« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Escalier » : différence entre les versions

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[Illustration: Fig. 22.]
 
du XIII^<sup>e</sup> siècle; nous donnons (22) la moitié de son plan et une
révolution
entière<span id="note35"></span>[[#footnote35|<sup>35</sup>]]. À partir du mur circulaire qui ne monte que jusqu'au
 
[Illustration: Fig. 23.]
 
niveau A, la construction consiste seulement en des marches portant
noyau, et en des colonnettes, toutes d'égale hauteur, soutenant chacune
l'extrémité extérieure d'une marche. Rien n'est plus simple et plus élégant
que cette petite construction. On voit aussi des escaliers de ce genre
à la partie supérieure des tours des cathédrales de Laon et de Reims. Ces
vis s'élèvent au milieu des grands pinacles qui, du dernier étage de la
façade, forment aux quatre angles des tours une décoration ajourée dans
toute leur hauteur. Les vis des tours de Reims ont cela de particulier, que
trois marches sont prises dans une seule assise (les matériaux avec lesquels
ce monument fut élevé sont énormes), et que les bouts extérieurs
de ces marches sont soulagés par des morceaux de pierres en délit.
Chaque bloc est donc taillé conformément au tracé perspectif, fig. 23.
Des chandelles de pierre B viennet soulager les portées A, puis se
poser au-dessus des extrémités des marches en C. Par le fait, c'est le
noyau D qui porte toute la charge, et les pierres B ne sont qu'une suite
d'étançons formant clôture à jour. Il arrive aussi que ces vis sont
mi-partie
engagées dans la muraille, mi-partie ajourées; c'était ainsi
qu'étaient disposés la plupart des escaliers intérieurs qui mettaient
en
communication deux pièces superposées. L'escalier de la tribune de
l'église Saint-Maclou de Rouen (XVI<sup>e</sup> siècle), celui du chœur de la cathédrale
de Moulins (XV<sup>e</sup> siècle), fournissent de très-jolis exemples de ces
sortes de vis prenant jour sur les intérieurs.
 
[Illustration: Fig. 24.]
 
Nous avons vu comment les marches des vis forment naturellement
plafond rampant par-dessous les degrés; comment ces marches sont
délardées ou simplement chanfreinées, ou même laissées à angles vifs,
donnant ainsi comme plafond la contre-partie du degré. Mais il arrivait
que l'on était parfois obligé d'établir des rampes droites ou circulaires à
travers des constructions massives, dans les châteaux, dans les tours. Les
couvertures de ces rampes avaient alors un poids considérable à porter.
Si ces rampes étaient larges (comme le sont en général les descentes de
caves dans les châteaux), les architectes n'osaient pas fermer ces escaliers
par des plafonds rampants, composés d'une suite de linteaux, dans la
[Illustration: Fig. 25.]
 
