« Chronique de la quinzaine - 30 juin 1904 » : différence entre les versions

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Attendons, disions-nous il y a quinze jours, en parlant de la commission d’enquête qui venait d’être nommée par la Chambre des députés pour faire la lumière sur l’affaire des Chartreux. Quinze jours sont passés; la commission a beaucoup travaillé, mais la lumière n’est pas faite sur tous les points. Elle l’est pourtant sur quelques-uns. L’œuvre de la commission était double, il s’agissait d’abord d’éclaircir une affaire de corruption dont on avait beaucoup parlé il y a quinze mois et autour de laquelle le silence s’était fait depuis. Il s’agissait aussi, et surtout, de savoir comment s’étaient comportés nos pouvoirs publics, politiques et judiciaires, relativement à cette affaire. Dans le premier cas, une seule personne était visée; dans l’autre, tout un régime politique était en cause, avec ses allures et ses procédés propres. Contre M. Edgar Combes, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, on n’a jusqu’ici rien prouvé ; mais, sur les pratiques gouvernementales entrées dans nos mœurs depuis quelques années, les renseignemens ont été très abondans, et on peut dès aujourd’hui en tirer un certain nombre de conclusions.
 
 
Cette nouvelle affaire a surgi soudainement au milieu d’une discussion de la Chambre, sans que personne s’y attendit. Un duel de paroles, extrêmement vif, âpre et violent, se poursuivait entre M. Millerand et M. Combes. C’était la suite d’une lutte mortelle entre deux hommes, plus peut-être qu’entre deux politiques. M. Millerand attaquait avec une énergie brutale, mais pourtant parlementaire. Quant à M. Combes, il a mis en usage dans les tournois du Palais-Bourbon des procédés empruntés à la savate et au bâton. C’est son genre :
 
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Attendons, disions-nous il y a quinze jours, en parlant de la commission d’enquête qui venait d’être nommée par la Chambre des députés pour faire la lumière sur l’affaire des Chartreux. Quinze jours sont passés ; la commission a beaucoup travaillé, mais la lumière n’est pas faite sur tous les points. Elle l’est pourtant sur quelques-uns. L’œuvre de la commission était double, il s’agissait d’abord d’éclaircir une affaire de corruption dont on avait beaucoup parlé il y a quinze mois et autour de laquelle le silence s’était fait depuis. Il s’agissait aussi, et surtout, de savoir comment s’étaient comportés nos pouvoirs publics, politiques et judiciaires, relativement à cette affaire. Dans le premier cas, une seule personne était visée ; dans l’autre, tout un régime politique était en cause, avec ses allures et ses procédés propres. Contre M. Edgar Combes, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, on n’a jusqu’ici rien prouvé ; mais, sur les pratiques gouvernementales entrées dans nos mœurs depuis quelques années, les renseignemens ont été très abondans, et on peut dès aujourd’hui en tirer un certain nombre de conclusions.
si on le retourne quelquefois contre lui, il n’a pas droit de s’en plaindre. Il s’est écrié, en prenant à partie son dangereux interlocuteur, que, si lui, M. Combes, supprimait les congrégations, du moins il ne s’enrichissait pas de leurs dépouilles. C’était une allusion aux causes, à la vérité très nombreuses, que plaide M. Millerand comme avocat des liquidateurs judiciaires. Inévitablement, dans une assemblée de près de six cents membres où les passions étaient portées à leur paroxysme, une voix devait s’élever pour dire : « Et le million des Chartreux ? » Le trait a été lancé. Il dépendait de M. le président du Conseil de le laisser tomber; personne ne l’aurait relevé. Il l’a lait lui-même, dans un accès de colère qui a consterné ses amis et réveillé l’ardeur déjà éteinte de ses adversaires. — Le million des Chartreux, a-t-il dit en substance, parlons-en! Vidons cette question une fois pour toutes ! Si je me suis tu jusqu’ici au prix des pires angoisses morales, et si j’ai laissé mon fils en butte à des calomnies qui entachaient son honneur, c’est parce que M. Millerand, le même M. Millerand, qui depuis... mais alors!... est venu me prier, au nom d’ « un intérêt supérieur, » de ne pas livrer à la publicité un nom qu’il aurait suffi de prononcer pour laver mon fils des accusations odieuses dont il était l’objet. — Rien ne peut donner une idée de l’étonnement de la Chambre en présence de ce langage énigmatique. Personne ne comprenait de quoi il s’agissait. M. Millerand a reconnu avoir demandé, ou conseillé, le silence sur le nom auquel paraissaient se rattacher tant d’intérêts mystérieux, mais il a ajouté que sa divulgation n’aurait prouvé l’innocence de qui que ce fût. C’était à voir. Ce nom, en effet, était celui d’une personne qui, par l’intermédiaire d’une autre, avait fait dire à M. Edgar Combes que les Chartreux mettraient volontiers deux millions à la disposition du gouvernement, si celui-ci concluait à leur autorisation devant la Chambre. Depuis, on a accusé M. Edgar Combes d’avoir accepté l’affaire, au rabais, c’est-à-dire pour un million. — Est-il vraisemblable, est-il admissible, disait M. le président du Conseil, que mon fils ou moi ayons sollicité ou accepté un million, lorsque, peu de
 
