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<references />
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=== GARGOUILLE ===
s. f. <i>Gargolle</i>, <i>guivre</i>, <i>canon</i>, <i>lanceur</i>. Ce n'est guère
que vers le commencement du XIII<sup>e</sup> siècle que l'on plaça des chéneaux et,
par suite, des gargouilles à la chute des combles. Jusqu'alors, dans les
premiers siècles du moyen âge, l'eau des toits ou des terrasses s'égouttait
directement sur la voie publique au moyen de la saillie donnée aux
corniches (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Chéneau|Chéneau]]). À la cathédrale de Paris, du temps de Maurice
de Sully; c'est-à-dire lors de l'achèvement du chœur
</div>
[[Image:Illustration_fig1_6_29.png|center|500px]]
<div class="text">
<br>
en 1190, il n'y
avait point de chéneaux et de gargouilles; plus tard, dans le même édifice,
vers 1210 encore, les eaux des chéneaux s'écoulaient sur la saillie des
larmiers, au moyen de rigoles ménagées de distance en distance. <span id=Laon>Nous
voyons apparaître les gargouilles, vers 1220, sur certaines parties de la
cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Laon|Laon]]. Ces gargouilles sont larges, peu nombreuses,
composées
de deux assises, l'une formant rigole, l'autre recouvrement (1).
Déjà cependant ces gargouilles affectent la forme d'animaux fantastiques,
lourdement taillés, comme pour laisser voir leur structure. Bientôt les
architectes du XIII<sup>e</sup> siècle reconnurent qu'il y avait un avantage considérable
à diviser les chutes d'eau. Cela, en effet, évitait les longues pentes
dans les chéneaux et réduisait chacune des chutes à un très-mince
filet
d'eau ne pouvant nuire aux constructions inférieures. On multiplia donc
les gargouilles; en les multipliant, on put les tailler plus fines,
plus
sveltes, et les sculpteurs s'emparèrent de ces pierres saillantes pour en
faire un motif de décoration des édifices. La variété des formes donnée
aux gargouilles est prodigieuse; nous n'en connaissons pas deux pareilles
en France, et nos monuments du moyen âge en sont couverts. Beaucoup
de ces gargouilles sont des chefs-d'œuvre de sculpture; c'est tout un
monde d'animaux et de personnages composés avec une grande énergie,
vivants, taillés hardiment par des mains habiles et sûres. Ces êtres
s'attachent adroitement aux larmiers, se soudent à l'architecture et
donnent aux silhouettes des édifices un caractère particulier, marquant
leurs points saillants, accusant les têtes des contre-forts, faisant valoir les
lignes verticales. On peut juger de l'habileté des architectes et des sculpteurs
dans la combinaison et l'exécution de ces lanceurs par la difficulté
qu'on éprouve à les combiner et les faire exécuter. Dans les pastiches
modernes que l'on a faits des édifices gothiques, il est fort rare de voir
des gargouilles qui se lient heureusement à l'architecture: elles
sont ou
mal placées, ou lourdes, ou trop grêles, ou molles de forme, pauvres
d'invention, sans caractère; elles n'ont pas cet aspect réel si remarquable
dans les exemples anciens; ce sont des êtres impossibles, ridicules souvent,
des caricatures grossières dépourvues de style.
 
