avait admis
que la voûte en arcs d’ogives reportant toutes ses charges sur les sommiers,
et par conséquent sur les piles, les murs devenaient inutiles. Si, à
la cathédrale de Paris, les fenêtres hautes primitives ne remplissent pas
exactement tout l’espace laissé sous les formerets des voûtes, s’il y a
quelque peu d’hésitation dans la structure de ces baies, et si l’on voit encore
des restes de tympans, ces restes sont tellement réduits, que l’on
comprend comment ils devaient bientôt disparaître et comment les formerets
eux-mêmes allaient devenir les archivoltes des fenêtres. Si l’on
vidait ainsi, par suite d’un raisonnement très-juste, tous les tympans
sous les formerets, si l’on supprimait les murs latéralement, il était logique
de les supprimer sous les grands formerets des façades donnant la
projection des arcs-doubleaux. Mais ces arcs-doubleaux étaient en tiers-points, étaient des arcs brisés. Les architectes prirent alors le parti de ne
point faire du formeret de face la projection des arcs-doubleaux. Pour
ces formerets ils adoptèrent le plein cintre:ainsi ils obtenaient un demi-cercle
au lieu d’un arc brisé, ce qui d’ailleurs ne pouvait les gêner pour
la structure des voûtes; et, complétant ce demi-cercle, ils ouvrirent un
grand jour circulaire prenant toute la largeur de la voûte, donnant à l’extérieur
sa projection. Il ne s’agissait plus alors que de remplir ce grand
vide circulaire par un châssis de pierre permettant de poser des vitraux.
C’est ce jour circulaire que Villard de Honnecourt appelle une <i>reonde
verrière</i>.
 
<span id=Braisne>Bien que les arcs-doubleaux des grandes voûtes des cathédrales de
Paris et de [[../Index communes L#Laon|Laon]], de l’église de Mantes, de celle abbatiale de [[../Index communes B#Braisne|Braisne]],
soient en tiers-point, les formerets de ces voûtes joignant les murs pignons sont plein cintre, afin de pouvoir inscrire une rose circulaire sous
ces formerets, qui deviennent de grands arcs de décharge.
 
Voici l’histoire des transformations des grandes roses tracée en quelques lignes (fig. 2).
</div>
[[Image:Roses.differentes.epoques.png|center]]
<div class="text" >
D’abord, ainsi que nous venons de le dire (exemple A), la projection de
la voûte intérieure se traduit par un plein cintre, quoique les
arcs-doubleaux
de cette voûte soient des tiers-points. Vers le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle
cependant, il semble que dans la Champagne, province où l’on poussait
les conséquences de l’architecture laïque à outrance, on voulut éviter ce
mélange du plein cintre et de l’arc brisé, ou plutôt ce qu’il y avait d’illogique
à donner extérieurement un plein cintre comme projection d’une
voûte en tiers-point. L’architecte de la cathédrale de Reims inscrit les
grandes roses sous un arc en tiers-point, ainsi que le montre l’exemple
B ; et comme pour mieux faire sentir la projection des arcs-doubleaux
de la voûte, l’espace ''a'' est ajouré. La ''reonde'' verrière n’est plus alors
qu’une immense fenêtre ouverte sous le grand formeret. Ce n’est plus la
rose de l’Île-de-France. Dans cette dernière province, berceau de l’école
laïque du XIII<sup>e</sup> siècle, la rose, jusqu’à la fin du XIII<sup>e</sup> siècle. reste la ''reonde''
verrière, c’est-à-dire qu’elle demeure circonscrite par un formeret plein
cintre. Telles sont les roses des pignons du transsept de la cathédrale de
Paris, qui datent de 1257. Mais, à cette époque, ce cercle de la rose s’inscrit
dans un carré, comme le montre l’exemple C. Les écoinçons ''b'' sont
aveugles et les écoinçons inférieurs ''c'' ajourés au-dessus d’une claire-voie
dont nous parlerons tout à l’heure. À la même époque on va plus loin :
on isole le formeret de la voûte, qui devient un dernier
arc-doubleau. On
laisse entre ce dernier arc et la rose un espace, et l’on met à jour non-seulement
la ''reonde'' verrière, mais les écoinçons ''b'' supérieurs. Telle est
construite la rose de la sainte Chapelle du château de Saint-Germain en
Laye que nous décrirons en détail.
 
Reprenons l’ordre chronologique, et examinons les premières grandes
roses qui nous sont restées.
 
Nous l’avons dit tout à l’heure, une des plus anciennes est celle qui
s’ouvre sur la face occidentale de l’église de Mantes. La structure de cette
rose remonte aux dernières années du XII<sup>e</sup> siècle, c’est dire qu’elle est
contemporaine, ou peu s’en faut, de la petite rose du triforium de Notre-Dame
de Paris que nous avons donnée figure 1.
 
Encore une observation avant de nous occuper de la rose occidentale
de Mantes. La division principale des châssis de pierre qui garnissent
ces roses procède, sauf de rares exceptions, du dodécagone,
c’est-à-dire
que les compartiments principaux de l’armature de pierre forment douze
coins et douze rayons, ainsi que l’indiquent les exemples A et C (fig. 2).
Dans les roses primitives, les vides se trouvent sur les axes, comme dans
l’exemple A, tandis que dans les roses composées depuis le milieu du
XIII<sup>e</sup> siècle, ce sont les rayons qui, le plus habituellement, sont posés sur
les axes, comme dans l’exemple C.
</div>
[[Image:Rose.occidentale.Notre.Dame.Mantes.png|center]]
<div class="text" >
Voici donc (fig. 3) le tracé de la rose occidentale de Notre-Dame de
Mantes. C’est encore le système de rayons étrésillonnants qui domine
ici. Les colonnettes de l’ordre extérieur sont tournées la base vers la circonférence.
Ces colonnettes reçoivent des arcs qui à leur sommet portent
l’ordre intérieur des colonnettes, dont les chapiteaux sont de même
tournés vers l’œil central. Cet œil, qui subit une grande pression, est
plus épais que les rayons, ce qui est bien raisonné. L’armature de fer du
vitrail n’est point engagée en feuillure à mi-épaisseur de pierre, mais est
scellée intérieurement, comme l’indique 1a section A, et des pitons scellés
aussi dans la pierre maintiennent les panneaux contre celle-ci. C’est encore
suivant ce système que la rose de la façade occidentale de
Notre-Dame
de Paris est combinée. Cette rose est postérieure à celle de
Notre-Dame
de Mantes:elle date de 1220 environ ; sa composition est déjà
plus savante en présentant des compartiments mieux entendus et d’un
aspect plus gracieux. Le problème consistait à disposer les compartiments
de pierre de manière à laisser, pour les panneaux des vitraux, des espaces
à peu près égaux. On voit que dans la rose de Mantes les vides
joignant
la circonférence sont, relativement aux vides intérieurs,
démesurément
larges. On avait suppléé à l’étendue des vides extérieurs par
l’armature de fer ; mais les panneaux maintenus par les grands cercles de
fer B avaient une surface trop considérable, relativement aux panneaux
C, et nécessitaient l’adjonction de nombreuses tringlettes ou barres secondaires,
qui ne présentaient pas une résistance suffisante à l’effort des
vents. De plus, le poids des châssis de pierre se reportait tout entier sur
les deux colonnettes inférieures, ce qui présentait un danger, car la solidité
de la rose était fort compromise. La composition de la rose de Mantes,
très-hardie déjà pour un vide de 8 mètres de diamètre, devenait d’une
exécution impossible si ce diamètre était augmenté. Or, le diamètre du
vide de la rose occidentale de Notre-Dame de Paris est de 9<sup>m</sup>, 60.
L’architecte
prétendit donner à son réseau de pierre à la fois plus de solidité
et plus de légèreté. En conséquence (fig. 4), il divisa le cercle en vingt-quatre
parties pour la zone extérieure, en douze parties pour la zone
intérieure.
Il retourna les colonnettes, c’est-à-dire qu’il plaça leurs bases
vers le centre et leurs chapiteaux vers la circonférence. Il posa sur les
chapiteaux des colonnettes de la zone extérieure une arcature robuste,
plus épaisse que les colonnettes, et qui à elle seule formait déjà un clavage
complet, pouvant se maintenir comme les claveaux d’un arc par leur
coupe. Dès lors il diminuait le diamètre du réseau de plus d’un mètre.
Entre les deux zones de colonnettes, il posa une seconde arcature
robuste
qui formait un second cercle clavé; puis l’œil renforcé également
clavé. Les colonnettes n’étaient plus que des étrésillons rendant ces
trois cercles solidaires. Elles n’avaient à subir qu’une assez faible pression,
aussi les fit-il très-légères. Il est difficile, le problème d’un grand
châssis circulaire de pierre étant posé, de le résoudre d’une manière
plus heureuse et plus savante.
</div>
[[Image:Rose.occidentale.Notre.Dame.Paris.png|center]]
<div class="text" >
Dans cette composition, l’armature de fer nécessaire pour maintenir
les panneaux des vitraux n’avait plus qu’une importance nulle au point
de vue de la solidité du système. Cette armature était scellée avec grand
soin au plomb, ainsi que les pitons ; car dans cette rose, comme dans
celle de Mantes, le vitrail était accolé à la face intérieure et non en
feuillure ; de telle sorte que le réseau portait toute son épaisseur à
l’extérieur<span id="note2" ></span>[[#footnote2|<sup>2</sup>]].
 
