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<references />
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|}
 
 
=== AUTEL===
 
s. m. Tout ce que l'on peut savoir des autels de la primitive
Église, c'est qu'ils étaient indifféremment de bois, de pierre ou de métal.
Pendant les temps de persécution, les autels étaient souvent des tables de
bois que l'on pouvait facilement transporter d'un lieu à un autre. L'autel
de Saint-Jean de Latran était de bois. L'empereur Constantin ayant rendu
la paix à l'Église chrétienne, saint Sylvestre fit placer ostensiblement dans
cette basilique l'autel de bois qui avait servi dans les temps d'épreuves,
avec défense qu'aucun autre que le pape n'y dît la messe. Ces autels de
bois étaient faits en forme de coffre, c'est-à-dire qu'ils étaient creux. Saint-Augustin
raconte que Maximin, évêque de Bagaï en Afrique, fut massacré
sous un autel de bois que les Donatistes enfoncèrent sur lui. Grégoire de
Tours se sert souvent du mot <i>archa</i>, au lieu d'<i>ara</i> ou d'<i>altare</i>, pour désigner
l'autel. Ces autels de bois étaient revêtus de matières précieuses, or,
argent et pierreries. L'autel de Sainte-Sophie de Constantinople, donné par
l'impératrice Pulchérie, consistait en une table d'or garnie de pierreries.
 
Il est d'usage depuis plusieurs siècles d'offrir le saint sacrifice sur des
autels de pierre, ou si les autels sont de bois ou de toute autre matière,
faut-il qu'il y ait au milieu une dalle de pierre consacrée ou autel portatif.
Il ne semble pas que les autels portatifs consacrés aient été admis avant le
VIII<sup>e</sup> siècle, et l'on pouvait dire la messe sur des autels d'or, d'argent ou de
bois. Théodoret, évêque de Cyr, qui vivait pendant la première moitié du
V<sup>e</sup> siècle, célébra les divins mystères sur les mains de ses diacres, à la
prière du saint ermite Maris, ainsi qu'il le dit dans son Histoire religieuse<span id="note1"></span>[[#footnote1|<sup>1</sup>]].
Théodore, archevêque de Cantorbéry, mort en 690, fait observer, dans son
<i>Pénitentiel</i><span id="note2"></span>[[#footnote2|<sup>2</sup>]] qu'on peut dire la messe en pleine campagne sans autel
portatif, pourvu qu'un prêtre, ou un diacre, ou celui même qui dit la
messe, tienne le calice et l'oblation entre ses mains. Les autels portatifs
paraissent avoir été imposés dans les cas de nécessité absolue dès le
VIII<sup>e</sup> siècle. Béde, dans son Histoire des Anglais, parle d'autels portatifs
que les deux Ewaldes portaient avec eux partout où ils allaient<span id="note3"></span>[[#footnote3|<sup>3</sup>]]. Hincmar,
archevêque de Reims, mort en 882, permit, dans ses Capitulaires, l'usage
des autels portatifs<span id="note4"></span>[[#footnote4|<sup>4</sup>]] en pierre, en marbre, ou en mosaïques. Pendant les
XI<sup>e</sup> et XII<sup>e</sup> siècles, ces autels portatifs devinrent fort communs; on les
emportait dans les voyages. Aussi l'Ordre romain les appelle-t-il <i>tabulas
itinerarias</i>. Les inventaires des trésors d'églises font mention fréquemment
d'autels portatifs.
 
Sur les tables d'autels fixes, il était d'usage, dès avant le IX<sup>e</sup> siècle,
d'incruster des <i>propitiatoires</i>, qui étaient des plaques d'or ou d'argent sur
lesquelles on offrait le saint sacrifice. Anasthase le Bibliothécaire dit, dans
sa Vie du pape Pascal I, que ce souverain pontife fit poser un propitiatoire
en argent sur l'autel de Saint-Pierre de Rome, un sur l'autel de l'église de
Sainte-Praxède, sur les autels de Sainte-Marie de Cosmedin, de la basilique
de Sainte-Marie-Majeure. Le pape Léon IV fit également faire un propitiatoire
pesant 72 livres d'argent et 80 livres d'or pour l'autel de la basilique
de Saint-Pierre.
 
Les autels primitifs, qu'ils fussent de pierre, de bois ou de métal, étaient
creux. L'autel d'or dressé par l'archevêque Angelbert dans l'église de
Saint-Ambroise de Milan était creux, et l'on pouvait apercevoir les reliques
qu'il contenait par une ouverture percée par derrière<span id="note5"></span>[[#footnote5|<sup>5</sup>]].
</div>
[[Image:Autel.medieval.png|center]]
 
[[Image:Autel.medieval.2.png|center]]
<div class="text">
L'évêque Adelhelme, qui vivait à la fin du IX<sup>e</sup> siècle, raconte qu'un soldat
du roi Bozon, qui était devenu aveugle, recouvra la vue en se glissant sous
l'autel de l'église de Mouchi-le-Neuf du diocèse de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], pendant que l'on
célébrait la messe. Les monuments viennent à cet égard appuyer les textes
nombreux que nous croyons inutile de citer<span id="note6"></span>[[#footnote6|<sup>6</sup>]]; les autels les plus anciens
connus sont généralement portés sur une ou plusieurs colonnes<span id="note7"></span>[[#footnote7|<sup>7</sup>]] (1 et 2).
La plupart des autels grecs étaient portés sur une seule colonne. L'usage
des autels creux ou portés sur des points d'appui isolés s'est conservé
jusqu'au XV<sup>e</sup> siècle. L'autel n'était considéré jusqu'alors que comme une
table sous laquelle on plaçait parfois de saintes reliques, ou qui était élevée
au-dessus d'une crypte renfermant un corps saint, car à vrai dire les
reliquaires étaient plutôt, pendant le moyen âge, posés, à certaines occasions,
sur l'autel que dessous<span id="note8"></span>[[#footnote8|<sup>8</sup>]]. Il n'existe plus, que nous sachions, en
France, d'autels complets d'une certaine importance antérieurs au
XII<sup>e</sup> siècle. On en
trouve figurés dans des manuscrits ou des bas-reliefs avant cette époque, mais ils sont très-simples, presque toujours sans
retables, composés seulement d'une table supportée par des colonnes et
recouverte de nappes tombant sur les deux côtés jusqu'au sol. <span id=Bale>L'usage
des retables est cependant fort ancien, témoin le retable d'or donné par
l'empereur Henri II à la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Bale|Bâle]], en 1019, et conservé aujourd'hui
au musée de Cluni (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8, Retable|Retable ]]); le grand retable d'or émaillé et
enrichi de pierreries déposé sur le maître autel de l'église Saint-Marc de
Venise, connu sous le nom de la <i>Pala d'oro</i>, et dont une partie date de la
fin du X<sup>e</sup> siècle; celui conservé autrefois dans le trésor de Saint-Denis.
L'autel étant consacré dès les premiers siècles, aucune image ne devait
y être déposée en présence de l'Eucharistie; mais le retable ne l'étant
point, on pouvait le couvrir de représentations de personnages saints,
de scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament. Sauf dans certaines cathédrales,
à dater du XII<sup>e</sup> siècle, les autels sont donc surmontés de retables fort riches, et souvent d'une grande dimension. Quant aux tables
des autels, jusque vers la moitié du XII<sup>e</sup> siècle, elles sont très-fréquemment
creusées en forme de plateau. Saint Remi, archevêque de Lyon,
avait donné à l'église Saint-Étienne, pendant le IX<sup>e</sup> siècle, un autel de
marbre dont la table était creusée de six centimètres environ, avec
de petits orifices à chacun des coins<span id="note9"></span>[[#footnote9|<sup>9</sup>]]. D. Mabillon reproduit, dans le
troisième volume de ses <i>Annales Benedictini</i>, une table d'autel de sept
palmes de long sur quatre de large, donnée par l'abbé <i>Tresmirus</i> à
son monastère de Mont-Olivet, du diocèse de Carcassonne, également
creusée et remplie d'inscriptions et d'ornements gravés, avec les quatre
signes des évangélistes aux quatre coins<span id="note10"></span>[[#footnote10|<sup>10</sup>]]. La grande table du maître
autel de l'église Saint-Sernin de Toulouse retrouvée depuis quelques
années dans l'une des chapelles, et conservée dans cette église, était
également entourée d'une riche bordure d'ornements et creusée; cette
table paraît appartenir à la première moitié du XII<sup>e</sup> siècle. Il semble que ces
tables aient été creusées et percées de trous afin de pouvoir être lavées sans
crainte de répandre à terre l'eau qui pouvait entraîner des parcelles des Saintes
espèces. <span id=Montreal.Yonne4></span>Voici (3) la figure
de l'autel de la tribune de
l'église de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes M#Montreal.Yonne|Montréal]] près Avallon,
dont la table portée sur
une seule colonne est ainsi
creusée et percée d'un petit
orifice<span id="note11"></span>[[#footnote11|<sup>11</sup>]]. «Le grand autel de
la cathédrale de Lyon, dit le
sieur de Moléon, dans ses
<i>Voyages liturgiques</i><span id="note12"></span>[[#footnote12|<sup>12</sup>]], est
ceint d'une balustrade de cuivre
assez légère, haute de
deux pieds environ, et elle finit au niveau du derrière de l'autel qui est
large environ de cinq pieds. L'autel, dont la table de marbre est un peu
creusée par-dessus, est fort simple, orné seulement d'un parement par
devant et d'un autre au retable d'au-dessus. Sur ce retable sont deux
croix aux deux côtés; Scaliger dit qu'il n'y en avait point de son temps.»
</div>
[[Image:Autel.eglise.Montreal.png|center]]
<div class="text">
Guillaume Durand, dans son <i>Rational</i>, que l'on ne saurait trop lire et
méditer lorsqu'on veut connaître le moyen âge catholique<span id="note13"></span>[[#footnote13|<sup>13</sup>]], s'étend longuement
sur l'autel et la signification des diverses parties qui le composent.
«L'autel, dit-il d'après les Écritures, avait beaucoup de parties, à savoir la
haute et la basse, l'intérieure et l'extérieure... Le haut de l'autel c'est
Dieu-Trinité, c'est aussi l'Église triomphante... Le bas de l'autel c'est
l'Église militante; c'est encore la table du temple, dont il est dit: "Passez
les jours de fêtes dans de saints repas, assis et pressés à ma table près
du coin de l'autel..." L'intérieur de l'autel c'est la pureté du cœur....
L'extérieur de l'autel c'est le bûcher ou l'autel même de la croix... En
second lieu, l'autel signifie aussi l'Église spirituelle; et ses quatre coins,
les quatre parties du monde sur lesquelles l'Église étend son empire. Troisièmement,
il est l'image du Christ, sans lequel aucun don ne peut être
offert d'une manière agréable au Père. C'est pourquoi l'Église a coutume
d'adresser ses prières au Père par l'entremise du Christ. Quatrièmement, il
est la figure du corps du Seigneur; cinquièmement, il représente la <i>table</i>
sur laquelle le Christ but et mangea avec ses disciples. Or, poursuit-il, on
lit dans l'Exode que l'on déposa dans l'arche du Testament ou du Témoignage
la déclaration, c'est-à-dire les tables sur lesquelles était écrit le
témoignage, on peut même dire les témoignages du Seigneur à son peuple;
et cela fut fait pour montrer que Dieu avait fait revivre par l'écriture des
tables la loi naturelle gravée dans les cœurs des hommes. On y mit encore
une urne d'or pleine de manne pour attester que Dieu avait donné du ciel
du pain aux fils d'Israël, et la verge d'Aaron pour montrer que toute puissance
vient du Seigneur-Dieu, et le Deutéronome en signe du pacte par
lequel le peuple avait dit: «Nous ferons tout ce que le Seigneur nous dira.»
Et à cause de cela l'arche fut appelée l'Arche du Témoignage ou du Testament,
et, à cause de cela encore, le Tabernacle fut appelé le Tabernacle du
Témoignage. Or, on fit un propitiatoire ou couverture sur l'Arche... C'est
à l'imitation de cela que dans certaines églises on place sur l'autel une
arche ou un <i>tabernacle dans lequel on dépose le corps du Seigneur et les
reliques des saints...</i> Donc, ajoute Guillaume Durand plus loin, par l'autel
il faut entendre notre cœur;... et le cœur est au milieu du corps comme
l'autel est au milieu de l'église. C'est au sujet de cet autel que le Seigneur
donne cet ordre dans le Lévitique: «Le feu brûlera toujours sur mon
autel.» Le feu c'est la charité; l'autel c'est un cœur pur... Les linges
blancs dont on couvre l'autel représentent la chair ou l'humanité du
Sauveur...» Guillaume Durand termine son chapitre <i>de l'Autel</i>, en disant
que jamais l'autel ne doit être dépouillé, ni revêtu de parements lugubres
ou d'épines, si ce n'est au jour de la Passion du Seigneur (ce que, ajoute-t-il,
réprouve aujourd'hui le concile de Lyon), ou lorsque l'Église est injustement
dépouillée de ses droits. Dans son chapitre III (<i>des Peintures</i>, etc.), il dit:
«On peint quelquefois les images des saints Pères sur le retable de
l'autel... Les ornements de l'autel sont des coffres et des châsses (<i>capsis</i>),
des tentures, des phylactères (<i>philatteriis</i>), des chandeliers, des croix, des
franges d'or, des bannières, des livres, des voiles et des courtines. Le
coffre dans lequel on conserve les hosties consacrées, signifie le corps de la
Vierge glorieuse... Il est parfois de bois, parfois d'ivoire blanc, parfois
d'argent, parfois d'or et parfois de cristal... Le même coffre, lorsqu'il
contient les hosties consacrées et non consacrées, désigne la mémoire
humaine; car l'homme doit se rappeler continuellement les biens qu'il a
reçus de Dieu, tant les temporels, qui sont figurés par les hosties non
consacrées, que les spirituels, représentés par les hosties consacrées ... Et
les châsses (<i>capsæ</i>) posées sur l'autel, qui est le Christ, ce sont les apôtres
et les martyrs; les tentures et les linges de l'autel, ce sont les confesseurs,
les vierges et tous les saints, dont le Seigneur dit au prophète: «Tu te
revêtiras d'eux comme d'un vêtement...» On place encore sur l'autel
même, dans certaines églises, le tabernacle (<i>tabernaculum</i>), dont il a été
parlé au chapitre de l'Autel.
 