crainte des ruptures. Alors, que faisaient-ils? Ils bandaient une suite
d'arcs brisés A ou plein ceintres A' juxtaposés (24), mais suivant la
déclivité des degrés, ainsi que l'indique la coupe B. Ces arcs avaient tous
leur naissance sur le même nu; ils étaient tous taillés sur la même
courbe. Si l'intrados de leurs sommiers venait mourir au nu du mur,
l'extrados arrivait en C. Ces sommiers étaient donc également assis,
et les appareilleurs ou poseurs évitaient les difficultés de coupe et de pose
des voûtes rampantes, dont les sommiers sont longs à tracer,
occasionnent
des déchets de pierre considérables et nécessitent des soins
particuliers
à la pose. Si ces degrés, à travers des constructions, étaient étroits,
si les architectes possédaient des pierres fortes, ils se contentaient de
juxtaposer, suivant la déclivité des rampes, une série de linteaux soulagés
par des corbeaux au droit des portées (voy., fig. 24, le tracé D et la
coupe E). Ces constructions, fort simples, produisent un bon effet, ont un
aspect solide et résistant; elles indiquent parfaitement leur destination et
peuvent impunément être pratiquées sous des charges considérables.
Les voûtes bandées par ressauts n'ont pas, sous des gros murs ou des
massifs, l'inconvénient de faire glisser les constructions supérieures,
comme cela peut arriver lorsque l'on établit sous ces charges des
berceaux
rampants. Quelquefois dans les rampes couvertes par des linteaux,
au lieu de simples corbeaux posés sous chacun de ces linteaux, c'est un
large profil continu qui ressaute d'équerre au droit des pierres formant
couverture, ainsi que l'indique la fig. 25. D'une nécessité de construction
ces architectes ont fait ici, comme partout, un motif de décoration.
==== ESCALIERS DE CHARPENTE ET DE MENUISERIE ====
Des escaliers de bois antérieurs
au XVI<sup>e</sup> siècle, il ne nous reste que très-peu de fragments. Les plus
anciens sont peut-être les deux vis du sacraire de la Sainte-Chapelle de
Paris<span id="note36"></span>[[#footnote36|<sup>36</sup>]]; il est vrai que ce sont des chefs-d'œuvre de menuiserie du
XIII<sup>e</sup> siècle. Cependant les architectes du moyen âge avaient poussé très-loin
l'art de disposer les escaliers de bois dans des logis, et en ceci leur
subtilité avait dû leur venir en aide, car de toutes les parties de la construction
des édifices ou maisons particulières, l'escalier est celle qui
demande le plus d'adresse et d'étude, surtout lorsque, comme il arrivait
souvent dans les villes et même les habitations seigneuriales du moyen
âge, on manquait de place. Ainsi qu'on peut le reconnaître en examinant
les intérieurs des châteaux et des maisons, les architectes faisaient des
escaliers de bois à un ou deux ou quatre noyaux, à double rampe; ils
allaient jusqu'à faire des escaliers à vis en bois tournant sur un pivot, de
manière à masquer d'un coup toutes les portes des appartements des
étages supérieurs. Dans son <i>Théâtre de l'art du Charpentier</i>, Mathurin
Jousse (1627) nous a conservé quelques-unes de ces méthodes encore
usitées de son temps<span id="note37"></span>[[#footnote37|<sup>37</sup>]]. «Personne n'ignore, dit cet auteur<span id="note38"></span>[[#footnote38|<sup>38</sup>]],
qu'entre
toutes les pièces de la charpente d'un logis, la montée ne cède en
commodité
et utilité à aucune autre; estant le passage, est comme l'instrument
commun de l'usage et service que rendent les chambres, estages
et tout l'édifice: et si elle est utile, elle n'est pas moins gentille, mais
aussi difficile, tant pour le tracement, joinctures et assemblages,
que
pour la diversité qui se retrouve en icelles: car outre les ordinaires,
qui se font communes à toutes les chambres d'un logis, il y en a qui
(bien qu'elles soient communes) ont néantmoins telle propriété, que
deux personnes de deux divers logis ou chambres peuvent monter par
icelles sans s'entre-pouvoir voir: et par ainsi une seule fera fonction de
deux, et sera commune sans l'estre. Il s'en fait encores d'autres façons,
non moins gentilles que les précédentes: car estans basties sur un
pivot, elles se tournent aisément, de sorte qu'en un demy-tour elles
peuvent fermer toutes les chambres d'une maison, et forclorre le
passage
aux endroicts où auparavant elle le donnoit...»
 
Avant de présenter quelques exemples d'escaliers en charpente ou
menuiserie, il est nécessaire d'indiquer d'abord quels sont les éléments
dont se composent ces montées. Il y a les escaliers à limons droits avec
poteaux, les escaliers à noyaux et les escaliers à vis sans noyaux et à
limons spirales. Les marches, dans les escaliers en bois du moyen âge,
sont toujours pleines, assemblées dans le limon à tenons et mortaises.
 
[Illustration: Fig. 26.]
 