La meilleure preuve que la composition de la rose occidentale de
Notre-Dame de Paris est parfaitement entendue, c’est que ce réseau
n’avait subi que des dégradations très-peu importantes. Trois colonnettes avaient été fêlées par le gonflement des scellements de l’armature,
et deux morceaux d’arcatures étaient altérés par des brides de fer posées
pour maintenir le buffet d’orgues. Cependant, le grand châssis était resté
dans son plan vertical, malgré le poids des vitraux, l’effort du vent et ces
attaches de fer que l’on avait scellées pendant le dernier siècle, contre des
parties d’arcatures, lorsqu’on monta les grandes orgues. En A, est tracé
la coupe de cette rose. Des détails sont nécessaires pour faire apprécier
la valeur de cette structure. Nous donnons en A (fig. 5) la coupe sur
l’œil, renforcé par le profil ''a'', comme on renforce le moyeu d’une roue
de carrosse. En B, la section d’une des colonnettes intérieures, dont
le diamètre a 0<sup>m</sup>, 14 avec le profil ''b'' de la base. En C, un des chapiteaux
des colonnettes extérieures, avec la base ''c'' et son renfort. En D, la section
de l’arcature extérieure et la section du segment de cercle externe
qui les réunit. L’épaisseur de cette arcature externe et interne n’a pas
plus de 0<sup>m</sup>, 23, et celle des colonnettes, y compris le renfort, dans lequel
sont scellés les pitons, 0<sup>m</sup>, 18. Il n’est pas de rose du moyen âge dont le
réseau présente de plus faibles sections relativement au diamètre du vide,
et il n’en est pas qui ait mieux résisté à l’action du temps. Si nous revenons
à la figure 4, nous observerons qu’en effet, l’appareil est à la fois
très-simple et très-habile ; les pressions s’exercent sur les morceaux de
pierre, de façon à éviter toute chance de brisure. Les
colonnettes-étrésillons,
renforcées à leurs extrémités par la saillie des bases et des
chapiteaux,
donnent beaucoup de roide à tout le système et s’appuient bien
sur les sommiers et les têtes d’arcatures. L’œil, plus épais que tout le
reste du réseau, offre un point central résistant. Ce réseau est entièrement
taillé dans du cliquart d’une qualité supérieure ; les profils, les
moindres détails ont conservé toute leur pureté. La sculpture des fleurons,
ainsi que celle des chapiteaux, est admirablement traitée. Autrefois
ce réseau était peint et doré. On voit encore, sur les fûts des colonnettes,
la trace d’étoiles d’or qui les couvraient sur un fond d’azur. Quand on
examine en détail cette charmante composition, qu’on se rend compte du
savoir et de la finesse d’observation qui ont présidé à son exécution, deux
choses surprennent:c’est le développement si rapide de cet art qui, à
peine sorti du roman, était si sûr de ses moyens et de l’effet qu’il voulait
produire; c’est encore de prétendre nous donner à croire que ce
sont là les expressions pénibles d’un art maladif, étrange, soumis aux
capricieux dévergondages d’une imagination encore un peu barbare, sans
liens avec les hardiesses de l’esprit moderne. En vérité, dans une époque
comme la nôtre, où des architectes ne parviennent pas toujours à
maintenir des murs en pleine pierre dans leur plan vertical, on
pourrait
se montrer plus modestes et plus soucieux de s’enquérir des méthodes de ces maîtres, qui savaient combiner un énorme châssis de
pierre de façon à le soustraire aux chances de destruction pendant six
ou sept cents ans. Mais comment prouver la clarté du soleil à ceux qui,
non contents d’avoir un bandeau sur les yeux, ne souffrent pas
volontiers
que chacun puisse chercher la lumière ?
</div>
[[Image:Detail.rose.occidentale.Notre.Dame.Paris.png|center]]
<div class="text" >
La rose occidentale de la cathédrale de Paris, comme nous le disions
tout à l’heure, ne le cède à aucune autre, même d’une époque plus
récente,
comme volume de matière mise en œuvre, comparativement à la
surface vitrée, d’autant que les évidements sont peu considérables.
 
Il est d’un certain intérêt de connaître le cube de pierre employé
dans ce réseau, en comptant chaque morceau inscrit dans le plus petit
parallèlipipède, suivant la méthode de tout temps.<br /><br />
L’arcature extérieure cube……………………………… 4<sup>m</sup>, 1184<br />
Les grandes colonnettes de la zone externe cubent.. 1<sup>m</sup>, 188<br />
Les petites………………………………………………… 1<sup>m</sup>, 08<br />
L’arcature interne cube…………………………………… 2<sup>m</sup>, 2176<br />
Les colonnettes de la zone intérieure cubent……… 0<sup>m</sup>, 828<br />
L’œil………………………………………………………… 1<sup>m</sup>, 05<br />
………………………………………………………………….. Total 10<sup>m</sup>, 4820<br />
 
La surface de la rose étant de 71<sup>m</sup>, 56, le cube de pierre par mètre de surface n’est
que de 0<sup>m</sup>, 146.
 
Nous verrons que cette légèreté réelle ne fut pas atteinte, même à
l’époque où l’architecture cherchait à paraître singulièrement délicate.
 