«Aux coins de l'autel sont placés à demeure deux chandeliers, pour
signifier la joie des deux peuples qui se réjouirent de la nativité du Christ;
ces chandeliers, au milieu desquels est la croix, portent de petits flambeaux
allumés; car l'ange dit aux pasteurs: «Je vous annonce une grande
joie qui sera pour tout le peuple, parce qu'aujourd'hui vous est né le
Sauveur du monde...»
 
«Le devant de l'autel est encore orné d'une frange d'or, selon cette
parole de l'Exode (chap. XXV et XXVIII): «Tu me construiras un autel, et
tu l'entoureras d'une guirlande haute de quatre doigts.
 
«Le livre de l'Évangile est aussi placé sur l'autel, parce que l'Évangile
a été publié par le Christ lui-même et que lui-même en rend témoignage.»
En parlant des voiles, l'évêque de Mende s'exprime ainsi: «Il est à
remarquer que l'on suspend trois sortes de voiles dans l'église, à savoir:
celui qui couvre les choses saintes, celui qui sépare le sanctuaire du clergé,
et celui qui sépare le clergé du peuple... Le premier voile, c'est-à-dire
les rideaux que l'on tend des deux côtés de l'autel, et dont le prêtre
pénètre le secret, a été figuré d'après ce qu'on lit dans l'Exode (XXXIV)... Le second voile, ou courtine, que, pendant le carême et la célébration de
la messe, on étend devant l'autel, tire son origine et sa figure de celui qui
était suspendu dans le tabernacle et qui séparait le Saint des saints du lieu
saint... Ce voile cachait l'arche au peuple, et il était tissu avec un art
admirable et orné d'une belle broderie de diverses couleurs;... et, à son
imitation, les courtines sont encore aujourd'hui tissues de diverses couleurs
très-belles...
 
«Dans quelques églises, l'autel, dans la solennité de Pâques, est orné de
couvertures précieuses, et l'on met dessus des voiles de trois couleurs:
rouge, gris et noir, qui désignent trois époques. La première leçon et le
répons étant finis, on ôte le voile noir, qui signifie le temps avant la loi.
Après la seconde leçon et le répons, on enlève le voile gris, qui désigne le
temps sous la loi. Après la troisième leçon, on ôte le voile rouge, qui
signifie l'époque de la grâce, dans laquelle, par la Passion du Christ,
l'entrée nous a été et nous est encore ouverte au Saint des saints et à la
gloire éternelle.»
 
Quelque longues que soient ces citations, on comprendra leur importance
et leur valeur; elles jettent une grande clarté sur le sujet qui nous
occupe. Tant que le clergé maintint les anciennes traditions, et jusqu'au
moment où il fut entraîné par le goût quelque peu désordonné du
XVI<sup>e</sup> siècle, il sut conserver à l'autel sa signification première. L'autel
demeura le symbole visible de l'ancienne et de la nouvelle loi. Chacune
des parties qui le composaient rappelait les saintes Écritures, ou les grands
faits de la primitive Église. Toujours simple de forme, que sa matière fût
précieuse ou commune, il était entouré de tout ce qui devait le faire
paraître saint aux yeux des fidèles, sans que ces accessoires lui ôtassent ce
caractère de simplicité et de pureté que le faux goût des derniers siècles
lui ont enlevé.
</div>
[[Image:Plan.autel.Saint.Laurent.hors.les.murs.png|center]]
<div class="text">
Nous allons essayer, soit à l'aide des textes, soit à l'aide des monuments,
de donner une idée complète des autels de nos églises du moyen
âge. Mais d'abord, il est nécessaire d'établir une distinction entre les
différents autels. Dans les églises cathédrales, le maître autel non-seulement
était simple de forme, mais souvent même il était dépourvu de
retable, entouré seulement d'une clôture avec voiles et courtines, et
surmonté au dossier d'une colonne avec crosse à laquelle était suspendue
la sainte Eucharistie. Sur les côtés étaient établies des armoires dans
lesquelles étaient renfermées les reliques; quelquefois, au lieu de la
suspension, sur l'autel, était posé un riche tabernacle, ainsi que nous
l'apprend Guillaume Durand, destiné à contenir les hosties consacrées et
non consacrées. Toutefois, il est à présumer que ces tabernacles ou
coffres, n'étaient pas fixés à l'autel d'une manière permanente. Sur
l'autel même se dressaient seulement la croix et deux flambeaux. Jusqu'au
XIII<sup>e</sup> siècle, les trônes des évêques et les stalles des chanoines
régulier étaient disposés généralement, dans les cathédrales, au chevet;
le trône épiscopal occupait le centre. <span id="Rome1">Cette disposition, encore conservée
dans quelques basiliques romaines,
entre autres à Saint-Jean-de-Latran, à
Saint-Laurent-hors-les-murs (4)<span id="note14"></span>[[#footnote14|<sup>14</sup>]], à
</div>
[[Image:Plan.autel.Saint.Clement.png|center]]
<div class="text">
<br>
Saint-Clément (5)<span id="note15"></span>[[#footnote15|<sup>15</sup>]],
etc., et qui appartenait à la primitive Église, devait nécessairement empêcher l'établissement des
contre-autels ou des retables, car ceux-ci eussent caché le célébrant.
Aussi ne voit-on guère les retables apparaître que sur les autels adossés, sur ceux des chapelles, rarement sur les autels principaux des
cathédrales. Dans les églises monastiques, il y avait presque toujours
l'autel matutinal, qui était celui où se disait l'office ordinaire, placé à
l'entrée du sanctuaire au bout du chœur des religieux, et l'autel des
reliques, posé au fond du sanctuaire, et derrière ou sous lequel étaient
conservées les châsses des saints. <span id="Saint-Denis2">C'était ainsi qu'étaient établis les autels
principaux de l'église de Saint-Denis en France, dès le temps de Suger. Au
fond du rond-point, l'illustre abbé avait fait élever le reliquaire contenant
les châsses des saints martyrs, en avant duquel était placé un autel. Voici
la description que donne D. Doublet de ce monument remarquable...
<span id="Saint-Denis4">«En ceste partie est le très-sainct autel des glorieux saincts martyrs (ou
bien l'autel des corps saincts, à raison que leurs corps reposent soubs
iceluy), lequel est de porphyre gris beau en perfection: et la partie
d'au-dessus, ou surface du même autel, couverte d'or fin, aussi enrichi
de plusieurs belles agathes, et pierres précieuses. Là se voit une excellente
table couverte d'or (un retable), ornée et embellie de pierreries,
qu'a fait faire jadis le roi Pepin, laquelle est quarrée, et sur les quatre
costez sont des lettres en émail sur or, les unes après les autres, en ces
termes: <i>Bertrada Deum venerans Christoque sacrata</i>. Et puis: <i>Pro
Pippino rege fælicissimo quondam... Au derrière de cet autel est le
sacré cercueil des corps des saints martyrs, qui contient depuis l'aire et
pavé cinq pieds et demy de hault, et huict pieds de long sur sept pieds
de large, fait d'une assise de marbre noir tout autour du bas d'un pied
de hault, et sur la dicte assise huit pilliers quarrez aussi de marbre noir
de deux pieds et demy de hault, et sur iceux huit pilliers une autre
assise de marbre noir, à plusieurs moulures anciennes, et entre les dicts
huit pilliers, huit panneaux de treillis de fonte, enchassez en bois, de
plusieurs belles façons de deux pieds et demy de long, le pillier du
milieu de derrière, et pareillement le pillier de l'un des coings du dit
derrière, couverts chacun d'une bande de cuivre doré, aussi iceux
treillis et bois couverts de cuivre doré à feuillages, avec plusieurs
émaux ronds sur cuivre doré, et plusieurs clous dorés sur iceux; et sur
le marbre de la couverture, dedans ledit cercueil, une voulte de pierre
revestue au dedans de cuivre doré, qui prend jusque soubs l'autel, qui
est le lieu où reposent les sacrez corps des apôtres de France saint Denys
l'Aéropagite, saint Rustic, et saint Eleuthère, en des châsses d'argent de
très-ancienne façon, pendantes à des chainettes aussi et boucles d'argent,
pour lesquelles ouvrir il y a trois clefs d'argent... Au-dessus dudit
cercueil il y a un grand tabernacle de charpenterie de ladite longueur
et largeur en façon d'église, à haute nef et basses voûtes, garny de huict
posteaux, à savoir à chacun des deux pignons quatre, les deux des coings
ronds de deux pieds et demy de hault, et les deux autres dedans œuvre
de six pieds et demy de hault, aussi garny de bases et chapiteaux: et
entre iceux trois beez et regards de fenestres à demy ronds portans leur
plein centre, et celle du milieu plus haulte que les autres: le dessus des
pilliers de dedans œuvre en manière d'une nef d'église de ladite longueur,
et de deux pieds et demy de large, portant de costé et d'autre
dix colombettes à jour, et deux aux deux bouts à base et chapiteau
d'ancienne façon: au-dessus de ladite nef et colombettes de chacun
costé est un appentil en manière de basses chapelles, voûtes et allées,
les costez et ceintres à demy ronds portans quatre culs de lampe; à
chacun des deux pignons de ladite nef cinq petites fenestres, trois par
haut à deux petits pilliers quarrez par voye, et au-dessous deux, au
milieu un pillier rond; le dedans de la nef remply par bas d'une forme
de cercueil, et les deux costez aussi remplis par bas d'une même forme
de cercueil de bois de la longueur dudit tabernacle, celle du milieu plus
haut eslevée que les autres. Le devant du cercueil du milieu joignant
ledit autel est garny en la bordure d'en bas de plusieurs beaux esmaux
sur cuivre doré, en façon d'applique de diverses façons, et au-dessus
desdits esmaux plusieurs belles agathes, les unes en façon de camahieux
à faces d'hommes (camées) et les autres en fond de cuve (chatons)...
Tout le devant de cet autel est couvert d'or, et enrichy de belles perles
rondes d'Orient, d'aigues marines en fond de cuve, de topazes, grenats,
saphirs, amatistes, cornalines, presmes d'esmeraudes, esmaux d'applique
et cassidoines, avec trois belles croix posées sur la pointe de
chacun pignon du cercueil, dont celle du milieu est d'or, et les autres
d'argent doré, enrichies de beaux saphirs, de belles amatistes, de grenats
et presmes d'esmeraudes. Au derrière du cercueil préallégué ce vers-cy
est escrit en lettres d'or sur laiton, ainsi que s'ensuit:
</div>
<center>
«<i>Facit utrumque latus, frontem, lectumque Suggerus<span id="note16"></span>[[#footnote16|<sup>16</sup>]].»</i>
</center>
[[Image:Autel.abbaye.Saint.Denis.png|center]]
<div class="text">
<br>
Cette description si minutieuse de l'autel des reliques de l'abbaye de
Saint-Denis fait voir que, si le reliquaire était important et aussi riche par
son ornementation que par la matière, l'autel placé en avant conservait
la simplicité des formes primitives, que cet autel était indépendant du
reliquaire, que les trois châsses des saints étaient placées de façon à
pénétrer jusque sous la table, et que les cercueils supérieurs disposés
dans le grand tabernacle à trois nefs, étaient feints, et ne faisaient que
rappeler aux yeux des fidèles la présence des corps saints qu'ils ne pouvaient
apercevoir. Sans prétendre faire ici une restauration de cet autel
remarquable, nous croyons cependant devoir en donner un croquis aussi
exactement tracé que possible d'après la description, afin de rendre le
texte intelligible pour tous (6)<span id="note17"></span>[[#footnote17|<sup>17</sup>]]. Cet autel et son reliquaire, placés au fond
du rond-point de l'église abbatiale, n'étaient pas entourés d'une clôture
particulière, car le sanctuaire était lui-même fermé et élevé au-dessus du
sol de la nef et du transept, de trois mètres environ; il n'était accompagné
que de deux armoires à droite et à gauche, contenant le trésor de l'église
(voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Armoire|Armoire]]). Quant à l'autel matutinal placé à l'extrémité de l'axe de la
croisée et presque adossé à la tribune formée par l'exhaussement du sanctuaire,
il était entouré de grilles de fer «faites par beaux compartiments,»
composé d'une table de marbre portée sur quatre piliers de marbre blanc;
il avait été consacré par le pape saint Étienne<span id="note18"></span>[[#footnote18|<sup>18</sup>]]. À la fin du XV<sup>e</sup> siècle,
cet autel était encore environné de colonnes de vermeil surmontées de
figures d'anges tenant des flambeaux, et reliées par des tringles sur lesquelles
glissaient les courtines. Derrière le retable, qui était d'or, avait
été élevée la châsse renfermant les reliques du roi saint Louis.
</div>
[[Image:Autel.matutinal.abbaye.Saint.Denis.png|center]]
<div class="text">
Un délicieux tableau de Van Eyck, conservé à Londres dans la collection
de lord ***, nous donne la disposition et la forme des parties supérieures
de cet autel; le dessous de la table de l'autel est caché par un riche parement
de tapisserie (7). On retrouve ici le retable donné par Charles le
Chauve et la croix d'or donnée par l'abbé Suger<span id="note19"></span>[[#footnote19|<sup>19</sup>]]. Le tableau de Van Eyck
est exécuté avec une finesse et une exactitude si remarquables, que l'on
distingue parfaitement jusqu'aux moindres détails du retable et du reliquaire.
Les caractères particuliers aux styles différents sont observés avec
une scrupuleuse fidélité. On voit que le retable appartient au IX<sup>e</sup> siècle;
les colonnes, les anges et le reliquaire à la fin du XIII<sup>e</sup> siècle.
 
