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=== FLEURON ===
s. m. Épanouissement végétal qui termine certains membres
de l'architecture gothique, tels que pinacles, pignons, dais, redents, etc.
Le fleuron n'apparaît dans l'architecture qu'au XII<sup>e</sup> siècle,
c'est-à-dire au
moment où l'école laïque va chercher l'ornementation de ses édifices
dans la flore des campagnes. Dès l'antiquité grecque, on amortissait les
combles de certains édifices au moyen d'une décoration végétale, ainsi
qu'on peut le reconnaître en examinant le monument choragique de
Lysicrates à Athènes. Bien que, dans ce cas, l'amortissement fut probablement
destiné à porter le trépied qui rappelait la victoire de Lysicrates
sur ses rivaux, ce n'en est pas moins un couronnement emprunté au règne
végétal. La célèbre pomme de pin en bronze qui se voit dans les jardins
du Vatican est un véritable fleuron terminant un grand monument antique.
L'idée n'est donc pas neuve, et, en cela comme en beaucoup d'autres
choses, les architectes gothiques ont suivi une tradition fort ancienne
qui leur avait été transmise par les maîtres de l'école romane.
</div>
[[Image:Fleuron.cathedrale.Chartres.png|center]]
<div class="text">
Mais ce qui est neuf, ce qui appartient à ces architectes gothiques, c'est
le caractère particulier qu'ils ont su donner à ces amortissements, c'est
leur physionomie franchement végétale. On voit apparaître les fleurons
bien caractérisés aux sommets des pinacles et lucarnes du clocher vieux
de la cathédrale de Chartres (milieu du XII<sup>e</sup> siècle); du moins ce sont les
plus anciens qui nous soient restés. Quoique détériorés par le temps, ces
fleurons laissent voir leur forme primitive. Ils sortent brusquement de
l'extrémité des arêtes d'angles de ces pinacles, sans bagues intermédiaires;
ils présentent (1) une réunion de jeunes feuilles, de bourgeons, terminés
par des têtes humaines. La sculpture est large, grasse, comme il convient
à une pareille élévation. Tout l'ornement est pris dans une seule pierre
de plus de 1<sup>m</sup>,00 de hauteur.
</div>
[[Image:Fleurons.cathedrale.Paris.png|center]]
<div class="text">
Cependant l'étude des végétaux conduit bientôt les architectes à
chercher
dans les divers membres des plantes ceux qui se prêtent le mieux à
cette forme de couronnement; ils observent que les pistils des fleurs, par
exemple, donnent souvent un ornement régulier, parfaitement propre à
terminer un sommet; ils voient que ces pistils sont habituellement accompagnés
d'un collet et d'appendices. Ils interprètent donc, sans trop chercher à imiter servilement la nature, ces formes végétales; ils en saisissent
le caractère puissant, vivace, et composent des fleurons comme
celui-ci
(2), qui date des dernières années du XII<sup>e</sup> siècle et provient des gâbles
inférieurs des contre-forts de la cathédrale de Paris (côté nord).
Cette
forme simple ne leur paraît pas présenter une silhouette assez découpée,
ces artistes recourent encore à la nature, et ils ouvrent davantage les
folioles qui accompagnent le pistil (3)<span id="note1"></span>[[#footnote1|<sup>1</sup>]], de manière à obtenir un épanouissement;
ou bien encore, un peu plus tard (vers 1220), ils recherchent
l'imitation des bourgeons (4)<span id="note2"></span>[[#footnote2|<sup>2</sup>]]; ils les dissèquent, ils en enlèvent certaines
parties, comme l'indique cette couronne A de pétioles coupés, pour
dégager la tige principale B; puis
</div>
[[Image:Fleuron.XIIIe.siecle.png|center]]
<div class="text">
<br>
ils commencent à mêler à cette végétation des formes géométriques, des profils C d'architecture sans la bague
imitée d'un fruit. Tout en étudiant avec soin les végétaux, les sculpteurs
du commencement du XIII<sup>e</sup> siècle ne les copient pas servilement; ils les
soumettent aux dispositions monumentales, à l'échelle de l'architecture.
De l'imitation du pistil des fleurs, des graines, des bourgeons, ils arrivent
bientôt à l'imitation de la feuille développée, mais en soumettant
toujours
cette imitation aux données décoratives qui conviennent à la sculpture
sur pierre (5)<span id="note3"></span>[[#footnote3|<sup>3</sup>]]. Ils savent allier la pondération des masses à la liberté du
végétal.
</div>
[[Image:Fleuron.XIIIe.siecle.2.png|center]]
<div class="text">
Les tiges des fleurons présentent, à dater du commencement du
XIII<sup>e</sup> siècle, des sections carrées ou octogones; ces tiges se divisent toujours
en quatre membres de feuillages à un seul étage, avec bouton
supérieur, ou à deux étages. Dans ce dernier cas, les feuilles du deuxième
rang alternent avec celles du premier, de manière à contrarier les lignes
de fuite produites par la perspective, à donner plus de mouvement et plus
d'effet à ces amortissements décoratifs, ainsi que l'indique la fig. 6, et à
redresser par l'appositlon des ombres et des lumières la ligne verticale.
Souvent les épanouissements des fleurons ne sont autre chose que des
<i>crochets</i>, comme ceux qui accompagnent les rampants des gâbles ou des
pinacles (7)<span id="note4"></span>[[#footnote4|<sup>4</sup>]].
</div>
[[Image:Fleuron.XIIIe.siecle.3.png|center]]
 
