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| '''X'''<br>LA GUERRE DES PARTIS
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Et les exilés, dans leur cabane de neige en l’absence du chaman, commencèrent à se quereller, et ils se partagèrent en trois
partis : et chacun d’eux pensait au salut de la patrie.
 
Le premier avait à sa tête le comte Skir : c’était le parti de
ceux qui portent le ''kontusz'' <ref> Vêtement national.</ref>, et qui voulait s’appeler ''szlachta''
(noblesse) comme s’ils venaient d’arriver avec Lech dans une
terre déserte.
 
Le deuxième avait à sa tête un soldat maigre appelé Skartabella : il voulait partager la terre et proclamer la liberté des
paysans et l’égalité de la szlachta avec les juifs et les tsiganes.
 
Et le troisième avait à sa tête le prêtre Bonifat qui voulait
sauver la patrie par la prière, et pour la sauver ne connaissait
qu’un moyen : aller à la mort sans se défendre, comme des martyrs <ref> Allusion aux différents partis qui se partagent l’émigration.</ref>.
 
Et ces trois partis étaient en désaccord, et ils s’étaient mis à
discuter sur les principes.
 
Et le second, s’étant armé de haches, entra en campagne,
menaçant les premiers de faire voir la couleur de leur sang, et les
autres de leur donner ce qu’ils désiraient, le martyre.
 
Au moment où les esprits s’échauffaient et où l’on allait en
venir aux mains, on convint, sur le conseil d’un membre du troisième parti, de décider la querelle par le jugement de Dieu.
 
Et cet arbitre dit : Elevons trois croix en souvenir de la passion de Notre-Seigneur, et clouons sur chacune d’elles un des
guerriers les plus vigoureux de chaque bande : celui qui vivra le
plus longtemps aura la victoire.
 
Et comme les esprits de ces hommes étaient tous comme plongés dans l’ivresse, il se trouva trois guerriers prêts à subir la
mort pour leurs convictions et à être crucifiés, comme autrefois,
le Seigneur Jésus-Christ.
 
On fit donc trois croix des arbres les plus hauts qui étaient dans le pays, et trois martyrs sortirent de chaque troupe : on ne
les avait pas choisis au sort : ils venaient de leur propre volonté.
Et ce n’étaient pas les chefs des troupes, mais les moindres des
soldats.
 
Quand les charpentiers eurent établi les croix sur la montagne
couverte de neige, on entendit une voix venant du ciel, comme
un ouragan, qui disait : Que faites-vous ? Mais ces hommes Meurent pas peur.
 
Et on attacha à la croix ces hommes insensés, et on leur cloua
les mains, et celui qui était à gauche criait : Sang ; celui qui était
au milieu criait : Foi.
 
Et les groupes se tenaient en silence sous les croix, attendant ce qui arriverait, et la nuit s’étendit sur la neige, et il y eut
une obscurité profonde et un silence terrible.
 
Et à minuit l’aurore boréale s’étendit sur toute une moitié du
ciel, et des glaives de feu jaillissaient de cette aurore..
 
Et tout le ciel devint rouge, et les croix aussi devinrent rouges
avec les martyrs.
 
À ce moment, une terreur saisit les groupes et ils dirent :
Nous faisons mal ! Fallait-il que ces innocents mourussent pour
nos croyances ?
 
Et la foule s’épouvanta, disant : Voilà qu’ils meurent et ils ne
se plaignent pas !
 
Et ils dirent à ceux qui étaient crucifiés : Voulez-vous que
nous vous détachions. Mais ils ne répondirent rien : ils étaient
déjà morts.
 
Et voyant cela, la foule s’enfuit pleine d’épouvante, et aucun
de ceux qui fuyaient ne détourna la tête pour voir les morts et
les martyrs. L’aurore les rougissait et ils restèrent seuls.
 
Et à ce moment le chaman et Anhelli revinrent de leur voyage
souterrain, et ils s’étonnèrent en voyant les trois croix noires sur
les cieux enflammées, et ils dirent avec épouvante : Qu’est-il
arrivé ?
 
Et ayant regardé plus près, ils eurent peur, voyant sur les
croix les cadavres, et ils reconnurent leurs amis : le chaman
s’assit sous les croix et pleura.
 
Et se relevant, il dit à Anhelli : Dieu m’a révélé la faute de ce
peuple, et je sais pourquoi on a crucifié ces hommes. Afin que
leur corps ne souffre aucun affront, enlevons-les et emportons-les
au cimetière.
 
Qu’ils reposent dans la terre : car ils se sont de bonne foi livrés à la mort, et cette mort sera non pas leur condamnation,
mais la rémission de leurs péchés. La croix les a purifiés.
 
Parlant ainsi, ils enlevèrent ces morts glacés sur la croix, et ils les emportèrent à l’ancien cimetière des exilés.
 
 
 
 
 
 
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