<span id="Saint-Denis1">D. Doublet donne, dans le chapitre XLV de ses <i>Antiquitez de l'abbaye de
Saint-Denis</i>, une description minutieuse du retable d'or de cet autel, qui
se rapporte entièrement au tableau de Van Eyck; il mentionne la qualité et
le nombre des pierres précieuses, des perles, leur position, les accessoires
qui accompagnent les personnages.
 
Guillaume Durand semble admettre que tous les autels de son temps
fussent entourés de voiles et courtines, et en effet les exemples donnés par
les descriptions ou les représentations peintes ou dessinées (car malheureusement
de tous ces monuments pas un seul ne reste debout) viennent
appuyer son texte. Du temps de Moléon (1718), il existait encore un certain
nombre d'autels ayant conservé leur ancienne disposition. Cet auteur cite
celui de Saint-Seine, de l'ordre de saint Benoit<span id="note20"></span>[[#footnote20|<sup>20</sup>]]. «Le grand autel est sans
retable. Il y a seulement un gradin et six chandeliers dessus. Au-dessus est
un crucifix haut de plus de huit pieds, au-dessous duquel est la suspension
du saint sacrement dans le ciboire; et aux deux côtés de l'autel il y a
quatre colonnes de cuivre, et quatre anges de cuivre avec des chandeliers
et des cierges et de grands rideaux.» À Saint-Étienne de Sens (la cathédrale), même disposition. <span id=Chartres>À la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Chartres|Chartres]], «le grand autel
est fort large; il n'y a point de balustres, mais seulement des colonnes de
cuivre et des anges au-dessus autour du sanctuaire. Le parement est attaché
aux nappes un demi-pied sur l'autel; la frange du parement est tout au
haut sur le bord de la table. Au-dessus de l'autel il y a seulement un parement
au retable, et au-dessus est une image de la sainte Vierge d'argent
doré. Par derrière est une verge de cuivre, et au haut un crucifix d'or de la
grandeur d'un pied et demi, au pied duquel est une autre verge de cuivre
qui avance environ d'un pied ou d'un pied et demi sur l'autel, au bout de
laquelle est la suspension du saint ciboire, selon le second concile de Tours
<i>sub titulo crucis corpus Domini componatur.</i>» <span id="Rouen1">À Saint-Ouen de Rouen,
«le grand autel est simple, séparé de la muraille avec des rideaux aux
côtés, une balustrade de bois, quatre piliers et quatre anges dessus, comme
à celui de l'église cathédrale. Au-dessus du retable est la suspension du
saint ciboire (au pied de la croix), et les images de saint Pierre et de saint
Paul, premiers patrons, entre deux ou trois cierges de chaque côté. Il y a
trois lampes ou bassins devant le grand autel avec trois cierges, comme à
la cathédrale.» J. B. Thiers<span id="note21"></span>[[#footnote21|<sup>21</sup>]] démontre clairement que l'usage d'entourer
les autels de voiles, encore conservé de son temps dans quelques églises,
était général dans les premiers siècles du christianisme. <span id=Arras1>Nous donnons ici
la copie de l'ancien maître autel de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Arras|Arras]] (8), représenté sur
un tableau du XVI<sup>e</sup> siècle conservé dans la sacristie de cette église<span id="note22"></span>[[#footnote22|<sup>22</sup>]]. Cet
autel datait certainement du XIII<sup>e</sup> siècle, sauf peut-être la partie supérieure
de la suspension, la croix, qui paraît appartenir au XV<sup>e</sup>. Ce charmant
monument était construit partie en marbre blanc partie en argent naturel
ou doré. La pile postérieure derrière le retable était en marbre rehaussé
de quelques dorures, elle portait une petite statue de la Vierge sous un dais
couronné d'un crucifiement en argent avec saint Jean et la Vierge; trois
anges reçoivent le précieux sang de Notre-Seigneur dans de petites coupes.
Derrière le dais de la Vierge était un ange en vermeil sonnant de l'olifant.
Une crosse en vermeil à laquelle s'attachait un ange aux ailes déployées
soutenait le saint ciboire suspendu par une petite chaîne. Sur le retable
étaient posés des reliquaires. Six colonnes d'argent et de vermeil portaient
six anges entre les mains desquels on distingue les instruments de la
Passion. Dans le tableau de la sacristie d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Arras|Arras]], l'autel ainsi que le retable
sont couverts de parements semés de fleurs de lis. Nous ne savons pas
comment était décoré le retable sous le parement; quant à l'autel, il présentait
une disposition très-remarquable, disposition que nous reproduisons
dans la gravure (fig. 8), d'après un dessin de feu Garnerey<span id="note23"></span>[[#footnote23|<sup>23</sup>]].
</div>
[[Image:Autel.cathedrale.Arras.png|center]]
<div class="text">
<span id=Paris1>Le maître autel de la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], qui est représenté dans une
gravure de 1662<span id="note24"></span>[[#footnote24|<sup>24</sup>]], est disposé comme celui de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Arras|Arras]]. Quatre
anges tenant les instruments de la Passion sont posés sur quatre colonnes
de cuivre portant les tringles sur lesquelles glissent les courtines. À Notre-Dame
de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], l'autel était fort simple, revêtu d'un parement ainsi que le
retable; derrière l'autel s'élevait le grand reliquaire contenant la châsse de
saint Marcel. «Premièrement, dit le P. Du Breul<span id="note25"></span>[[#footnote25|<sup>25</sup>]], derrière et au hault
du grand autel, sur une large table de cuivre, soutenue de quatre gros
et fort haults pilliers de même estoffe est posée la châsse de saint Marcel,
neufième évêque de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], laquelle est d'argent doré, enrichie d'une
infinité de grosses perles et pierres précieuses... Plus hault d'icelle,
est une fort grande croix, dont le crucifix est d'argent doré.»
 
À côté de ce reliquaire était un autre autel: «Au côté droit, poursuit Du
Breul, sur l'autel de la Trinité, dict des Ardents, est la châsse de Notre-Dame, d'argent doré... À côté senestre dudict autel (principal) est une
châsse de bois, ayant seulement le devant couvert d'argent doré, en
laquelle est le corps de sainct Lucain, martyr... Au-dessus dudict autel
de la Trinité sont plusieurs châsses...»
 
<span id=Paris2>Voici, d'après la gravure dont nous avons parlé tout à l'heure, la vue de
cet autel principal de Notre-Dame de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], avec la châsse de saint Marcel
suspendue sous son grand baldaquin (9). Ce maître autel paraît avoir été
élevé vers la fin du XIII<sup>e</sup> siècle; peut-être était-il contemporain de la
clôture du chœur, qui date du commencement du XIV<sup>e</sup> siècle.
</div>
[[Image:Autel.Notre.Dame.Paris.png|center]]
<div class="text">
<span id=Arras2>L'autel des reliques de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Arras|Arras]] disposé au chevet de cette
église, et qui est reproduit dans les <i>Annales archéologiques</i> de M. Didron,
d'après un tableau conservé dans la sacristie, présentait une disposition
analogue à celle de l'autel du chevet de Notre-Dame de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], si ce n'est
que le reliquaire est suspendu au-dessus de l'autel, scellé aux deux piles
extrêmes de l'abside, et qu'on y accède par un petit escalier en bois posé à
la droite de cet autel<span id="note26"></span>[[#footnote26|<sup>26</sup>]].
 
<span id="Angers3">L'usage de poser des <i>parements</i><span id="note27"></span>[[#footnote27|<sup>27</sup>]] devant les autels, bien qu'ancien, ne
fut pas adopté uniformément en France. Cela explique pourquoi, à partir
du XII<sup>e</sup> siècle, quelques tables d'autels anciens sont portées sur des massifs
bruts, tandis que d'autres sont soutenues par des colonnettes riches de
sculptures, des arcatures, des plaques de pierre ou de marbre incrustées ou
sculptées. Le sieur de Moléon<span id="note28"></span>[[#footnote28|<sup>28</sup>]] observe «que dans les chapelles de l'église
cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Angers|Angers]], les autels (selon l'ancien usage qui nous est encore
resté le vendredi saint, et il n'y a pas encore longtemps, le samedi saint aussi) sont à nu, et ne sont couverts de quoi que ce soit; de sorte que ce
n'est qu'un moment avant que d'y dire la messe qu'on y met les nappes,
qui débordent comme celle qu'on met sur une table où l'on dîne; et il n'y
a point de parement.» La forme la plus habituelle de l'autel, pendant le
moyen âge, qu'il soit ou non revêtu de parements, est celle d'une table ou
d'un coffre.
 
