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<references />
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=== CLOTURE ===
s. f. <i>Coulture</i>, <i>chancel</i>, <i>canchel</i>, <i>chaingle</i>. Obstacle de pierre
ou de bois entourant des champs, des constructions publiques ou particulières,
ou encore certaine partie d'un édifice. Nous diviserons cet article
en: 1° clôtures extérieures de villes ou bourgs; 2° clôtures de propriétés
particulières; 3° clôtures du chœur des églises.
 
 
==== CLÔTURES DE VILLES ====
Pendant le moyen âge, la construction, l'entretien
et la garde des clôtures des cités étaient habituellement à la charge des
habitants; mais cependant, lorsqu'un seigneur prétendait avoir des droits
féodaux sur une ville ou portion de ville, il faisait établir une clôture à
ses dépens; alors tout l'espace compris dans cette clôture était sous sa
juridiction: Guillaume le Breton et Rigord assurent que
Philippe-Auguste
acheta tous les terrains dont il avait besoin pour élever la clôture de Paris;
aussi, dans les chartes de son temps, ces clôtures sont-elles appelées <i>Muri</i>
<i>Regis</i>. «Outre cela, dit Sauval<span id="note1"></span>[[#footnote1|<sup>1</sup>]], dans un arrêt de 1261, le Parlement
nomme les murailles de la porte Saint-Marceau <i>Muri Regis</i>. En un
mot, c'est le nom que les murs de Paris prennent en 1273, 1280 et
1299, dans deux accords entre le roi et saint Merry, l'autre entre
Philippe le Hardy et saint Éloi; et dans la permission donnée aux
Templiers de bâtir à la porte du Chaume. Au reste, ajoute-t-il, après que
Philippe-Auguste eut achevé ses murailles, il prétendit être seigneur
des terres et des lieux qu'elles embrassoient, et pour cela, dans
l'Université,
il voulut d'abord ôter à l'abbé et aux religieux de Saint-Germain
la justice des lieux et leur juridiction qu'il venoit de renfermer; il en
usa de même dans la ville à l'égard de l'évêque de Paris pour la
seigneurie tant du bourg vieux et nouveau de Saint-Germain que de la
coulture nouvelle et vieille, c'est-à-dire des quartiers de
Saint-Germain-l'Auxerrois,
de Saint-Honoré et de Saint-Eustache, qu'il avoit encore
compris dans ses murs... Depuis Philippe-Auguste, les murailles et
les fortifications se sont toujours faites aux dépens des Parisiens. Les
successeurs de ce prince les ont données au prévôt des marchands et
échevins; ils leur en ont confié la garde, la visite, la conduite, et
le soin de les réparer, rétablir et changer...»
 
Les seigneurs laïques, les évêques et les abbés, réunis souvent dans une
même ville, avaient chacun des droits féodaux s'étendant sur certaines
portions de la cité; ces droits étaient circonscrits dans des enceintes particulières,
désignées sous les noms de «coulture de l'évêque, coulture du
comte, coulture de l'abbaye». Les habitants possédant des propriétés en
dehors de ces clôtures avaient aussi leur clôture, les remparts de la ville
élevés et entretenus à leurs dépens. On comprend combien une pareille
division devait amener de conflits. À Reims, par exemple, dans l'enceinte
de la ville, il y avait la clôture du seigneur séculier qui tenait le château,
la clôture de l'archevêque, celle du chapitre de la cathédrale et celle de
l'abbaye de Saint-Remy. Quelquefois une rue étroite séparait deux clôtures,
et on se battait de muraille à muraille, à quelques mètres de distance.
 
En campagne, les armées entouraient leurs campements de clôtures,
conformément à la tradition romaine:
</div>
<center>
«Entour son ost fist li Rois faire<br>
Fossés parfons jusqu'à deus paire,<br>
Et i fist faire quatre entrées<br>
De barbacanes bien fremées;<br>
A cascune mist de ses gens<br>
Pour bien garder dusqu'à deus cens<span id="note2"></span>[[#footnote2|<sup>2</sup>]]»<br>
</center>
<div class="text">
Quelquefois les clôtures en bois étaient mobiles, pouvaient être démontées par parties, et transportées avec l'armée lorsqu'elle changeait de campement.
 