[[Image:Fleuron.XIIIe.siecle.4.png|center]]
<div class="text">
C'est vers le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle que les fleurons, d'une grande
dimension, portent deux rangs de feuilles. Tous les membres de
l'architecture
tendant à s'élever, à faire dominer la ligne verticale, il fallait
donner une importance de plus en plus considérable à ces couronnements
des parties aiguës des édifices. L'imitation des végétaux devenait plus
scrupuleuse, plus fine, mais aussi moins monumentale. Cette végétation
ne tenait point à la pierre, elle était comme une superposition; ce n'était
plus la pierre elle-même qui s'épanouissait, mais bien des feuillages
entourant un noyau d'une forme géométrique
</div>
[[Image:Fleuron.XIIIe.siecle.5.png|center]]
<div class="text">
<br>
(8)<span id="note5"></span>[[#footnote5|<sup>5</sup>]]. Ce que l'on ne saurait trop admirer dans ces amortissements de gâbles, de pinacles, c'est leur
juste proportion par rapport aux membres de l'architecture qu'ils
couronnent.
Il y a une aisance, une grâce, une finesse de contour, une
fermeté dans ces terminaisons, bien difficiles à reproduire pour nous,
habitués que nous sommes à l'ornementation sèche et banale des temps
modernes. Ou, par suite d'une fausse interprétation de la sculpture
antique, nous penchons vers l'ornementation de convention, symétrique,
morte, fossile, copiée sur des copies; ou nous nous lançons dans le
domaine du caprice, de la fantaisie, parce qu'il y a un siècle des artistes
possédant plus de verve que de goût nous ont ouvert cette voie
dangereuse.
Autant la fantaisie est séduisante parfois, lorsqu'elle arrive
naturellement,
qu'elle est une boutade de l'esprit, autant elle fatigue si on la
cherche. Les ornements que nous fournit cet article (ornements d'une
importance singulière, puisqu'ils servent de terminaison aux parties
dominantes des édifices) ne sont point le résultat d'un caprice, mais bien
de l'étude attentive et fine des végétaux. Il y a une flore gothique qui a
ses lois, son harmonie, sa raison d'exister pour ainsi dire, comme la flore
naturelle; on la retrouve dans les bandeaux, dans les chapiteaux, et
surtout dans ces fleurons de couronnements, si visibles, se détachant
souvent sur le ciel, dont le galbe, le modelé, l'allure, peuvent gâter un
monument ou lui donner un aspect attrayant. La variété des fleurons du
XIII<sup>e</sup> siècle est infinie, car, bien que nos édifices de cette époque en soient
couverts, on n'en connaît pas deux qui aient été sculptés sur un même
modèle. Aussi n'en pouvons-nous présenter à nos lecteurs qu'un
très-petit
nombre, en choisissant ceux qui se distinguent par des dispositions
particulières ou par une grande perfection d'exécution.
 