Cette nouvelle affaire a surgi soudainement au milieu d’une discussion de la Chambre, sans que personne s’y attendit. Un duel de paroles, extrêmement vif, âpre et violent, se poursuivait entre M. Millerand et M. Combes. C’était la suite d’une lutte mortelle entre deux hommes, plus peut-être qu’entre deux politiques. M. Millerand attaquait avec une énergie brutale, mais pourtant parlementaire. Quant à M. Combes, il a mis en usage dans les tournois du Palais-Bourbon des procédés empruntés à la savate et au bâton. C’est son genre :
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si on le retourne quelquefois contre lui, il n’a pas droit de s’en plaindre. Il s’est écrié, en prenant à partie son dangereux interlocuteur, que, si lui, M. Combes, supprimait les congrégations, du moins il ne s’enrichissait pas de leurs dépouilles. C’était une allusion aux causes, à la vérité très nombreuses, que plaide M. Millerand comme avocat des liquidateurs judiciaires. Inévitablement, dans une assemblée de près de six cents membres où les passions étaient portées à leur paroxysme, une voix devait s’élever pour dire : « Et le million des Chartreux ? » Le trait a été lancé. Il dépendait de M. le président du Conseil de le laisser tomber ; personne ne l’aurait relevé. Il l’a lait lui-même, dans un accès de colère qui a consterné ses amis et réveillé l’ardeur déjà éteinte de ses adversaires. — Le million des Chartreux, a-t-il dit en substance, parlons-en ! Vidons cette question une fois pour toutes ! Si je me suis tu jusqu’ici au prix des pires angoisses morales, et si j’ai laissé mon fils en butte à des calomnies qui entachaient son honneur, c’est parce que M. Millerand, le même M. Millerand, qui depuis...depuis… mais alors !... est venu me prier, au nom d’ « un intérêt supérieur, » de ne pas livrer à la publicité un nom qu’il aurait suffi de prononcer pour laver mon fils des accusations odieuses dont il était l’objet. — Rien ne peut donner une idée de l’étonnement de la Chambre en présence de ce langage énigmatique. Personne ne comprenait de quoi il s’agissait. M. Millerand a reconnu avoir demandé, ou conseillé, le silence sur le nom auquel paraissaient se rattacher tant d’intérêts mystérieux, mais il a ajouté que sa divulgation n’aurait prouvé l’innocence de qui que ce fût. C’était à voir. Ce nom, en effet, était celui d’une personne qui, par l’intermédiaire d’une autre, avait fait dire à M. Edgar Combes que les Chartreux mettraient volontiers deux millions à la disposition du gouvernement, si celui-ci concluait à leur autorisation devant la Chambre. Depuis, on a accusé M. Edgar Combes d’avoir accepté l’affaire, au rabais, c’est-à-dire pour un million. — Est-il vraisemblable, est-il admissible, disait M. le président du Conseil, que mon fils ou moi ayons sollicité ou accepté un million, lorsque, peu de
temps auparavant, nous en avions refusé deux ? — Il y a eu aussi une troisième affaire de 300 000 francs qui auraient été demandés aux Chartreux pour « arroser » un groupe parlementaire. Cette danse de millions plongeait la Chambre dans un véritable ahurissement. Le désarroi était à son comble. On ne pouvait en sortir qu’en ordonnant une enquête, et c’est ce qui a été fait. Le surlendemain, la commission d’enquête a été élue dans les bureaux. Composée de
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trente-trois membres, une majorité de près de deux tiers s’est trouvée formée d’antiministériels.
 