 
==== CLÔTURES DE PROPRIÉTÉS ====
<span id="Argenteuil"></span>Grégoire de Tours rapporte<span id="note3"></span>[[#footnote3|<sup>3</sup>]] qu'un homme
avait élevé un oratoire à saint Martin avec des branches entrelacées, et
qu'il s'était établi avec sa femme dans cet asile, qui n'était réellement
qu'une clôture faite de claies.
 
Pendant le moyen âge, comme de nos jours, on entourait les jardins,
les vergers, les prairies, de clayonnages ou de palissades:
</div>
<center>
«. . . . . . . .<br>
Sa meson sist joste un plessié (bois taillis)<br>
Qui estoit richement garnie<br>
De tot le bien que terre crie,<br>
Si con de vaches et de bués (bœufs),<br>
De brebiz et de lait et d'ués (œufs),<br>
D'unes et d'autres norriçons<br>
De gelines et de chapons,<br>
De ce i avoit à plenté.<br>
Or aura-il sa volenté<br>
Renart s'il puet entrer dedenz;<br>
Mès je cuit et croi par mes dens<br>
Qu'il fera par de fors sejor,<br>
Que clos estoit trestot entor<br>
Et li jardins et la mesons<br>
Di pïex agus et gros et lons<span id="note4"></span>[[#footnote4|<sup>4</sup>]].»<br>
</center>
<div class="text">
Les palissades se composaient, si l'on s'en rapporte aux vignettes des
manuscrits, de pieux aigus enfoncés en terre, à claire-voie, reliés entre
eux par des branches souples à leur pied et près du sommet, ainsi que
l'indique la fig. 1.
</div>
[[Image:Cloture.pieux.png|center]]
<div class="text">
Les clayonnages souvent figurés dans les manuscrits des XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles
paraissent être exécutés avec un soin particulier, formés souvent de
bois refendu (mairrain) et de branches d'arbres s'entrelaçant en lozanges (2). De distance en distance, des branches A, prenant pied à une certaine
distance du clayonnage et s'y reliant, l'étayent et le maintiennent dans
son plan vertical. D'autres clôtures, plus simples, se composent de perches
posées horizontalement sur de petits chevalets rustiques
très-adroitement
combinés, ainsi que l'indique la fig. 2 bis. Ces sortes de clôtures étaient
surtout employées pour parquer les troupeaux; en enlevant les perches
horizontales, les bêtes se trouvaient libres. On trouve encore dans les pays
de montagne, et particulièrement dans le Tyrol qui a conservé la plupart
des usages du moyen âge, des clôtures de champs très-industrieusement
travaillées, solides à l'aide des combinaisons les plus simples.
</div>
[[Image:Cloture.branches.png|center]]
 