Peu avant la construction de la façade occidentale de la cathédrale de
Paris, on élevait l’église abbatiale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Braisne|Braisne]], une des plus belles églises
du Soissonnais<span id="note3" ></span>[[#footnote3|<sup>3</sup>]]. Cette église, détruite en partie aujourd’hui, conserve
son transsept et son chœur. Dans les pignons de ce transsept s’ouvrent
des roses d’un style excellent, d’une structure remarquable, parfaitement
conservées. Nous traçons (fig. 6) une de ces roses. Ici, conformément à
la donnée admise à la fin du XII<sup>e</sup> siècle, les colonnettes-rayons sont posées
les bases vers la circonférence ; mais déjà une arcature externe
réunit
tout le système, comme à Notre-Dame de Paris. L’appareil, d’une
grande simplicité, présente toutes les garanties de durée, mais cette rose
est loin d’avoir la légèreté de celle de la cathédrale de Paris. D’ailleurs
le système de vitrage est le même.
</div>
[[Image:Rose.eglise.abbatiale.Braisne.png|center]]
<div class="text" >
La rose de la façade de Notre-Dame de Paris fut taillée vers 1220,
comme nous le disions plus haut. Quarante ans plus tard environ (en
1257), on élevait les deux pignons sud et nord du transsept de cette
église, pour allonger ce transsept de quelques mètres<span id="note4" ></span>[[#footnote4|<sup>4</sup>]]. Or, ces deux pignons
sont percés de roses énormes qui n’ont pas moins de 12<sup>m</sup>, 90 de
diamètre, et qui s’ouvrent sur des galeries ajourées. Ces roses sont construites
d’après le système indiqué dans notre figure 2, en C ;
c’est-à-dire
que les écoinçons inférieurs compris dans le carré inscrivant le
cercle sont ajourés comme le cercle lui-même, tandis que les écoinçons
supérieurs sont aveugles, étant masqués par la voûte. Voici (fig. 7)
le tracé extérieur de l’une de ces deux roses, celle du sud. Les
écoinçons A sont aveugles, tandis que ceux B sont ajourés ; ce qui était naturel,
puisque ce treillis de pierre repose sur l’arcature ajourée C, et qu’ainsi la
surface comprise entre le bas de cette arcature et le niveau D ne forme
qu’une immense fenêtre d’une hauteur de 18<sup>e</sup>, 50 sur 13 mètres de
largeur. Sous la rose, la galerie double (voy. la coupe E), vitrée en V, est
placée comme un chevalement sous le grand réseau de pierre, de façon à
laisser deux passages P, P’, l’un extérieur, l’autre intérieur.
L’épaisseur de
cette claire-voie n’est que de 0<sup>m</sup>, 47. Le formeret de la voûte enveloppe
exactement le demi-cercle supérieur de la rose, et forme conséquemment
un arc plein cintre.
</div>
[[Image:Rose.transsept.sud.Notre.Dame.Paris.png|center]]
<div class="text" >
Notre dessin fait voir les modifications profondes qui, en quelques
années, s’étaient introduites dans la composition de ces parties de la
grande architecture laïque du XII<sup>e</sup> siècle. On ne saurait reprocher à cet
art l’immobilité, car il est difficile de se transformer d’une manière plus
complète, tout en demeurant fidèle aux premiers principes admis. Le
réseau se complique, se subdivise, et le système que nous trouvons déjà
entier dans la rose occidentale de Notre-Dame de Paris s’est étendu.
 
L’arcature externe, qui, dans la rose de 1220, forme un clavage trapu,
s’est dégagée, mais elle existe ; les colonnettes-rayons subsistent et sont
étrésillonnées avec plus d’adresse ; l’œil s’est amoindri ; enfin les écoinçons
inférieurs ont été percés, pour ajouter une surface de plus à cette
page colossale de vitraux. Si la composition de ce réseau est d’un agréable
aspect, le savoir du constructeur est fait pour nous donner à
réfléchir.
Car dans ce grand châssis de pierre, les effets des pressions sont
calculés avec une adresse rare. D’abord, en jetant les yeux sur l’appareil
indiqué dans notre figure, on verra que toute la partie supérieure du
grand cintre, compris le clavage de l’arcature externe G, ne charge pas
le réseau, qui ne pèse sur lui-même qu’à partir des coupes H. Que ces
charges sont reportées sur les rayons principaux K, lesquels sont étrésillonnés
dans tous les sens ; que l’appareil est tracé de manière à éviter les
brisures en cas d’un mouvement. Que les coupes étant toujours normales
aux courbes, les pressions s’exercent dans le sens des résistances. Que
les écoinçons ajourés B, qui supportent une pression considérable, sont
combinés en vue de résister de la façon la plus efficace à cette pression.
Que les armatures de fer destinées à maintenir les panneaux de verre,
pris en feuillure, dans l’épaisseur du réseau, ajoutent encore au système
général d’étrésillonnement<span id="note5" ></span>[[#footnote5|<sup>5</sup>]].
 
Quand l’ingénieur Polonceau imagina le système de cercles de fer pour
résister à des pressions entre le tablier et les arcs d’un pont, il ne faisait,
à tout prendre, qu’appliquer un principe qui avait été employé six
siècles
avant lui. On vanta, et avec raison, le système nouveau ou plutôt renouvelé,
mais personne ne songea à tourner les yeux vers la cathédrale de
Paris et bien d’autres édifices du XIII<sup>e</sup> siècle, dans lesquels on avait si
souvent et si heureusement employé les cercles comme moyen de
résistance
opposé à des pressions. Dans les deux roses du transsept de
Notre-Dame
de Paris, il n’était pas possible de trouver un moyen plus efficace
pour résister à la pression qui s’exerce sur le côté curviligne de ces triangles
que le cercle de pierre B, étrésillonné lui-même puissamment par
les petits triangles curvilignes R. Les crochets-étrésillons S complètent le
système des résistances. N’oublions pas que cette énorme claire-voie circulaire
ne pose pas sur un mur plein, mais sur une galerie ajourée
elle-même,
d’une extrême délicatesse ; que pour ne pas écraser les colonnettes
et prismes de cette galerie, il fallait que la rose exerçât sur ces
frêles points d’appui une pression également répartie ; car si les points
d’appui verticaux de cette galerie ont une résistance considérable
ensemble,
ils n’en ont qu’une assez faible pris isolément. Le problème
consistait
donc à faire de la rose une armature homogène, n’appuyant pas
plus sur un point que sur un autre. Les écoinçons ajourés, avec leur
grand
cercle B, leurs triangles curvilignes R et leurs crochets S, répartissent les
pesanteurs sur l’assise inférieure T, de telle sorte que tous les points de
cette assise se trouvent également chargés. D’ailleurs les deux parois
ajourées X, Y, de la galerie, formant chevalement, décomposent les pressions
au moyen de l’arcature C, qui forme une suite d’étrésillons
remplaçant
des croix de Saint-André en charpente. La preuve que le moyen
adopté est bon, c’est que, malgré les restaurations maladroites du dernier
siècle, malgré l’écartement des contre-forts, aucune des pilettes de cette
galerie n’était brisée. L’arcature C elle-même avait très-peu souffert<span id="note6" ></span>[[#footnote6|<sup>6</sup>]].
Pour diviser les pressions, pour arriver à faire de ce châssis de pierre
une surface homogène, le maître de l’œuvre, Jean de Chelles, avait d’abord
ses douze rayons rectilignes principaux étrésillonnés à moitié de
leur longueur par les arcs ''l'', contre-étrésillonnés eux-mêmes par les
douze rayons secondaires ''m''. À ce point, le réseau s’épanouit, se divise,
répartit ses charges par une suite de courbes et de contre-courbes sur
vingt-quatre rayons aboutissant au cercle principal, qui est doublé.
Un
de ces rayons porte sur l’axe de la galerie ; les dix autres, à droite et à
gauche de l’axe, ont leurs pressions décomposées par les écoinçons
armés de leurs cercles et de leurs triangles curvilignes. Ces charges sont
si bien divisées, décomposées, que des membres entiers de cette rose
pourraient être enlevés sans que l’ensemble en souffrît. C’était donc un
raisonnement juste qui avait conduit à adopter ces réseaux avec courbes
et contre-courbes. Dans les roses primitives, comme celles de [[../Index communes B#Braisne|Braisne]] ou
de la façade occidentale de la cathédrale de Paris, si un rayon, un
membre venait à manquer, toute l’économie du système était
compromise ;
tandis qu’ici les chances de conservation étaient multiples, et,
en effet, beaucoup de ces roses, qui ont six siècles d’existence, qui ont
subi des déformations notables ou des mutilations, sont cependant
restées entières, comme un large treillis de bois pouvant impunément être
déchiré partiellement sans tomber en morceaux.
 