Qu’avait voulu M. Combes ? Nuire à M. Millerand, et assurément il y a réussi. Mais il n’avait pas prévu qu’il se ferait du même coup beaucoup de mal à lui-même. Eh quoi ! AI. le président du Conseil affirme qu’il lui aurait suffi de prononcer un nom pour disculper son fils, et il ne la pas prononcé ? Pourquoi ? Parce que M. Millerand était venu lui dire qu’il y avait un « intérêt supérieur » à taire ce nom, sans doute capable d’ébranler les colonnes sur lesquelles repose la République. Quel pouvait être cet « intérêt supérieur ? » Si M. le président du Conseil avait manifesté le désir ou plutôt la volonté de le connaître avant de consentir au silence qui lui était demandé, tout le monde aurait trouvé sa curiosité naturelle et légitime. Sacrifier l’honneur de son fils à un anonyme, Brutus lui-même ne l’aurait pas fait ! Cependant la confiance de M. Combes en M. Millerand était si grande alors qu’il l’a cru sur parole, sans plus d’explications. Le nom est resté dans l’ombre, et M. Edgar Combes exposé à la calomnie. Tout le monde conseillait alors à M. le secrétaire général de traduire ses calomniateurs devant la cour d’assises ; mais il a estimé que la juridiction qui était assez bonne pour les simples citoyens ne l’était pas pour lui. Mettant fièrement son honneur et sa vertu au-dessus de toute atteinte, il a refusé de poursuivre. Tout semblait fini lorsque, la justice immanente des choses opérant sans doute, l’affaire a été reprise par M. le président du Conseil lui-même dans les conditions que nous venons de rappeler, et, à défaut d’une cour d’assises, elle s’est trouvée posée devant une commission d’enquête. Il y a des tombeaux qui gardent mal leurs spectres.
 
Avant même que la commission eût commencé son œuvre, un nom a été murmuré comme étant celui du moderne Masque de fer : M. Chabert ! Cela ne vous dit rien ? A nous non plus. On se rappelait vaguement qu’un M. Chabert avait été mêlé à l’affaire du Panama ; mais il avait laissé dans les mémoires une trace si légère qu’elle était à peu près effacée. Était-ce vraiment de ce comparse qu’il s’agissait ? Était-ce à lui que se rapportait l’« intérêt supérieur » invoqué par M. Millerand, et devant lequel M. Combes s’était incliné en laissant son fils, son fils dans lequel il a mis toutes ses complaisances, en proie à une meute hurlante ? On se refusait à le croire. Depuis que Mme Humbert, après avoir savamment disposé son auditoire à l’épouvante, avait balbutié le nom de Régnier, on n’avait pas éprouvé pareille désillusion. Chabert ! Était-ce croyable ? Il a pourtant bien fallu
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le croire lorsque M. Chabert, prenant les devans sur la commission, a écrit une lettre à un journal pour dire : — C’est moi, oui, c’est bien moi qui suis en cause ! ''Me, me adsum qui feci'' ! — Mais M. Chabert ne se vantait-il pas ? Si c’était effectivement lui, quel « intérêt supérieur » pouvait exiger le silence sur son nom, si peu effrayant en apparence ? Sa lettre donnait bien à ce sujet un renseignement qui avait son prix ; ce prix, toutefois, était-il assez grand pour expliquer la. démarche effarée de M. Millerand et le mutisme angoissé de M. Combes ? Il paraît que M. Chabert, qui, du reste, a déclaré ne pas s’occuper de politique, — non, grand Dieu ! il a dit à la commission d’enquête que tous ceux qui y touchaient étaient aussitôt déshonorés, — il paraît donc que M. Chabert, à la veille des élections de 1902, a versé 100 000 francs dans une caisse électorale particulièrement bien vue du gouvernement de cette époque. C’était celui de M. Waldeck-Rousseau, et M. Millerand, qui en faisait partie, avait invoqué auprès de M. Combes la solidarité naturelle entre gouvernemens successifs, mais analogues, pour lui recommander la discrétion. M. Chabert terminait sa lettre noblement. « Il résulte, écrivait-il, de tous ces incidens que cette malheureuse politique finira par écarter des concours précieux et par lasser bien des dévouemens. » Ce qui veut dire en bon français que, si on fait tant de bruit autour de leurs noms, M. Chabert et ses amis, — car la somme de 100 000 francs était le fruit d’une collecte, — cesseront de financer.
 