[[Image:Cloture.perches.et.chevalets.png|center]]
<div class="text">
Les rois, de riches seigneurs ou des abbés, les prieurs faisaient quelquefois
clore leurs jardins et leurs vergers de murs en pierre.
Philippe-Auguste
fit «clorre, dit Corrozet<span id="note5"></span>[[#footnote5|<sup>5</sup>]], le parc du bois de Vincennes de
hautes murailles, et y mit la sauvagine que le roy d'Angleterre luy
envoya.» Il nous est resté des fragments de belles clôtures de jardins
d'abbayes. Ces clôtures sont bâties en pierre de taille, avec échauguettes
aux angles pour surveiller les flancs des murailles;
</div>
[[Image:Cloture.abbaye.Marmoustier.png|center]]
<div class="text">
<br>
quelquefois même elles sont crénelées à leur sommet. L'usage d'entourer les monastères et
leurs dépendances par des clôtures est fort ancien. Frodoard rapporte que
Séulphe, archevêque de Reims, «fit entourer d'un mur le monastère de
Saint-Remi avec les églises et les maisons adjacentes, et y établit un
château-fort<span id="note6"></span>[[#footnote6|<sup>6</sup>]].» Il existe encore des portions de la clôture du parc de
l'abbaye de Marmoustier près Tours qui sont fort belles et bien construites.
Cette clôture se composait d'un mur renforcé de distance en distance de
contre-forts intérieurs et extérieurs donnant en plan la fig. 3 et en élévation
perspective la fig. 4. Elle était élevée de cinq à six mètres
au-dessus
du sol; mais ici le crénelage ne pouvait être utilisé qu'autant qu'on eût
établi à l'intérieur un chemin de ronde en bois, ce qu'en temps de guerre
on pouvait faire. La clôture du prieuré de Sainte-Marie d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Argenteuil|Argenteuil]] nous
est conservée dans une gravure du dernier siècle<span id="note7"></span>[[#footnote7|<sup>7</sup>]]. Nous en reproduisons
ici une portion (5) donnant un angle et le milieu d'un des côtés avec
échauguettes flanquantes. À l'intérieur, ces clôtures abritaient des arbres
fruitiers disposés en espaliers, et beaucoup de maisons religieuses étaient
renommées pour la bonté de leurs fruits dont elles tiraient un profit assez
considérable.
</div>
[[Image:Cloture.abbaye.Marmoustier.2.png|center]]
<div class="text">
Autour des manoirs ou des maisons de campagne de simples bourgeois,
des haies vives servaient seules de clôtures, et elles étaient entretenues
avec grand soin. La culture et l'élagage des haies des maisons seigneuriales
étaient à la charge des bordiers.
</div>
[[Image:Cloture.prieure.Argenteuil.png|center]]
<div class="text">
==== CLÔTURES DISPOSÉES DANS L'INTÉRIEUR DES ÉGLISES MONASTIQUES ====
Il ne reste aujourd'hui nulle trace des clôtures nombreuses qui divisaient à l'intérieur
les églises monastiques. Pendant les premiers siècles du moyen âge, des
clôtures étaient disposées autour de chaque autel. Frodoard<span id="note8"></span>[[#footnote8|<sup>8</sup>]] parle de
l'autel que l'archevêque de Reims Hérivée «éleva et consacra au milieu
du chœur de la cathédrale en l'honneur de la sainte Trinité, et qu'il
entoura de tables revêtues de lames d'argent». Dès le XII<sup>e</sup> siècle, il paraîtrait
que les nombreuses clôtures qui divisaient l'intérieur des églises furent
supprimées pour laisser, probablement, plus de place aux fidèles; car, à
dater de cette époque, les textes et les monuments n'indiquent plus guère
que les clôtures des chœurs et celles des sanctuaires.
 
