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| width=33%<pages styleindex="background: #ffe4b5"Viollet-le-Duc |- <center>< [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, Tometome 2,.djvu" from=399 fromsection=s6 to=407 tosection=s1 Chaffaut|Chaffaut]]</center>
<references />
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| width=33% style="background: #ffe4b5" | <center>[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index Tome 2|Index par tome]]</center>
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=== CHAÎNAGE ===
 
s. m. Ce mot s'applique aux longrines de bois, aux successions
de crampons de fer posés comme les chaînons d'une chaîne, ou
même aux barres de fer noyés dans l'épaisseur des murs, horizontalement, et destinés à empêcher les écartements, la dislocation des constructions
en maçonnerie.
 
Les Romains et, même avant eux, les Grecs avaient l'habitude, lorsqu'ils
construisaient en assises de pierres de taille ou de marbre, de relier les
assises entre elles par de gros goujons de fer, de bronze ou même de bois,
et les blocs entre eux par des crampons ou des queues d'aronde. Mais les
Grecs et les Romains posaient les blocs de pierre taillés à côté les uns des
autres et les uns sur les autres sans mortier (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Joint|Joint]], [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Lit|Lit]]). Le mortier
n'était employé, chez les Romains, que pour les blocages, les ouvrages de
moellon ou de brique, jamais avec la pierre de taille.
 
Dès l'époque mérovingienne, on avait adopté une construction mixte,
qui n'était plus le moellon smillé des Romains et qui n'était pas l'ouvrage
antique en pierre de taille: c'était une sorte de grossier blocage revêtu de
parements de carreaux de pierre assez mal taillés et réunis entre eux par
des couches épaisses de mortier (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]]).
 
Du temps de César, les Gaulois posaient, dans l'épaisseur de leurs
murailles de défense, des longrines et des traverses de bois assemblées
entre les rangs de pierre. Peut-être cet usage avait-il laissé des traces
même après l'introduction des arts romains dans les Gaules. Ce que nous
pouvons donner comme certain, c'est que l'on trouve, dans presque toutes
les constructions mérovingiennes et carlovingiennes, des pièces de bois
noyées longitudinalement dans l'épaisseur des murs, en élévation et
même en fondation<span id="note1"></span>[[#footnote1|<sup>1</sup>]]. Ces pièces de bois présentent un équarrissage qui
varie de 0,12c. × 0,12c. à 0,20c. × 0,20c.
 
Jusqu'à la fin du XII<sup>e</sup> siècle, cette habitude persiste, et ces chaînages
sont posés, comme nos chaînages modernes, à la hauteur des bandeaux
indiquant des étages, à la naissance des voûtes et au-dessous des couronnements
supérieurs. Les travaux de restauration que nous eûmes l'occasion
de faire exécuter dans des édifices des XI<sup>e</sup> et XII<sup>e</sup> siècles nous ont
permis de retrouver un grand nombre de ces chaînages en bois, assez bien
conservés pour ne pas laisser douter de leur emploi. Dans la nef de
l'église abbatiale de Vézelay, qui date de la fin du XI<sup>e</sup> siècle, il existe un
premier chaînage de bois au-dessus des archivoltes donnant dans les
collatéraux, et un second chaînage, interrompu par les fenêtres hautes,
au niveau du dessus des tailloirs des chapiteaux à la naissance des grandes
voûtes. Ce second chaînage de bois offre cette particularité qu'il sert
d'attache à des crampons en fer destinés à recevoir des tirants transversaux
d'un mur de la nef à l'autre à la base des arcs doubleaux. Ces tirants
étaient-ils destinés à demeurer toujours en place pour éviter l'écartement
des grandes voûtes? nous ne le pensons pas. Il est à croire qu'ils ne
devaient rester posés que pendant la construction, jusqu'à ce que les murs
goutterons fussent chargés, ou jusqu'à ce que les mortiers des voûtes
eussent acquis toute leur dureté, c'est-à-dire jusqu'au décintrage
(voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]]).
</div>
[[Image:Chainage.de.bois.png|center]]
<div class="text">
Voici (1) comment sont posées les chaînes de bois et les grands crampons
ou crochets destinés à recevoir un tirant, en supposant les assises
supérieures enlevées; et (2) 1a coupe du mur avec la position du chaînage
A et du crochet en fer B sous le sommier des grands arcs doubleaux.
</div>
[[Image:Coupe.chainage.de.bois.png|center]]
<div class="text">
<span id="Saint-Denis1">En démolissant la tour de l'église abbatiale de Saint-Denis, qui datait du
milieu du XII<sup>e</sup> siècle, on trouva, à chaque étage, un chaînage en bois d'un
fort équarrissage chevillé par des chevilles en fer aux retours d'équerre,
ainsi que l'indique la fig. 3, et noyé dans le milieu des murs. La pourriture
de ce chaînage formant un vide de près de 0,30 c. de section dans l'épaisseur
de la maçonnerie et sur tout son pourtour, n'avait pas peu contribué
à déterminer l'écrasement des parements intérieurs et extérieurs. Des
croix horizontales en bois venaient en outre s'assembler dans les milieux
des longrines, à chaque étage, comme l'indique la fig. 4, et devaient relier
les quatre trumeaux de la tour entre les baies; mais ces croix, visibles à
l'intérieur, avaient été brûlées, au XIII<sup>e</sup> siècle, avant la construction de la flèche.
</div>
[[Image:Chainage.bois.eglise.Saint.Denis.png|center]]
 