Est-ce M. Chabert en personne qui a parlé à M. Edgar Combes d’une somme de deux millions que les Chartreux seraient disposés à verser ? Est-ce lui qui, spontanément, a choisi la caisse dans laquelle il a versé 100 000 francs ? Non. Ici apparaît un nouvel intermédiaire que M. Chabert découvre dans sa lettre, et qui n’est autre que M. Michel Lagrave, fonctionnaire du ministère du Commerce et commissaire général de la République à l’Exposition de Saint-Louis. M. Lagrave est un homme intelligent : tout le monde a rendu justice à la manière dont il a organisé notre Exposition en Amérique. Mais il a eu le tort de s’entremettre dans une affaire dont un sentiment plus délicat et plus ferme de sa dignité aurait dû l’écarter. Il a d’ailleurs expié cruellement son imprudence, car rien ne prouve qu’il y ait eu autre chose de sa part qu’une imprudence, et il a été encouragé à la commettre par M. Millerand lui-même. Voici les faits. Un jour, raconte M. Chabert, je crois me souvenir avoir dit à M. Lagrave : « Si les Chartreux étaient malins, ils verseraient annuellement une forte somme à l’une des œuvres philanthropiques patronnées par le gouvernement, et
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s’attireraient forcément ainsi sa bienveillance. » Quoi de plus naturel de la part de M. Chabert que ce propos ? Ne se croyait-il pas très malin lui-même en faisant ce que, d’après lui, les Chartreux auraient dû faire ? M. Lagrave a pris la suggestion au sérieux : sans préjuger l’importance et encore moins la suite qui y serait donnée, il a cru de son devoir d’en faire part à M. Edgar Combes, avec lequel il était alors en rapports amicaux. Comment M. Edgar Combes a-t-il accueilli la chose ? Ici les versions diffèrent. D’après M. Lagrave, il se serait contenté de sourire sans se prononcer. M. Edgar Combes affirme, au contraire, qu’il a repoussé avec indignation ce qu’il considérait comme une proposition ferme, en ajoutant que celui qui la ferait à son père, après être entré dans son cabinet par la porte, en sortirait par la fenêtre. Mais il n’a lui-même jeté personne par la fenêtre. Il est resté en bonnes relations avec M. Lagrave, qu’il ne considérait pas, a-t-il dit, comme l’intermédiaire conscient et responsable d’une tentative de corruption caractérisée. Il est possible, en effet, que cette pensée ne soit née que plus tard dans son esprit, ou dans celui de M. le président du Conseil. Devant la commission d’enquête, on a vu M. Lagrave s’efforcer d’atténuer la gravité de sa démarche, et MM. Combes père et fils l’accentuer. Le premier se défendait d’avoir été l’agent, même indirect, d’une tentative criminelle ; mais les seconds avaient besoin que cette tentative eût existé pour se glorifier d’y avoir résisté, et se justifier ainsi d’avoir demandé le moins quand ils avaient déjà refusé le plus. Le dissentiment entre M. Lagrave et M. Edgar Combes est arrivé bientôt à un degré d’acuité qu’il était impossible de dépasser. « Vous mentez ! » a dit, à un moment, M. Lagrave ; à quoi M. Edgar Combes a répliqué : « Eh bien ! je vous dirai à mon tour que vous mentez ! » L’un des deux ment ; mais lequel ?
Il est un point, en tout cas, où nous sommes convaincus que M. Lagrave a dit la vérité. Quelque temps après cette affaire des deux mil bons à laquelle MM. Chabert et Lagrave avaient été mêlés dans des conditions restées confuses, mais secrètes, un scandale a éclaté, celui du million. Il ne s’agissait plus cette fois que d’un million. Les intermédiaires étaient différens, et l’ombre qui les couvre n’est pas encore dissipée ; peut-être ne le sera-t-elle jamais complètement ; mais l’accusation visait toujours M. Edgar Combes. D’où venait-elle ? D’un journaliste de Grenoble, M. Besson. C’est ce M. Besson que M. Edgar Combes aurait dû, selon nous, traduire en cour d’assises. Il ne l’a pas fait, et tout s’est borné à une instruction judiciaire, qui a été ouverte et fermée de la manière la plus étrange. M. le
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président du Conseil a d’ailleurs déclaré alors à la Chambre qu’à aucun prix il ne laisserait son fils aller en cour d’assises : il n’avait pas confiance dans cette juridiction. C’était pourtant la seule compétente et la seule devant laquelle la preuve était admise. On voulait cependant faire ou avoir l’air de faire quelque chose. Une plainte a été déposée contre X...X…, auteur présumé, mais innomé, d’une tentative d’escroquerie contre les Chartreux. Au cours de l’instruction, M. Combes a jugé utile que M. Lagrave témoignât en faveur de son fils comme témoin de moralité, et il le lui a demandé. N’avait-il pas été le confident de la première affaire, où la vertu de M. Edgar Combes avait brillé d’un si vif éclat ? La déposition de M. Lagrave a été décidée, sinon combinée au ministère de l’Intérieur. Toutefois une difficulté se présentait : M. Lagrave ne voulait à aucun prix livrer le nom de l’intermédiaire avec lequel il avait été en rapport, et il a déclaré, par la suite, que M. Combes l’avait autorisé à s’en abstenir. Mais M. Combes l’a nié. et même avec une extrême énergie. Énergie dépensée assez vainement ! Quand même M. Combes aurait admis au premier moment le silence de M. Lagrave, il n’y aurait pas eu grand mal à cela. Il pouvait croire que le nom de l’homme masqué n’était pas indispensable pour l’objet qu’il se proposait, et qui était seulement de faire apparaître le caractère moral de son fils. Quoi qu’il en soit, M. Lagrave, en déposant le lendemain, a refusé le nom qu’on lui demandait, et, quelques heures après, il est parti pour l’Amérique. Nous reviendrons sur sa déposition ; elle a été marquée par d’autres incidens curieux. Il suffit, pour l’instant, de retenir que M. Chabert n’a pas été nommé. Dans ces conditions, l’instruction ne pouvait plus marcher, et M. le procureur général s’est rendu chez le président du Conseil pour lui dire qu’elle serait close sans résultat.
 