<span id="Saint-Denis5">Il est certain que les beaux autels des chapelles de l'église abbatiale de
Saint-Denis en France dont nous donnons plus loin les dessins, et tant
d'autres, portés sur des colonnes ou présentant des faces richement décorées
de sculptures, de peintures et d'applications, n'étaient pas destinés à
recevoir des parements; tandis que très-anciennement déjà certains autels
en étaient garnis. <span id="Reims1">L'autel majeur de la cathédrale de Reims avait un parement
en partie d'or fin, en partie de vermeil, donné par les archevêques
Hincmar et Samson des Prés. L'autel des reliques de l'église de Saint-Denis
était également revêtu sur la face d'un parement d'or enrichi de pierres
précieuses qui avait été donné par Suger. Mais le plus souvent les parements
étaient d'étoffes précieuses, pour les devants d'autels comme pour
les retables. Guillaume Durand<span id="note29"></span>[[#footnote29|<sup>29</sup>]] n'admet pour les vêtements ecclésiastiques
que quatre couleurs principales: le blanc, le rouge, le noir et le vert; il
ajoute, il est vrai, que l'emploi de ces quatre couleurs n'est pas absolument
rigoureux; l'écarlate peut, selon lui, être substitué au rouge, le violet
au noir, la couleur <i>bysse</i> au blanc, et le safran au vert. Il est probable que
les parements des autels étaient soumis, comme les vêtements ecclésiastiques, à ces lois, et il faut les distinguer des couvertures ou nappes rouges,
grises et noires dont parle l'évêque de Mende dans son troisième chapitre,
cité plus haut. En changeant la couleur des vêtements ecclésiastiques
suivant les différents temps de l'année, le clergé changeait également,
comme cela se pratique encore aujourd'hui, la couleur des parements
d'autels, lorsque ces parements étaient faits en étoffes. Il en était de même
des voiles et courtines entourant les autels; ces tentures étaient variables.
Nous ajouterons, au sujet des voiles et courtines, qu'ils n'étaient pas
uniformément disposés pendant le moyen âge autour des autels. «Outre
qu'aujourd'hui, dit Thiers (chap. XIV)<span id="note30"></span>[[#footnote30|<sup>30</sup>]], il y a peu de ciboires au-dessus
des autels, hors l'Italie, il n'y a point d'autels qui aient des voiles ou
rideaux tout autour. La vérité est qu'en plusieurs anciennes églises,
tant séculières que régulières, les principaux autels ont des voiles au
côté droit et au côté gauche; mais ils n'en ont ni au devant, ni au derrière,
parce qu'au derrière il y a des retables, des tableaux ou des images
en relief, et que le devant est entièrement ouvert, si ce n'est qu'en
carême on y met ces voiles dont parlent Beleth<span id="note31"></span>[[#footnote31|<sup>31</sup>]], Durand<span id="note32"></span>[[#footnote32|<sup>32</sup>]], et les Uz de
Citeaux<span id="note33"></span>[[#footnote33|<sup>33</sup>]]. En d'autres églises, les autels n'ont point du tout de voiles,
quoiqu'il y ait apparence qu'ils en ont eu autrefois, ou au moins à droite
et à gauche, <i>ce qui se reconnoît par les pilastres ou colonnes de bois ou
de cuivre</i> que l'on y voit encore à présent. Enfin il y a une infinité
d'autels qui non-seulement n'ont point du tout de voiles, mais qui ne
paraissent pas même en avoir eu autrefois, n'ayant aucun vestige de
pilastres ou colonnes. Il y en avoit cependant autour des anciens autels,
dans les églises d'Orient, comme dans celles d'Occident, et on les y
tenoit dépliés et étendus (fermés) au moins pendant la consécration et
jusqu'à l'élévation de la sainte hostie, afin de procurer plus de vénération
aux divins mystères.» Après une dissertation étendue sur l'usage des
voiles posés au devant des autels grecs, Thiers termine son chapitre en
disant: «À l'égard des églises d'Occident, nous avons des preuves de reste
comme les autels y étoient entourés de voiles attachés aux ciboires, à
leurs arcades, ou aux colonnes qui les soutenoient. Il ne faut que lire
les vies des papes écrites par Anasthase le bibliothécaire pour en être
convaincu, et surtout celles de Serge I, de Grégoire III, de Zacharie,
d'Adrien I, de Léon III, de Pascal I, de Grégoire IV, de Serge II, de
Léon IV, de Nicolas I; on y verra que ces souverains pontifes ont fait
faire en diverses églises de Rome, les uns vingt-cinq, les autres huit, et
la plupart quatre voiles d'étoffes précieuses pour être tendus autour des
autels; pour être suspendus aux ciboires des autels; pour être attachés
aux arcades des ciboires autour des autels... <span id="Rome2">Guillaume le bibliothécaire,
qui a ajouté les vies de cinq papes, savoir: d'Adrien II, de Jean VIII, de
Martin II, ou Marin I, d'Adrien III et d'Étienne VI, à celles qu'Anasthase
a finies par Nicolas I, parle encore de ces mêmes voiles, dans la vie
d'Étienne VI, où il dit que ce pape donna un voile de lin et trois autres
voiles de soie pour mettre autour de l'autel de l'église de Saint-Pierre à
Rome...» Thiers, qui ne va guère chercher ses documents que dans les
textes, ne paraît pas certain que dans l'église d'Occident il y eût eu des
voiles devant les
</div>
[[Image:Autel.XIIIe.siecle.png|center]]
<div class="text">
<br>
autels. Le fait ne nous semble pas douteux cependant, au moins dans un certain nombre de diocèses. Voici (10) comme preuve la
copie d'un ivoire du XIII<sup>e</sup> siècle<span id="note34"></span>[[#footnote34|<sup>34</sup>]], sur lequel le voile <i>antérieur</i> de l'autel est
parfaitement visible. Dans cette petite sculpture, que nous donnons
grandeur d'exécution, le prêtre
est assis dans une chaire sous un
dais; devant l'autel, trois clercs
sont également assis, le voile antérieur
est relevé. La suspension
du saint sacrement est attachée
sous le <i>ciborium</i>. On ne voit sur la
table de l'autel qu'un livre posé à
plat, l'Évangile; des clercs tiennent
trois flambeaux du côté droit
de l'autel. Nous trouvons des
exemples analogues dans des vitraux,
dans des manuscrits et
sculptures du XI<sup>e</sup> au XIII<sup>e</sup> siècle.
Plus tard les voiles antérieurs des
autels sont rares et on ne les retrouve
plus, en Occident, que sur
les côtés, entre les colonnes, ainsi
que le font voir les fig. 7, 8 et 9.
Il semblerait que les voiles antérieurs
aient cessé d'être employés pour cacher les autels des églises
d'Occident pendant la consécration, lorsque le schisme grec se fut établi.
C'est aussi à cette époque que le <i>ciborium</i>, ou baldaquin recouvrant
directement l'autel, cesse de se rencontrer dans les églises de France, et
n'est plus remplacé que par la clôture de courtines latérales. En effet, dans
tous les monuments de la fin du XIII<sup>e</sup> siècle, ainsi que dans ceux des XIV<sup>e</sup> et
XV<sup>e</sup>, l'autel n'est plus couvert de cet édicule, désigné encore en Italie sous
le nom de <i>[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Cyborium|Ciborium]]</i> (voy. ce mot); tandis que, pendant la période romane
et jusque vers le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle, on trouve, soit dans les bas-reliefs,
les peintures, les vitraux ou les vignettes des manuscrits, des édicules
portés sur des colonnes et recouvrant l'autel, comme ceux qu'on peut
encore voir à Rome, dans les églises de Saint-Clément, de Sainte-Agnès
(hors les murs), de S. Georgio in Velabro; à Venise, dans l'église de
Saint-Marc, etc. Cependant du temps de Guillaume Durand, comme le
fait remarquer Thiers, les voiles antérieurs des autels étaient encore posés
pendant le carême, et Guillaume Durand écrivait son <i>Rational</i> à la fin du
XIII<sup>e</sup> siècle. «Il est à remarquer, dit-il<span id="note35"></span>[[#footnote35|<sup>35</sup>]], que l'on suspend trois sortes de
voiles dans l'église, à savoir: celui qui couvre les choses saintes, celui
qui sépare le sanctuaire du clergé, et celui qui sépare le clergé du
peuple... Le premier voile, c'est-à-dire les rideaux que l'on tend des
deux côtés de l'autel, et dont le prêtre pénètre le secret, a été figuré
d'après ce qu'on lit dans l'Exode (XXXIV). «Moïse mit un voile sur sa
figure, parce que les fils d'Israël ne pouvaient soutenir l'éclat de son
visage...» Le second voile, ou courtine, que, pendant le carême et la
célébration de la messe, on étend devant l'autel, tire son origine et sa
figure de celui qui était suspendu dans le tabernacle qui séparait le Saint
des saints du lieu saint... Ce voile cachait l'arche au peuple, et il était
tissu avec un art admirable et orné d'une belle broderie de diverses
couleurs, et il se fendit lors de la Passion du Seigneur; et, à son imitation,
les courtines sont encore aujourd'hui tissues de diverses couleurs
très-belles...» Le troisième voile a tiré son origine du cordon de muraille
ou tapisserie qui, dans la primitive Église, faisait le tour du chœur et ne
s'élevait qu'à hauteur d'appui, ce qui s'observe encore dans certaines
églises...<span id="note36"></span>[[#footnote36|<sup>36</sup>]] Mais le vendredi saint, on ôte tous les voiles de l'église,
parce que, lors de la Passion du Seigneur, le voile du temple fut
déchiré... Le voile qui sépare le sanctuaire du clergé est tiré ou enlevé
à l'heure de vêpres de chaque samedi de carême, et quand l'office du
dimanche est commencé, afin que le clergé puisse regarder dans le
sanctuaire, parce que le dimanche rappelle le souvenir de la résurrection...
Voilà pourquoi cela a lieu aussi pendant les six dimanches qui
suivent la fête de Pâques...»
<span id="Paris4"></div>
[[Image:Plan.autel.sainte.chapelle.Paris.png|center]]
<div class="text">
L'autel de la Sainte-Chapelle haute de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]] ne paraît pas avoir été disposé
pour être voilé, et l'édicule qui portait le grand reliquaire était placé derrière
et non au-dessus de lui. Nous donnons ici (11) le plan de cet autel
et de son entourage. L'autel semble être contemporain de la sainte-Chapelle
(1240 à 1250); quant à la tribune sur laquelle est posée la grande
châsse, et dont tous les débris sont aujourd'hui replacés, elle date évidemment
des dernières années du XIII<sup>e</sup> siècle. Quatre colonnes portant des anges
de bronze doré étaient placées aux quatre coins de l'emmarchement de
l'autel; mais ces colonnes avaient été élevées sous Henri III. Au fond du
rond-point, derrière le maître autel A, était dressé un petit autel B;
suivant un ancien usage, ce petit autel était désigné sous le nom d'autel
<i>de retro</i>. C'était, comme à la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], comme à Bourges, à
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Chartres|Chartres]], à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]], à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Arras|Arras]], l'autel des reliques, qui n'avait qu'une place
secondaire, le maître autel ne devant avoir au-dessus de lui que la
suspension de l'eucharistie. Voici l'élévation perspective de cet autel (12)
avec la tribune, les deux petits escaliers en bois peint et doré qui accèdent
à la plate-forme de cette tribune voûtée et à la grande châsse en vermeil
posée sur une crédence de bois doré, surmontée d'un dais également en
bois enrichi de dorures et de peintures.
</div>
[[Image:Autel.sainte.chapelle.Paris.png|center]]
<div class="text">
Nous entrerons dans quelques détails descriptifs à propos de cet autel
et de ses accessoires si importants, conservés au musée des Augustins et
rétablis aujourd'hui à leur place. L'autel n'existe plus, mais des dessins et
une assez bonne gravure faisant partie de l'ouvrage de Jérôme Morand<span id="note37"></span>[[#footnote37|<sup>37</sup>]], nous
en donnent une idée exacte. Cet autel était fort simple; la table formée d'une
moulure enrichie de roses, portée sur un dossier et trois colonnettes,
n'était pas surmontée d'un retable. Derrière cet autel s'ouvre une arcade
formant l'archivolte d'une voûte figurant une abside et s'étendant jusqu'au
fond du chevet; la grande arcade est accompagnée et contre-buttée par une
arcature à jour servant de clôture. Deux anges adorateurs sculptés et peints
se détachent sur les écoinçons de la grande arcade, ornés d'applications de
verre bleu avec fleurs de lis d'or. Sous la courbe ogivale de cet arc sont
suspendus des anges plus petits; les deux du sommet tiennent la couronne
d'épine, les quatre inférieurs les instruments de la Passion.
L'arcature et les archivoltes en retour s'ouvrant sous la voûte, sont couverts
d'applications de verre, de gaufrures dorées et de peintures. La voûte est
composée de nervures également gaufrées, enrichies de pierres fausses, et
de remplissages bleus avec étoiles d'or. Les deux petits escaliers en bois
qui montent sur la voûte sont d'une délicatesse extrême et très-habilement
combinés comme menuiserie. Au roi de France seul était réservé le
privilège d'aller prendre la monstrance contenant la couronne d'épine
renfermée dans la grande châsse, et de présenter la très-sainte relique à
l'assistance ou au peuple dans la cour de la Sainte-Chapelle. À Cet effet,
en bas de la grande verrière absidale, était laissé un panneau de vitres
blanches, afin que le reliquaire pût être vu du dehors, entre les mains du
roi. La suspension du saint sacrement était devant la grande châsse
au-dessus de l'autel. Notre gravure ne peut donner qu'une bien faible idée
de ce chef-d'œuvre, où l'art l'emporte de beaucoup sur la richesse des
peintures, des applications, des dorures. Il va sans dire que la grande
châsse fut fondue et que nous n'en possédons plus que des dessins ou des
représentations peintes. Derrière la clôture, l'arcature qui garnit le soubassement
de la sainte chapelle continue; seulement à droite, sous la première
fenêtre, est pratiquée une piscine d'un travail exquis (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Piscine|Piscine ]]); à
gauche une armoire. Deux des douze apôtres, dont les statues ont été adossées
aux piliers, sont placés à côté des deux escaliers; ce sont les statues
de saint Pierre et de saint Paul. Au-dessus du petit autel de retro, sous le
formeret de la voûte de la tribune, est peint un crucifiement, avec le
soleil et la lune et deux figures, dont l'une, couronnée, est probablement
saint Louis<span id="note38"></span>[[#footnote38|<sup>38</sup>]]. Deux marches montent à l'autel principal.
 