Le plan de l'abbaye de Saint-Gall<span id="note9"></span>[[#footnote9|<sup>9</sup>]], si curieux à consulter lorsque l'on
veut prendre une idée de ce qu'était, au IX<sup>e</sup> siècle, un grand établissement
monastique, nous fait voir dans l'église un grand nombre de clôtures
disposées de telle façon que l'espace réservé aux fidèles devait être fort
restreint, à moins que ceux-ci ne fussent appelés dans l'église à l'occasion
d'une cérémonie particulière, auquel cas ils devaient être admis à l'intérieur
de plusieurs de ces clôtures. Les mœurs religieuses se sont évidemment
successivement modifiées depuis cette époque reculée. Alors les
diverses parties des églises n'étaient point ouvertes tout le jour comme
elles le sont aujourd'hui en France, et les fidèles qui voulaient faire une
prière dans la maison du Seigneur ne pouvaient circuler partout; ils se
tenaient près de l'entrée dans un espace assez restreint. Déjà, au XII<sup>e</sup> siècle,
les religieux réguliers avaient senti le besoin de modifier cet état de
choses au milieu de populations dont la dévotion moins ardente avait
besoin d'être soutenue par le spectacle de grandes pompes religieuses.
Vers le milieu de ce siècle, les évêques, voulant reprendre l'importance
que les grandes abbayes leur avaient fait perdre, élevèrent, sur presque
toute la surface de la France, de vastes cathédrales dont les dispositions
intérieures contrastaient avec celles des églises monastiques en ce qu'elles
laissaient au contraire des espaces considérables à la foule, et que les
cérémonies du culte, faites à un autel unique, découvert de toutes parts,
pouvaient être vues par un grand nombre d'assistants (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Cathédrale|Cathédrale]],
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Chœur|Chœur]]). Cette observation, qui nous est suggérée par une étude attentive
des dispositions intérieures des églises du moyen âge, et à laquelle nous
attachons une certaine importance puisqu'elle nous explique en partie
le mouvement prodigieux qui fit reconstruire les cathédrales sur de vastes
plans, à la fin du XII<sup>e</sup> siècle et au commencement du XIII<sup>e</sup>, ne saurait s'appuyer
sur un monument plus ancien et plus authentique que celui dont
nous venons de parler, le plan manuscrit de l'abbaye de Saint-Gall.
L'église comprise dans ce plan est, comme les églises rhénanes, à deux
absides, l'une à l'occident, l'autre à l'orient.
</div>
[[Image:Plan.abbaye.Saint.Gall.2.png|center]]
<div class="text">
En voici (6) une copie réduite. Les fidèles entrent par l'abside occidentale,
pourvue d'un double bas-côté AA. Ils sont arrêtés par la clôture qui
entoure l'autel dédié à saint Pierre et par des barrières B,B donnant
entrée dans les deux ailes de la nef C,C. Un exèdre, ou banc circulaire
pour les religieux, entoure l'autel de Saint-Pierre E, élevé de deux degrés.
Un premier chœur clôturé est établi en F; puis on trouve une seconde
clôture entourant les fonts baptismaux G, à l'orient desquels est un autel
dédié à saint Jean l'Évangéliste. Vers le milieu de la nef s'élève en H un
troisième autel dédié au saint Sauveur et surmonté d'un grand crucifix;
cet autel est clôturé. Puis vient le grand chœur divisé en plusieurs parties<span id="note10"></span>[[#footnote10|<sup>10</sup>]];
la première contient l'ambon I pour la lecture des évangiles. Deux
autres petits ambons K précèdent la seconde clôture du chœur réservée
aux offices de nuit. Dans l'axe, à l'extrémité orientale de cette seconde
clôture, est la descente à la Confession ou crypte, contenant les restes du
saint; deux petits autels sont disposés en LL des deux côtés de cette descente.
Sept marches M montent au sanctuaire à droite et à gauche de
l'entrée de la crypte. Deux autres descentes donnent accès dans cette
crypte en NN. L'autel principal O, dédié à la Vierge et à Saint-Gall, est
entouré d'une galerie désignée sur le dessin par ces mots «<i>Involutio
arcuum</i>». Cette galerie paraît être une clôture double, derrière laquelle
s'ouvre l'abside orientale, dont l'autel P est dédié à saint Paul et est
entouré d'un exèdre et par conséquent d'une clôture. Dans les deux
transsepts RR sont deux autels dédiés à saint André et à saint Jacques et
saint Philippe, autels qui ont leur clôture. Chaque travée des
bas-côtés est
pourvue d'un autel orienté avec clôtures divisant ces travées en chapelles.
Il est facile de se rendre compte, en examinant ce plan, pourquoi le peuple
ne pouvait circuler librement à travers tous ces obstacles, et comment
l'église était tout entière réservée aux divers services religieux, c'est-à-dire
presque uniquement occupée par les moines. Ce sont ces dispositions que
les abbés cherchèrent à modifier plus tard, ainsi qu'il apparaît en étudiant
les plans des églises des ordres de Cluny et de Cîteaux, et que les évêques
français des XII<sup>e</sup> et XIII<sup>e</sup> siècles abandonnèrent absolument dans la construction
de leurs nouvelles cathédrales par les motifs déduits ci-dessus.
Ce mouvement du haut clergé français ne fut pas suivi également dans
tout l'Occident, et les cathédrales allemandes ou rhénanes conservent
encore certaines dispositions qui rappellent les clôtures des édifices
monastiques carlovingiens. <span id=Bamberg>C'est ainsi que les cathédrales de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Bamberg|Bamberg]] et
de Trèves, pourvues de deux absides opposées comme toutes les cathédrales
rhénanes, ont conservé encore des clôtures des XI<sup>e</sup> et XII<sup>e</sup> siècles,
en pierre, richement sculptées; elles nous indiquent quelle était la forme
et la décoration des clôtures d'églises abbatiales. À défaut de monuments
analogues existant en France, on peut recourir aux monuments que nous
venons de citer. Celle du chœur oriental de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Bamberg|Bamberg]] se compose, entre
chaque pile du sanctuaire, d'un mur élevé, dans le soubassement duquel
sont percés des arcs qui éclairent la crypte. Une arcature forme la décoration
principale à l'extérieur, et sous chaque arcade sont sculptées deux
figures d'apôtres de 1<sup>m</sup>,10 de hauteur environ, d'un grand style quoique
déjà maniéré. Ces apôtres semblent discuter entre eux; ils ont tous un
phylactère déroulé dans la main. Toute cette décoration était peinte et les
colonnes dorées. Il est regrettable que nous n'ayons conservé en France
aucune clôture de cette époque, car il n'est pas douteux que ces monuments
intérieurs dussent être fort beaux et traités avec un grand soin. Il
ne nous reste plus, dans quelques églises monastiques, que des clôtures
en fer d'une époque plus récente, c'est-à-dire exécutées lorsque les abbés
voulurent laisser voir le chœur de leurs églises. Il y avait, dans l'église de
Saint-Denis de l'abbé Suger, de très-belles clôtures en fer forgé dont il
existe encore quelques fragments, et nous voyons encore autour du sanctuaire
de l'église abbatiale de Saint-Germer en Beauvoisis les grilles qui
servaient de clôture et qui datent du commencement du XIII<sup>e</sup> siècle.
Jusque pendant le dernier siècle, les églises monastiques supprimèrent
autant qu'elles le purent les clôtures pleines pour les remplacer par des
claires-voies en pierre, en bois ou en fer; cependant on trouve, dans
quelques pauvres églises, des restes de clôtures fermées autour des
chœurs. L'église abbatiale de Saint-Seine en Bourgogne a conservé sa
clôture en grossière maçonnerie, couverte, du côté extérieur, de peintures
du commencement du XVI<sup>e</sup> siècle représentant l'histoire de saint Seine.
 