Soit (26) un limon droit présenté en face intérieure en A et en coupe
en B; chaque marche portera un tenon C avec un épaulement D, et sera
légèrement embrévée dans le limon en E. Ces marches seront délardées
par-dessous et formeront plafond rampant. Le limon portera aussi les
poteaux de balustrades G qui viendront s'assembler dans des mortaises
pratiquées dans les renforts H. Les bouts des marches avec leur tenon
sont figurés en K. Ces marches étant pleines sont prises, habituellement,
dans des billes de bois ainsi que l'indique le tracé L. Trois sciages I divisent la bille en chêne de 0,50 c. de diamètre, ou environ en six triangles
dans chacun desquels on trouve une marche, de façon à ce que le devant
de chaque marche soit placé du côté du cœur du bois, le devant des
marches
étant la partie qui fatigue le plus. S'il reste quelques parties
d'aubier
ou des flaches, elles se trouvent ainsi dans la queue de la marche qui
ne subit pas le frottement des pieds. Cette façon de prendre les
marches
en plein bois, le devant vers le cœur, a en outre l'avantage d'empêcher les
bois de se gercer ou de se gauchir, les sciages étant précisément faits
dans le sens des gerces. Ce débillardement des marches ne perd aucune
des parties solides et résistantes du bois, les marches se trouvent toutes
dans les mêmes conditions de dureté, et il reste en M de belles dosses que
l'on peut utiliser ailleurs. On reconnaît que les constructeurs ont, soit
pour les limons, soit pour les marches, choisi leurs bois avec grand soin
afin d'éviter ces dislocations et ces gerces si funestes dans des ouvrages de
ce genre. Quelquefois, mais rarement, les marches sont en noyer ou en
châtaignier<span id="note39"></span>[[#footnote39|<sup>39</sup>]].
 
Ces premiers principes de construction posés, examinons d'abord un
escalier à deux rampes et à paliers avec marches palières, limons droits et
poteaux d'angle; c'est l'escalier de charpente le plus simple, celui qui se
construit par les moyens les plus naturels. Voici, fig. 27, en A, le plan
d'une montée établie d'après ce système; la première marche est en B,
on arrive au premier palier C, on prend la seconde rampe dont la marche
est en D, on monte jusqu'au palier E, qui est au niveau du premier étage,
et ainsi de suite pour chaque étage. L'échelle du plan est de 0,01 c. pour
mètre. Faisons une coupe longitudinale sur <i>a b</i>, et présentons la au
double pour plus de clarté. Ses quatre poteaux d'angles montent de fond
et se posent sur un parpaing de pierre. Le premier limon repose
également
sur cette assise et vient s'assembler dans le poteau F qui reçoit à
mi-bois la marche palière G, soulagée encore par une poutrelle assemblée
à tenons et mortaises, et reposant sur le renfort H. Passons à la troisième
rampe qui est semblable en tout à la seconde, et qui est figurée dans la
coupe. Le limon est soulagé dans sa partie par un gousset I et un
lien K.
Les grands liens sont surtout nécessaires pour empêcher le roulement et
les poussées qui ne manquent pas de se produire dans un escalier de ce
genre s'il dessert plusieurs étages; ils roidissent tout le système de charpente,
surtout si, comme nous l'avons tracé, on établit un panneau à jour
dans le triangle formé par le poteau, le limon et ce lien. Les montants
des balustrades sont assemblés dans les limons, et leurs
mains-courantes
dans les poteaux.
 
Examinons maintenant comment se combinent les assemblages des
limons dans les poteaux, les marches palières, les poutrelles de buttée des
paliers, etc. Fig. 28: en A, nous avons tracé sur une même projection
verticale les poteaux en regard, la marche palière, la marche d'arrivée et
 
[Illustration: Fig. 27.]
 
celle de départ (c'est le détail de la partie L de la fig. 27); en B est figuré le
 
[Illustration: Fig. 28.]
 