Certains calcaires du bassin de la Seine, comme le liais-cliquard, se
prêtaient merveilleusement à la sculpture de ces longs morceaux de pierre
en saillie sur les constructions. Il fallait, en effet, une matière assez
ferme, assez tenace pour résister, dans ces conditions, à toutes les causes
de destruction qui hâtaient leur ruine. Aussi est-ce à Paris ou dans les
contrées où l'on trouve des liais, comme à Tonnerre, par exemple, que
l'on peut recueillir encore les plus beaux exemples de gargouilles. D'ailleurs
l'école de sculpture de Paris, au moyen âge, a sur celles des
provinces voisines une supériorité incontestable, surtout en ce qui touche
à la statuaire.
</div>
[[Image:Illustration_fig2_6_30.png|center|500px]]
<div class="text">
Les gargouilles sont employées systématiquement à Paris vers 1240;
c'est à Notre-Dame que nous voyons apparaître, sur les corniches
supérieures
refaites vers 1225, des gargouilles, courtes encore, robustes, mais
taillées déjà par des mains habiles (2). Celles qui sont placées à
l'extrémité des caniveaux des arcs-boutants de la nef, et qui sont à peu près
de la même époque, sont déjà plus longues, plus sveltes, et soulagées par
des corbeaux qui ont permis de leur donner une très-grande saillie en
avant du nu des contre-forts (3).
</div>
[[Image:Illustration_fig3_6_31.png|center|500px]]
<div class="text">
À la Sainte-Chapelle du Palais à Paris, les gargouilles sont plus élancées,
plus développées: ce ne sont plus seulement des bustes d'animaux, mais
des animaux entiers attachés par leurs pattes aux larmiers supérieurs;
leurs têtes se détournent pour jeter les eaux le plus loin possible des
angles des contre-forts (4). Quelques-unes de ces gargouilles sont évidemment
sculptées par des artistes consommés.
</div>
[[Image:Illustration_fig4_6_31.png|center|500px]]
<div class="text">
Nous avons indiqué, à l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Gâble|Gâble]], comment les constructeurs
gothiques, lorsqu'ils élevaient les grandes voûtes des nefs, ménageaient,
provisoirement, des cuvettes dans les reins de ces voûtes, avec gargouilles
extérieures pour rejeter les eaux pluviales dans les caniveaux des
arcs-boutants
jusqu'à l'achèvement des combles définitifs. Ces gargouilles
provisoires devenaient définitives elles-mêmes, lorsque les chéneaux
supérieurs étaient posés, au moyen d'une conduite presque verticale,
descendant du chéneau jusqu'à ces gargouilles. <span id="Amiens77">Voici (5) une de ces
gargouilles à double fin, provenant des parties supérieures de la nef de la
cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]] (1235 environ).
</div>
[[Image:Illustration_fig5_6_32.png|center|500px]]
<div class="text">
<span id=Clermont.Ferrand>Les gargouilles sont doublées de chaque côté des contre-forts, comme
à la Sainte-Chapelle de Paris, comme autour de la salle synodale de Sens,
autour des chapelles du chœur de Notre-Dame de Paris; ou elles traversent
l'axe de ces contre-forts, comme à Saint-Nazaire de Carcassonne et dans
tant d'autres édifices des XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles, et alors elles portent sur une
console (6); ou elles sont appuyées sur la tête même de ces
contre-forts,
comme autour des chapelles du chœur de la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Clermont.Ferrand|Clermont]] (7)
(fin du XIII<sup>e</sup> siècle).
</div>
[[Image:Illustration_fig6_6_33.png|center|500px]]
<div class="text">
C'est vers ce temps que la composition des gargouilles devient plus
compliquée, que les figures humaines remplacent souvent celles
d'animaux,
ainsi qu'on le voit dans ce dernier exemple, qui nous montre un
démon ailé paraissant entraîner une petite figure nue.
</div>
[[Image:Illustration_fig7_6_33.png|center|500px]]
<div class="text">
Il existe autour des monuments de cette époque bon nombre de
gargouilles qui sont de véritables morceaux de statuaire. L'église Saint-Urbain de Troyes porte, au sommet des contre-forts de l'abside, des
gargouilles fort remarquables; nous donnons l'une d'elles (8).
</div>
[[Image:Illustration_fig8_6_34.png|center|500px]]
<div class="text">
Pendant le XIV<sup>e</sup> siècle, les gargouilles sont généralement longues, déjà
grêles et souvent chargées de détails; au XV<sup>e</sup> siècle, elles s'amaigrissent
encore et prennent un caractère d'étrange férocité. Bien que les détails
en soient fins et souvent trop nombreux, cependant leur masse conserve
une allure franche, d'une silhouette énergique; les pattes, les ailes des
animaux sont bien attachées, les têtes étudiées avec soin (9 et 9 bis). Ces
parties importantes de la sculpture du moyen âge ont toujours été traitées
par des mains exercées; elles conservent très-tard leur caractère original,
et encore, aux premiers temps de la Renaissance, on voit, sur les édifices,
des gargouilles qui conservent le style du XV<sup>e</sup> siècle. Ce n'est que pendant
la seconde moitié du XVI<sup>e</sup> siècle que les sculpteurs repoussent absolument
les anciennes formes données aux lanceurs, pour adopter des figures de
chimères rappelant certaines figures antiques, ou des consoles, ou de
simples tuyaux de pierre en forme de canons.
</div>
[[Image:Illustration_fig9_6_34.png|center|500px]]
<div class="text">
Pendant le moyen âge on n'a pas toujours sculpté les gargouilles;
</div>
[[Image:Illustration_fig9b_6_35.png|center|500px]]
 
[[Image:Illustration_fig10_6_35.png|center|500px]]
<div class="text">
<br>
quelquefois, dans les endroits qui n'étaient pas exposés à la vue, les
gargouilles sont seulement épannelées. Il en est un grand nom
cette sorte qui affectent une forme très-simple (10)<span id="note1"></span>[[#footnote1|<sup>1</sup>]]. Les
gargouilles sont
fréquentes dans l'Île-de-France, dans la Champagne et sur les bords
basse Loire; elles sont rares en Bourgogne, dans le centre et le midi
de
la France; ou si l'on en trouve dans les monuments d'outre-Loire,
c'est
qu'elles tiennent à des édifices élevés aux XIII<sup>e</sup>, XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles, par des
architectes du Nord, comme la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Clermont.Ferrand|Clermont]], celle de Limoges,
celle de Carcassonne (Saint-Nazaire), celle de Narbonne. Là où les matériaux
durs sont peu communs, comme en Normandie, par exemple, les
gargouilles sont courtes, rarement sculptées, ou manquent absolument,
les eaux s'égouttant des toits sans chéneaux.
</div>
[[Image:Illustration_fig11_6_36.png|center|500px]]
<div class="text">
Les chéneaux en plomb, posés sur les édifices civils ou religieux,
portaient aussi leurs gargouilles de métal. Nous en possédons fort peu
aujourd'hui de ce genre d'une époque antérieure au XVI<sup>e</sup> siècle. En voici
une (11) qui se voit à l'angle d'une maison de Vitré; elle date du XV<sup>e</sup> siècle
et est faite en plomb repoussé (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Plomberie|Plomberie ]]). Nous ne connaissons pas
de gargouilles du moyen âge en terre cuite. Dans les édifices en brique,
les gargouilles sont en pierre, ainsi qu'on peut le voir aux Jacobins de
Toulouse, au collège Saint-Rémond, et dans beaucoup d'autres édifices
anciens de la même ville.
 
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<span id="footnote1">[[#note1|1]] : Notre-Dame de Paris.
 
[[en:Dictionary of French Architecture from the 11th to 16th Century/Volume 6/Gargoyle]]