==== CLÔTURES DES CHŒURS DES CATHÉDRALES ====
En France, des clôtures de chœur
existaient dans les églises cathédrales primitives; mais, lorsqu'au XII<sup>e</sup> siècle
les évêques français reconstruisirent ces monuments sur des plans
beaucoup plus vastes et d'après des programmes nouveaux, il ne paraît
pas qu'ils aient songé à fermer les choeurs par des clôtures fixes
(voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Chœur|Chœur]]). Ce n'est que vers la fin du XIII<sup>e</sup> siècle que nous voyons en
France élever des clôtures en pierre autour des chœurs des cathédrales.
L'une des plus anciennes est celle dont il reste des fragments derrière les
stalles de la cathédrale de Paris; elle fut commencée pendant les dernières
années du XIII<sup>e</sup> siècle, et achevée en 1351 par Jean le
Bouteillier<span id="note11"></span>[[#footnote11|<sup>11</sup>]]. Cette
clôture représente l'histoire de Notre-Seigneur disposée par travées,
formant une suite de scènes ronde-bosse entre les piliers du chœur. Ces
scènes, derrière les stalles, n'étaient vues que des bas-côtés; mais, autour
du sanctuaire, elles se trouvaient complètement ajourées de manière à
être vues de l'intérieur du chœur comme des collatéraux (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Chœur|Chœur]],
fig. 1). Un riche soubassement décoré d'arcatures les supporte. Suivant
l'usage, l'architecture et la statuaire de la clôture du chœur de Notre-Dame
de Paris étaient peintes et dorées. <span id=Bourges>Le chœur de la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Bourges|Bourges]]
fut clos vers la même époque; il ne reste que des fragments fort beaux de
cette clôture, déposés aujourd'hui dans la crypte. <span id=Narbonne>Les chœurs des cathédrales
de Limoges et de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Narbonne|Narbonne]] sont encore clos en partie par des
tombeaux d'évêques. Il en était de même à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]]. À [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Narbonne|Narbonne]], outre
les tombeaux, on voit encore les restes d'une clôture architectonique du
XIV<sup>e</sup> siècle, dont nous donnons (7) une travée. Ce fragment de clôture,
placé dans l'axe du sanctuaire, est complétement peint.
</div>
[[Image:Cloture.Narbonne.png|center]]
<div class="text">
Plus tard, ces clôtures furent quelquefois exécutées en bois. Les XV<sup>e</sup> et
XVI<sup>e</sup> siècles en élevèrent de fort riches. La clôture du chœur de la cathédrale
de Chartres fut presque entièrement exécutée au commencement du
XVI<sup>e</sup> siècle, et c'est une des plus remarquables. Mutilée par le Chapitre
pendant le dernier siècle, pour garnir le chœur à l'intérieur de la plus
lourde décoration qui se puisse imaginer, la face extérieure seule est
conservée. Elle représente, comme à la cathédrale de Paris, l'histoire de
Jésus-Christ divisée par travées, dans lesquelles sont sculptées des scènes
ronde-bosse. Cette clôture est en pierre, exécutée avec une finesse et une
richesse de détails prodigieuses. <span id="Amiens55">À [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]], on voit encore, derrière les
belles stalles du commencement du XVI<sup>e</sup> siècle, une clôture en pierres
peintes, de la même époque, représentant du côté sud l'histoire de saint
Firmin, et du côté nord l'histoire de saint Jean-Baptiste. Cette clôture,
d'un assez mauvais style, est cependant fort curieuse à cause de la quantité
de costumes que l'on y trouve, costumes qui sont fidèlement copiés sur
ceux du temps auquel appartiennent ces sculptures. <span id="Alby7">Il n'est personne qui
ne connaisse la belle clôture du chœur de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Alby|Alby]], qui date
des premières années du XVI<sup>e</sup> siècle (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Jubé|Jubé]]). Les XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles
virent détruire dans nos cathédrales la plupart de ces clôtures en pierre,
au moins autour des sanctuaires; elles furent remplacées par des grilles
plus ou moins riches, enlevées à la fin du dernier siècle. De sorte qu'aujourd'hui
ces sanctuaires sont clos d'une manière peu convenable par des
boiseries sans valeur ou des grilles d'un aspect misérable.
 