[[Image:Chainage.bois.eglise.Saint.Denis.2.png|center]]
<div class="text">
<span id=Coucy>Nous trouvons encore, pendant la première moitié du XIII<sup>e</sup> siècle, des
chaînages en bois dans les constructions militaires et civiles. Le donjon du
château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Coucy|Coucy]] laisse voir, à tous ses étages, au niveau du sommet des
voûtes, des chaînages circulaires en bois, de 0,30 × 0,25 c. d'équarrissage
environ, sortes de ceintures noyées dans la maçonnerie, desquelles partent
des chaînes rayonnantes également en bois, passant sous les bases des
piles engagées portant les arcs de la voûte et venant se réunir au centre
(voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Donjon|Donjon]]).
</div>
[Illustration: Fig. 2 et 3.]
<div class="text">
Cependant, à la fin du XII<sup>e</sup> siècle déjà, on reconnut probablement le peu
de durée des chaînages en bois, car on tenta de les remplacer par des
chaînages en fer. <span id=Paris1>La grande corniche à damiers qui couronne le chœur de
la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], et qui dut être posée vers 1195, se compose de
trois assises de pierre dure formant parpaing, dont les morceaux sont tous
réunis ensemble par deux rangs de crampons, ainsi que l'indique la fig. 5.
Cela constituait, au sommet de l'édifice, au-dessus des voûtes, un puissant
chaînage; mais ces crampons, en s'oxydant, et prenant, par suite de cette
décomposition, un plus fort volume, eurent pour effet de fêler presque
toutes ces pierres longitudinalement, et de faire, de cette tête de mur
homogène, trois murs juxtaposés.
</div>
[[Image:Chainage.choeur.cathedrale.Paris.png|center]]
<div class="text">
<span id="Paris2">En construisant la Sainte-Chapelle de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], Pierre de Montereau se
rapprocha davantage du système des chaînages modernes. Au niveau du
dessous des appuis des fenêtres de la chapelle haute, à la naissance des
voûtes et au-dessous de la corniche supérieure, il posa une suite de crampons
de 0,30 c. à 0,50 c. de longueur, qui, au lieu d'être scellés dans
chaque morceau de pierre, vinrent s'agrafer les uns dans les autres,
conformément à la fig. 6. Cette chaîne, posée dans une rigole taillée dans
le lit de l'assise, fut coulée en plomb. Le chaînage, au niveau de la naissance
de la voûte, se reliait, à chaque travée, à une forte barre de fer de
0,05 c. d'équarrissage, passant au-dessus des chapiteaux des meneaux à
travers ceux-ci et faisant ainsi partie de l'armature des vitraux. À mi-hauteur
des fenêtres, il existe des barres semblables, qui sont reliées
entre elles dans l'épaisseur des piles. Ce système de chaînage était certainement
moins dangereux que celui employé au sommet du chœur de la
cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]]; cependant il eut encore, malgré la masse de plomb
dont il est enveloppé, l'inconvénient de faire casser un grand nombre de
pierres. Pour donner une idée de la puissance du gonflement du fer,
lorsqu'il passe à l'état d'oxyde ou de carbonate de fer, nous ferons observer
que le chaînage placé au-dessous des appuis des grandes fenêtres de la
Sainte-Chapelle, en gonflant, souleva les assises composant ces appuis et
les meneaux qu'elles supportent, au point de faire boucler ces meneaux et
de les briser sur quelques points, bien qu'ils soient d'une grande force.
</div>
[[Image:Chainage.choeur.cathedrale.Paris.2.png|center]]
<div class="text">
Au XIII<sup>e</sup> siècle, le fer ne se travaillait qu'à la main, et on ne possédait
pas des forges comme celles d'aujourd'hui, qui fournissent des fers passés
au cylindre, égaux et d'une grande longueur. Pierre de Montereau eût pu
cependant chaîner la Sainte-Chapelle au moyen de pièces de fer d'une plus
grande longueur que celles indiquées dans la fig. 6, puisque, dans le vide
des fenêtres, les traverses se reliant aux chaînages ont plus de quatre
mètres de long; mais il faut croire qu'alors la difficulté de faire forger des
fers de cette longueur et d'une forte épaisseur était telle qu'on évitait d'en
employer, à moins de nécessité absolue.
 
