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décentes, qui jetaient une douce langueur dans l’âme et arrivaient au cœur par le chemin des yeux ; et cependant, lorsque Mme  de Champrosé rentra chez elle, assez tard dans la soirée, elle s’ennuyait toujours !

La marquise avait-elle donc une de ces humeurs atrabilaires et sauvages, un de ces esprits insociables qui prennent tout au rebours et se forgent dans la solitude de lugubres chimères ?

On ne peut mieux née, et ayant toujours vécu dans l’extrêmement bonne compagnie, débarrassée des préjugés gothiques d’une vertu ignoble qui l’eût empêchée de demander le bonheur au plaisir, Mme  de Champrosé ne donnait pas dans le travers des idées romanesques ; pourtant elle ne pouvait se dissimuler qu’elle connaissait d’avance les plaisanteries du chevalier et les ariettes des Indes galantes.

Bien des fois déjà elle était allée se promener au Cours-la-Reine en calèche découverte, précédée de son coureur Almanzor, Basque dératé et léger comme un cerf. Ce n’était pas non plus la première fois qu’elle soupait chez le garde, et, sans avoir l’esprit tourné aux nouveautés de mauvais goût, la marquise eût souhaité quelque divertissement d’un régal plus vif.

Lorsque Justine vint pour mettre sa maîtresse au lit, elle lui trouva l’air excessivement abattu, et en femme de chambre favorite à qui la fidélité de ses services donne des droits à une certaine familiarité, elle hasarda quelques questions auxquelles la marquise répondit avec cette ouverture de cœur d’une personne qui souffre et se veut soulager de sa peine en la contant : veuve depuis deux ans d’un homme pour qui l’extrême différence d’âge ne lui permettait d’avoir que du respect, la marquise de Champrosé, sans avoir eu personne en pied, s’était laissé faire la cour d’assez près, et peut être Justine, si elle n’eût été la