<br><br>
----
 
<span id="footnote1">[[#note1|1]] : <i>Histoire et Antiq. de la ville de Paris.</i> T. 1, p. 85.
 
<span id="footnote2">[[#note2|2]] : Le <i>Roman du Renart</i>, vers 5725 et suiv.
 
<span id="footnote3">[[#note3|3]] : <i>Hist. Franc.</i>, lib. VIII.
 
<span id="footnote4">[[#note4|4]] : Le <i>Roman du Renart</i>, vers 4943 et suiv.
 
<span id="footnote5">[[#note5|5]] : <i>Antiq. de Paris</i>, p. 67.
 
<span id="footnote6">[[#note6|6]] : Frodoard, chap. XIX.
 
<span id="footnote7">[[#note7|7]] : <i>Plans d'abbayes</i>, Bib. Sainte-Geneviève.
 
<span id="footnote8">[[#note8|8]] : Chap. XIII.
 
<span id="footnote9">[[#note9|9]] : Voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture monastique|Architecture Monastique]], fig. 1.
 
<span id="footnote10">[[#note10|10]] : Il est souvent question de sanctuaires à doubles clôtures dans les églises des premiers
temps du moyen âge; Galbert, dans la <i>Vie de Charles le Bon</i>, écrite en 1130,
chap. IV, s'exprime ainsi: «Dans le premier sanctuaire, Baudoin, chapelain et prêtre,
et Robert, clerc du comte, se tenaient cachés auprès de l'autel;... dans le second
sanctuaire s'étaient réfugiés Oger, clerc, et Frumold le jeune, syndic,... et avec
eux Arnoul... Oger et Arnoul s'étaient couverts d'un tapis, et Frumold s'était fait
une cache sous des faisceaux de branches... Alors les serviteurs qui avaient été
introduits dans le sanctuaire, cherchant et retournant tous les rideaux, les manteaux,
les livres, les tapis et les branches que les moines avaient coutume d'apporter tous
les ans au dimanche des Rameaux...»
 
<span id="footnote11">[[#note11|11]] : Voy. Corrozet, Du Breul, et la <i>Description de
Notre-Dame de Paris</i> par MM. de Guilhermy et Viollet-le-Duc. Bance, 1856.