« Marie Tudor (Victor Hugo) » : différence entre les versions

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Jane, la reine.
 
Jane se colle avec effroi contre l’ autel, et
(Jane se colle avec effroi contre l’autel, et attache sur la reine un regard de stupeur et d’épouvante.
 
d’ épouvante.
La Reine.
(Elle se tient quelques instans en silence sur le devant du théâtre, l’ œil fixe, pâle, comme absorbée dans une sombre rêverie. Enfin elle pousse un profond soupir.)
devant du théâtre, l’ œil fixe, pâle, comme absorbée
dans une sombre rêverie. Enfin elle pousse un profond
soupir.
Oh ! Le peuple !
(Elle promène autour d’ elle avec inquiétude son regard qui rencontre Jane.)
—quelqu’un là ! -c’est toi, jeune fille ! C’est vous, lady Jane ! Je vous fais peur. Allons, ne craignez rien. Le guichetier Éneas nous a trahies, vous savez ? Ne craignez donc rien. Enfant, je te l’ai déjà dit, tu n’as rien à craindre de moi, toi. Ce qui faisait ta perte il y a un mois fait ton salut aujourd’hui. Tu aimes Fabiano. Il n’y a que toi et moi sous le ciel qui ayons le cœur fait ainsi, que toi et moi qui l’aimions. Nous sommes sœurs.
regard qui rencontre Jane.
 
—quelqu’ un là ! -c’ est toi, jeune fille ! C’ est
vous, lady Jane ! Je vous fais peur. Allons, ne
craignez rien. Le guichetier éneas nous a trahies,
vous savez ? Ne craignez donc rien. Enfant, je te
l’ ai déjà dit, tu n’ as rien à craindre de moi, toi.
Ce qui faisait ta perte il y a un mois fait ton salut
aujourd’ hui. Tu aimes Fabiano. Il n’ y a que toi et
moi sous le ciel qui ayons le cœur fait ainsi, que toi et
moi qui l’ aimions. Nous sommes sœurs.
Jane.
Madame…
 
La Reine.
Oui, toi et moi, deux femmes, voilà tout ce qu’il a pour lui, cet homme. Contre lui tout le reste ! Toute une cité, tout un peuple, tout un monde ! Lutte inégale de l’amour contre la haine ! L’ amour pour Fabiano, il est triste, épouvanté, éperdu ; il a ton front pâle, il a mes yeux en larmes ; il se cache près d’ un autel funèbre ; il prie par ta bouche, il maudit par la mienne. La haine
Oui, toi et moi, deux femmes, voilà tout ce
contre Fabiani, elle est fière, radieuse, triomphante, elle est armée et victorieuse, elle a la cour, elle a le peuple, elle a des masses d’hommes plein les rues, elle mâche à la fois des cris de mort et des cris de joie, elle est superbe, et hautaine, et toute puissante ; elle illumine toute une villeautour d’un échafaud ! L’ amour, le voici, deux femmes vêtues de deuil dans un tombeau. La haine, la voilà !
qu’ il a pour lui, cet homme. Contre lui tout le
 
reste ! Toute une cité, tout un peuple, tout un
(Elle tire violemment le drap blanc du fond, qui, en s’écartant, laisse voir un balcon, et au-delà de ce balcon, à perte de vue, dans une nuit noire, toute la ville de Londres splendidement illuminée. Ce qu’ on voit de la tour de Londres est illuminé également. Jane fixe des yeux étonnés sur tout ce spectacle éblouissant dont la réverbération éclaire le théâtre.)
monde ! Lutte inégale de l’ amour contre la haine !
 
