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tique de cette « action musicale. » Il suffira de le rappeler sommairement. Dans un pays fabuleux, dont Cravann est le nom, et que
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menacent les pires catastrophes (invasion étrangère et révolution religieuse), les destins ont désigné Fervaal, un chaste jouvenceau, pour
tique de cette « action musicale. » Il suffira de le rappeler sommaire-
être, au jour du péril imminent, le sauveur de sa patrie. Mais la mission du héros, ou plutôt le succès de sa mission, dépend de sa vertu.
ment. Dans un pays fabuleux, dont Cravann est le nom, et que
menacent les pires catastrophes (invasion étrangère et révolution reli-
gieuse), les destins ont désigné Fervaal, un chaste jouvenceau, pour
être, au jour du péril imminent, le sauveur de sa patrie. Mais la mis-
sion du héros, ou plutôt le succès de sa mission, dépend de sa vertu.
« Qu'il soit pur, » ont dit les oracles, « et que l'amour jamais ne trouble
« Qu'il soit pur, » ont dit les oracles, « et que l'amour jamais ne trouble
ni son corps ni son âme. » Une sorte de prophète, ou de druide, Arfa-
ni son corps ni son âme. » Une sorte de prophète, ou de druide, Arfagard, instruit des choses à venir, s'est fait le précepteur austère de
gard, instruit des choses à venir, s'est fait le précepteur austère de
l'élu. Il a formé l'esprit et surtout assuré l'innocence de son élève,
l'élu. Il a formé l'esprit et surtout assuré l'innocence de son élève,
l'obUgeant même à jamais par un serment sacré. Mais une femme
l'obUgeant même à jamais par un serment sacré. Mais une femme
survient, Guilhen, une princesse sarrasine, qui détruit tout ce bel
survient, Guilhen, une princesse sarrasine, qui détruit tout ce bel
ouvrage en apprenant l'amour au Cra vannais ingénu. C'est en vain
ouvrage en apprenant l'amour au Cravannais ingénu. C'est en vain
qu'Arfagard arrache Fervaal aux bras de l'enchanteresse. Il vient trop
qu'Arfagard arrache Fervaal aux bras de l'enchanteresse. Il vient trop
tard. Abandonnée, et furieuse de l'être, Guilhen elle-même déchaîne
tard. Abandonnée, et furieuse de l'être, Guilhen elle-même déchaîne
les hordes de ses Sarrasins contre l'infidèle. Élu par les siens pour les
les hordes de ses Sarrasins contre l'infidèle. Élu par les siens pour les
mener à la victoire, le coupable du péché d'amour les entraine à la
mener à la victoire, le coupable du péché d'amour les entraine à la
défaite. Alors, ne songeant désormais qu'à pleurer sa faute et le dé-
défaite. Alors, ne songeant désormais qu'à pleurer sa faute et le désastre de sa patrie, le triste Fervaal se retire sur les sommets neigeux.
sastre de sa patrie, le triste Fervaal se retire sur les sommets neigeux.
Rejoint là-haut par l'inévitable Arfagard, il s'offre de lui-même, en
Rejoint là-haut par l'inévitable Arfagard, il s'offre de lui-même, en
sacrifice expiatoire, au fer de son terrible mentor, quand un appel de
sacrifice expiatoire, au fer de son terrible mentor, quand un appel de
Guilhen, revenue soudain, se fait entendre et, littéralement, lui
Guilhen, revenue soudain, se fait entendre et, littéralement, lui
retourne le cœur. Il voulait recevoir la mort, il la donne, et d'un re-
retourne le cœur. Il voulait recevoir la mort, il la donne, et d'un revers de son glaive il abat à ses pieds l'importun qui lui barrait le passage. Mais le froid des sommets a glacé le sang de Guilhen. Elle frissonne, chancelle et tombe sans vie. Alors, saisi d'horreur et de
vers de son glaive il abat à ses pieds l'importun qui lui barrait le pas-
sage. Mais le froid des sommets a glacé le sang de Guilhen. Elle fris-
sonne, chancelle et tombe sans vie. Alors, saisi d'horreur et de
remords, parmi les ruines et les dépouilles même de tout ce qu'il
remords, parmi les ruines et les dépouilles même de tout ce qu'il
aimait, Fervaal prend dans ses bras sa chère morte et, l'élevant
aimait, Fervaal prend dans ses bras sa chère morte et, l'élevant
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soupçon, donne à ce dénouement — dans l'ordre poétique même —
soupçon, donne à ce dénouement — dans l'ordre poétique même —
une obscure autant qu'émouvante grandeur.
une obscure autant qu'émouvante grandeur.

Ainsi Wagner, à la fin de la Tétralogie et par la voix prophétique de
Ainsi Wagner, à la fin de la ''Tétralogie'' et par la voix prophétique de
Brunnhilde, annonce le crépuscule des anciens dieux et l'avènement
Brunnhilde, annonce le crépuscule des anciens dieux et l'avènement
d'un siècle, d'un monde plus vraiment divin. Ajoutons que dans l'his-
d'un siècle, d'un monde plus vraiment divin. Ajoutons que dans l'histoire de Fervaal comme dans celle de Parsifal, il y a de la rédemption
toire de Fervaal comme dans celle de Parsifal, il y a de la rédemption
à la fin, comme d'abord il y eut de la volupté. Les deux héros ne sont-ils
à la fin, comme d'abord il y eut de la volupté. Les deux héros ne sont-ils
pas l'objet, — avec cette différence que l'un résiste et que l'autre cède, —
pas l'objet, — avec cette différence que l'un résiste et que l'autre cède, —