poteau; en C, la poutrelle de buttée avec son double tenon et son profil en
C'; en D, le gousset du limon de départ; en EE', le limon d'arrivée; en
FF', le limon de départ avec son tenon; en G, la dernière marche faisant
marche palière; en H, la première marche de départ posant sur la
marche palière avec son tenon I s'assemblant dans le poteau; en K, la
partie de la marche palière vue en coupe entre les deux poteaux. Cette
marche palière, assemblée à mi-bois dans le poteau et reposant en partie
sur la poutrelle C, est fortement serrée dans son assemblage au moyen
d'un boulon qui vient prendre le gousset D. Les poteaux ont 0,18 c. sur
0,20 posés de champ dans le sens de l'emmarchement. Le gousset D et les
limons EE', FF' ne sont pas assemblés dans les milieux des poteaux; ces
limons portent 0,15 c. d'épaisseur, et affleurent le nu extérieur des
poteaux (voir le plan). Voyons les divers assemblages pratiqués dans le
poteau, tracés dans le détail perspectif O. En N est le renfort destiné à
recevoir la poutrelle de buttée C; en P, les deux mortaises et l'embrévement
d'assemblage de cette poutrelle; en R, l'entaille dans laquelle se
loge la marche palière avec le trou S du boulon; en T, le gousset. Le tracé
perspectif Q nous montre la marche palière du côté de ses entailles
entrant dans celles R des poteaux. La dernière marche d'arrivée est figurée
en U; la première marche de départ en V avec son embrévement et
son tenon X; on voit en Y le trou de passage du boulon. Ce système d'escaliers
à rampes droites avec paliers persista jusqu'au XVII<sup>e</sup> siècle; il
était
fort solide, ne pouvait se déformer comme la plupart de nos escaliers, dont
les limons attachés seulement aux marches palières finissent toujours par
fléchir. C'est de la véritable charpente dont tous les assemblages sont visibles,
solides, et composent seuls la décoration. Rien ne s'opposait
d'ailleurs
à ce qu'on couvrît ces poteaux, ces limons, ces liens, ces balustrades,
de sculptures et de peintures; aussi le faisait-on souvent.
 
[Illustration: Fig. 29.]
 
On faisait en bois des escaliers à vis aussi bien qu'en pierre. Les plus
anciens étaient construits de la même manière, c'est-à-dire que les
marches
étaient pleines, superposées, et portaient noyau. On en façonnait
à doubles limons qui pouvaient posséder deux rampes, ainsi que nous
l'avons dit plus haut, c'est-à-dire (29) qu'en entrant indifféremment par
l'une des deux portes CC', on prenait l'une ou l'autre rampe dont la
première marche est en A. C'était un moyen de donner entrée dans les
pièces des étages supérieurs par des portes percées au-dessus de
celles CC'.
La personne qui sortait par la porte C ne pouvait rejoindre celle sortant
par la porte C', les deux rampes gironnant l'une au-dessus de l'autre.
Les deux noyaux étaient réunis par deux limons B se croisant. Ces
escaliers, fort communs pendant le moyen âge et jusqu'au XVII<sup>e</sup> siècle,
étaient commodes, et on ne s'explique pas pourquoi on a cessé de les
mettre en œuvre. D'un bout les marches débillardées, pleines,
s'assemblaient
à tenon et mortaise dans les deux noyaux et dans les limons;
de l'autre, elles étaient engagées dans la maçonnerie ou portaient sur un
filet en charpente cloué le long d'un pan de bois.
 