L’ amour pour Fabiano, il est triste, épouvanté,
éperdu ; il a ton front pâle, il a mes yeux en
larmes ; il se cache près d’ un autel funèbre ; il
prie par ta bouche, il maudit par la mienne. La haine
contre Fabiani, elle est fière, radieuse,
triomphante, elle est armée et victorieuse, elle a
la cour, elle a le peuple, elle a des masses d’ hommes
plein les rues, elle mâche à la fois des cris de mort
et des cris de joie, elle est superbe, et hautaine,
et toute puissante ; elle illumine toute une ville
autour d’ un échafaud ! L’ amour, le voici, deux femmes
vêtues de deuil dans un tombeau. La haine, la voilà !
Elle tire violemment le drap blanc du fond, qui,
en s’ écartant, laisse voir un balcon, et au-delà
de ce balcon, à perte de vue, dans une nuit noire,
toute la ville de Londres splendidement illuminée.
Ce qu’ on voit de la tour de Londres est illuminé
également. Jane fixe des yeux étonnés sur tout
ce spectacle éblouissant dont la réverbération
éclaire le théâtre.
La Reine.
Oh ! Ville infâme ! Ville révoltée ! Ville maudite ! Ville monstrueuse qui trempe sa robe de fête dans le sang et qui tient la torche au bourreau ? Tu en as peur, Jane, n’est-ce pas ? Est-ce qu’il ne te semble pas comme à moi qu’elle nous nargue lâchement toutes deux, et qu’ elle nous regarde avec ses cent mille prunelles flamboyantes, faibles femmes abandonnées que nous sommes, perdues et seules dans ce sépulcre ! Jane ! L’ entends-tu rire et hurler, l’horrible ville ! Oh ! L’ Angleterre ! L’ Angleterre à qui détruira Londres ! Oh ! Que je voudrais pouvoir changer ces flambeaux en brandons, ces lumières en flammes, et cette ville illuminée en une ville qui brûle !
Oh ! Ville infâme ! Ville révoltée ! Ville maudite !
 
Ville monstrueuse qui trempe sa robe de fête dans
(Une immense rumeur éclate au dehors. Applaudissemens.
le sang et qui tient la torche au bourreau ? Tu en as
Cris confus : -le voilà ! Le voilà ! Fabiani àmort ! -on entend tinter la grosse cloche de la tour de Londres. À ce bruit, la reine se met à rire d’un rire terrible.)
peur, Jane, n’ est-ce pas ? Est-ce qu’ il ne te
 
semble pas comme à moi qu’ elle nous nargue lâchement
toutes deux, et qu’ elle nous regarde avec ses cent
mille prunelles flamboyantes, faibles femmes
abandonnées que nous sommes, perdues et seules dans
ce sépulcre ! Jane ! L’ entends-tu rire et hurler,
l’ horrible ville ! Oh ! L’ Angleterre ! L’ Angleterre
à qui détruira Londres ! Oh ! Que je voudrais
pouvoir changer ces flambeaux en brandons, ces
lumières en flammes, et cette ville illuminée en une
ville qui brûle !
Une immense rumeur éclate au dehors. Applaudissemens.
Cris confus : -le voilà ! Le voilà ! Fabiani à
mort ! -on entend tinter la grosse cloche de la
tour de Londres. à ce bruit, la reine se met à
rire d’ un rire terrible.
Jane.
Grand dieu ! Voilà le malheureux qui sort… - vous riez, madame !
 
vous riez, madame !
La Reine.
Oui, je ris !
(Elle rit.)
—oui, et tu vas rire aussi ! Mais d’ abordd’abord il faut que je ferme cette tenture, il me semble toujours que nous ne sommes pas seules et que cette affreuse ville nous voit et nous entend.
que je(Elle ferme cettele rideau tenture,blanc ilet merevient sembleà toujoursJane.)
—maintenant qu’il est sorti, maintenant qu’il n’y a plus de danger, je puis te dire cela. Mais ris donc, rions toutes deux de cet exécrable peuple qui boit du sang. Oh ! C’est charmant ! Jane ! Tu trembles pour Fabiano, sois tranquille ! Et ris avec moi, te dis-je ! Jane ! L’homme qu’ils ont, l’homme qui va mourir, l’homme qu’ ils prennent pour Fabiano, ce n’est pas Fabiano !
que nous ne sommes pas seules et que cette affreuse
(Elle rit.)
ville nous voit et nous entend.
 
Elle ferme le rideau blanc et revient à Jane.
—maintenant qu’ il est sorti, maintenant qu’ il n’ y
a plus de danger, je puis te dire cela. Mais ris
donc, rions toutes deux de cet exécrable peuple
qui boit du sang. Oh ! C’ est charmant ! Jane ! Tu
trembles pour Fabiano, sois tranquille ! Et ris
avec moi, te dis-je ! Jane ! L’ homme qu’ ils ont,
l’ homme qui va mourir, l’ homme qu’ ils prennent pour
Fabiano, ce n’ est pas Fabiano !
Elle rit.
Jane.
Ce n’ estn’est pas Fabiano !
 