Il y a autre chose, dans ces compositions, que le capricieux
dévergondage
d’une imagination encore un peu barbare ; il y a une profonde
expérience, un calcul judicieux, un savoir étendu et une bien rare intelligence
de l’application des nécessités de la structure à l’effet décoratif.
 
Nous donnons ici le cube de pierre employé dans ce réseau, à partir du
niveau de la galerie à jour.<br /><br />
 
L’œil cube………………………………………………… 0<sup>m</sup>, 94<br />
Les colonnettes intérieures cubent………………….. 2<sup>m</sup>, 12<br />
Les découpures au-dessus cubent………………….. 2<sup>m</sup>, 26<br />
Les colonnettes extérieures cubent………………… 1<sup>m</sup>, 84<br />
Les petites colonnettes intermédiaires cubent…… 0<sup>m</sup>, 44<br />
Les grandes découpures au-dessus cubent……….. 5<sup>m</sup>, 42<br />
Les petits redents cubent…………………………… 2<sup>m</sup>, 86<br />
Les morceaux d’arcatures sommiers cubent……… 4<sup>m</sup>, 41<br />
Les redents intermédiaires cubent………………… 1<sup>m</sup>, 47<br />
Les grands morceaux d’arcatures cubent………….. 11<sup>m</sup>, 28<br />
Les morceaux d’entourage cubent………………… 18<sup>m</sup>, 00<br />
Les écoinçons cubent………………………………….. 3<sup>m</sup>, 40<br />
…………………………………………………… Total… 54<sup>m</sup>, 44<br />
 
La surface de cette rose ayant 143<sup>m</sup>, 00, le cube de pierre par mètre superficiel est de
0<sup>m</sup>, 38 ; cube très-supérieur à celui de la rose occidentale.
 
Il nous faut maintenant examiner les sections des différents membres
de cette rose (fig. 8). Le profil dont l’axe est en A est la section sur
''ab'' (voy. la fig. 7), sur les membres principaux de la rose. Le profil dont
l’axe est en B est la section sur les membres secondaires ''c'',
''d''. Le profil
dont l’axe est en C est la section sur les membres tertiaires, qui sont les
redents. La section totale EF, comprenant les deux gros boudins principaux
''a'', A, est faite sur ''ot'', le profil se simplifiant à l’extrados comme il
est marqué en G. Enfin le profil ''ee ee’'' est la section sur ''fg'' (de l’ensemble),
c’est-à-dire la section sur le grand cercle de l’écoinçon. La circonférence
de la rose est donc formée des deux gros boudins principaux ''a'',
A,
et en dedans du grand cercle de l’écoinçon qui subit une forte pression,
il y a un supplément de force ''fe’'' ; le boudin C du membre composant le
redent étant reculé en ''c'' et relié au gros boudin par le biseau ''hh''. À
l’intérieur, le profil est simplifié comme le marque notre tracé en I. Ici
les armatures de fer et vitraux ne sont plus posés contre le parement intérieur
du réseau de pierre, mais pris en feuillure en V, de façon à mieux
calfeutrer les panneaux et à empêcher les eaux pluviales de pénétrer à
l’intérieur. En L, sont tracés les chapiteaux et bases des rayons principaux
dont les gros boudins forment colonnettes ; la saillie des bases étant
portée par un congé M sur la face, afin que le lit inférieur de cette base
puisse tomber au nu du boudin ''ik''.
</div>
[[Image:Rose.transsept.sud.Notre.Dame.Paris.2.png|center]]
<div class="text" >
Dans les deux roses nord et sud du transsept de Notre-Dame de Paris,
les deux écoinçons supérieurs sont aveugles, le formeret de la voûte joignant
la partie supérieure de la circonférence de la rose. Si le cercle est
compris dans un carré, dans une sorte de cadre enclavé entre les
contre-forts
latéraux, la partie ajourée, le châssis vitré, se termine par le cintre
de la rose elle-même. Cependant, dès 1240, des maîtres avaient jugé à
propos d’ajourer non-seulement les écoinçons intérieurs mais aussi les
écoinçons supérieurs des roses. Ce fut à cette époque que l’on construisit
la chapelle du château de Saint-Germain en Laye<span id="note7" ></span>[[#footnote7|<sup>7</sup>]]. Cet édifice, dont la
structure est des plus remarquables, tient autant aux écoles
champenoise
et bourguignonne qu’à celle de l’Île-de-France. L’architecte ne
pouvait manquer d’appliquer ce système de fenestrage à la rose. Cette
chapelle, depuis les travaux entrepris dans le château sous Louis XIV, était
complètement engagée sous un enduit de plâtre. La restauration de cet
édifice ayant été confiée à l’un de nos plus habiles architectes, M. Millet,
celui-ci reconnut bien vite l’importance de la sainte Chapelle de Saint-Germain
en Laye ; il s’empressa de la débarrasser des malencontreux
embellissements qu’on lui avait fait subir, il retrouva l’arcature inférieure
en rétablissant l’ancien sol, et fit tomber le plâtrage qui masquait la
rose. Or, cette rose, une des plus belles que nous connaissions, est
inscrite dans un carré complètement ajouré. Son ensemble, tracé en A
(fig. 9), se compose de douze rayons principaux, les quatre écoinçons
étant à jour et vitrés. L’architecte a voulu prendre le plus de lumière
possible, car les piles d’angles qui portent les voûtes (voy. le plan partiel
B) font saillie sur le diamètre de la rose ; le formeret portant sur
les colonnettes ''a'' laisse entre lui et la rose l’espace ''b'', et le linteau qui
réunit la pile à l’angle de la chapelle est biaisé, ainsi que
l’indique la
ligne ponctuée ''c'', afin de dégager cette rose.
</div>
[[Image:Rose.chapelle.chateau.Saint.Germain.en.Laye.png|center]]
<div class="text" >
Pour indiquer plus clairement le tracé de la rose de la sainte Chapelle
de Saint-Germain en Laye, nous n’en donnons qu’un des quatre angles,
avec un de ses écoinçons ajourés, à l’échelle de 0<sup>m</sup>, 02 pour mètre. On
remarquera qu’ici encore, conformément aux dispositions des premières
roses, les colonnettes sont dirigées, les chapiteaux vers le centre. Les douze
rayons principaux, étrésillonnés par les cercles intermédiaires D, offrent
une résistance considérable. À leur tour, ces cercles intermédiaires sont
étrésillonnés par les arcatures F et par des colonnettes intermédiaires.
Quatre de ces colonnettes secondaires sont parfaitement butées par les
grands cercles G des écoinçons, les huit autres butent contre le châssis.
Quant aux rayons principaux E, quatre butent suivant les deux axes, et les
huit autres sont maintenus par les trèfles H qui, à leur tour, étrésillonnent
les grands cercles d’écoinçons G. L’appareil de ce réseau de pierre est
excellent, simple et résistant. En L, nous donnons la section du réseau
principal ; en M, celle des redents. L’extérieur de la rose étant en V, on
remarquera que le profil intérieur est plus plat que le profil extérieur,
afin de masquer aussi peu que possible les panneaux de vitraux par la
saillie des moulures à l’intérieur, et de produire à l’extérieur des effets
d’ombres et de lumières plus vifs. Ici, les vitraux et les armatures de fer
sont en feuillure et non plus attachés contre le parement intérieur. Nous
avons encore dans cette rose un exemple de la solidité de ces délicats
treillis de pierre lorsqu’ils sont bien combinés ; car, malgré des plâtrages,
des trous percés après coup, des mutilations nombreuses, la rose
Saint-Germain en Laye tient ; et lorsqu’il s’agira de la démasquer,
beaucoup de ces morceaux pourront être utilisés.
 