Dans les édifices de l'Île-de-France et de la Champagne, ces fleurons
sont incomparablement plus beaux et variés que dans les autres provinces;
ils sont aussi mieux proportionnés, plus largement composés et exécutés.
Ceux, en grand nombre, qu'on voit encore autour de la cathédrale de
Paris, ceux du tombeau de Dagobert à Saint-Denis, ceux de l'église de
Poissy (9) qui terminent les arcs-boutants du chœur, ceux de la cathédrale
de Reims (nous parlons des anciens), sont, la plupart, d'un bon style et
exécutés de main de maître.
</div>
[[Image:Fleuron.eglise.Poissy.png|center]]
<div class="text">
Autour des balustrades supérieures de Notre-Dame de Paris, on peut
voir des fleurons, à base carrée, terminant les pilastres, qui sont d'une
largeur de style incomparable (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Balustrade|Balustrade]], fig. 10).
Ceux de la balustrade
extérieure de la galerie du chœur, dont nous avons recueilli des
débris, avaient un caractère de puissance et d'énergie qu'on ne trouve
exprimé au même degré dans aucun autre monument de cette époque
(commencement du XIII<sup>e</sup> siècle) (10).
</div>
[[Image:Fleuron.Notre.Dame.Paris.png|center]]
<div class="text">
Vers la fin du XIII<sup>e</sup> siècle, ces ornements deviennent plus refouillés,
imitent servilement la flore, puis ils adoptent des formes toutes particulières
empruntées aux excroissances de la feuille de chêne (noix de galle),
aux feuilles d'eau. Cette transition est sensible dans l'église de Saint-Urbain
de Troyes, élevée pendant les dernières années du XIII<sup>e</sup> siècle. Les
grands fleurons à trois rangs de feuilles qui terminent les gâbles des
fenêtres sont sculptés avec une hardiesse, une désinvolture qui atteignent
l'exagération (11).
</div>
[[Image:Fleuron.eglise.Saint.Urbain.Troyes.png|center]]
<div class="text">
Pendant le XIV<sup>e</sup> siècle, les fleurons ne sont composés,
habituellement,
que de la réunion de quatre ou huit crochets, suivant les formes
données alors à cet ornement. La décoration, à cette époque, devient
monotone comme les lignes de l'architecture. Cependant ces fleurons
sont sculptés avec une verve et un entrain remarquables (12). <span id="Amiens72">On voit
d'assez beaux fleurons à la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]], autour de celle de Paris,
à Saint-Ouen de Rouen, à Saint-Étienne d'Auxerre, à la cathédrale de
Clermont, à Saint-Just de Narbonne et à Saint-Nazaire de Carcassonne;
mais le grand défaut de la sculpture du XIV<sup>e</sup> siècle, c'est le manque de
variété, et ce défaut est particulièrement choquant lorsqu'il s'agit de
couronnements qui se voient tous à peu près dans les mêmes conditions.
</div>
[[Image:Fleuron.XIVe.siecle.png|center]]
<div class="text">
Au XV<sup>e</sup> siècle, les fleurons qui terminent les pinacles ou les gâbles sont
souvent dépouillés de feuillages, ce sont de simples amortissements de
formes géométriques dans le genre de la fig. 13. Cependant si l'édifice
est très-richement sculpté, comme, par exemple, le tour du chœur de
l'église abbatiale d'Eu, ces amortissements se revêtent de feuilles d'eau ou
plutôt d'un ornement qui ressemble assez à des algues marines (14). Vers
1500, les fleurons ne sont autre chose que la réunion des crochets des
rampants de gâbles ou de pinacles, et finissent par une longue tige
prismatique (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Crochet|Crochet]],
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Fenêtre|Fenêtre]], fig. 42; [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Gâble|Gâble]],
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Pinacle|Pinacle ]]).
</div>
[[Image:Fleuron.XVe.siecle.png|center]]
 
[[Image:Fleuron.XVe.siecle.2.png|center]]
<div class="text">
On donne aussi le nom de <i>fleurons</i> à des épanouissements de feuilles
qui terminent des <i>[[dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8, Redent|redents]]</i> (voy. ce mot).
 
Que les fleurons de couronnement appartiennent au XIII<sup>e</sup> ou au XV<sup>e</sup> siècle,
ils sont toujours bien plantés, fièrement galbés, en rapports parfaits de
proportion avec les parties de l'architecture qu'ils surmontent. Les architectes
gothiques savaient couronner leurs édifices. Notre attention doit
d'autant plus se porter sur ces qualités, qu'aujourd'hui la plupart de nos
monuments modernes pèchent évidemment par le défaut contraire. L'ère
classique, qui finit, regardait les couronnements comme une superfétation
de mauvais goût. Les Grecs et les Romains ne manquaient pas cependant
de terminer les parties supérieures de leurs édifices par des ornements
en pierre, en marbre ou en métal, qui se découpaient sur le ciel; mais
les exemples n'existant plus en place, il était convenu que l'architecture
antique se passait de ces accessoires. C'était un moyen d'éluder la difficulté.
Peu à peu cependant les études archéologiques, l'inspection de
fragments épars, de médailles, ont fait reconnaître que les anciens étaient
loin de se priver de ces ressources décoratives; on chercha donc timidement
et un peu au hasard à rompre les lignes sèches et froides de nos
palais, de nos édifices publics: or, lorsqu'il s'agit de silhouettes, ce qu'il
faut, ce sont des tracés hardis, un coup d'œil sûr, l'expérience de l'effet
perspectif, l'observation du jeu des ombres. Cette expérience, il nous faut
l'acquérir, car nous l'avons absolument perdue.
 
<br><br>
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<span id="footnote1">[[#note1|1]] : Des gâbles de contre-forts des tours de la cathédrale de Paris.
 
<span id="footnote2">[[#note2|2]] : De la façade de l'église abbatiale de Vézelay.
 
<span id="footnote3">[[#note3|3]] : De la cathédrale de Troyes (1225 environ).
 
<span id="footnote4">[[#note4|4]] : De la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]]; façade (1230 environ).
 
<span id="footnote5">[[#note5|5]] : Du portail du nord de la cathédrale de Paris (1260).
 
[[en:Dictionary of French Architecture from the 11th to 16th Century/Volume 5/Floret]]