La Reine.
Non !
 
Jane.
Qui est-ce donc ?
 
La Reine.
C’est l’autre.
C’ est l’ autre.
 
Jane.
Qui ? L’ autreL’autre ?
 
La Reine.
Tu sais bien, tu le connais, cet ouvrier, cet homme… -d’ailleurs qu’importe ?
 
homme… -d’ ailleurs qu’ importe ?
Jane, tremblant de tout son corps.
Gilbert ?
 
La Reine.
Oui, Gilbert, c’ estc’est ce nom-là.
 
Jane.
Madame ! Oh non, madame ! Oh ! Dites que cela n’est pas, madame ! Gilbert ! Ce serait trop horrible ! Il s’ est évadé !
 
n’ est pas, madame ! Gilbert ! Ce serait trop
horrible ! Il s’ est évadé !
La Reine.
Il s’évadait quand on l’a saisi, en effet. On l’a mis à la place de Fabiano sous le voile noir. C’est une exécution de nuit. Le peuple n’y verra rien. Sois tranquille.
Il s’ évadait quand on l’ a saisi, en effet. On l’ a
 
mis à la place de Fabiano sous le voile noir. C’ est
une exécution de nuit. Le peuple n’ y verra rien.
Sois tranquille.
Jane, avec un cri effrayant.
Ah ! Madame ! Celui que j’ aimej’aime, c’ estc’est Gilbert !
 
La Reine.
Quoi ? Que dis-tu ? Perds-tu la raison ? Est-ce que tu me trompais aussi, toi ? Ah ! C’est ce Gilbert que tu aimes ! Eh bien, que m’importe ?
 
que tu me trompais aussi, toi ? Ah ! C’ est ce Gilbert
Jane, (brisée, aux pieds de la reine, sanglotant,
que tu aimes ! Eh bien, que m’ importe ?
Jane, brisée, aux pieds de la reine, sanglotant,
se traînant sur les genoux, les mains jointes.
La grosse cloche tinte pendant toute cette scène.)
Madame, par pitié ! Madame, au nom du ciel ! Madame, par votre couronne, par votre mère, par les anges ! Gilbert ! Gilbert ! Cela me rend folle, madame, sauvez Gilbert ! Cet homme, c’est ma vie, cet homme, c’est mon mari, cet homme… je viens de vous dire qu’ il a tout fait pour moi, qu’ il m’a élevée, qu’il m’a adoptée, qu’il a remplacé près de mon berceau mon père qui est mort pour votre mère. Madame, vous voyez bien que je ne suis qu’une pauvre misérable et qu’il ne faut pas être sévère pour moi. Ce que vous venez de me dire m’a donné un coup si terrible que je ne sais vraiment pas comment j’ai la force de vous parler. Je dis ce que je peux, voyez-vous. Mais il faut que vous fassiez suspendre l’exécution. Tout de suite. Suspendre l’ exécution. Remettre la chose à demain. Le temps de se reconnaître, voilà tout. Ce peuple peut bien attendre à demain. Nous verrons ce que nous ferons. Non, ne secouez
Madame, par pitié ! Madame, au nom du ciel !
pas la tête. Pas de danger pour votre Fabiano. C’est moi que vous mettrez à la place. Sous le voile noir, la nuit, qui le saura ? Mais sauvez Gilbert ! Qu’est-ce que cela vous fait, lui ou moi ? Enfin ! Puisque je veux bien mourir, moi ! -oh mon dieu ! Cette cloche, cette affreuse cloche ! Chacun des coups de cette cloche est un pas vers l’échafaud. Chacun des coups de cette cloche frappe
Madame, par votre couronne, par votre mère, par
sur mon cœur. -faites cela, madame, ayez pitié ! Pas de danger pour votre Fabiano. Laissez-moi baiser vos mains. Je vous aime, madame, je ne vous l’ai pas encore dit ; mais je vous aime bien. Vous êtes une grande reine. Voyez comme je baise vos belles mains. Oh ! Un ordre pour suspendre l’exécution. Il est encore temps. Je vous assure que c’est très-possible. Ils vont lentement. Il y a loin de
les anges ! Gilbert ! Gilbert ! Cela me rend folle,
la tour au vieux-marché. L’homme du balcon a dit qu’on passerait par Charing-Cross. Il y a un chemin plus court. Un homme à cheval arriverait encore à temps. Au nom du ciel, madame, ayez pitié ! Enfin, mettez-vous à ma place, supposez que je sois la reine et vous la pauvre fille, vous pleureriez comme moi, et je ferais grâce. Faites grâce, madame ! Oh ! Voilà ce que je craignais, que les larmes ne m’empêchassent de parler. Oh ! Tout de suite. Suspendre l’ exécution. Cela n’a pas d’inconvénient, madame. Pas de danger pour Fabiano, je vous jure ! Est-ce que vraiment vous ne trouvez pas qu’il faut faire ce que je dis, madame ?
madame, sauvez Gilbert ! Cet homme, c’ est ma vie,
 