<span id="Saint-Denis3">On observera que les autels derrière lesquels s'élèvent des reliquaires,
tels que ceux de l'église abbatiale de Saint-Denis, de Notre-Dame de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]]
et de la Sainte-Chapelle, sont placés de façon à ce que le dessous du
reliquaire forme comme une
grotte ou crypte à rez-de-chaussée.
À Saint-Denis, cette petite
crypte était occupée par les corps
saints; mais à Notre-Dame de
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], à la Sainte-Chapelle. les
châsses sont fort élevées au-dessus
du sol, comme suspendues
en l'air, de manière à ce que
l'on puisse se placer au-dessous
d'elles. Cette disposition paraît
avoir été adoptée fort anciennement.
Il existe dans les cryptes
de l'église de Saint-Denis, du
côté du nord, proche l'entrée
du caveau central, une arcature
dépendant de l'église carlovingienne; sur l'un des chapiteaux de cette arcature,
est sculpté un autel (12 A),
</div>
[[Image:Sculpture.crypte.eglise.Saint.Denis.png|center]]
<div class="text">
<br>
derrière lequel est posé un édicule portant un reliquaire. <span id="Valcabrère1">Une petite église du midi de la France, l'église de
Valcabrère près Saint-Bertrand
de Comminges, a conservé dans
son chevet, dont la construction
appartient à l'époque carlovingienne,
un autel établi très-franchement
au XIII<sup>e</sup> siècle d'après
cette donnée. Le plan (12 B)
de l'abside de cette église, l'élévation
(12 C) et la coupe (12 D)
de l'autel, indiquent nettement
la petite crypte placée sous le
reliquaire contenant la châsse.
Un escalier conduit sur la voûte
qui reçoit la châsse, et les fidèles
peuvent circuler derrière
l'autel sous cette voûte, pour se placer directement sous la protection du
saint. Nous verrons tout à l'heure comme ce principe est appliqué aux
autels secondaires de l'église abbatiale de Saint-Denis.
</div>
[[Image:Plan.abside.eglise.Valcabrere.png|center]]
 
[[Image:Abside.eglise.Valcabrere.png|center]]
 
[[Image:Coupe.abside.eglise.Valcabrere.png|center]]
<div class="text">
Il est une chose digne de remarque lorsqu'on examine ces restes
précieux, ainsi que ceux qui nous sont encore, et en si grand nombre,
conservés à Saint-Denis; c'est que, dans les décorations des autels, dans
tout ce qui semblait fait pour accompagner dignement le sanctuaire des
églises, on s'est préoccupé au moyen âge, surtout en France, d'honorer
l'autel, plus encore par la beauté du travail, par la perfection de la <i>main-d'œuvre</i>
que par la richesse intrinsèque des matières employées. <span id="Paris5">À la
Sainte-Chapelle, ce gracieux sanctuaire n'est composé que de pierre et de
bois; les moyens de décorations employés sont d'une grande simplicité:
du verre appliqué, des gaufrures faites dans une pâte de chaux, des
peintures et des dorures, n'ont rien qui soit dispendieux. La valeur réelle
de ce monument tient à l'extrême perfection du travail lie l'artiste. Toutes
les sculptures sont traitées avec un soin, un art, et nous dirons avec un
respect scrupuleux de l'objet, dont rien n'approche. N'était-ce pas, en
effet, la plus noble manière d'honorer Dieu que de faire passer l'art avant
toute chose dans son sanctuaire? et n'y avait-il pas un sentiment vrai et
juste dans cette perfection que l'artiste cherchait à donner à la matière
grossière? Nous avouerons que nous sommes bien plus touchés à la vue
d'un autel de pierre sur lequel l'homme a épuisé toutes les ressources de
son art, que devant ces morceaux de bronze ou d'argent grossièrement
travaillés, dont la valeur consiste dans le poids, et qui excitent bien plutôt
la cupidité qu'ils n'émeuvent l'âme. <span id="Saint-Denis6">Nous avons déjà parlé des autels de
l'église abbatiale de Saint-Denis, et nous avons cherché à donner une idée
de ce que pouvait être l'autel des reliques élevé dans son sanctuaire; mais
ce n'est là qu'une restauration dont chacun peut contester la valeur,
heureusement plusieurs des autels secondaires de cette église célèbre ont
été conservés jusqu'à nous en débris, ou nous sont donnés par de précieux
dessins exécutés en 1797 par feu Percier<span id="note39"></span>[[#footnote39|<sup>39</sup>]]. C'est surtout dans ces autels
que l'œuvre de l'artiste apparaît. Là point de retables ni de parements d'or
ou de vermeil. La pierre est la seule matière employée, mais elle est
travaillée avec un soin et un goût parfaits, recouverte de peintures, de
dorures, de gravures remplies de mastics colorés ou d'applications de
verre qui ajoutent encore à la beauté du travail, sans que jamais la valeur
de l'œuvre d'art puisse être dépassée par la richesse de la matière. Nous
donnerons d'abord l'autel de la chapelle de la Vierge située au chevet
dans l'axe de l'église. Cet autel, élevé sur un pavé en terre cuite d'une
grande finesse et qui dépend de l'église bâtie par Suger, est posé sur une
seule marche en pierre de liais gravée et incrustée de mastics. Les
gravures forment, au milieu d'une délicate bordure d'ornements noirs,
un semis de fleurs de lis et de tours de Castille sur champ bleu verdâtre
et rouge (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Dallage|Dallage]]). Portée sur trois colonnettes et sur un dossier
richement peint, la table de l'autel est simple et surmontée d'un retable
en liais représentant, au centre, la sainte Vierge couronnée tenant l'enfant
Jésus; à droite, la naissance du Christ, l'adoration des Mages; à gauche,
le massacre des Innocents et la fuite en Égypte. Ces figures, d'un travail
remarquable, sont entièrement peintes sur fond bleu losangé et semé de
fleurs de lis d'or. Derrière le retable, entre l'autel et le fond de la chapelle,
est un petit édicule sous lequel on peut passer, et qui supporte au niveau
du dessus du retable un tabernacle en pierre d'une excessive délicatesse.
Deux colonnes à huit pans, terminées à leur sommet par des fleurons
feuillus, posées aux deux côtés du retable, reçoivent des crosses en fer
doré, auxquelles des lampes sont suspendues. Au-dessus du tabernacle,
sur un cul-de-lampe incrusté dans la colonne centrale du fond de la
chapelle, est posée une jolie statue de la sainte Vierge tenant l'enfant,
en marbre blanc, demi-nature; sur sa tête est un dais. Voici (13) un plan
de cet autel avec la chapelle dans laquelle il est posé, et (13 bis) une vue
de l'ensemble du petit monument. Dans le tabernacle, derrière l'autel,
était placée une châsse contenant les corps de saint Hilaire, évêque de
Poitiers, et de saint Patrocle, martyr, évêque de Grenoble. Cet autel,
comme la plupart des autels secondaires de l'église abbatiale de Saint-Denis,
avait été élevé par les soins de saint Louis lorsqu'il fit restaurer et rebâtir
en partie cette église.
</div>
[[Image:Autel.chapelle.Vierge.eglise.Saint.Denis.png|center]]
 
[[Image:Autel.chapelle.Vierge.eglise.Saint.Denis.2.png|center]]
<div class="text">
<span id="Saint-Denis7">À l'entrée du rond-point de l'église abbatiale, du côté gauche (nord),
était autrefois la chapelle dédiée à saint Firmin, premier évêque d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]],
martyr. Le pavé de cette chapelle et la marche de l'autel, qui est fort large,
étaient en mosaïques, et dataient du XII<sup>e</sup> siècle<span id="note40"></span>[[#footnote40|<sup>40</sup>]]. L'autel est du commencement
du XIII<sup>e</sup> siècle, ainsi que son retable, qui existe encore en entier<span id="note41"></span>[[#footnote41|<sup>41</sup>]].
D. Doublet mentionne le pavage en mosaïque de cette chapelle, dont nous
avons dernièrement retrouvé des portions en place; il donne la légende de
la châsse de saint Firmin conquise par Dagobert, légende qui était peinte
sur le devant de l'autel entre l'arcature dont il était décoré<span id="note42"></span>[[#footnote42|<sup>42</sup>]]. Il parle de
la châsse en bois doré posée derrière l'autel, et d'une certaine «bande de
broderie au-dessus de l'autel, toute pourfilée de perles et enrichie de
pierreries, de la longueur d'yceluy, à laquelle sont suspendues soixante
branslans (glands) d'argent doré.» Voici (14) la face de l'autel avec son
retable en pierre sculptée et peinte, représentant le Christ au centre, avec
les quatre évangélistes; des deux côtés les douze apôtres avec leurs noms
au-dessous. En commençant par la droite de l'autel, on lit: Simon, Bartholomeus, Jacobus, Johannès, Andreas, Petrus; sous le Christ, Apostolus; puis
en suivant, Paulus, Jacobus, Thomas, Filipus, Matheus, Judas (Jude). Dans
le quatre-feuilles qui entoure le Christ, on lit cette inscription: <i>Hic Deus est
et homo quem presens signal imago ergo rogabit homo quem sculta figurat
imago</i>. Le corps de l'autel est composé d'une arcature feuillue soutenue
par des colonnettes engagées, cylindriques et prismatiques alternées; le
tout est couvert de peintures; les feuillages sont colorés en vert ainsi que
les chapiteaux; les colonnettes sont divisées par des compartiments très-fins
simulant des mosaïques, assez semblables à celles qui couvrent les
colonnettes des cloîtres de Saint-Jean de Latran et de Saint-Paul hors les
murs à Rome; les intervalles entre les colonnettes sont couverts de sujets
légendaires, ainsi qu'il vient d'être dit. La table de l'autel était bordée sur
ses rives d'une inscription, perdue, et couverte sur le plat d'une mosaïque
à compartiments. Nous donnons ici (15) le plan de cet autel, avec la châsse
de saint Firmin placée derrière le dossier, sous une table portée sur des
colonnes; et (16) le côté de l'autel qui fait comprendre la disposition de
cette châsse, des grilles dont elle était entourée et de la petite lampe qui
brillait sur le
</div>
[[Image:Autel.chapelle.Saint.Firmin.eglise.Saint.Denis.png|center]]
 
[[Image:Autel.chapelle.Saint.Firmin.eglise.Saint.Denis.2.png|center]]
 