Alors M. Trouillot, ministre du Commerce, a été invité à télégraphier à M. Lagrave en Amérique, pour lui demander le nom : il le fallait, on l’exigeait. A son arrivée à New-York, M. Lagrave a trouvé le télégramme, et a dû se soumettre. Il a envoyé le nom de M. Chabert, mais, en même temps, il priait son ministre de s’entendre avec M. Millerand, qu’il savait intéressé à ce que M. Chabert ne fût pas découvert. Cela fait, M. Lagrave a écrit deux lettres, conçues en termes à peu près identiques, l’une à M. Edgar Combes, l’autre à M. Millerand. Dans la première, il déplorait qu’on ne lui eût pas maintenu l’autorisation de tenir secret un nom aussi redoutable à prononcer que celui de M. Chabert, et il insistait, s’il en était temps encore, pour que la discrétion continuât. Dans la seconde, il se
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contentait de faire savoir à son ancien chef ce qu’il venait d’écrire à M. Edgar Combes. M. Milleraud a reçu sa lettre, et l’a produite devant la commission d’enquête. M. Edgar Combes a déclaré n’avoir jamais recula sienne, mais M. Lagrave a pu en fournir le brouillon. Il ressort de tout cela avec une clarté aveuglante que M. Lagrave, en toute confiance, en toute sincérité, s’était cru autorisé à ne pas mêler à sa déposition le nom de M. Chabert : sinon, il n’aurait pas écrit sa lettre à M. Millerand. L’évidence morale est absolue. Comment l’autorisation lui a-t-elle été donnée ? Il a raconté que la veille de sa comparution devant le juge d’instruction, M. Edgar Combes l’avait, à dix heures du soir, introduit dans le cabinet de son père, et que la chose s’était passée là. Une fois de plus M. le président du Conseil a nié. La scène a été émouvante. « Monsieur Combes, a dit M. Lagrave, vous êtes un vieillard ; vous n’avez plus rien à attendre dans ce monde ; vous sentez de quelle importance votre déclaration est pour moi ; je vous conjure de rappeler vos souvenirs. » Nous ne savons pas si M. Combes n’attend plus rien de ce monde ; mais il a déclaré que ses souvenirs étaient précis, et qu’ils contredisaient l’allégation de M. Lagrave. Dieu seul ici peut savoir où est la vérité.
 
Dans cette confrontation de M. Combes et de M. Lagrave, le fait sur lequel ils étaient interrogés a pris tout d’un coup, à cause de l’énergie avec laquelle il était affirmé par l’un et contesté par l’autre, une importance qu’il n’avait pas par lui-même. La scène a eu une allure dramatique, parce qu’on sentait de nouveau qu’un de ces deux hommes mentait sans qu’on pût dire lequel. Mais le mensonge, d’où qu’il vînt, portait sur un incident qui avait beaucoup perdu de son intérêt, puisque M. le président du Conseil, après avoir connu le nom de M. Chabert, l’avait gardé pour lui et ne l’avait pas livré au juge d’instruction. Qu’importait dès lors qu’il eût autorisé, ou non, chez M. Lagrave un silence qu’il avait observé lui-même, et qui avait fait avorter l’instruction ? M. Millerand avait parlé, M. Combes s’était lu. Quel argument, avait invoqué M. Millerand ? On ne nous l’a pas fait connaître. Mais, plus tard, M. Combes a dit à la commission d’enquête : « Si j’avais su que c’était pour le versement de 100 000 francs qu’on voulait taire le nom, je n’y aurais pas consenti. » Il y avait donc consenti. Alors, que devient son démenti à M. Lagrave ?
 