cet homme, c’ est mon mari, cet homme… je viens de
vous dire qu’ il a tout fait pour moi, qu’ il m’ a
élevée, qu’ il m’ a adoptée, qu’ il a remplacé près de
mon berceau mon père qui est mort pour votre mère.
Madame, vous voyez bien que je ne suis qu’ une pauvre
misérable et qu’ il ne faut pas être sévère pour moi.
Ce que vous venez de me dire m’ a donné un coup si
terrible que je ne sais vraiment pas comment j’ ai
la force de vous parler. Je dis ce que je peux,
voyez-vous. Mais il faut que vous fassiez suspendre
l’ exécution. Tout de suite. Suspendre l’ exécution.
Remettre la chose à demain. Le temps de se reconnaître,
voilà tout. Ce peuple peut bien attendre à demain.
Nous verrons ce que nous ferons. Non, ne secouez
pas la tête. Pas de danger pour votre Fabiano.
C’ est moi que vous mettrez à la place. Sous le
voile noir, la nuit, qui le saura ? Mais sauvez
Gilbert ! Qu’ est-ce que cela vous fait, lui ou moi ?
Enfin ! Puisque je veux bien mourir, moi ! -oh
mon dieu ! Cette cloche, cette affreuse cloche !
Chacun des coups de cette cloche est un pas vers
l’ échafaud. Chacun des coups de cette cloche frappe
sur mon cœur. -faites cela, madame, ayez pitié !
Pas de danger pour votre Fabiano. Laissez-moi baiser
vos mains. Je vous aime, madame, je ne vous l’ ai
pas encore dit ; mais je vous aime bien. Vous êtes
une grande reine. Voyez comme je baise vos belles
mains. Oh ! Un ordre pour suspendre l’ exécution.
Il est encore temps. Je vous assure que c’ est
très-possible. Ils vont lentement. Il y a loin de
la tour au vieux-marché. L’ homme du balcon a dit qu’ on
passerait par Charing-Cross. Il y a un chemin plus
court. Un homme à cheval arriverait encore à
temps. Au nom du ciel, madame, ayez pitié ! Enfin,
mettez-vous à ma place, supposez que je sois
la reine et vous la pauvre fille, vous pleureriez
comme moi, et je ferais grâce. Faites grâce, madame !
Oh ! Voilà ce que je craignais, que les larmes ne
m’ empêchassent de parler. Oh ! Tout de suite.
Suspendre l’ exécution. Cela n’ a pas d’ inconvénient,
madame. Pas de danger pour Fabiano, je vous jure !
Est-ce que vraiment vous ne trouvez pas qu’ il faut
faire ce que je dis, madame ?
La Reine, attendrie et la relevant.
Je le voudrais, malheureuse. Ah ! Tu pleures, oui, comme je pleurais ; ce que tu éprouves je viens de l’éprouver. Mes angoisses me font compatir aux tiennes. Tiens, tu vois que je pleure aussi. C’est bien malheureux, pauvre enfant ! Sans doute, il semble bien qu’on aurait pu en prendre un autre, Tyreonnel, par exemple ; mais il est trop connu, il fallait un homme obscur. On n’avait que celui-là sous la main. Je t’explique cela pour que tu comprennes, vois-tu. Oh ! Mon dieu ! Il y a de ces fatalités-là. On se trouve pris. On n’y peut rien.
Je le voudrais, malheureuse. Ah ! Tu pleures,
 