[[Image:Autel.chapelle.Saint.Firmin.eglise.Saint.Denis.3.png|center]]
<div class="text">
<br>
corps saint. On voit combien, malgré la richesse des détails, la forme générale de ce petit monument est simple et digne. Comme dans
toutes les œuvres du moyen âge, surtout avant le XIV<sup>e</sup> siècle, on remarque
dans le petit nombre d'autels qui nous sont conservés par des dessins ou
des monuments et surtout dans leurs accessoires, tels que retables, tabernacles,
reliquaires, une grande variété; que serait-ce si tous ces objets
nous eussent été transmis intacts! Les deux derniers autels nous montrent
des reliquaires disposés d'une façon très-différente et parfaitement justifiée
par la situation. En effet, l'autel (fig. 13) de la chapelle de la Vierge de
Saint-Denis est adossé, et, pour faire voir la châsse, il fallait nécessairement
l'élever au-dessus du retable; au contraire, l'autel de Saint- Firmin est
placé de manière que l'on peut tourner facilement tout autour (fig. 15); la
châsse se trouvait alors au niveau du sol, protégée par un grillage. Au-dessus
d'elle, suspendue à la grande tablette qui la recouvrait, se voit
la petite lampe. Il existait encore à Saint-Denis un grand nombre d'autels
secondaires dont les dispositions accessoires différaient de celles que nous
venons de donner. Voici entre autres l'autel Saint-Eustache, qui se trouvait
adossé au fond de la première chapelle carrée au nord, au-dessus de la
chapelle de la Vierge Blanche (17). Ici le tabernacle recouvrant la châsse
du saint était complètement isolé du retable et porté sur deux colonnes et
des consoles à figures. Il paraît difficile de donner une signification à ces
monstres accroupis sur des hommes vêtus. Le sculpteur a-t-il voulu faire
des syrènes, en se conformant aux textes des
</div>
[[Image:Autel.Saint.Eustache.eglise.Saint.Denis.png|center]]
<div class="text">
<br>
bestiaires si fort en vogue pendant les XII<sup>e</sup> et XIII<sup>e</sup> siècles<span id="note43"></span>[[#footnote43|<sup>43</sup>]], et rappeler ainsi aux fidèles le danger des
séductions du siècle? <span id="Saint-Denis8">Parmi les autels de Saint-Denis, il en est encore un
autre dont la place n'a pu être jusqu'à présent reconnue<span id="note44"></span>[[#footnote44|<sup>44</sup>]], mais qui présente
un grand intérêt: il se compose d'un massif en maçonnerie entièrement
revêtu sur le devant et les côtés d'applications de verres taillés en
losanges et à travers lesquels on aperçoit des tours de Castille sur fond
écarlate, des fleurs de lis sur fond bleu, des rosaces et des aiglettes sur
fond pourpre. Sur le dossier est un retable également incrusté de verre bleu
taillé en polygones avec un crucifiement, saint Jean et la Vierge, l'Église et
la Synagogue, en bas-relief. La marche de cet autel est en liais avec bordure
de fleurs de lis et tours de Castille très-fines se détachant sur un fond de
mastic bleu et rouge; le milieu présente des dessins d'une grande délicatesse,
noirs, bleus et rouges, également en mastic. Le pavé de la chapelle
était en mosaïque de terre cuite et de petites pierres de couleur avec
carreaux menus de marbre blanc (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Pavage|Pavage ]]). Nous donnons ci-contre
(18) une élévation perspective de cet autel.
</div>
[[Image:Autel.eglise.Saint.Denis.png|center]]
<div class="text">
Dans quelques-uns des exemples donnés ci-dessus, on ne voit pas que l'Eucharistie
ait été placée autrement que dans un ciboire suspendu, et nous
n'avons pas trouvé de tabernacles ou custodes posés sur les autels pour
contenir les hosties consacrées et non consacrées, ainsi que le dit Guillaume
Durand dans son <i>Rational</i>. L'usage de réserver l'Eucharistie dans des réduits
tenant aux retables des principaux autels ne remonte pas à plus de deux
cents ans, et encore, à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, conservait-on l'Eucharistie
dans des boîtes en forme de pavillons ou de tours, ou dans des colombes
d'argent, suspendues au-dessus des autels majeurs des grandes cathédrales
et des églises monastiques. Souvent aussi apportait-on les hosties sur la
communion dans des ciboires que l'on posait sur la table de l'autel au
moment de dire la messe. Dans ce cas, le ciboire, la boîte de vermeil
contenant l'Eucharistie, était habituellement déposée dans un sacraire ou
petite sacristie voisine de l'autel. Thiers parle, dans ses <i>Dissertations sur
les principaux autels des églises</i>, de <i>tours</i> destinées à contenir l'Eucharistie;
il dit en avoir vu une de cuivre, assez ancienne, dans le chœur de
l'église paroissiale de Saint-Michel de Dijon. Cet usage était fort ancien en
effet, car saint Remi, archevêque de Reims, ordonna, par son testament,
que son successeur ferait faire un tabernacle ou ciboire en forme de tour,
d'un vase d'or pesant dix marcs, qui lui avait été donné par le roi Clovis.
Fortunat, évêque de Poitiers, loue saint Félix, archevêque de Bourges, qui
assista au quatrième concile de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]] en 573, de ce qu'il avait fait faire une
tour d'or très-précieuse pour mettre le corps de Jésus-Christ. Les
exemples abondent, aussi bien pour les tours transportables que pour les
colombes suspendues au-dessus des autels et contenant l'Eucharistie.
Peut-être Guillaume Durand, en parlant des tabernacles posés sur les
autels, entend-il désigner ces tours ou custodes mobiles qui ne contenaient
pas seulement les hosties consacrées, mais encore les non consacrées et
même des reliques de saints; ces custodes, complétement indépendantes du
retable, se posaient devant lui, sur l'autel même, au moment de la communion
des fidèles. Mais il faut reconnaître que le texte de l'évêque de
Mende est assez vague, et l'opinion de Thiers sur les custodes ou tours
mobiles nous paraît appuyée sur des faits dont on ne peut contester
l'authenticité. Thiers regarde les tours comme des coffres destinés non
point à contenir l'Eucharistie, mais les ustensiles nécessaires pour l'oblation,
la consécration et la communion, et il incline à croire que l'Eucharistie
était <i>toujours</i> réservée dans une boîte suspendue au-dessus de l'autel,
que cette boîte fût faite en forme de tour, de coupe ou de colombe. <span id=Cluny>Saint
Udalric parle d'une colombe d'or continuellement suspendue sur l'autel
de la grande église de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Cluny|Cluny]], dans laquelle on réservait la sainte Eucharistie.
Mais ces <i>suspensions</i> affectaient diverses formes, sans parler de celle
représentée dans la figure 8; il existe encore dans le trésor de la cathédrale
de Sens un ciboire en forme de coupe recouverte, destiné à être suspendu
au-dessus de l'autel; ce ciboire date du XIII<sup>e</sup> siècle. Quant aux ustensiles
nécessaires pour l'oblation, la consécration et la communion, tels que le
calice, la patène, la fistule, les burettes, le voile, etc., ils étaient conservés
ou dans ces coffres mobiles que l'on transportait près de l'autel au moment
de l'oblation, ou dans ces petites armoires qui sont généralement pratiquées
dans les murs des chapelles à la droite de l'autel en face de la piscine,
ou dans de petits réduits pratiqués à cet effet dans les autels mêmes. Nous
retrouvons un assez grand nombre d'autels figurés dans des peintures et
des bas-reliefs où ces réduits sont indiqués. Voici entre autres (19) un
autel provenant d'un bas-relief en albâtre conservé dans le musée de la
cathédrale de Séez, sur la paroi duquel est ouverte une petite niche contenant
les burettes.
</div>
[[Image:Bas.relief.cathedrale.Seez.png|center]]
<div class="text">
Quant aux retables, ils prirent une plus grande importance à mesure que
le goût du luxe pénétrait dans la décoration intérieure des églises (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8, Retable|Retable ]]).
Déjà très-riches au XIII<sup>e</sup> siècle, mais renfermés dans des lignes
simples et sévères, ils ne tardèrent pas à s'élever et à dominer les autels en
présentant un échafaudage d'ornementation et de figures souvent d'une
assez grande dimension, ou une succession de sujets couvrant un vaste
champ. Les cathédrales seules conservèrent longtemps les anciennes traditions,
et ne laissèrent pas étouffer leurs maîtres autels sous ces décorations
parasites. Il faut rendre justice à l'Église française, cependant: elle fut la
dernière à se laisser entraîner dans cette voie fâcheuse pour la dignité du
culte. L'Italie, l'Espagne, l'Allemagne nous devancèrent et couvrirent dès
le XIV<sup>e</sup> siècle leurs retables d'un fouillis incroyable de bas-reliefs, de niches,
de clochetons, qui s'élevèrent bientôt jusqu'aux voûtes des églises. Les
retables des autels des églises espagnoles notamment sont surmontés de
retables, dont quelques-uns appartiennent au XIV<sup>e</sup> siècle, et un plus grand
nombre aux XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> siècles, qui dépassent tout ce que l'imagination peut
supposer de plus riche et de plus chargé de sujets et de sculptures d'ornement.
Sans tomber dans cette exagération, les autels de France perdent à
la fin du XIV<sup>e</sup> siècle l'aspect sévère qu'ils avaient su conserver encore
pendant le XIII<sup>e</sup>. Les retables prennent assez d'importance (excepté, comme
nous l'avons dit, dans quelques églises cathédrales) pour faire disparaître
la belle disposition des autels de Saint-Denis. On n'établit plus cette
distinction entre l'autel et le reliquaire s'élevant derrière lui; tout se mêle
et devient confus; l'autel, le retable et le reliquaire ne forment plus qu'un
seul édicule, contrairement à cette loi de la primitive Église, que rien ne
doit être placé directement au-dessus de l'autel, si ce n'est le ciboire. Il ne
nous appartient pas de décider si ces changements ont été favorables ou
non à la dignité des choses saintes, mais il est certain qu'au point de vue
de l'art, les autels ont perdu cette simplicité grave qui est la marque du
bon goût, depuis qu'on a surchargé leurs dossiers d'ornements parasites,
depuis qu'on a remplacé les suspensions du saint ciboire par des tabernacles
qui s'ouvrent au milieu du retable, depuis que les retables eux-mêmes,
convertis en gradins, ont été couverts d'une quantité innombrable de
flambeaux, de vases de fleurs artificielles; depuis que des tableaux avec
encadrements présentent des scènes réelles aux yeux, et viennent distraire
plutôt qu'édifier les fidèles. Notre opinion sur un sujet aussi délicat pourrait au besoin s'appuyer sur celle d'un auteur ecclésiastique que nous avons
déjà cité bien des fois dans le cours de cet article. Thiers, en parlant de ces
movations qu'il regarde comme funestes, dit<span id="note45"></span>[[#footnote45|<sup>45</sup>]]: «Les petits esprits, les
esprits foibles, les dévots de mauvais goust, qui ont plus de zèle que de
lumières, et qui ne sont pas prévenus de respect pour les antiquités
ecclésiastiques, louent, approuvent ces nouvelles inventions, jusqu'à dire
qu'elles entretiennent, qu'elles excitent leur dévotion. Comme s'il n'y avoit
point eu de dévotion dans l'antiquité; comme si l'on ne pouvoit pas être
dévot sans cela; comme s'il n'y avoit pas de dévotion dans les églises
cathédrales, où les tabernacles sont extrêmement simples, aussi bien que
les autels, quoique les embellissemens leur conviennent incomparablement
mieux qu'aux églises des Réguliers entre autres.» Que dirait donc Thiers
aujourd'hui, que toutes les églises cathédrales elles-mêmes ont laissé
perdre la vénérable simplicité de leurs autels sous des décorations qui
n'ont même pas le mérite de la richesse de la matière, ou de la beauté de
la forme? Depuis l'époque où écrivait notre savant auteur, (1658), que de
tristes changements dans les chœurs de nos églises mères, quelle monstrueuse
ornementation est venue remplacer la grave et simple décoration
de ces anciens autels, témoins des faits les plus émouvants de notre histoire
nationale! <span id="Amiens28">Qu'eût dit Thiers en voyant le chapitre de la cathédrale de
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Chartres|Chartres]] démolir son jubé et son autel du XIII<sup>e</sup> siècle; le chapitre de
Notre-Dame de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]] présider à la destruction de son ancien autel, de ses
reliquaires, de ses tombes d'évêques; celui de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]]
remplacer par du stuc, du plâtre et du bois doré le magnifique maître autel
dont nous donnons plus bas la description? Peut-on, après cet aveuglement
qui entraînait, pendant le cours du dernier siècle, le clergé français à jeter
au creuset ou aux gravats des monuments si vénérables et si précieux,
pour mettre à leur place des décorations théâtrales où toutes les traditions
étaient oubliées; peut-on, disons-nous, trouver le courage de blâmer les
démolisseurs de 1793, qui renversaient à leur tour ce qu'ils avaient vu
détruire quelques années auparavant par les chapitres et les évêques
eux-mêmes? Ces pertes sont malheureusement irréparables, car, admettant
qu'aujourd'hui, par un retour vers le passé, on tente de rétablir nos
anciens autels, jamais on ne leur donnera l'aspect vénérable que le temps
leur avait imprimé; on pourra faire des pastiches, on ne nous rendra pas
tant d'œuvres d'art accumulées par la piété des prélats et des fidèles sous
l'influence d'une même pensée; car jusqu'à la réformation, sauf quelques
légères modifications apportées par le goût de chaque siècle, les dispositions
des autels étaient à très-peu de choses près restées les mêmes. En voici
une preuve. Le maître autel de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]] avait été érigé
pendant le XV<sup>e</sup> siècle et au commencement du XVI<sup>e</sup>, soit que l'ancien autel
n'eût été que provisoire, soit qu'il eût été ruiné pendant les guerres
désastreuses des XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles. Ce nouvel autel rappelait les dispositions de celui de la Sainte-Chapelle, ce qu'il est facile de reconnaître en
examinant le plan (20)<span id="note46"></span>[[#footnote46|<sup>46</sup>]] que nous présentons ici. Grâce au zèle d'un
Amiénois dont tous les loisirs sont employés à faire connaître l'histoire de
son pays<span id="note47"></span>[[#footnote47|<sup>47</sup>]] et dont les recherches ont déjà produit de précieux travaux sur
la Picardie, nous pouvons donner à nos lecteurs une idée complète du
maître autel de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]]. Cet autel était en pierre blanche,
percé de trois niches destinées à contenir les châsses des trois saints les
plus vénérés du diocèse d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]]; il avait été consacré en 1483 par
l'évêque Versé, neveu de J. Coythier, médecin de Louis XI. La table en
marbre
</div>
[[Image:Plan.maitre.autel.cathedrale.Amiens.png|center]]
<div class="text">
<br>
noir avait 4<sup>m</sup>,54 de long sur 0<sup>m</sup>,66 de largeur; elle avait été donnée
en 1413 par un chanoine de la cathédrale, Pierre Millet. Le retable, surélevé au centre, était couvert de panneaux de bois peint représentant la
Passion, qui, en s'ouvrant comme des volets, laissaient voir des bas-reliefs
d'argent exécutés de 1485 à 1493. Six colonnes de cuivre, dont les fûts
étaient ornés de statuettes de saints, posées des deux côtés de l'autel,
portaient six anges vêtus de chapes et tenant les instruments de la Passion.
Des voiles glissant sur les tringles qui réunissaient les trois colonnes, de
chaque côté, fermaient le sanctuaire. Ces voiles furent conservés jusqu'en
1671. Les colonnes avaient été données par un chanoine d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]], Jehan
Leclère, en 1511. Un lustre d'Argent à trois branches était suspendu devant
l'autel. Trois grands chandeliers de cuivre étaient en outre placés dans le
sanctuaire. Un dais en forme de carré long, couvert d'une étoffe de soie
semée de fleurs de lis d'or, était suspendu à la voûte immédiatement
au-dessus de la table de l'autel. Aux deux angles postérieurs de l'autel, aux
extrémités du retable, étaient plantées, sur le dallage, deux colonnes de
cuivre en forme d'arbres chargés de fleurs et de fruits. Les corolles des
fleurs portaient des cierges que l'on allumait aux jours de fêtes devant les
châsses des saints. Quant à la suspension du saint sacrement, elle avait été
refaite pendant les XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles. Il n'est pas fait mention dans les
registres capitulaires d'où sont tirés ces renseignements, de la clôture qui,
comme à la Sainte-Chapelle de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], fermait le rond-point derrière l'autel;
mais il y a tout lieu de croire que cette clôture double, voûtée, formait une
galerie élevée sur laquelle étaient exposées les châsses qui, à la cathédrale
d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]], étaient nombreuses et d'une grande richesse. Derrière le maître
autel, au fond du rond-point, s'élevait le petit autel de <i>retro</i>; il était décoré
d'un groupe de statues représentant le Christ mis au tombeau, exécuté en
1484.
 