Mais souvent les escaliers à vis en bois étaient complétement isolés, formaient
une œuvre indépendante de la bâtisse. Ces escaliers mettaient en
communication deux étages, et on les plaçait dans l'angle d'une pièce pour
communiquer seulement à celle au-dessus. C'était là plutôt une œuvre
de
menuiserie que de charpenterie, traitée avec soin et souvent avec une
grande richesse de moulures et de sculpture. Toutefois, les marches de
ces escaliers de menuiserie restèrent pleines jusque pendant le XV^e
siècle,
portaient noyaux, et étaient réunies au centre au moyen d'une tige de fer
rond, d'un boulon, qui les empêchait de dévier. Chaque marche (30),
possédait son montant dans lequel elle venait s'assembler. Ces montants,
d'un seul morceau pour chaque étage, étaient assemblés au pied dans un
plateau en charpente, et au sommet dans un cercle également en
charpente.
Cela formait une cage cylindrique ou un prisme ayant autant de
pans qu'il y avait de marches en projection horizontale. Nous donnons en
A le plan d'un quart d'un escalier de ce genre portant douze marches sur
sa circonférence. Les montants sont en B, et le noyau porté par chaque
marche en C. Les espaces EF donnent le recouvrement des marches l'une
sur l'autre, le devant de chaque marche étant en F, et le derrière en E. Si
nous faisons une élévation de ce quart de circonférence de l'escalier, nous
obtenons la projection verticale G. On voit en I le boulon qui enfile les
assises de noyau tenant à chaque marche. Les abouts des marches paraissent
en K, et reposent sur un gousset emprévé dans les montants. Le
détail O donne la section horizontale d'un montant au dixième de
l'exécution.
En <i>a</i> est le tenon du derrière de la marche indiquée en <i>a'</i> sur le
tracé perspectif M; en <i>b</i> est l'embrévement de la tête du gousset; son
tenon est indiqué en <i>b'</i> sur le tracé perspectif N; le derrière de la marche
étant en <i>e</i>, et le devant de la marche au-dessus en <i>f</i>. Chaque marche,
reposant sur la queue de celle au-dessous qui porte le tenon <i>a</i>, n'a pas
besoin d'un tenon sur le devant, d'autant que ces marches portent en
plein sur le gousset J muni d'une languette P destinée à arrêter leurs
abouts T. Une entaille R faite dans le poteau permet en outre à la marche
de s'embréver dans ce montant. Le tracé perspectif M montre le
devant de la marche élégi en S, l'about visible à l'extérieur en T,
les
[Illustration: Fig. 30.]
 
deux entailles laissant passer les montants et s'y embrévant en Q, l'embrévement de la languette du gousset sous l'about et le débillardement
postérieur en V, pratiqué pour dégager et allégir. C'est d'après ce principe
que sont taillés les deux escaliers du sacraire de la Sainte-Chapelle du
Palais (XIII<sup>e</sup> siècle), et quelques escaliers de beffroi, notamment celui de
la tour Saint-Romain à Rouen (XV<sup>e</sup> siècle). Deux des montants, coupés à
deux mètres du sol, et reposant sur une traverse assemblée dans les
poteaux voisins, permettaient d'entrer dans ces cages et de prendre la
vis. Il est clair qu'on pouvait orner les montants de chapiteaux, de moulures,
que les goussets pouvaient être fort riches et les abouts des
marches
profilés. Le boulon d'axe excepté, ces escaliers étaient brandis et
maintenus assemblés sans le secours de ferrures; c'était œuvre de menuiserie,
sans emploi d'autres moyens que ceux propres à cet art si ingénieux
lorsqu'il s'en tient aux méthodes et procédés qui lui conviennent.
 
Vers le commencement du XV<sup>e</sup> siècle, on cessa généralement, dans la
structure des escaliers à vis en charpente ou menuiserie, de faire porter à
chaque marche un morceau du noyau. Celui-ci fut monté d'une seule
pièce, et les marches vinrent s'y assembler dans une suite de mortaises
creusées les unes au-dessus des autres suivant la rampe. C'est ce qu'on
faisait à la même époque pour les escaliers à vis en pierre, ainsi que nous
l'avons dit plus haut. De même que l'on sculptait les noyaux en pierre,
qu'on y taillait des mains courantes, qu'on y ménageait des renforts pour
recevoir les petits bouts des marches, de même on façonnait les noyaux
en charpente. Nous avons vu démolir dans l'ancien collége de Montaigu,
à Paris, un joli escalier à vis en menuiserie, dont le noyau pris dans une
longue pièce de bois de douze à quinze mètres de hauteur était fort habilement
travaillé en façon de colonne à nervures torses avec portées sous
les marches et main courante. Nous donnons (31) la disposition de ces
noyaux de charpente au droit de l'assemblage des marches. En A on
distingue les mortaises de chacune de ces marches avec l'épaulement inférieur
B pour soulager les portées; en C est la main courante prise dans la
masse comme l'épaulement; son profil est tracé en D coupé
perpendiculairement
à son inclinaison; le profil de la corniche avec l'épaulement est
tracé en E.
 