oui, comme je pleurais ; ce que tu éprouves je
viens de l’ éprouver. Mes angoisses me font compatir
aux tiennes. Tiens, tu vois que je pleure aussi.
C’ est bien malheureux, pauvre enfant ! Sans doute,
il semble bien qu’ on aurait pu en prendre un autre,
Tyreonnel, par exemple ; mais il est trop connu,
il fallait un homme obscur. On n’ avait que celui-là
sous la main. Je t’ explique cela pour que tu
comprennes, vois-tu. Oh ! Mon dieu ! Il y a de ces
fatalités-là. On se trouve pris. On n’ y peut rien.
Jane.
Oui, je vous écoute bien, madame. C’est comme moi, j’aurais encore plusieurs choses à vous dire ; mais je voudrais que l’ordre de suspendre l’exécution fût signé et l’homme parti. Ce sera une chose
Oui, je vous écoute bien, madame. C’ est comme
faite, voyez-vous. Nous parlerons mieux après. Oh ! Cette cloche ! Toujours cette cloche !
moi, j’ aurais encore plusieurs choses à vous dire ;
 
mais je voudrais que l’ ordre de suspendre l’ exécution
fût signé et l’ homme parti. Ce sera une chose
faite, voyez-vous. Nous parlerons mieux après. Oh !
Cette cloche ! Toujours cette cloche !
La Reine.
Ce que tu veux est impossible, lady Jane.
 
Jane.
Si, c’ estc’est possible. Un homme à cheval. Il y a un chemin très-court. Par le quai. J’irais, moi. C’est possible. C’est facile. Vous voyez que je parle avec douceur.
 
chemin très-court. Par le quai. J’ irais, moi. C’ est
possible. C’ est facile. Vous voyez que je parle avec
douceur.
La Reine.
Mais le peuple ne voudrait pas, mais il reviendrait tout massacrer dans la tour, et Fabiano y est encore, mais comprends donc. Tu trembles, pauvre enfant, moi je suis comme toi, je tremble aussi. Mets-toi à ma place à ton tour. Enfin, je pourrais bien ne pas prendre la peine de t’expliquer tout cela. Tu vois que je fais ce que je peux. Ne songe plus à ce Gilbert, Jane ! C’est fini. Résigne-toi !
Mais le peuple ne voudrait pas, mais il reviendrait
 
tout massacrer dans la tour, et Fabiano y est
encore, mais comprends donc. Tu trembles, pauvre
enfant, moi je suis comme toi, je tremble aussi.
Mets-toi à ma place à ton tour. Enfin, je pourrais
bien ne pas prendre la peine de t’ expliquer tout
cela. Tu vois que je fais ce que je peux. Ne songe
plus à ce Gilbert, Jane ! C’ est fini. Résigne-toi !
Jane.
Fini ! Non, ce n’ estn’est pas fini ! Non, tant que cette horrible cloche sonnera, ce ne sera pas fini ! Me résigner ! à la mort de Gilbert ! Est-ce que vous croyez que je laisserai mourir Gilbert ainsi ? Non,
madame. Ah ! Je perds mes peines ! Ah ! Vous ne m’écoutez pas. Eh bien ! Si la reine ne m’entend pas, le peuple m’entendra ! Ah ! Ils sont bons, ceux-là, voyez-vous ! Le peuple est encore dans cette cour. Vous ferez de moi ensuite ce que vous voudrez. Je vais lui crier qu’on le trompe, et que c’est Gilbert, un ouvrier comme eux, et que ce n’est pas Fabiani.
horrible cloche sonnera, ce ne sera pas fini ! Me
 