Pour clore dignement ce chœur, des tombes d'évêques surmontées
d'arcatures à jour, terminées par des pignons et clochetons, étaient disposées
entre les piles du rond-point. Ce fut seulement en 1755 que tout le
sanctuaire de la cathédrale fut bouleversé pour faire place à des images de
plâtre et à des rayons de bois doré, avec grosses cassolettes, draperies
chiffonnées, gros anges effarouchés également en plâtre.
</div>
[[Image:Nappe.autel.medieval.png|center]]
<div class="text">
Il ne paraît pas que jusqu'au XV<sup>e</sup> siècle il fût d'usage dans le nord de la
France de placer des statues de saints, et à plus forte raison le Christ ou
la sainte Vierge, sur le devant des autels au-dessous de la table<span id="note48"></span>[[#footnote48|<sup>48</sup>]]. En
admettant qu'il n'y eût pas là une question de convenance, les nappes
des autels anciens descendant fort bas (21)<span id="note49"></span>[[#footnote49|<sup>49</sup>]], il était inutile de placer sur
les faces, des bas-reliefs qui n'eussent point été
vus. Mais pendant les XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> siècles on
sculpta souvent des figures de saints sur les
devants d'autel, des anges, des scènes de la
Passion; on représenta même, sous la table de
l'autel, le Christ au sépulcre en ronde-bosse,
avec les saintes femmes et les soldats endormis<span id="note50"></span>[[#footnote50|<sup>50</sup>]].
Ce n'est qu'au XVI<sup>e</sup> siècle que l'autel cesse
d'affecter la forme d'une table ou d'un coffre,
pour adopter celle d'un tombeau, d'un sarcophage.
Jusqu'alors l'autel n'est pas le tombeau
du Christ ou d'un martyr: il recouvre le tombeau,
c'est la table posée sur le tombeau ou devant lui,
</div>
[[Image:Bas.relief.porte.Sainte.Anne.Notre.Dame.Paris.png|center]]
<div class="text">
<br>
et même sur la crypte renfermant le tombeau. Cette idée est dominante, et les exemples
que nous avons donnés le prouvent surabondamment. La façon dont
sont disposés les corps saints sous l'autel des reliques de l'église de
Saint-Denis, derrière les autels de Saint-Firmin, de la Vierge, de Saint-Eustache
de la même église, de Valcabrère, de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]]
même, indique bien nettement que l'autel n'est pas un tombeau, mais un
meuble posé devant ou sur des reliques saintes. <span id=Paris3>Un bas-relief de la porte
Sainte-Anne à Notre-Dame de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], donne d'une manière naïve la véritable
signification de l'autel (22). Là, on voit la crypte exprimée par les arcs
sous l'emmarchement; trois petites baies s'ouvrent dans la partie supérieure
de cette crypte et indiquent la place de la châsse du saint; puis
l'autel adossé s'élève sur la crypte et la châsse, il est garni de ses nappes;
seul le ciboire est posé sur la table,
</div>
[[Image:Autel.Paray.le.Monial.png|center]]
<div class="text">
<br>
et une lampe est suspendue au-dessus de lui<span id="note51"></span>[[#footnote51|<sup>51</sup>]]. Mais à partir du XVI<sup>e</sup> siècle c'est l'autel lui-même qui devient la
représentation du tombeau; il affecte de préférence la forme d'un sarcophage
scellé. <span id=Folgoat><span id=Paray.le.Monial>Les autels pleins, antérieurs au XVI<sup>e</sup> siècle, tels que ceux de
Saint-Germer, de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paray.le.Monial|Paray-le-Monial]] (23) du XII<sup>e</sup> siècle, l'autel en verres appliqués
de Saint-Denis (fig. 18), celui même de l'église du [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes F#Folgoat|Foll-Goat]] (Bretagne) (24)<span id="note52"></span>[[#footnote52|<sup>52</sup>]]
qui date du commencement du XVI<sup>e</sup> siècle, conservent toujours
l'apparence d'un meuble. Cette forme traditionnelle se perd avec les
derniers vestiges des arts du moyen âge.
</div>
[[Image:Autel.eglise.Foll.Goat.png|center]]
<div class="text">
<br><br>
----
 
<span id="footnote1">[[#note1|1]] : ... «Ego vero libenter obtemperavi, et sacra vasa adferri jussi (nec enim procul aberat locus). Diaconumque manibus utens pro altari, mysticum et divinum ac salutare sacrificium obtuli.»
 
<span id="footnote2">[[#note2|2]] : Cap. II.
 
<span id="footnote3">[[#note3|3]] : Ducange, <i>Gloss.</i>
 
<span id="footnote4">[[#note4|4]] : Cap. III. «...Nemo presbyterorum in altario ab episcopo non consecrato cantare presumat. Quapropter si necessitas poposcerit, donec ecclesia vel altaria consecrentur, et in capellis etiam quæ consecrationem non merentur, tabulam quisque
presbyter, cui necessarium fuerit, de marmore, vel nigra petra, aut <i>titro</i> honestissimo, secundum suam possibilitatem, honeste affectatam habeat, et nobis ad
consecrandum offerat, quam secum, cum expedierit, deserat, in qua sacra mysteria
secundum ritum ecclesiarum agere valeat.»
 
<span id="footnote5">[[#note5|5]] : Ughellus, t. IV
 
<span id="footnote6">[[#note6|6]] : Voy. <i>Dissert. ecclés. sur les princip. autels des églises, par J. B. Thiers</i>, [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], 1688. Nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer nos lecteurs à ce curieux ouvrage, plein de recherches savantes.
 
<span id="Montreal.Yonne5"></span><span id="footnote7">[[#note7|7]] : <span id=Bois-Sainte-Marie>La figure (1) donne l'autel de la chapelle de la Vierge de l'église de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes M#Montreal.Yonne|Montréal]] (Bourgogne); cet autel est du XIIe siècle. La figure (2); le maître autel de l'église de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Bois-Sainte-Marie|Bois-Sainte-Marie]] (Saône-et-Loire); cet autel est du XIe siècle. A est le socle avec l'incrustement des colonnettes; B le chapiteau de la colonnette centrale; C la base d'une des quatre colonnes. Nous devons ce dessin à l'obligeance de M. Millet, l'architecte de la curieuse église de Bois-Sainte-Marie.
 
<span id="footnote8">[[#note8|8]] : «Rien ne nous porte à croire, dit Thiers dans ses <i>Dissertat. sur les principaux autels des églises</i> (p. 42), qu'on ait mis des reliques des saints sur les autels avant le IXe siècle; nul canon, nul décret, nul règlement, nul exemple, nul témoignage des écrivains ecclésiastiques, ne nous le persuade; ou, si l'on y en a mis, les saints de qui elles étoient s'en sont offensés et les ont fait ôter... Dans le Xe siècle même, quelques saints ont cru qu'il y avoit de l'irrévérence à mettre leurs reliques sur les autels. En voici un exemple qui ne peut pas raisonnablement être contesté. Bernon I, abbé de
Cluni, rapporte (apud S. Odon, abb. Cluniac., L. 2) «qu'aussitôt qu'on eut mis, pour
quelques jours seulement, les reliques de sainte Gauburge sur l'autel d'une église de
son nom, et voisine de Cluni, les miracles qui s'y faisoient cessèrent; et que cette
sainte, étant apparue à l'un des malades qui imploroit son assistance, lui dit que la
raison pour laquelle il ne recouvroit pas la santé, étoit parce qu'on avoit mis ses
reliques sur l'autel du Seigneur, qui ne doit servir qu'à la célébration des mystères
divins. Ce qui donna occasion de les en ôter et de les rapporter dans le lieu où elles
étoient auparavant. Et au même instant les miracles continuèrent de s'y faire» Guillaume
Durand, dans son <i>Rational des divins offices</i> (chap. III, p. XXV), qui date du
XIIIe siècle, admet les châsses des saints sur les autels. Il dit: «... Et les châsses
(capsæ) posées sur l'autel, qui est le Christ, ce sont les apôtres et les martyrs...»
 