Revenons à la déposition de celui-ci. Le juge d’instruction qui l’interrogeait était M. de Vallès. A un moment de sa déposition, M. Edgar Combes, qui était dans une chambre à côté, est entré sans être appelé, et M. Lagrave a déclaré avoir été gêné pendant toute la
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dernière partie de sa déposition par cette présence importune. Il ne s’agissait nullement d’une confrontation entre deux témoins, et, en somme, bien qu’il n’en eût pas le caractère juridique, M. Edgar Combes était beaucoup plus un plaignant qu’un témoin dans l’affaire. Nous ne pensons pas qu’il soit d’usage que la porte d’un juge d’instruction, au moment même où il recueille une déposition, puisse être ouverte en quelque sorte familièrement par un tiers intéressé. M. Edgar Combes a donc surveillé la seconde moitié de la déposition de M. Lagrave. En outre, il a eu connaissance de la première, et il y a demandé une modification à laquelle M. Lagrave a paru depuis n’avoir pas consenti sans regret. Il avait dit que, dans la pensée de M. Chabert, l’interlocuteur qu’il ne nommait pas, les deux millions devaient être versés dans une « caisse publique. » M. Edgar Combes a demandé qu’on écrivit : « entre les mains du gouvernement, » ce qui n’est pas la même chose. Ici encore, M. Lagrave s’efforçait d’écarter et M. Combes de ramener l’idée d’une tentative de corruption personnelle et directe, à laquelle le premier aurait voulu n’avoir pas participé, mais que le second tenait à avoir repoussée. Cet incident met en vue deux faits qui ne sont à l’honneur ni de l’un ni de l’autre, à savoir que M. Edgar Combes a quelque peu pesé sur la déposition de M. Lagrave, et que M. Lagrave a quelque peu cédé à cette pression. Il a été, a-t-il dit, jusqu’au point extrême où il n’aurait pas pu aller plus loin sans sortir de la vérité. Admettons-le. Il n’a été que faible ; mais, si nous disons que M. Edgar Combes a été indiscret, on ne nous accusera pas d’exagérer les termes.
 
Toute cette affaire ayant été mise en mouvement par un propos de M. Chabert, personnage intermittent qu’on a déjà entrevu sur la scène à propos du Panama et qu’on y revoit aujourd’hui, mais qui n’y fait que de courtes apparitions pour rentrer aussitôt dans l’ombre, il faut l’y retenir un moment de plus. Son rôle est d’autant plus instructif qu’il nous en révèle un autre, celui d’un comité dont il a été beaucoup question sous le nom de comité Mascuraud.
 