résigner ! à la mort de Gilbert ! Est-ce que vous
croyez que je laisserai mourir Gilbert ainsi ? Non,
madame. Ah ! Je perds mes peines ! Ah ! Vous ne
m’ écoutez pas. Eh bien ! Si la reine ne m’ entend
pas, le peuple m’ entendra ! Ah ! Ils sont bons,
ceux-là, voyez-vous ! Le peuple est encore dans cette
cour. Vous ferez de moi ensuite ce que vous voudrez.
Je vais lui crier qu’ on le trompe, et que c’ est
Gilbert, un ouvrier comme eux, et que ce n’ est
pas Fabiani.
La Reine.
Arrête, misérable enfant !
(Elle lui saisit le bras et la regarde fixement d’d’un unair formidable.)
—ah ! Tu le prends ainsi ? Ah ! Je suis bonne et douce, et je pleure avec toi, et voilà que tu deviens folle et furieuse ! Ah ! Mon amour est aussi grand que le tien, et ma main est plus forte que la tienne. Tu ne bougeras pas. Ah, ton amant ! Que m’importe ton amant ? Est-ce que toutes les filles d’Angleterre vont venir me demander compte de leurs amans, maintenant ! Pardieu ! Je sauve le mien comme je peux et aux dépens de qui se trouve là. Veillez sur les vôtres !
air formidable.
 
—ah ! Tu le prends ainsi ? Ah ! Je suis bonne et
douce, et je pleure avec toi, et voilà que tu deviens
folle et furieuse ! Ah ! Mon amour est aussi grand
que le tien, et ma main est plus forte que la tienne.
Tu ne bougeras pas. Ah, ton amant ! Que m’ importe
ton amant ? Est-ce que toutes les filles
d’ Angleterre vont venir me demander compte de leurs
amans, maintenant ! Pardieu ! Je sauve le mien
comme je peux et aux dépens de qui se trouve là.
Veillez sur les vôtres !
Jane.
Laissez-moi ! -oh ! Je vous maudis, méchante femme !
 
femme !
La Reine.
Silence !
 
Jane.
Non, je ne me tairai pas. Et voulez-vous que je vous dise une pensée que j’ai à présent ? Je ne crois pas que celui qui va mourir soit Gilbert.
 
vous dise une pensée que j’ ai à présent ? Je ne crois
pas que celui qui va mourir soit Gilbert.
La Reine.
Que dis-tu ?
 
Jane.
Je ne sais pas. Mais je l’ ail’ai vu passer sous ce voile noir. Il me semble que si ç’avait été Gilbert, quelque chose aurait remué en moi, quelque chose se serait révolté, quelque chose
se serait soulevé dans mon cœur, et m’ aurait crié : Gilbert ! C’ est Gilbert ! Je n’ai rien senti, ce n’est pas Gilbert !
ce voile noir. Il me semble que si ç’ avait été
 
Gilbert, quelque chose aurait remué en moi,
quelque chose se serait révolté, quelque chose
se serait soulevé dans mon cœur,
et m’ aurait crié : Gilbert ! C’ est Gilbert ! Je
n’ ai rien senti, ce n’ est pas Gilbert !
La Reine.
Que dis-tu là ? Ah ! Mon dieu ! Tu es insensée, ce que tu dis là est fou, et cependant celam’épouvante. Ah ! Tu viens de remuer une des plus secrètes inquiétudes de mon cœur. Pourquoi cette émeute m’a-t-elle empêchée de surveiller tout moi-même ! Pourquoi m’ en suis-je remise à d’autresqu’à moi du salut de Fabiano ? Éneas Dulverton est un traître. Simon Renard était peut-être là. Pourvu que je n’aie pas été trahie une deuxième fois par les ennemis de Fabiano ! Pourvu que ce ne soit pas Fabiano en effet… ! -quelqu’un ! Vite quelqu’un ! Quelqu’un !
Que dis-tu là ? Ah ! Mon dieu ! Tu es insensée,
(Deux geôliers paraissent.
ce que tu dis là est fou, et cependant cela
Au premier.)
m’ épouvante. Ah ! Tu viens de remuer une des plus
Vous, courez. Voici mon anneau royal. Dites qu’on suspende l’exécution. Au vieux-marché ! Au vieux-marché ! Il y a un chemin plus court, disais-tu, Jane ?
secrètes inquiétudes de mon cœur. Pourquoi cette
 
