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revient par là aux candidatures officielles, dont on a vu le résultat. Quant à la presse, c’est devenu un principe indiscutable pour la démocratie de lui laisser une liberté sans limites à peine tempérée par le jury, qui n’est lui-même qu’une forme très libre et très mobile de l’opinion publique. Que cela soit un bien ou un mal, là n’est pas la question ; ce n’est pas une thèse que je discute, c’est un fait que je constate, et qui s’impose. Eh bien ! que l’on essaie donc de faire vivre une monarchie entre ce double courant du suffrage universel et de la presse libre ! Oui, elle pourra se maintenir quelque temps, s’il arrive que ces deux courans se portent en sens contraire, elle leur devra alors son équilibre ; mais quel équilibre instable ! Il arrivera fatalement un jour où ces deux courans se joindront avec une force irrésistible, et fatalement aussi ce jour-là la monarchie, si légitime, si indiscutable qu’elle soit dans ses origines, sera emportée comme une paille par le torrent. Seule, la république, par sa nature même, par la souplesse de ses ressorts et le jeu de toute sa machine, peut résister à de si terribles assauts. Le renouvellement périodique des chambres et des pouvoirs doit, théoriquement au moins, suffire et pourvoir à toutes les exigences, même contradictoires, de l’opinion. Il est vrai que la réalité diffère sensiblement de la théorie dans un pays comme le nôtre où les mœurs politiques ne sont pas même ébauchées, où des minorités passionnées se refusent à subir la loi des majorités, et répondent par des coups de fusil aux scrutins qui les condamnent. Même dans ce cas, la république a un triste, mais sérieux avantage sur les monarchies. Quand elle se défend, tout le monde sent d’un sûr instinct que c’est la société elle-même qui se défend directement et sans intermédiaire. Elle seule peut sans scrupule imposer par la force l’ordre légal, c’est-è-dire le respect des majorités. Avec une monarchie, tout devient difficile. 8i elle ne mesure pas ses coups avec une circonspection extrême, elle se perd infailliblement. L’opinion s’irrite bientôt de voir ! la cause dynastique, c’est-à-dire une cause personnelle, mêlée à des répressions sanglantes. Si la monarchie se défend faiblement, elle se perd d’une autre façon ; l’émeute la déborde. Seul, un pouvoir anonyme, expression directe et indéfiniment renouvelable du pays, peut et doit avoir cette salutaire audace de défendre l’ordre à tout prix.
{{tiret2|re|vient}} par là aux candidatures officielles, dont on a vu le résultat. Quant à la presse, c’est devenu un principe indiscutable pour la démocratie de lui laisser une liberté sans limites à peine tempérée par le jury, qui n’est lui-même qu’une forme très libre et très mobile de l’opinion publique. Que cela soit un bien ou un mal, là n’est pas la question ; ce n’est pas une thèse que je discute, c’est un fait que je constate, et qui s’impose. Eh bien ! que l’on essaie donc de faire vivre une monarchie entre ce double courant du suffrage universel et de la presse libre ! Oui, elle pourra se maintenir quelque temps, s’il arrive que ces deux courans se portent en sens contraire, elle leur devra alors son équilibre ; mais quel équilibre instable ! Il arrivera fatalement un jour où ces deux courans se joindront avec une force irrésistible, et fatalement aussi ce jour-là la monarchie, si légitime, si indiscutable qu’elle soit dans ses origines, sera emportée comme une paille par le torrent. Seule, la république, par sa nature même, par la souplesse de ses ressorts et le jeu de toute sa machine, peut résister à de si terribles assauts. Le renouvellement périodique des chambres et des pouvoirs doit, théoriquement au moins, suffire et pourvoir à toutes les exigences, même contradictoires, de l’opinion. Il est vrai que la réalité diffère sensiblement de la théorie dans un pays comme le nôtre où les mœurs politiques ne sont pas même ébauchées, où des minorités passionnées se refusent à subir la loi des majorités, et répondent par des coups de fusil aux scrutins qui les condamnent. Même dans ce cas, la république a un triste, mais sérieux avantage sur les monarchies. Quand elle se défend, tout le monde sent d’un sûr instinct que c’est la société elle-même qui se défend directement et sans intermédiaire. Elle seule peut sans scrupule imposer par la force l’ordre légal, c’est-è-dire le respect des majorités. Avec une monarchie, tout devient difficile. 8i elle ne mesure pas ses coups avec une circonspection extrême, elle se perd infailliblement. L’opinion s’irrite bientôt de voir ! la cause dynastique, c’est-à-dire une cause personnelle, mêlée à des répressions sanglantes. Si la monarchie se défend faiblement, elle se perd d’une autre façon ; l’émeute la déborde. Seul, un pouvoir anonyme, expression directe et indéfiniment renouvelable du pays, peut et doit avoir cette salutaire audace de défendre l’ordre à tout prix.


Pour toutes ces raisons, j’estime que la république avait les plus grandes chances en sa faveur. Je connais la grande objection, la seule. Elle a été renouvelée dans ces dernières années avec une précision singulière et cet air de grandeur que M. Cousin imprimait à toutes les idées dans une page trop oubliée, et que je suis heureux de remettre en lumière. On y verra l’empreinte vivante de cette sollicitude patriotique avec laquelle il suivait les destinées de la
Pour toutes ces raisons, j’estime que la république avait les plus grandes chances en sa faveur. Je connais la grande objection, la seule. Elle a été renouvelée dans ces dernières années avec une précision singulière et cet air de grandeur que M. Cousin imprimait à toutes les idées dans une page trop oubliée, et que je suis heureux de remettre en lumière. On y verra l’empreinte vivante de cette sollicitude patriotique avec laquelle il suivait les destinées de la