<span id=Narbonne><span id=Carcassonne>Au XIV<sup>e</sup> siècle, on voit déjà de longs morceaux de chaînes en fer posés
dans les constructions. Nous citerons, entre autres exemples, la façade de
la cathédrale de Strasbourg, qui, de la base jusqu'à la hauteur du pied de
la flèche, est chaînée avec un grand soin à tous les étages, au moyen de
longues barres de fer plat bien forgées, noyées entre les lits des assises;
le chœur de l'ancienne cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], qui est de même solidement
chaîné au moyen de longues et fortes barres de fer passant à
travers les baies, et servant d'armatures aux vitraux; l'église Saint-Ouen
de Rouen, la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Narbonne|Narbonne]].
 
Les architectes du XIII<sup>e</sup> siècle n'employèrent pas seulement les chaînages
à demeure, noyés dans les constructions, ils s'en servirent aussi comme
d'un moyen provisoire pour maintenir les poussées des arcs des collatéraux
sur les piles intérieures, avant que celles-ci ne fussent chargées.
<span id=Laon><span id="Amiens39">Dans le chœur et la nef des cathédrales de Soissons et de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Laon|Laon]], dans la nef
de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]], dans le chœur de celle de Tours, constructions
élevées de 1210 à 1230, on observe, au-dessus des chapiteaux portant les
archivoltes et les voûtes en arcs d'ogives des bas-côtés, entaillées dans le
lit inférieur des sommiers, des pièces de bois sciées au ras du ravalement;
ces pièces de bois n'ont guère que 0,12 c. × 0,12 c. d'équarrissage. Ce
sont des tirants posés, en construisant les voûtes, entre les cintres doubles
sur lesquels on bandait les archivoltes et les arcs doubleaux et laissés
jusqu'à l'achèvement de l'édifice, c'est-à-dire jusqu'au moment où les
piles intérieures étaient chargées au point de ne plus faire craindre un
bouclement produit par la poussée des voûtes des bas-côtés. On pouvait
ainsi, sans risques, décintrer ces voûtes, se servir des bois pour un autre
usage, et livrer même ces bas-côtés à la circulation. La construction
terminée, on sciait les tirants en bois.
</div>
[[Image:Chainage.XIIIe.siecle.png|center]]
<div class="text">
La fig. 7<span id="note2"></span>[[#footnote2|<sup>2</sup>]] fera comprendre l'emploi de ce procédé fort ingénieux et
simple. On voit en A le bout du chaînage de bois scié; Ce moyen avait été
indiqué par l'expérience; beaucoup de piles intérieures d'églises, bâties à
la fin du XII<sup>e</sup> siècle, sont sorties de la verticale, sollicitées par la poussée
des voûtes des bas-côtés avant l'achèvement de la construction; car, pour
interrompre le culte le moins longtemps possible, à peine les bas-côtés
étaient-ils élevés, on fermait les voûtes, on les décintrait, on établissait un
plafond sur la nef centrale à la hauteur du triforium, et on entrait dans
l'église.
 