Avant de finir cet article, disons un mot de ces escaliers pivotants dont
parle Mathurin Jousse, et qui devaient être employés dans des logis où
l'on avait à craindre les surprises de nuit, dans les manoirs et les donjons.
Ces escaliers s'établissaient dans une tour ronde, dans un cylindre de
maçonnerie percé de portes à la hauteur des étages où l'on voulait arriver.
L'escalier était indépendant de la maçonnerie, et se composait (32)
d'un arbre ou noyau à pivot supportant tout le système de charpente. Le
plan de cet escalier est figuré en A, et sa coupe en B. À chaque étage
auquel il fallait donner accès était ménagé un palier C dans la
maçonnerie.
Nous supposons toutes les portes percées au-dessus de celle D du
rez-de-chaussée. La première marche est en E; de E en F, les marches
sont fixes et sont indépendantes du noyau en charpente monté sur un
 
[Illustration: Fig. 31.]
 
pivot inférieur en fer G, et maintenu au sommet de la vis dans un cercle
pris aux dépens de deux pièces de bois horizontales. La première marche
 
[Illustration: Fig. 32.]
 
assemblée dans le noyau est celle H; elle est puissamment soulagée ainsi
que les trois suivantes par des potences I. À partir de cette marche soulagée
H, commence un limon spirale assemblé dans les abouts des marches,
et portant une cloison en bois cylindrique percée de portes au droit
 
[Illustration: Fig. 1.]
 
des baies de maçonnerie D. Au-dessus de la troisième marche (partant
de celle H) les autres marches jusqu'au sommet de la vis ne sont plus
soulagées que par les petits liens K, moins longs que les potences I,
afin
de faciliter le dégagement. Ainsi toutes les marches, le limon et la cloison
cylindrique portent sur l'arbre pivotant O. Lorsqu'on voulait fermer d'un
coup toutes les portes des étages, il suffisait de faire faire un quart de
cercle au cylindre en tournant le noyau sur son axe. Ces portes se trouvaient
donc masquées; entre la marche F et celle H il restait un intervalle,
et les personnes qui l'auraient franchi pour pénétrer dans les appartements,
trouvant une muraille en face les ouvertures pratiquées dans le
cylindre, ne pouvaient deviner la place des portes véritables
correspondant
à ces ouvertures lorsque l'escalier était remis à sa place. Un simple
arrêt posé par les habitants sur l'un des paliers C empêchait de
faire pivoter
cette vis. C'était là un moyen sûr d'éviter les importuns. Nous avons
quelquefois trouvé des cages cylindriques en maçonnerie dans des
châteaux,
avec des portes à chaque étage, sans aucune trace d'escalier de
pierre ou de bois; il est probable que ces cages renfermaient des escaliers
de ce genre, et nous pensons que cette invention est fort ancienne; il est
certain qu'elle pourrait être utilisée lorsqu'il s'agit d'arriver sur plusieurs
points de la circonférence d'un cercle à un même niveau. Nous avons l'occasion
de parler des escaliers dans les articles CHÂTEAU, MAISON, MANOIR,
PALAIS.
 
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<span id="footnote35">[[#note35|35]] : Cet escalier montait autrefois au-dessus de la clôture du chœur.
 
<span id="footnote36">[[#note36|36]] : Un seul de ces escaliers est ancien, le second a été
refait exactement sur le
modèle de celui qui existait encore au moment où les travaux de restauration ont été
entrepris.
 
<span id="footnote37">[[#note37|37]] : Nous l'avons dit déjà bien des fois, la Renaissance en France ne fut guère
qu'une parure nouvelle dont on revêtissait l'architecture; le constructeur, jusqu'au
milieu du XVII<sup>e</sup> siècle, restait français, conservait et reproduisait ses vieilles méthodes
beaucoup meilleures que celles admises depuis cette époque jusqu'à la fin du dernier
siècle.
 
<span id="footnote38">[[#note38|38]] : CXVIII<sup>e</sup> figure, page 155.
 
<span id="footnote39">[[#note39|39]] : Particulièrement dans le centre de la France.