« Le Rouge et le Noir/Chapitre XL » : différence entre les versions
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| [[Stendhal]]
| [[Le Rouge et le Noir]]
| '''Chapitre X'''<br>''La reine Marguerite''
| [[Le Rouge et le Noir - Tome second, Chapitre IX|Chapitre IX]]
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| [[Le Rouge et le Noir - Tome second, Chapitre XI|Chapitre XI]]
}}
''Amour ! dans quelle folie ne parviens-tu pas''<br>▼
''à nous faire trouver du plaisir ?''<br>▼
''Lettres d'une religieuse portugaise.''<br><br>▼
Julien relut ses lettres. Quand la cloche du dîner se fit entendre : Combien je dois avoir été ridicule aux yeux de cette poupée parisienne ! se dit-il, quelle folie de lui dire réellement ce à quoi je pensais ! mais peut-être folie pas si grande. La vérité dans cette occasion était digne de moi.<br> ▼
Pourquoi aussi venir m'interroger sur des choses intimes ? cette question est indiscrète de sa part. Elle a manqué d'usage. Mes pensées sur Danton ne font point partie du service pour lequel son père me paye.<br> ▼
En arrivant dans la salle à manger, Julien fut distrait de son humeur, par le grand deuil de Mlle de La Mole, qui le frappa d'autant plus qu'aucune autre personne de la famille n'était en noir.<br> ▼
Après dîner, il se trouva tout à fait débarrassé de l'accès d'enthousiasme qui l'avait obsédé toute la journée. Par bonheur, l'académicien qui savait le latin était de ce dîner. Voilà l'homme qui se moquera le moins de moi, se dit Julien, si, comme je le présume, ma question sur le deuil de Mlle de La Mole est une gaucherie.<br> ▼
▲Julien relut ses lettres. Quand la cloche du dîner se fit entendre : Combien je dois avoir été ridicule aux yeux de cette poupée parisienne ! se dit-il, quelle folie de lui dire réellement ce à quoi je pensais ! mais peut-être folie pas si grande. La vérité dans cette occasion était digne de moi.
Mathilde le regardait avec une expression singulière. Voilà bien la coquetterie des femmes de ce pays telle que Mme de Rênal me l'avait peinte, se dit Julien. Je n'ai pas été aimable pour elle ce matin, je n'ai pas cédé à la fantaisie qu'elle avait de causer. J'en augmente de prix à ses yeux. Sans doute le diable n'y perd rien. Plus tard, sa hauteur dédaigneuse saura bien se venger. Je la mets à pis faire. Quelle différence avec ce que j'ai perdu ! quel naturel charmant ! quelle naïveté ! Je savais ses pensées avant elle, je les voyais naître, je n'avais pour antagoniste, dans son cœur, que la peur de la mort de ses enfants, c'était une affection raisonnable et naturelle, aimable même pour moi qui en souffrais. J'ai été un sot. Les idées que je me faisais de Paris m'ont empêché d'apprécier cette femme sublime.<br> ▼
▲Pourquoi aussi venir
Quelle différence, grand Dieu ! et qu'est-ce que je trouve ici ? de la vanité sèche et hautaine, toutes les nuances de l'amour-propre et rien de plus.<br> ▼
▲En arrivant dans la salle à manger, Julien fut distrait de son humeur, par le grand deuil de Mlle de La Mole, qui le frappa
On se levait de table. Ne laissons pas engager mon académicien, se dit Julien. Il s'approcha de lui comme on passait au jardin, prit un air doux et soumis, et partagea sa fureur contre le succès d'''Hernani''.<br> ▼
▲Après dîner, il se trouva tout à fait débarrassé de
« Si nous étions encore au temps des lettres de cachet !... dit-il.<br> ▼
▲Mathilde le regardait avec une expression singulière. Voilà bien la coquetterie des femmes de ce pays telle que Mme de Rênal me
— Alors il n'eût pas osé, s'écria l'académicien avec un geste à la Talma. »<br> ▼
▲Quelle différence, grand Dieu ! et
A propos d'une fleur, Julien cita quelques mots des ''Géorgiques'' de Virgile, et trouva que rien n'était égal aux vers de l'abbé Delille. En un mot, il flatta l'académicien de toutes les façons. Après quoi, de l'air le plus indifférent : « Je suppose, lui dit-il, que Mlle de La Mole a hérité de quelque oncle dont elle porte le deuil.<br> ▼
▲On se levait de table. Ne laissons pas engager mon académicien, se dit Julien. Il
— Quoi ! vous êtes de la maison, dit l'académicien en s'arrêtant tout court, et vous ne savez pas sa folie ? Au fait, il est étrange que sa mère lui permette de telles choses ; mais entre nous, ce n'est pas précisément par la force du caractère qu'on brille dans cette maison. Mlle Mathilde en a pour eux tous, et les mène. C'est aujourd'hui le 30 avril ! » et l'académicien s'arrêta en regardant Julien d'un air fin. Julien sourit de l'air le plus spirituel qu'il put.<br> ▼
Quel rapport peut-il y avoir entre mener toute une maison, porter une robe noire, et le 30 avril ? se disait-il. Il faut que je sois encore plus gauche que je ne le pensais.<br> ▼
▲— Alors il
« Je vous avouerai... » dit-il à l'académicien, et son œil continuait à interroger. « Faisons un tour de jardin, dit l'académicien entrevoyant avec ravissement l'occasion de faire une longue narration élégante.<br> ▼
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« Quoi ! est-il bien possible que vous ne sachiez pas ce qui s'est passé le 30 avril 1574 ?<br> ▼
▲— Quoi ! vous êtes de la maison, dit
▲Quel rapport peut-il y avoir entre mener toute une maison, porter une robe noire, et le 30 avril ? se disait-il. Il faut que je sois encore plus gauche que je ne le pensais.
