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{{numérotation|'''P. JANET.''' — LES CAUSES FINALES||37}}
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quelques-uns s’y sont opposés en invoquant le rôle curatif de la douleur dans les opérations chirurgicales.
anesthésiques; quelques-uns s’y sont opposés en invoquant le rôle curatif de la douleur dans les opérations chirurgicales.


3° Un troisième abus des causes finales consiste à s’en servir comme explication d’un phénomène qui n’existe pas. Fénelon, dans son ''Traité de l’existence de Dieu'', soutient que la lune a été donnée à la terre pour l’éclairer pendant l’absence du soleil : « Elle se montre à point nommé, dit-il, avec toutes les étoiles, quand le soleil est obligé d’aller ramener le jour dans d’autres hémisphères<ref>Fénelon, ''Exist. de Dieu, '' part. I, ch. ii.</ref>''.'' » Cette opinion fournit à Laplace l’occasion d’une réfutation victo­rieuse : « Quelques partisans des causes finales, dit-il<ref>Laplace, ''Exposition du système du monde'', liv. IV, ch. VI. Une erreur du même genre est celle d’Hippocrate qui admire l’art avec lequel les oreillettes du cœur ont été faites « pour souffler l’air dans le cœur » Littré, ''œuvres d’Hippocrate, '' t. IX, p. 77). C’est à propos d’erreurs de ce genre que Condorcet écrit : « Cet optimisme qui consiste à trouver tout à merveille dans la nature telle qu’on l’invente, à condition d’admirer également sa sagesse si par malheur on avait découvert qu’elle a suivi d’autres combinaisons, cet optimisme de détail doit être banni de la philosophie dont le but n’est pas d’admirer, mais de connaître. » ''(Fragment sur l’Atlantide).''</ref>, ont imaginé que la lune avait été donnée à la terre pour l’éclairer pendant les nuits. Dans ce cas, la nature n’aurait point atteint le but qu’elle se serait proposé puisque nous sommes souvent privés à la fois, et de la lumière du soleil, et de la lumière de la lune. Pour y parvenir, il eût suffi de mettre à l’origine, la lune en opposition avec le soleil, dans le plan même de l’écliptique, à une distance de la terre égale à la centième partie de la distance de la terre au soleil, et de donner à la lune et à la terre des vitesses parallèles proportionnelles à leur distance de cet astre. Alors, la lune, sans cesse en opposition avec le soleil, eût décrit autour de lui une ellipse semblable à celle de la terre ; ces deux astres se seraient succédé l’un à l’autre sur l’ho­rizon ; et, comme à cette distance la lune n’eût point été éclipsée, sa lumière aurait constamment remplacé celle du soleil<ref>Cette doctrine est bien tombée en désuétude dans la philosophie mo­derne depuis Descartes et Leibniz. Cependant elle est encore défendue. Nous citerons, par exemple, comme particulièrement intéressant à ce point de vue, l’ouvrage intitulé : ''L’Homme et la Création, théorie des Causes finales, '' par Desdouits. (Paris, 1834 — 2e édition, 1840.) Nulle part ce point de vue ''anthropo­centrique'' n’a été exprimé d’une manière plus affirmative et plus décidée.</ref>. » Ici, il faut le reconnaître, le savant a raison contre le théologien. C’est ainsi que par un usage indiscret des causes finales, on expose la Providence à recevoir une leçon de mathématiques d’un simple mortel.
3° Un troisième abus des causes finales consiste à s’en servir comme explication d’un phénomène qui n’existe pas. Fénelon, dans son ''Traité de l’existence de Dieu'', soutient que la lune a été donnée à la terre pour l’éclairer pendant l’absence du soleil : « Elle se montre à point nommé, dit-il, avec toutes les étoiles, quand le soleil est obligé d’aller ramener le jour dans d’autres hémisphères<ref>Fénelon, ''Exist. de Dieu, '' part. I, ch. {{sc|ii}}.</ref>. » Cette opinion fournit à Laplace l’occasion d’une réfutation victorieuse : « Quelques partisans des causes finales, dit-il<ref>Laplace, ''Exposition du système du monde'', liv. IV, ch. {{sc|vi}}. Une erreur du même genre est celle d’Hippocrate qui admire l’art avec lequel les oreillettes du cœur ont été faites « pour souffler l’air dans le cœur » (Littré, ''œuvres d’Hippocrate, '' t. IX, p. 77). C’est à propos d’erreurs de ce genre que Condorcet écrit : « Cet optimisme qui consiste à trouver tout à merveille dans la nature telle qu’on l’invente, à condition d’admirer également sa sagesse si par malheur on avait découvert qu’elle a suivi d’autres combinaisons, cet optimisme de détail doit être banni de la philosophie dont le but n’est pas d’admirer, mais de connaître. » ''(Fragment sur l’Atlantide).''</ref>, ont imaginé que la lune avait été donnée à la terre pour l’éclairer pendant les nuits. Dans ce cas, la nature n’aurait point atteint le but qu’elle se serait proposé puisque nous sommes souvent privés à la fois, et de la lumière du soleil, et de la lumière de la lune. Pour y parvenir, il eût suffi de mettre à l’origine, la lune en opposition avec le soleil, dans le plan même de l’écliptique, à une distance de la terre égale à la centième partie de la distance de la terre au soleil, et de donner à la lune et à la terre des vitesses parallèles proportionnelles à leur distance de cet astre. Alors, la lune, sans cesse en opposition avec le soleil, eût décrit autour de lui une ellipse semblable à celle de la terre ; ces deux astres se seraient succédé l’un à l’autre sur l’horizon ; et, comme à cette distance la lune n’eût point été éclipsée, sa lumière aurait constamment remplacé celle du soleil<ref>Cette doctrine est bien tombée en désuétude dans la philosophie moderne depuis Descartes et Leibniz. Cependant elle est encore défendue. Nous citerons, par exemple, comme particulièrement intéressant à ce point de vue, l’ouvrage intitulé : ''L’Homme et la Création, théorie des Causes finales, '' par Desdouits. (Paris, 1834 — 2{{e}} édition, 1840.) Nulle part ce point de vue ''anthropocentrique'' n’a été exprimé d’une manière plus affirmative et plus décidée.</ref>. » Ici, il faut le reconnaître, le savant a raison contre le théologien. C’est ainsi que par un usage indiscret des causes finales, on expose la Providence à recevoir une leçon de mathématiques d’un simple mortel.


4° Viennent les applications puériles et frivoles des causes finales, applications qui remplissent des livres excellents sans doute, mais plus faits pour édifier que pour instruire. Quelques-unes de ces ap­plications
4° Viennent les applications puériles et frivoles des causes finales, applications qui remplissent des livres excellents sans doute, mais plus faits pour édifier que pour instruire. Quelques-unes de ces {{tiret|ap|plications}}