L’école de l’Île-de-France ne fit que rendre plus légères les sections
des compartiments des roses, sans modifier d’une manière notable le
système de leur composition. Mais il faut signaler les roses appartenant
à une autre école, et qui diffèrent sensiblement de celles appartenant
à
l’école de l’Île-de-France. Les exemples que nous venons de présenter
font voir que, dans la construction de ces claires-voies, les architectes employaient
autant que possible de grands morceaux de pierre,
d’épaisses
dalles découpées et des rayons étrésillonnants. Ces ensembles formaient
ainsi une armature rigide, n’offrant aucune élasticité. Ce système s’accordait
parfaitement avec la nature des matériaux donnés à cette province. Mais en Champagne, on ne possédait pas ce beau cliquart du bassin
de Paris ; les matériaux calcaires dont on disposait, étaient d’une
résistance relativement moindre, et ne pouvaient s’extraire en larges et
longs morceaux. Il fallait bâtir par assises ou par claveaux. Ces pierres
ne pouvaient s’employer en délit comme le liais ou le cliquart. Aussi
les architectes de la cathédrale de Reims adoptèrent-ils d’autres
méthodes.
Ils construisirent les réseaux des roses comme les meneaux des
fenêtres, par superposition de claveaux et embrèvement des
compartiments
dans des cercles épais, clavés comme des arcs de voûtes. Telles
sont faites les deux roses nord et sud du transsept de cette cathédrale,
qui datent de 1230 environ. La rose n’est plus fermée par un formeret
plein cintre, comme à Paris, mais s’inscrit dans un arc brisé,
projection
des arcs-doubleaux de la grande voûte ; si bien qu’au-dessus du cercle
propre de la rose, il reste un écoinçon vide (voy. fig. 2, le tracé B). La
rose de la façade occidentale de cette cathédrale, élevée plus tard, c’est-à-dire
vers 1250, est construite d’après la même donnée. Le cercle
principal
est un épais cintre composé de claveaux, dans lequel s’embrèvent
les compartiments. Ces roses étant parfaitement gravées, avec tous leurs
détails, dans l’ouvrage publié par M. Gailhabaud<span id="note8" ></span>[[#footnote8|<sup>8</sup>]], il nous paraît
inutile
de les reproduire ici. Les cercles principaux des roses du transsept
n’ont pas moins de 1<sup>m</sup>, 60 d’épaisseur, et constituent de véritables arcs
construits par claveaux. Quant aux compartiments intérieurs, formant
les châssis vitrés, ils n’ont que 0<sup>m</sup>, 24 d’épaisseur, non compris la saillie
des bases et chapiteaux des colonnettes. Les panneaux des vitraux sont
attachés au parement intérieur du réseau, comme à la rose de la façade
occidentale de Notre-Dame de Paris.
 
La rose occidentale de la cathédrale de Reims se rapproche davantage
du système de l’Île-de-France, mais le grand cercle clavé n’en existe pas
moins, et a 2<sup>m</sup>, 18 d’épaisseur, ce qui en fait un membre d’architecture
d’une grande force. Pour le réseau, son épaisseur est de 0<sup>m</sup>, 82. Ses panneaux
de vitraux sont pris en feuillure. Mais nous avons fait ressortir
ailleurs
(voy. [[../Cathédrale|Cathédrale]]) la puissance extraordinaire des moyens
employés
par les architectes de Notre-Dame de Reims. Aussi bien ces grandes
claires-voies, déjà si légères à Paris, au commencement du XIII<sup>e</sup> siècle,
sont à Notre-Dame de Reims des constructions inébranlables, épaisses et
reposant non plus sur des sections de 0<sup>m</sup>, 06 à 0<sup>m</sup>, 10 superficiels, mais
de 0<sup>m</sup>, 20 à 0<sup>m</sup>, 25. Cependant, dès les dernières années du XIII<sup>e</sup> siècle,
ces architectes champenois avaient atteint et même dépassé la limite
de la légèreté donnée aux réseaux des claires-voies dans
l’Île-de-France.
C’est qu’alors ces architectes avaient su trouver des matériaux
très-fins
et résistants, tels, par exemple, que le liais de Tonnerre, et que, profitant
des qualités particulières à ces pierres calcaires, ils donnaient aux compartiments
de leurs fenêtres, aux meneaux et aux réseaux des sections,
une ténuité qui ne fut jamais dépassée. Dans l’article [[../Construction|Construction]],
on peut se rendre compte de la légèreté extraordinaire des membres des
claires-voies champenoises, en examinant les figures relatives à l’église
Saint-Urbain de Troyes, bâtie à la fin du XIII<sup>e</sup> siècle. Mais à Reims même,
il existait une église dont nous parlons fréquemment, Saint-Nicaise,
bâtie par l’architecte Libergier, et dont l’ordonnance, la structure et les
détails étaient d’une valeur tout à fait exceptionnelle. De cette église,
démolie au commencement de ce siècle, il ne nous reste que la dalle
tumulaire de son architecte, aujourd’hui déposée dans la cathédrale ;
quelques fragments de pavages et d’ornements, des plans, un petit
nombre de dessins et une admirable gravure. Au-dessus d’un porche
très-remarquablement dessiné<span id="note9" ></span>[[#footnote9|<sup>9</sup>]], au centre de la façade occidentale, s’ouvrait une rose d’une composition toute champenoise, en ce qu’elle
formait plutôt un immense fenestrage qu’une rose proprement dite,
inscrit sous le formeret de la voûte de la nef.
 