— En place de Grève. »<br> ▼
▲« Je vous avouerai... » dit-il à
Julien était si étonné, que ce mot ne le mit pas au fait. La curiosité, l'attente d'un intérêt tragique si en rapport avec son caractère, lui donnaient ces yeux brillants qu'un narrateur aime tant à voir chez la personne qui écoute. L'académicien ravi de trouver une oreille vierge, raconta longuement à Julien comme quoi, le 30 avril 1574, le plus joli garçon de son siècle, Boniface de La Mole et Annibal de Coconasso, gentilhomme piémontais, son ami, avaient eu la tête tranchée en place de Grève. « La Mole était l'amant adoré de la reine Marguerite de Navarre, et remarquez, ajouta l'académicien, que Mlle de La Mole s'appelle ''Mathilde Marguerite''. La Mole était en même temps le favori du duc d'Alençon et l'intime ami du roi de Navarre depuis Henri IV, mari de sa maîtresse. Le jour du mardi gras de cette année 1574, la cour se trouvait à Saint-Germain avec le pauvre roi Charles IX qui s'en allait mourant. La Mole voulut enlever les princes ses amis que la reine Catherine de Médicis retenait comme prisonniers à la cour. Il fit avancer deux cents chevaux sous les murs de Saint-Germain, le duc d'Alençon eut peur, et La Mole fut jeté au bourreau.<br> ▼
▲« Quoi ! est-il bien possible que vous ne sachiez pas ce qui
« Mais ce qui touche Mlle Mathilde, ce qu'elle m'a avoué elle-même, il y a sept à huit ans, quand elle en avait douze, car c'est une tête, une tête !... » et l'académicien leva les yeux au ciel. Ce qui l'a frappée dans cette catastrophe politique, c'est que la reine Marguerite de Navarre, cachée dans une maison de la place de Grève, osa faire demander au bourreau la tête de son amant. Et la nuit suivante, à minuit, elle prit cette tête dans sa voiture, et alla l'enterrer elle-même dans une chapelle située au pied de la colline de Montmartre.<br> ▼
—
— Mlle Mathilde méprise son frère, parce que, comme vous le voyez, il ne songe nullement à toute cette histoire ancienne, et ne prend point le deuil le 30 avril. C'est depuis ce fameux supplice, et pour rappeler l'amitié intime de La Mole pour Coconasso, lequel Coconasso, comme un Italien qu'il était, s'appelait Annibal, que tous les hommes de cette famille portent ce nom. Et, ajouta l'académicien en baissant la voix, ce Coconasso fut, au dire de Charles IX lui-même, l'un des plus cruels assassins du 24 août 1572... Mais comment est-il possible, mon cher Sorel, que vous ignoriez ces choses, vous le commensal de cette maison ?<br> ▼
▲Julien était si étonné, que ce mot ne le mit pas au fait. La curiosité,
— Voilà donc pourquoi, deux fois à dîner, Mlle de La Mole a appelé son frère Annibal. Je croyais avoir mal entendu.<br> ▼
▲« Mais ce qui touche Mlle Mathilde, ce
— C'était un reproche. Il est étrange que la marquise souffre de telles folies... Le mari de cette grande fille en verra de belles ! »<br>▼
— Est-il possible? s’écria Julien touché.
Ce mot fut suivi de cinq ou six phrases satiriques. La joie et l'intimité qui brillaient dans les yeux de l'académicien choquèrent Julien. Nous voici deux domestiques occupés à médire de leurs maîtres, pensa-t-il. Mais rien ne doit étonner de la part de cet homme d'académie.<br> ▼
▲— Mlle Mathilde méprise son frère, parce que, comme vous le voyez, il ne songe nullement à toute cette histoire ancienne, et ne prend point le deuil le 30 avril.