émeute m’ a-t-elle empêchée de surveiller tout
moi-même ! Pourquoi m’ en suis-je remise à d’ autres
qu’ à moi du salut de Fabiano ? éneas Dulverton
est un traître. Simon Renard était peut-être là.
Pourvu que je n’ aie pas été trahie une deuxième
fois par les ennemis de Fabiano ! Pourvu que ce
ne soit pas Fabiano en effet… ! -quelqu’ un !
Vite quelqu’ un ! Quelqu’ un !
Deux geôliers paraissent.
Au premier.
—vous, courez. Voici mon anneau royal. Dites
qu’ on suspende l’ exécution. Au vieux-marché ! Au
vieux-marché ! Il y a un chemin plus court,
disais-tu, Jane ?
Jane.
Par le quai.
 
La Reine, au geôlier.
Par le quai. Un cheval ! Cours vite !
(Le geôlier sort.
Au deuxième geôlier).
—vous, allez sur-le-champ à la tourelle d’Édouard-le-confesseur. Il y a là les deux cachots des condamnés à mort. Dans l’un de ces cachots, il y a un homme. Amenez-le-moi sur-le-champ.
(Le geôlier sort.)
d’ édouard-le-confesseur. Il y a là les deux cachots
Ah ! Je tremble ! Mes pieds se dérobent sous moi ; je n’aurais pas la force d’ y aller moi-même. Ah ! Tu me rends folle comme toi ! Ah ! Misérable fille, tu me rends malheureuse comme toi ! Je te maudis, comme tu me maudis ! Mon dieu ! L’homme aura-t-il le temps d’arriver ? Quelle horrible anxiété ! Je ne vois plus rien. Tout est trouble dans mon esprit. Cette cloche, pour qui sonne-t-elle ? Est-ce pour Gilbert ? Est-ce pour Fabiano ?
des condamnés à mort. Dans l’ un de ces cachots, il
 
y a un homme. Amenez-le-moi sur-le-champ.
Le geôlier sort.
—ah ! Je tremble ! Mes pieds se dérobent sous
moi ; je n’ aurais pas la force d’ y aller moi-même.
Ah ! Tu me rends folle comme toi ! Ah ! Misérable
fille, tu me rends malheureuse comme toi ! Je te
maudis, comme tu me maudis ! Mon dieu ! L’ homme
aura-t-il le temps d’ arriver ? Quelle horrible
anxiété ! Je ne vois plus rien. Tout est trouble dans
mon esprit. Cette cloche, pour qui sonne-t-elle ?
Est-ce pour Gilbert ? Est-ce pour Fabiano ?
Jane.
La cloche s’ arrêtes’arrête.
 
La Reine.
C’ est que le cortége est sur la place de l’l’exécution. exécutionL’homme n’aura pas eu le temps d’arriver.
(On entend un coup de canon éloigné.)
L’ homme n’ aura pas eu le temps d’ arriver.
 
On entend un coup de canon éloigné.
Jane.
Ciel !
 
La Reine.
Il monte sur l’ échafaud.
(Deuxième coup de canon.)
—il s’ agenouilles’agenouille.
Jane.
 
C’ est horrible !
C’est horrible !
Troisième coup de canon.
(Troisième coup de canon.)
 
Toutes Deux.
Ah !…
 
La Reine.
Il n’ yn’y en a plus qu’ unqu’un de vivant. Dans un instant nous saurons lequel. Mon dieu ! Celui qui va entrer, faites que ce soit Fabiano !
 
nous saurons lequel. Mon dieu ! Celui qui va
entrer, faites que ce soit Fabiano !
Jane.
Mon dieu ! Faites que ce soit Gilbert !
 
Le rideau du fond s’ ouvre. Simon Renard paraît,
(Le rideau du fond s’ouvre. Simon Renard paraît, tenant Gilbert par la main.)
 
Jane.
Gilbert !
 
Ils se précipitent dans les bras l’ un de l’ autre.
(Ils se précipitent dans les bras l’un de l’autre.)
 
La Reine.
Et Fabiano ?
 
Simon Renard.
Mort.
 
La Reine.
Mort ?… mort ! Qui a osé… ?
 
Simon Renard.
Moi. J’ aiJ’ai sauvé la reine et l’ Angleterrel’Angleterre.
Fin.

</pre>
[[Catégorie:Théâtre à formater]]