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== II. ==
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On possède, sous le nom d’Andocide, quatre discours, les trois que nous avons cités en racontant sa vie, et un quatrième, qui a pour titre : ''Contre Alcibiade''. Si nous n’avons rien dit de ce dernier, qui, par sa date (416), serait le plus ancien ouvrage conservé d’Andocide, c’est qu’il est aujourd’hui rejeté comme apocryphe par tous les critiques.
On possède, sous le nom d’Andocide, quatre discours, les trois que nous avons cités en racontant sa vie, et un quatrième, qui a pour titre : ''Contre Alcibiade'' (χατά Άλχιξιάδου). Si nous n’avons rien dit de ce dernier, qui, par sa date (416), serait le plus ancien ouvrage conservé d’Andocide, c’est qu’il est aujourd’hui rejeté comme apocryphe par tous les critiques.


On a par Thucydide des renseignemens précis sur la situation intérieure d’Athènes dans l’année où ce discours est censé avoir été prononcé devant le peuple. La lutte des partis était alors des plus chaudes ; il y avait en présence trois hommes qui groupaient autour d’eux un nombre à peu près égal d’adhérons, et dont chacun suffisait à tenir en échec ses rivaux : c’étaient Alcibiade, Nicias et Phœax. Dans toutes les assemblées, entre ces personnages ou entre leurs partisans, recommençaient des débats irritans et stériles. Les esprits étaient très montés. On pouvait craindre que l’ordre ne fût troublé. C’était là une de ces crises où l’on recourait à l’ostracisme, expédient par lequel furent épargnées à Athènes ces luttes sanglantes qui sont si fréquentes dans l’histoire de la plupart des cités grecques. Quand les passions étaient excitées à ce point qu’il y avait lieu de redouter la guerre civile, le peuple tout entier était sommé de choisir par un acte solennel entre les chefs qui se disputaient la direction des affaires : à celui qu’il considérait comme dangereux pour la paix de la cité, il ordonnait de s’éloigner pour dix ans d’Athènes et du territoire de l’Attique. En fait, presque toujours ceux qui avaient été ainsi frappés se virent rappelés bien avant ce terme, dès que les affaires eurent pris un autre tour, et que leur rentrée ne présenta point de péril. C’est ce qui arriva par exemple pour Aristide et pour Cimon. L’ostracisme, à vrai dire, n’était point un châtiment ; il n’emportait ni la confiscation des biens, ni aucune autre peine accessoire. Loin de flétrir celui qu’il atteignait, il lui faisait plutôt honneur ; c’était comme une reconnaissance publique de son mérite et de son influence. C’est ainsi que parfois, dans l’Europe moderne, les gouvernemens se sont débarrassés d’un adversaire politique en lui envoyant un passeport pour l’étranger. A Athènes, ce n’était point le caprice d’un homme qui pouvait arracher ainsi un citoyen à sa patrie ; il fallait, après de longs mois de
On a par Thucydide des renseignemens précis sur la situation intérieure d’Athènes dans l’année où ce discours est censé avoir été prononcé devant le peuple. La lutte des partis était alors des plus chaudes ; il y avait en présence trois hommes qui groupaient autour d’eux un nombre à peu près égal d’adhérons, et dont chacun suffisait à tenir en échec ses rivaux : c’étaient Alcibiade, Nicias et Phœax. Dans toutes les assemblées, entre ces personnages ou entre leurs partisans, recommençaient des débats irritans et stériles. Les esprits étaient très montés. On pouvait craindre que l’ordre ne fût troublé. C’était là une de ces crises où l’on recourait à l’ostracisme, expédient par lequel furent épargnées à Athènes ces luttes sanglantes qui sont si fréquentes dans l’histoire de la plupart des cités grecques. Quand les passions étaient excitées à ce point qu’il y avait lieu de redouter la guerre civile, le peuple tout entier était sommé de choisir par un acte solennel entre les chefs qui se disputaient la direction des affaires : à celui qu’il considérait comme dangereux pour la paix de la cité, il ordonnait de s’éloigner pour dix ans d’Athènes et du territoire de l’Attique. En fait, presque toujours ceux qui avaient été ainsi frappés se virent rappelés bien avant ce terme, dès que les affaires eurent pris un autre tour, et que leur rentrée ne présenta point de péril. C’est ce qui arriva par exemple pour Aristide et pour Cimon. L’ostracisme, à vrai dire, n’était point un châtiment ; il n’emportait ni la confiscation des biens, ni aucune autre peine accessoire. Loin de flétrir celui qu’il atteignait, il lui faisait plutôt honneur ; c’était comme une reconnaissance publique de son mérite et de son influence. C’est ainsi que parfois, dans l’Europe moderne, les gouvernemens se sont débarrassés d’un adversaire politique en lui envoyant un passeport pour l’étranger. A Athènes, ce n’était point le caprice d’un homme qui pouvait arracher ainsi un citoyen à sa patrie ; il fallait, après de longs mois de