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Joinville rapporte qu’en partant pour la croisade et pour se mettre en état, il engagea à ses amis une grande partie de son domaine, « tant qu’il ne lui demoura point plus hault de douze cens livres de terre de rente. » Arrivé en Chypre, il ne lui restait plus d’argent vaillant que deux cent livres tournois d’or et d’argent lorsqu’il eut payé son passage et celui de ses chevaliers. Saint Louis, l’ayant su, l’envoya quérir et lui donna huit cents livres tournois pour continuer l’expédition.
Joinville rapporte qu’en partant pour la croisade et pour se mettre en état, il engagea à ses amis une grande partie de son domaine, « tant qu’il ne lui demoura point plus hault de douze cens livres de terre de rente. » Arrivé en Chypre, il ne lui restait plus d’argent vaillant que deux cent livres tournois d’or et d’argent lorsqu’il eut payé son passage et celui de ses chevaliers. Saint Louis, l’ayant su, l’envoya quérir et lui donna huit cents livres tournois pour continuer l’expédition.
Au moment de partir pour la seconde croisade, « le roy de France et le roy de Navarre, dit Joinville, me pressoient fort de me croisser, et entreprandre le chemin du pélerinage de la croix. Mais je leur répondi, que tandis que j’avois esté oultre mer ou service de Dieu, que ''les gens et officiers du roy de France avoient trop grevé et foullé mes subgets'', tant qu’ilz en estoient apovriz : ''tellement que jamais il ne seroit, que eulz et moy ne nous ensantissions. » Certes il y a tout lieu de croire que Joinville était un bon seigneur et qu’il disait vrai ; mais combien d’autres, en se croisant et laissant leurs sujets gouvernés par les officiers du roi, leur permettaient ainsi de passer d’un régime insupportable sous un gouvernement moins tracassier en ce qu’il était moins local et partait de plus haut ? Les seigneurs féodaux possédaient l’autorité judiciaire sur leurs terres ; les baillis royaux, chargés par Philippe-Auguste de recevoir tous les mois aux assises les plaintes des sujets du roi, de nommer dans les prévôtés un certain nombre d’hommes sans lesquels aucune affaire concernant les villes ne pouvait être décidée, de surveiller ces magistrats, furent entre les mains de saint Louis une arme puissante dirigée contre les prérogatives féodales. Ce prince fit instruire dans le droit romain ceux qu’il destinait aux fonctions de baillis ; il étendit leur pouvoir en dehors des tribunaux en les chargeant de la haute administration, et bientôt ces hommes dévoués
Au moment de partir pour la seconde croisade, « le roy de France et le roy de Navarre, dit Joinville, me pressoient fort de me croisser, et entreprandre le chemin du pélerinage de la croix. Mais je leur répondi, que tandis que j’avois esté oultre mer ou service de Dieu, que ''les gens et officiers du roy de France avoient trop grevé et foullé mes subgets'', tant qu’ilz en estoient apovriz : ''tellement que jamais il ne seroit, que eulz et moy ne nous ensantissions.'' » Certes il y a tout lieu de croire que Joinville était un bon seigneur et qu’il disait vrai ; mais combien d’autres, en se croisant et laissant leurs sujets gouvernés par les officiers du roi, leur permettaient ainsi de passer d’un régime insupportable sous un gouvernement moins tracassier en ce qu’il était moins local et partait de plus haut ? Les seigneurs féodaux possédaient l’autorité judiciaire sur leurs terres ; les baillis royaux, chargés par Philippe-Auguste de recevoir tous les mois aux assises les plaintes des sujets du roi, de nommer dans les prévôtés un certain nombre d’hommes sans lesquels aucune affaire concernant les villes ne pouvait être décidée, de surveiller ces magistrats, furent entre les mains de saint Louis une arme puissante dirigée contre les prérogatives féodales. Ce prince fit instruire dans le droit romain ceux qu’il destinait aux fonctions de baillis ; il étendit leur pouvoir en dehors des tribunaux en les chargeant de la haute administration, et bientôt ces hommes dévoués