M. Mascuraud et son comité, qui étaient déjà arrivés à une certaine notoriété, sont tout d’un coup devenus célèbres : ils appartiennent désormais à l’histoire. Que sont-ils donc ? M. Mascuraud est un commerçant honorable sans doute, mais peu notable comme tel, qui a voulu le devenir par la politique. Après s’être beaucoup occupé d’élections dans son quartier, il a fondé le Comité républicain du commerce et de l’industrie. Cet accouplement d’épithètes fait rêver : qu’a donc la République à voir avec le commerce et l’industrie, et
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réciproquement ? Ce sont choses différentes, qui peuvent vivre heureusement en parfaite intelligence, sans être pourtant indispensables l’une à l’autre. Mais elles l’étaient à M. Mascuraud. Il avait besoin du commerce et de l’industrie pour les représenter dans des solennités publiques en Franco et à l’étranger, et il avait besoin de la République, c’est-à-dire du gouvernement, pour se donner du prestige. Il a pleinement atteint son double but, surtout le second. Le gouvernement lui rend tant de services qu’on doit croire qu’il lui en rend de son côté quelques-uns : seulement, jusqu’ici, on ne savait pas lesquels. Les recommandations de M. Mascuraud sont toutes-puissantes auprès du ministère. Veut-on une distinction ou une place, c’est à lui, qu’il faut s’adresser : sans lui on n’obtient rien, avec lui, on obtient tout. Un homme dans cette situation représente sans doute très médiocrement le commerce et l’industrie, mais il peut représenter très utilement beaucoup de commerçans et d’industriels. Aussi son importance a-t-elle pris en peu d’années des proportions extraordinaires. On se demande quel rapport il y a entre M. Mascuraud et M. Chabert : rien de plus simple. C’est dans la caisse du comité Mascuraud que M. Chabert a versé ses 100 000 francs, et il estime que les Chartreux auraient été très « malins » s’ils l’avaient imité. Le comité Mascuraud est-il donc une « œuvre philanthropique patronnée par le gouvernement ? » Sans doute, à la condition de s’entendre sur les mots. Ce qui est sûr, c’est que M. Chabert, ayant une somme de 100 000 francs à placer en œuvres politiques, lui qui n’est pas un homme politique, a été embarrassé de savoir comment s’y prendre. Il a consulté M. Lagrave et M. Millerand, qui lui ont répondu tout de suite : Le comité Mascuraud ! Quand nous disons tout de suite, c’est peut-être exagéré. M. Millerand a raconté à la commission d’enquête qu’il avait consulté lui-même le ministère de l’Intérieur : là, il n’y a pas eu d’hésitation sur l’aiguillage à donner à M. Chabert et à ses 100 000 francs. Le comité Mascuraud voulait bien, en 1902, se charger de réunir des fonds en vue des élections prochaines. Avons-nous besoin de dire que rien, à nos yeux, n’est plus naturel, ni plus légitime, ni plus recommandable, ni d’un meilleur exemple, que le fait pour un comité, organe d’un parti politique, de réunir des fonds de propagande ? Cela se fait dans tous les pays libres. Toutefois, si le comité, au lieu d’être l’organe d’un parti indépendant, est celui d’un ministère, et si, entre ce ministère et lui, s’établit un échange de bons procédés qui crée de l’un à l’autre une sorte de société en participation, qui ne voit que le cas est tout différent, et qu’il peut
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engendrer des abus ? C’est ce qui est arrivé. L’argent qui est allé et qui continue d’aller au comité Mascuraud est-il purement politique ? Les versemens qui en sont faits sont-ils tout à fait désintéressés, ou n’ont-ils d’autre objet que d’aider au triomphe d’une grande cause ? Il faut le demander à M. Chabert. Ce sont là des mœurs politiques nouvelles. On peut sans doute trouver dans le passé des symptômes avant-coureurs du mal ; mais le mal a pris de nos jours des développemens prodigieux. L’incident Chabert-Mascuraud, détaché de l’affaire des Chartreux, est une page d’histoire contemporaine tout à fait édifiante, et qui le deviendra encore davantage si on fait un jour la lumière sur un autre scandale qui s’est produit au ministère de l’Intérieur, et dont on a parlé aussi. Il s’agit d’un haut fonctionnaire qui est mort plus riche qu’on ne le croyait. Cela ne se passait pas du temps de M. Combes : aussi n’est-ce pas le procès du seul M. Combes que nous faisons, c’est celui de tout un système de gouvernement dont on aperçoit aujourd’hui quelques effets.
 
L’affaire des Chartreux, prise en elle-même, n’a pour nous qu’un intérêt secondaire. D’abord on n’en saura jamais le fin mot. La Chambre a obéi à un bon sentiment en nommant une commission d’enquête ; mais elle s’est trompée, si elle a cru aboutir sûrement par-là à la découverte de la vérité. La vérité est très difficile à découvrir, soit par une instruction judiciaire, soif par une enquête parlementaire. Nous avons vu comment la première a été subitement close à la suite du refus de lui livrer un nom. Intérêt supérieur, raison d’État, « fait du prince, » cela suffit pour arrêter le cours de la justice, et on l’a bien vu, M. le procureur général l’a d’ailleurs reconnu devant la commission — Quoi ! a demandé un membre, un magistrat doit-il tenir compte d’intérêts politiques ? — Sous peine d’être révoqué, évidemment ! — a répondu M. le procureur général. Aucune naïveté ne saurait survivre à cet aveu dénué d’artifice.
 