Un jour, Julien l'avait surpris aux genoux de la marquise de La Mole ; il lui demandait une recette de tabac pour un neveu de province. Le soir, une petite femme de chambre de Mlle de La Mole, qui faisait la cour à Julien, comme jadis Élisa, lui donna cette idée, que le deuil de sa maîtresse n'était point pris pour attirer les regards. Cette bizarrerie tenait au fond de son caractère. Elle aimait réellement ce La Mole, amant aimé de la reine la plus spirituelle de son siècle, et qui mourut pour avoir voulu rendre la liberté à ses amis. Et quels amis ! le premier prince du sang et Henri IV.<br> ▼
▲— Voilà donc pourquoi, deux fois à dîner, Mlle de La Mole a appelé son frère Annibal. Je croyais avoir mal entendu.
Accoutumé au naturel parfait qui brillait dans toute la conduite de Mme de Rênal, Julien ne voyait qu'affectation dans toutes les femmes de Paris ; et, pour peu qu'il fût disposé à la tristesse, ne trouvait rien à leur dire. Mlle de La Mole fit exception.<br> ▼
▲—
Il commençait à ne plus prendre pour de la sécheresse de cœur le genre de beauté qui tient à la noblesse du maintien. Il eut de longues conversations avec Mlle de La Mole, qui, quelquefois après dîner, se promenait avec lui dans le jardin, le long des fenêtres ouvertes du salon. Elle lui dit un jour qu'elle lisait l'histoire de D'Aubigné et Brantôme. Singulière lecture, pensa Julien ; et la marquise ne lui permet pas de lire les romans de Walter Scott !<br> ▼
▲Ce mot fut suivi de cinq ou six phrases satiriques. La joie et
Un jour elle lui raconta, avec ces yeux brillants de plaisir, qui prouvent la sincérité de l'admiration, ce trait d'une jeune femme du règne de Henri III, qu'elle venait de lire dans les ''Mémoires'' de l'Étoile : trouvant son mari infidèle, elle le poignarda.<br> ▼
▲Un jour, Julien
L'amour-propre de Julien était flatté. Une personne environnée de tant de respects, et qui, au dire de l'académicien, menait toute la maison, daignait lui parler d'un air qui pouvait presque ressembler à de l'amitié.<br> ▼
▲Accoutumé au naturel parfait qui brillait dans toute la conduite de Mme de Rênal, Julien ne voyait
Je m'étais trompé, pensa bientôt Julien ; ce n'est pas de la familiarité, je ne suis qu'un confident de tragédie, c'est le besoin de parler. Je passe pour savant dans cette famille. Je m'en vais lire Brantôme, d'Aubigné, l'Étoile. Je pourrai contester quelques-unes des anecdotes dont me parle Mlle de La Mole. Je veux sortir de ce rôle de confident passif.<br> ▼
▲Il commençait à ne plus prendre pour de la sécheresse de cœur le genre de beauté qui tient à la noblesse du maintien. Il eut de longues conversations avec Mlle de La Mole, qui, quelquefois après dîner, se promenait avec lui dans le jardin, le long des fenêtres ouvertes du salon. Elle lui dit un jour
Peu à peu ses conversations avec cette jeune fille, d'un maintien si imposant et en même temps si aisé, devinrent plus intéressantes. Il oubliait son triste rôle de plébéien révolté. Il la trouvait savante, et même raisonnable. Ses opinions dans le jardin étaient bien différentes de celles qu'elle avouait au salon. Quelquefois elle avait avec lui un enthousiasme et une franchise qui formaient un contraste parfait avec sa manière d'être ordinaire, si altière et si froide.<br> ▼
▲Un jour elle lui raconta, avec ces yeux brillants de plaisir, qui prouvent la sincérité de
« Les guerres de La Ligue sont les temps héroïques de la France, lui disait-elle un jour, avec des yeux étincelants de génie et d'enthousiasme. Alors chacun se battait pour obtenir une certaine chose qu'il désirait, pour faire triompher son parti, et non pas pour gagner platement une croix comme du temps de votre empereur. Convenez qu'il y avait moins d'égoïsme et de petitesse. J'aime ce siècle.<br> ▼
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▲Je
▲Peu à peu ses conversations avec cette jeune fille,
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— Et Boniface de La Mole en fut le héros, lui dit-il.
— Du moins il fut aimé comme peut-être il est doux de
Mme de La Mole appela sa fille.
Voilà
— À quoi rêvez-vous là, monsieur
[Variante : Il y avait de l’intimité dans cette question, et elle revenait en courant et essoufflée pour être avec lui.] Julien était las de se mépriser. Par orgueil, il dit franchement sa pensée. Il rougit beaucoup en parlant de sa pauvreté à une personne aussi riche. Il chercha à bien exprimer par son ton fier
À moins
Elle
Julien cherchait à ne pas
Plusieurs fois, en des jours de mauvaise humeur, Mathilde essaya de prendre avec lui le ton
Un jour il
Cette manière
Il serait plaisant
Mais non, ou je suis fou, ou elle me fait la cour
Dans les jours de méfiance
Eh bien, elle est jolie
Cette idée devint
À chaque instant, cherchant à
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