<span id="footnote9">[[#note9|9]] : <i>Voyages liturgiques de France</i>, par le sieur de Moléon. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], 1718, p. 80.
 
<span id="footnote10">[[#note10|10]] : L'inscription qui fait le tour de la table est ainsi conçue: «Tresmirus gratia dei
abbas edificavit hanc domum, et jussit dedicare in honore sancte Trinitatis, id est
patris, et filii, et spiritus sancti. Deo gratias.» Dans la longueur, on lit cette autre
inscription: «Amelius nutu dei vicecomes.» En cercle sont gravées les inscriptions
suivantes: autour de la tête de lion (saint Marc): «Vox per deserta frendens leo cujus
imaginem Marcus tenet.» Autour de la tête de l'aigle (saint Jean): «More volatur aquila
ad astra cujus figuram Johannes tenet.» Autour de la tête du veau (saint Luc): «Rile
mactatur taorus ad aram cujus tipum Lucas tenet.» Autour de la tête de l'ange
(saint Mathieu): «Speciem tenet et naturam Matheus ut homo.» (t. III, p. 495)
 
<span id="footnote11">[[#note11|11]] : Cet autel date de la deuxième moitié du XII<sup>e</sup> siècle.
 
<span id="footnote12">[[#note12|12]] : Page 44.
 
<span id="footnote13">[[#note13|13]] : <i>Rational</i>, chap. II. Guillaume Durand, évêque de Mende, mourut à la fin du
XIII<sup>e</sup> siècle. Trad. par M. C. Barthélemy; [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], 1854.
 
<span id="footnote14">[[#note14|14]] : Dans le plan que nous donnons ici, l'autel est élevé en A sur une crypte ou
confession; le trône épiscopal est en B.
 
<span id="footnote15">[[#note15|15]] : Dans ce plan, l'autel est en A, le trône épiscopal en B.
 
<span id="footnote16">[[#note16|16]] : <i>Antiq. de l'abbaye de Sainct-Denys en France</i>, par F. J. Doublet, 1625, l. I, p. 289 et suiv.
 
<span id="footnote17">[[#note17|17]] : Nous donnons en A le plan de cet autel et reliquaire, dressé d'après les dimensions données par D. Doublet.
 
<span id="footnote18">[[#note18|18]] : D. Doublet, char. XXXVIII.
 
<span id="footnote19">[[#note19|19]] : On peut encore voir une représentation de cette croix dans le trésor de Saint-Denis, gravé dans l'ouvrage de D. Félibien; quant au reliquaire de vermeil, les
huguenots s'en emparèrent lorsqu'ils prirent Saint-Denis.
 
<span id="footnote20">[[#note20|20]] : Saint-Seine près Dijon. <i>Voyages liturgiques en France</i>, p. 157.
<span id="footnote21">[[#note21|21]] : <i>Dissert. ecclés. sur les princ. autels des églises</i>, ch. XIV.
 
<span id="footnote22">[[#note22|22]] : Voy. <i>Annales archéologiques</i>, t. IX, p, 1, l'article de M. Lassus et les notes de M. Didron, ainsi que la gravure exécutée sur un calque de ce tableau.
 
<span id="footnote23">[[#note23|23]] : Nous devons la conservation de ce dessin à M. Lassus, qui, du vivant de M. Garnerey, en avait fait un calque. Ce dessin est reproduit dans les <i>Annales archéologiques</i>, t. IX.
 
<span id="footnote24">[[#note24|24]] : <i>L'Entrée triomphante de Leurs Majestés Louis XIV et Marie-Thérèse dans la ville de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]]</i>. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], 1662, in f°.
 
<span id="footnote25">[[#note25|25]] : <i>Théât. des antiq. de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]]</i>, par R. P. F. Jacques Du Breul, [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], 1612, p. 36.
 
<span id="footnote26">[[#note26|26]] : <i<Annales archéol.</i>, t. VIII. Nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer nos lecteurs à la gravure donnée par MM. Lassus et Gaucherel.
 
<span id="footnote27">[[#note27|27]] : On entend par <i>parements</i> un revêtement mobile que l'on place devant et sur les côtés des autels ou retables, et que l'on change suivant les fêtes ou les époques de l'année.
 
<span id="footnote28">[[#note28|28]] : Page 79.
 
<span id="footnote29">[[#note29|29]] : <i>Rationnal</i>, C. XVIII, L. II.
 
<span id="footnote30">[[#note30|30]] : Thiers écrivait ceci en 1688.
 
<span id="footnote31">[[#note31|31]] : <i>In explicat. divin. offic.</i>, C. LXXXV
 
<span id="footnote32">[[#note32|32]] : <i>Rational</i>, C. III, L. I.
 
<span id="footnote33">[[#note33|33]] : C. 15.
 
<span id="footnote34">[[#note34|34]] : Moulage tiré du cabinet de M. Alf. Gérente. Cet ivoire paraît appartenir à la première moitié du XIII<sup>e</sup> siècle et au style rhénan.
 
<span id="footnote35">[[#note35|35]] : <i>Rational</i>, chap. III, L. I.
 
<span id="footnote36">[[#note36|36]] : C'est par suite de cette tradition que nous voyons encore sur les murs de quelques églises des peintures simulant des tentures suspendues. (Voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Peinture|Peinture ]].)
 
<span id="footnote37">[[#note37|37]] : <i>Hist. de la Sainte-Chapelle royale du Palais</i>, par M. S. Jérôme Morand. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes P#Paris|Paris]], 1790.
 
<span id="footnote38">[[#note38|38]] : Ces peintures étaient à peine visibles.
 
<span id="footnote39">[[#note39|39]] : M. Percier, dont la prédilection pour les arts de l'antiquité ne saurait être contestée,
était avant tout un homme de goût, et mieux que cela encore, un homme de cœur et
de sens; en revenant d'Italie, il vit l'église de Saint-Denis pillée, dévastée; il ne put
regarder avec indifférence les restes épars de tant de monuments d'art amassés
pendant plusieurs siècles, alors mutilés par l'ignorance ou le fanatisme; il se mit à
l'œuvre, et fit dans l'ancienne abbatiale un grand nombre de croquis. Ces travaux
portèrent leur fruit, et bientôt, aidé de M. Lenoir, il sauva d'une destruction complète
un grand nombre de ces débris, qui furent déposés au musée des monuments
français. Nous eûmes quelquefois le bonheur d'entendre M. Percier parler de cette
époque de sa vie d'artiste; il était, sans le savoir peut-être, le premier qui avait voulu
voir et faire apprécier notre vieil art national; le souvenir des monuments mutilés de
Saint-Denis, mais qu'il avait vus encore en place, avait laissé dans son esprit une impression
ineffaçable. À sa mort, M. Vilain, son neveu, héritier de ses portefeuilles, eut
l'obligeance de nous laisser calquer toutes les notes et croquis recueillis dans l'église
Saint-Denis; grâce à ces renseignements si libéralement accordés, nous pûmes
rassembler et recomposer les débris sortis du musée des Petits-Augustins. Quelques-uns
des anciens autels de l'abbaye ont été ainsi facilement rétablis, beaucoup d'autres
pourraient l'être à coup sûr; car les nombreuses traces encore existantes dans les
chapelles et les fragments déposés en magasin, montrent combien les croquis de
M. Percier sont fidèles.
 
<span id="footnote40">[[#note40|40]] : Une partie de ce pavage existe encore: c'est une mosaïque composée de pierres
dures, porphyre, vert antique, serpentine, de pâtes colorées et dorées, et de petits
morceaux de terre cuite (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Mosaïque|Mosaïque]]).
 
<span id="footnote41">[[#note41|41]] : Le corps de l'autel a été coupé en morceaux lors des restaurations entreprises de
1830 à 1840; heureusement tous ces fragments existent encore, et peuvent être facilement
recomposés à l'aide d'un dessin très-complet et détaillé de M. Percier.
 
<span id="footnote42">[[#note42|42]] : On voit dans le dessin de M. Percier l'indication de cette peinture, l'armée de
Dagobert au siège de Picquigny, etc.
 
<span id="footnote43">[[#note43|43]] : Voy. les <i>Mélanges archéol.</i> des RR. PP. Martin et Cahier, t. II, p.173. «Physiologes
dist que la seraine port samblance de feme de si al nombril, et la partie
d'aval est oisel. La seraine a si doux chant qu'èle déchoit cels qui nagent en mer;
et est lor mélodie tant plaisant à oïr, que nus ne les ot, tant soit loing, qu'il ne li
conviegne venir. Et la seraine les fait si oblier quant èle les i a atrait, que il s'endorment;
et quant il sont endormi, èles les assaillent et ocient en traïson que il ne
s'en prennent garde. Ensi est de cels qui sont ès richoises de cest siècle, et ès
délis endormis, qui lor aversaire ocient: ce sont li diable. Les seraines senefient
les femes qui atraient les homes par lor blandissemens et par lor déchèvemens à
els, de lor paroles; que èles les mainent à poverté et à mort. Les èles de la seraine,
ce est l'amor de la feme qui tost va et vient.» (Manusc. Arsenal, n° 285.)
 
<span id="footnote44">[[#note44|44]] : Les fouilles faites sous le pavé actuel du chœur, en faisant retrouver les dallages
ou carrelages anciens, permettent de replacer à coup sûr les autels dessinés par
M. Percier avec leurs pavages. Malheureusement ces fouilles ne peuvent être entreprises
que successivement par suite de la faiblesse des allocations annuelles, et l'autel
dont nous parlons n'a pas encore retrouvé sa place, bien que son retable et une
grande partie de son devant existent encore, ainsi que la marche.
 
<span id="footnote45">[[#note45|45]] :<i>Dissert. sur les princip. autels des églises</i>, chap. XXIV, P. 209.
 
<span id="Amiens29"><span id="footnote46">[[#note46|46]] : Ce plan nous a été communiqué par M. Duthoit, d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]]; il est copié sur un dessin fait en 1727, et déposé aujourd'hui dans la précieuse collection de M. Gilbert,
l'infatigable historien de nos anciennes cathédrales du nord.
 
<span id="footnote47">[[#note47|47]] : M. Goze; c'est à cet archéologue, dont la complaisance ne nous a jamais fait défaut, que nous devons la description suivante, extraite des registres déposés aujourd'hui
dans la bibliothèque communale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]].
 
<span id="footnote48">[[#note48|48]] : Nous disons: dans le nord, parce qu'il existe dans la cathédrale de Marseille un
autel du XII<sup>e</sup> siècle dont le devant est décoré d'une figure de la sainte Vierge, et de
deux figures d'évêques en bas-relief; mais Marseille ne faisait point alors partie de la
France. On voit encore dans l'église d'Avenas un autel sur la face duquel sont sculptés
le Christ, les quatre évangélistes et les douze apôtres. Cet autel est fidèlement reproduit
dans l'<i>Architecture du V<sup>e</sup> au XVII<sup>e</sup> siècle</i>, de M. Gailhabaud. Nous ne prétendons
pas d'ailleurs affirmer qu'il n'y ait point eu en France de devants d'autels ornés
de figures de saints ou de personnages divins; car les exemples d'autels anciens sont
trop rares pour que l'on puisse rien affirmer à cet égard.
 
<span id="footnote49">[[#note49|49]] : L'autel que nous donnons ici est copié sur un des bas-reliefs du portail de la
Vierge dorée de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]]. Ce bas-relief appartient à la seconde moitié
du XIII<sup>e</sup> siècle.
 
<span id=Dresde><span id="footnote50">[[#note50|50]] : On voit un autel de ce genre dans le musée du Grand-Jardin à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes D#Dresde|Dresde]]; cet autel
appartient aux dernières années du XV<sup>e</sup> siècle.
 
<span id="footnote51">[[#note51|51]] : Cette sculpture appartient au second linteau de la porte Sainte-Anne; c'est une
adjonction faite, au XIII<sup>e</sup> siècle, à ce linteau, qui date du XII<sup>e</sup>.
 
<span id="footnote52">[[#note52|52]] : L'autel de l'église du Foll-Goat est en pierre noire de Kersantun; les petites
niches sont remplies par des figures d'anges tenant alternativement des phylactères et des écussons.