Nous présentons (fig. 10) cette composition. L’arc A est le formeret ou
plutôt un premier arc-doubleau de la grande voûte. Le cercle qui inscrit
le réseau est indépendant de cet arc et ne s’y rattache que par les cinq
sommiers B. Le réseau est, conformément à la donnée rémoise,
indépendant
du cercle, ainsi que le fait voir la coupe en C. Pour maintenir
ce cercle, ont été posés les cercles-étrésillons D, E, F. On observera que
dans le tracé du réseau, l’arcature externe est étrésillonnée par une suite
de jambettes G, qui ne tendent plus toutes au centre, comme les rayons
des roses de la première moitié du XIII<sup>e</sup> siècle, mais qui ont une résistance
oblique, et par cela même empêchent une déformation qui s’est
produite
parfois. En effet, il arrivait, pour des roses d’un grand diamètre et
dont les membres avaient une faible section, que la déformation se produisait,
ainsi que l’indique la figure 11. Si une partie de la circonférence
de ces roses subissait une pression trop forte, par suite d’un tassement
ou d’un écartement, l’œil pivotait sur son centre et les rayons, au lieu
de tendre à ce centre, faisaient tous un mouvement de rotation à leur
pied<span id="note10" ></span>[[#footnote10|<sup>10</sup>]].
</div>
[[Image:Rose.eglise.Saint.Nicaise.Reims.png|center]]
<div class="text" >
Les accidents qui résultaient de ce mouvement n’ont pas besoin d’être
signalés ; ils compromettaient la solidité de tout l’ouvrage, en déterminant
des épaufrures et en enlevant au réseau tout son roide. Ce n’était
pas, certes, dans les roses robustes de la cathédrale de Reims que de pareils
effets pouvaient se produire. Mais Libergier avait probablement
observé ce mouvement de déformation par rotation dans des roses de
l’Île-de-France plus délicates que celles de Notre-Dame de Reims ;
voulant
atteindre et même dépasser cette délicatesse dans la structure de la
rose occidentale de Saint-Nicaise, il adopta un système qui devait éviter
ces dangers. À l’aide des étrésillons en décharge de cette rose (fig. 10), il
prévint le mouvement de rotation de l’œil. Ce fut là un progrès que l’on
ne cessa de poursuivre dans la composition des roses des XIV<sup>e</sup> et
XV<sup>e</sup> siècles.
Celles-ci, combinées dès lors d’après ce principe, furent beaucoup
moins sujettes à se déformer.
</div>
[[Image:Deformation.rose.medievale.png|center]]
<div class="text" >
Le système de la rose champenoise, composée d’un cercle puissant,
clavé, embrevant les compartiments intérieurs formés de pierre en délit,
avait cet avantage de présenter une certaine élasticité et de permettre d’éviter
les charges partielles sur ces compartiments. Mais aussi ces architectes
champenois de la fin du XIII<sup>e</sup> siècle étaient des constructeurs
très-expérimentés
et très-habiles ; et si, malheureusement, l’église de Saint-Nicaise
de Reims n’est plus là pour le démontrer, nous possédons encore
celle de Saint-Urbain de Troyes, qui est certainement la plus
merveilleuse
application du système de structure gothique.
 
Le XIV<sup>e</sup> siècle ne se montra pas aussi ingénieux dans toutes les
provinces,
mais cependant quelques maîtres tentaient de prévenir la rotation
des rayons des roses.
 
<span id="Amiens94" >À [[../Index communes A|Amiens]], par exemple, le pignon nord du transsept de la cathédrale
était, vers 1325, percé d’une grande rose dont les compartiments,
engendrés
par un pentagone, ne tendent plus au centre du cercle, mais
aux angles de ce pentagone formant œil:c’était un moyen d’éviter le
pivotement des rayons ; mais cette rose n’est pas d’une heureuse
composition. La fin du XIV<sup>e</sup> siècle et le commencement du XV<sup>e</sup> n’élevèrent
qu’un très-petit nombre d’édifices religieux en France; les guerres, les
malheurs de cette époque, donnaient d’autres soucis. Ce ne fut qu’à dater
de la fin du règne de Charles VII que les architectes se remirent à l’œuvre.
En ce qui concerne les roses, le système de Libergier paraît alors
avoir définitivement prévalu, et la rose occidentale de la sainte Chapelle
du palais, à Paris, reconstruite au XV<sup>e</sup> siècle, est évidemment une arrière-petite-fille
de celle de Saint-Nicaise de Reims. Nous donnons (fig. 12) le
douzième de cette rose, à l’échelle de 0<sup>m</sup>, 03 pour mètre.
</div>
[[Image:Rose.Sainte.Chapelle.Palais.Paris.png|center]]
<div class="text" >
Lorsqu’on jette les yeux sur ces réseaux de pierre, composés
presque
exclusivement de lignes courbes, il semble, au premier abord, que
ces mailles qui présentent un enchevêtrement des plus gracieux aux uns,
une conception maladive aux autres, suivant les goûts ou les opinions,
ne sont déterminées que par le caprice. Il n’en est rien cependant. Que
l’on ait pour l’architecture de cette époque, ou une admiration, ou un
blâme de parti pris, il faut avoir affaire à la géométrie, pour se rendre
compte de ces compositions ; or, la géométrie ne peut passer pour une
science de ''fantaisistes''.
 
Dans la rose de Saint-Nicaise, non-seulement les rayons sont
rectilignes,
mais aussi les jambettes, qui font l’office d’étrésillons obliques ;
mais en supposant un effort, une pression sur un point de la
circonférence,
ces étrésillons auraient eu besoin eux-mêmes d’être étrésillonnés
pour résister à cette pression. En observant, par exemple, la contexture
des plantes, on remarque que les réseaux qui forment les feuilles, la
pulpe de certains fruits, présentent un système cellulaire
très-résistant,
si l’on tient compte de la ténuité des filaments et de la mollesse de ces
organes. C’est un principe analogue qui dirige les maîtres dans le tracé
des roses du XV<sup>e</sup> siècle. Ils conservent quelques rayons, et remplissent les
coins laissés entre eux par une véritable arcature cellulaire, assez semblable
à celle des organes des végétaux.
 