<span id="Reims1">À la cathédrale de Reims, dont la construction est exécutée avec un
grand luxe, on avait substitué aux chaînes provisoires en bois posées sous
les sommiers des arcs des piles des bas-côtés, des crochets en fer dans
lesquels des tirants en fer, portant un œil à chaque extrémité, venaient
s'adapter; la construction chargée autant qu'il était nécessaire pour ne plus
craindre un bouclement des piles, on enleva les tirants; les crochets sont
restés en place. On retrouve les traces de ces chaînages provisoires jusqu'à
la fin du XIV<sup>e</sup> siècle.
 
Les chaînages en fer noyés dans la maçonnerie à demeure et dont nous
avons parlé plus haut étaient, autant que les ressources des constructeurs
le permettaient, coulés en plomb dans les scellements ou les rigoles qui
les renfermaient, quelquefois scellés simplement au mortier. Nous avons
vu aussi de ces chaînes scellées à leurs extrémités et dans leur longueur
au moyen d'un mastic gras qui paraît être composé de grès pilé, de
minium, de litharge et d'huile, ou dans un bain de résine. Les tirants
scellés par ce procédé, dans des édifices de la fin du XIII<sup>e</sup> siècle, se sont
moins oxydés que ceux scellés au plomb ou au mortier. La présence du
plomb paraît même avoir hâté quelquefois la décomposition du fer, surtout
lorsque les chaînes sont placées au cœur de la maçonnerie, loin des parements.
 
Pendant le XV<sup>e</sup> siècle, les constructeurs ont préféré souvent placer leurs
chaînes libres le long des murs, au-dessus des voûtes, transversalement
ou longitudinalement. On avait dû reconnaître déjà, à cette époque, les
effets funestes que produisait le fer noyé dans la maçonnerie par les maîtres
des œuvres des XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles. Ces chaînes libres sont ordinairement
composées de barres de fer carré de deux à six mètres de longueur,
réunies à leurs extrémités par des boucles et des clavettes, ainsi que
l'indique la fig. 8<span id="note3"></span>[[#footnote3|<sup>3</sup>]]. On tendait la chaîne fortement en frappant sur les
clavettes, comme on le fait aujourd'hui pour les chaînages dont les bouts
sont assemblés à <i>traits-de-Jupiter</i>.
</div>
[[Image:Chainage.XVe.siecle.png|center]]
<div class="text">
 
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<span id="footnote1">[[#note1|1]] : Il n'est pas besoin de dire que le bois a disparu, et se trouve réduit en poussière;
mais son moule existe dans les maçonneries. Le bois, totalement privé d'air et
entouré de l'humidité permanente de la maçonnerie, est bientôt pourri.
 
<span id="Amiens40"><span id="footnote2">[[#note2|2]] : De l'une des piles de la nef de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]].
 
<span id="Amiens41"><span id="footnote3">[[#note3|3]] : Ce détail est copié sur le grand chaînage qui fut placé, à la fin du XV<sup>e</sup> siècle, sur le sol du triforium de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]] pour arrêter le bouclement des quatre
piles de la croisée, fatiguées par la charge de la tour centrale, avant l'incendie de
cette tour.