La commission n’a pas à craindre d’être révoquée ; mais, comme elle n’a pas de pouvoirs judiciaires, ses moyens d’investigation sont limités. Certains témoins se sont dérobés devant elle. Nous ne parlons pas des Chartreux, qui n’avaient vraisemblablement rien à dire de plus que ce qu’ils ont écrit, mais de M. Besson, le journaliste dauphinois, qui a fait tant de tapage autour des secrets dont il se disait dépositaire, et qui a refusé de les livrer à la commission d’enquête, sous prétexte de les réserver à la cour d’assises, où il n’ira jamais. Son attitude jette sur lui un jour fâcheux. M. Besson a énoncé des faits précis, qui, s’ils ne sont pas exacts, sont d’odieuses calomnies ;
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il a affirmé en avoir la preuve, et il ne l’a pas fournie : l’opinion est fixée sur son compte. Le cas des Chartreux est tout différent. Ils n’ont pas cherché le scandale, ils ne l’ont pas provoqué, ils n’ont accusé personne. L’un d’eux a dit au juge d’instruction tout ce qu’il savait, à savoir qu’un « homme obscur » était venu leur demander de l’argent et qu’ils l’avaient refusé. Cet « homme obscur » leur en a nommé quatre plus connus. Ils n’ont voulu désigner ni les uns ni les autres, soit parce qu’ils n’avaient pas une certitude suffisante du caractère sérieux de la tentative, soit pour ne pas jeter le soupçon sur des hommes qui sont peut-être innocens, et qui ont été compromis à leur insu. Les Chartreux n’ont jamais dit que telle personne fût coupable et qu’ils pouvaient le prouver. Dès lors, que leur reproche-t-on ? Toute la meute ministérielle se déchaîne contre eux. Il est trop évident que c’est une diversion qu’elle cherche, en vue de détourner l’attention des points que l’enquête a tirés de l’ombre et qui sont définitivement acquis. On comprend que les amis du ministère aiment mieux parler des Chartreux. Ceux-ci, de l’autre côté de la frontière où ils ont cherché un refuge, suivent avec une tristesse mêlée de dédain le développement de cette affaire, qui s’est passée à propos d’eux, à côté d’eux, mais en dehors d’eux, et dont ils ne savent peut-être pas beaucoup plus que nous. Sans doute ils auraient mieux fait de ne rien dire du tout : ou bien, après avoir commencé de parler, ils auraient mieux fait de tout dire, s’ils n’avaient consulté que leur intérêt. Mais comparer leur cas à celui de M. Besson est une calomnie à laquelle ne croient même pas ceux qui l’ont inventée.
 
Si nous savons peu de chose sur la tentative de corruption, nous en savons trop sur beaucoup d’autres faits que l’enquête a mis au jour. Il arrive parfois qu’un médecin appelé en consultation ne trouve pas chez le malade les symptômes de la maladie qu’il craint d’avoir, mais en trouve de différens et de plus graves. N’est-ce pas ce qui arrive ici ? Tant mieux s’il n’y a pas eu de tentative de corruption, et tant pis s’il y en u eu une : mais c’est un de ces malheurs dont on peut se consoler. Qu’elle ait eu ou non son effet, la corruption n’atteint jamais qu’un petit nombre de personnes, au milieu d’un corps politique ou social, qui peut rester sain. On extirpe l’abcès, et c’est fini. Le mal est plus redoutable quand il est répandu dans l’organisme tout entier. Que faut-il penser de ces hauts fonctionnaires et de ces ministres qui se disent mutuellement : Vous mentez ! qui présentent effectivement et soutiennent sur les mêmes faits les versions les plus différentes, et qui, derrière les faits que nous apercevons, font croire
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qu’il y en a de pires encore, par la passion qu’ils mettent à se déchirer plutôt que de les avouer ? Ils s’embarrassent dans leurs affirmations et leurs dénégations, s’embrouillent, se coupent, se contredisent eux-mêmes ! Que dire d’une magistrature qui reconnaît elle-même n’être pas indépendante, et qui le prouve d’une manière si évidente ? Que penser d’un juge d’instruction dans le cabinet duquel on entre sans frapper, pourvu qu’on s’appelle Edgar Combes ? Que croire d’un « intérêt supérieur » qui exige, au risque d’interrompre par-là le cours naturel de la justice, le silence sur le nom d’un M. Chabert, parce qu’il a versé 100 000 francs au comité Mascuraud ? Quelles sont donc les relations de ce comité avec le ministère, et du ministère avec ce comité ? Toutes ces questions, et vingt autres encore, se pressent dans l’esprit, où ils ne laissent que confusion et que malaise. Certes, il vaudrait mieux qu’il y eût quelques coupables dont on ferait justice, que tant d’hommes inconsciens, inconsistans, défaillans et menteurs, une magistrature sans liberté, un gouvernement en rapports équivoques avec un comité en rapports lui-même avec des gens d’affaires, qui ne font pas de politique, mais qui font des versemens. Que de points obscurs ! que de choses suspectes et louches ! Nous comprenons que les ministériels s’efforcent de détourner nos regards de tant d’objets inquiétans et douloureux pour les fixer sur les Chartreux. Mais que nous importent les Chartreux, et n’ont-ils pas d’ailleurs quitté la France ? C’est de la France elle-même et de ceux qui y sont restés que nous nous occupons. Que la commission poursuive sa tâche. La corruption, quand elle prend la forme d’une tentative directe, ne laisse généralement pas de traces derrière elle, et il a toujours été à craindre que la commission ne la cherchât en vain. Mais elle a trouvé autre chose, et qui sait si elle ne contribuera pas à un assainissement du corps politique ? En tout cas, son devoir est de ne rien négliger pour cela.
 
 
FRANCIS CHARMES.
 
''Le Directeur-Gérant'', F. BRUNETIERE.
 
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