Ainsi est tracée la rose occidentale de la sainte Chapelle du palais. Six
rayons rectilignes la divisent en six grands segments, qui sont remplis
par deux courbes principales étrésillonnées par un réseau de courbes
secondaires. Les charges ou pressions se répartissent dès lors sur l’ensemble
de l’arcature. Mais il ne faut pas croire, comme plusieurs affectent de le dire, que ces courbes sont ''capricieusement'' agencées, elles
dérivent d’un tracé géométrique très-rigoureux. Le rayon de l’œil ''ab''
ayant été tracé, la portion du grand rayon ''bc'' restant a été divisée en
trois parties égales. La ligne ''ae'' est le diamètre d’un hexagone, sur les
côtés duquel ont été posés les centres ''f'' des portions de cercle ''bg''. Sur
le côté ''ff’'' de l’hexagone a été posé le centre ''h'' de la portion de cercle
''gi'' ; du point ''h'' il a été tirée une ligne parallèle au grand rayon ''a''B ; prenant
le tiers de la portion de circonférence ''c''B, on a obtenu le point ''j''.
De ce point ''j'' on a tiré une ligne tangente à la courbe ''gi'', qui donne
l’axe sur lequel doivent se rencontrer les courbes du réseau
secondaire
du grand lobe. Sur la ligne A C parallèle au grand rayon ''a''B, on a cherché
le centre K de l’arc de cercle ''lj'', la ligne ''l''K, étant parallèle au côté
de l’hexagone. Du point K on a tiré une ligne perpendiculaire à l’axe
''j''D ; sur cette ligne a été cherché en ''n'' le centre de l’arc de cercle ''il''.
Sur cette même ligne E''m'', à une égale distance de l’axe D''j'', en ''o'', a été
posé le centre de l’arc ''mj'' ; sur cette même ligne, en ''p'', a été cherché le
centre de l’arc ''mq'' ; sur le prolongement de cette même ligne, en ''r'', a
été cherché le centre de l’arc ''m''B. Ainsi ont été tracés les principales
courbes du compartiment. Un triangle équilatéral divisé par l’axe D''j'' a
donné les centres des lobes secondaires, comme d’autres triangles équilatéraux,
dans le grand lobe supérieur, ont donné les centres des lobes
secondaires de cette partie. Les côtés de ces triangles équilatéraux ont
donné les positions des pointes des redents destinés à consolider le réseau.
Notre figure fait assez comprendre la position de ces centres sur
les côtés des triangles équilatéraux, pour qu’il ne soit pas nécessaire de
fournir des explications plus détaillées. Le profil G donne la section des
membres principaux et celle H des membres secondaires. Le tracé L, à
une plus grande échelle, fait voir comment ces membres secondaires
pénètrent dans les membres principaux. On observera que l’œil est
renforcé
extérieurement par un cercle et un redenté saillants qui lui donnent
plus d’épaisseur, et par conséquent plus de résistance, toutes les charges
aboutissant à ce cercle central. L’appareil indiqué sur notre figure fait
voir comment les morceaux de pierre sont coupés en raison des pressions
qu’ils ont à subir. Tous ces joints sont d’ailleurs coulés en plomb, comme
dans toutes les roses de quelque importance, à dater du XIII<sup>e</sup> siècle ; le
plomb formant lui-même goujon : tandis que dans les roses à rayons des
XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles, les constructeurs ont placé des goujons de fer dans les
lits, ce qui fait parfois éclater les pierres, par suite de l’oxydation. La rose
de la sainte Chapelle du palais a été taillée dans de la pierre dure de
Vernon, et n’avait subi que des altérations partielles, par suite d’un écartement
des deux tourelles formant contre-forts<span id="note11" ></span>[[#footnote11|<sup>11</sup>]].
 
Il n’était pas possible de pousser plus loin la légèreté dans ces combinaisons
de réseaux de pierre destinés à maintenir des vitraux. La science
du tracé, la précision de l’exécution, le calcul des pressions et des résistances,
avaient atteint leurs dernières limites, et les roses que l’on fit
encore au commencement du XVI<sup>e</sup> siècle sont loin de remplir au même
degré ces conditions.
 
C’est dans les provinces de l’Île-de-France et de la Champagne que les
roses ont le plus d’étendue et sont combinées avec le plus de savoir et
de goût. Cependant on ne saurait passer sous silence les belles roses de
la cathédrale de Chartres, qui datent de la première moitié du XIII<sup>e</sup> siècle,
et qui sont si remarquables par leur style et leur exécution<span id="note12" ></span>[[#footnote12|<sup>12</sup>]].
Celle de la
façade occidentale, notamment, est un véritable chef-d’œuvre, qui avait
attiré l’attention de Villard de Honnecourt, puisqu’il le donne dans son
album ; mais cette rose a été gravée dans plusieurs recueils avec assez de
soin et d’exactitude pour que nous ne croyions pas nécessaire de la reproduire
ici. Elle se recommande par une structure singulièrement robuste
et des combinaisons d’appareil d’une énergie rare. Mais la pierre
employée
(calcaire de Berchère) ne permettait pas ces délicatesses de tracés, ces fines découpures des roses de l’Île-de-France et de Champagne.
</div>
[[Image:Rose.eglise.Montreal.Yonne.png|center]]
<div class="text" >
<span id="Montreal.Yonne16" ></span>Une école du moyen âge fort remarquable, celle de Bourgogne,
semble
n’avoir admis le principe des roses qu’avec défiance. Dans cette
province,
les roses sont petites et n’apparaissent que tardivement. Cependant
la Bourgogne possède des matériaux qui se prêtent parfaitement
à ce genre de claires-voies. On voit apparaître les premières roses dans la
petite église de [[../Index communes M#Montreal.Yonne|Montréal]] (Yonne), qui date des dernières années du
XII<sup>e</sup> siècle. Celle qui s’ouvre à l’abside est remarquable par la naïveté de
sa structure. Nous en donnons le quart (fig. 13). Elle se compose de
trois zones de petites dalles découpées, de 0<sup>m</sup>, 13 d’épaisseur, formant trois
rangées de demi-cercles ajourés et chanfreinés entre les coupes. Pour
faire saisir la taille de ces morceaux de pierre, nous présentons en A l’un
de ceux de la zone intermédiaire, et en B l’un de ceux de la zone intérieure.
Ces dalles sont simplement posées sur mortier et forment trois
rangées de claveaux évidés. À l’intérieur, les chanfreins sont continus,
comme il est indiqué en ''a'', pour mieux dégager les panneaux de vitraux
pris en feuillure. La rose occidentale de la même église se compose
d’une suite de rayons formés par de très-jolies colonnettes et terminés
par une arcature ajourée. <span id=Langres>Signalons aussi les roses de la cathédrale de
[[../Index communes L#Langres|Langres]], qui, comme style, appartiennent à la Bourgogne et qui datent de
la même époque (fin du XII<sup>e</sup> siècle). Ces roses consistent simplement en
de grands redents ajourés, clavés entre eux, et réunis au centre par un
cercle de fer (fig. 14). Ces roses sont d’une très-petite dimension, et ne
peuvent être mises en parallèle avec nos grandes roses de
l’Île-de-France
datant de la même époque, comme celles de [[../Index communes B#Braisne|Braisne]], des cathédrales de
Paris, de [[../Index communes L#Laon|Laon]], de Soissons, etc.
</div>
[[Image:Rose.cathedrale.Langres.png|center]]
<div class="text" >
On peut classer parmi les roses des œils de 1 à 2 mètres de vide, qui
s’ouvrent dans des gâbles de pignons et sous les murs-tympans de
quelques
édifices de la France méridionale.
 
Le mur de l’abside carrée de la curieuse église de Royat
(Puy-de-Dôme)
est percé d’une jolie rose du XIII<sup>e</sup> siècle, à six lobes, sans réseau
intérieur. Cette rose, dont nous donnons (fig. 15) la face extérieure en A
et la coupe en B, se compose de cinq rangs de claveaux assez gauchement
appareillés. Mais l’art dû à l’école laïque du Nord ne put jamais être
admis dans les provinces méridionales autrement que comme une
importation.
On subissait l’influence de cet art, on en acceptait parfois les
formes, sans en comprendre la valeur au point de vue de la structure.
</div>
[[Image:Rose.eglise.Royat.png|center]]
<div class="text" >
Deux de ces œils provenant de la cathédrale de Paris, tracés en C et
en D, font ressortir au contraire l’importance de la structure dans la
composition de ces à-jour d’une petite surface. La rose C est percée dans
le gâble du pignon occidental, et est destinée à éclairer la charpente.
Celles D sont ouvertes dans l’étage inférieur du beffroi des tours. Ici le
dessin coïncide avec l’appareil, et donne une suite d’encorbellements
très-judicieusement combinés pour ouvrir un jour dans un parement,
sans avoir recours à des arcs.
 
En terminant cet article, il faut citer les belles roses du milieu du
XIII<sup>e</sup> siècle, de l’église abbatiale de Saint-Denis ; celle de la chapelle de
Saint-Germer, qui reproduisait très-probablement la rose primitive de la
sainte Chapelle du palais à Paris ; celle du croisillon sud de la cathédrale
de Sées, habilement restaurée par M. Ruprick Robert. <span id=Clermont.Ferrand>Parmi les roses
de la fin du XIII<sup>e</sup> siècle et du commencement du XIV<sup>e</sup>, celles du transsept
de la cathédrale de [[../Index communes C#Clermont.Ferrand|Clermont]], qui sont ajourées, compris les écoinçons
hauts et bas, comme la rose de la sainte Chapelle de Saint-Germain en
Laye<span id="note13" ></span>[[#footnote13|<sup>13</sup>]] ; celles du transsept de la cathédrale de Rouen, charmantes de
style et d’exécution.
 
L’école normande toutefois, comme l’école anglaise, fut très-avare de
roses. Dans l’architecture de ces contrées, les grandes fenêtres remplacent
habituellement les roses ouvertes dans les murs-pignons des
transsepts.
On ne voit pas que l’architecture gothique rhénane ait adopté
les grandes roses. À la cathédrale de Metz, par exemple, ce sont
d’immenses
fenestrages qui éclairent le transsept. Les roses appartiennent
donc aux écoles laïques de l’Île-de-France et de la Champagne, et
encore
voyons-nous que, dans cette dernière province, les roses sont inscrites
sous les formerets des grandes voûtes, et peuvent ainsi être considérées
comme de véritables fenêtres.
 
<br /><br />
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<span id="footnote1" >[[#note1|1]]:Voyez [[../Fenêtre|Fenêtre]], fig. 1, 2, 3 et 6.
 
<span id="footnote2" >[[#note2|2]]: Lors de la restauration, afin d’éviter les effets de l’oxydation du fer sur la pierre et de ne pas charger ce réseau de pierre, les panneaux des vitraux ont été posés sur une
armature intérieure de fer indépendante. Ainsi n’existe-t-il plus aucune chance de destruction
pour cette belle composition.
 
<span id="footnote3" >[[#note3|3]]:La construction de cet édifice dut être commencée par Agnès de [[../Index communes B#Braisne|Braisne]], femme de
Robert de Dreux, en 1180. (Voyez la ''Monogr. de St-Yved de [[../Index communes B#Braisne|Braisne]]'', par M. Stanislas
Prioux, 1859.)
 
<span id="footnote4" >[[#note4|4]]:Voyez [[../Cathédrale|Cathédrale]].
 
<span id="footnote5" >[[#note5|5]]: Cette rose sud du transsept de Notre-Dame de Paris, par suite d’un mouvement prononcé
d’écartement qui s’était produit dès les fondations, dans les deux contre-forts du
pignon (le sol sur ce point étant compressible), avait subi de telles déformations, sans que
toutefois ces déformations eussent causé une catastrophe, que le cardinal de Noailles, au
commencement du dernier siècle, entreprit de faire reconstruire à neuf ce réseau de
pierre. Mais les coupes furent si mal combinées et les matériaux d’une si médiocre qualité,
que l’ouvrage menaçait ruine en ces derniers temps ; on avait d’ailleurs refait les
écoinçons inférieurs pleins, croyant probablement que cette modification donnerait plus
de solidité à l’ouvrage, ce qui était une grande erreur, puisque ces écoinçons reposent
eux-mêmes sur une claire-voie que l’on chargeait ainsi d’un poids
inutile. Il fallut donc,
il y a quelques années, refaire cette rose. Heureusement, des fragments anciens existaient
encore, les panneaux des vitraux primitifs avaient été replacés ainsi que les armatures de
fer. Il fut donc facile de reconstituer la rose dans sa forme première (cette forme avait
été quelque peu modifiée, notamment dans la coupe des profils). Un puissant chaînage
fut posé en L et en M, pour éviter tout écartement ; les contre-forts furent consolidés. La
rose du nord n’avait pas été refaite, bien qu’elle se fût déformée par suite d’un écartement
des contre-forts ; il a suffi, pour la restaurer, de la déposer, et de refaire les morceaux
brisés sous la charge par suite de cet écartement. Mais ce qui fait ressortir la résistance
de ces grands châssis de pierre, lorsqu’ils sont bien combinés, c’est
qu’ils demeurent
entiers pendant des siècles, malgré les accidents tels que ceux que nous signalons.
 
<span id="footnote6" >[[#note6|6]]: Les pilettes principales ''h'' n’ont que 0<sup>m</sup>, 20 sur
0<sup>m</sup>, 36 de section en moyenne ; les
pilettes intermédiaires ''i'' n’ont que 0<sup>m</sup>, 10 sur 0<sup>m</sup>, 15. Elles
sont taillées dans du cliquart
de la butte Saint-Jacques. Lorsqu’on les frappe, ces pilettes résonnent comme du
métal.
 
<span id="footnote7" >[[#note7|7]]:Voyez [[../Chapelle|Chapelle]], fig. 4, 5 et 6.
 
<span id="footnote8" >[[#note8|8]]: ''L’architecture du'' V<sup>e</sup> ''au'' XVI<sup>e</sup> <i>siècle,
et les arts qui en dépendent</i>. Gide édit., t. I.
 
<span id="footnote9" >[[#note9|9]]:Voyez [[../Porche|Porche]].
 
<span id="footnote10" >[[#note10|10]]: La section des réseaux ayant beaucoup de champ (voyez celle du réseau de la rose
sud de Notre-Dame de Paris), et peu de largeur, pour laisser plus de place aux vitraux, il
est évident que si une pression s’exerçait sur un point du grand
cercle, les rayons, ne
pouvant rentrer en eux-mêmes, trouvant une résistance sur leur champ, poussaient l’œil
dans le sens le plus faible de leur section et le faisaient pivoter.
 
<span id="footnote11" >[[#note11|11]]: Voyez la ''Monographie de la sainte Chapelle du palais'', par V. Caillat, 1857.
 
<span id="footnote12" >[[#note12|12]]: Voyez la ''Monographie de la cathédrale de Chartres'', publiée par Lassus, sous les auspices
du Ministère de l’instruction publique.
 
<span id="footnote13" >[[#note13|13]]:À la cathédrale de [[../Index communes C#Clermont.Ferrand|Clermont]], les roses ajourées en carré sont ouvertes sous un formeret
donnant une courbe très-plate, ce qui produit un assez mauvais effet. Mais ce
n’est pas à [[../Index communes C#Clermont.Ferrand|Clermont]] qu’il faut aller étudier l’art du XIII<sup>e</sup>.