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recourir, — sans parler de la Bulgarie, destinée sans doute à devenir un jour un État indépendant, ou de la Roumanie et de la Serbie qui le sont déjà devenues. A notre avis, aucun de ces systèmes ne doit être appliqué intégralement et aveuglément à la Crète, mais les puissances peuvent s’inspirer de plusieurs d’entre eux et plus spécialement de celui qui a si bien réussi à Samos. C’est ce qu’a proposé lord Salisbury, et, pour employer une expression familière aux Anglais, sa proposition est très raisonnable. Elle parait de nature à réunir le consentement des autres puissances. Quant à la question de savoir s’il ne conviendrait pas, avant de donner des institutions à la Crète, d’en expulser les Grecs, elle perdrait peut-être de son importance si on était dès maintenant d’accord sur le choix de ces institutions. Il semble que cette manière de procéder plairait à l’ombre de Minos, et qu’elle serait aussi de nature à satisfaire une sagesse plus moderne. Quelque condamnable qu’ait été leur attitude, à quoi bon infliger aux Grecs, avec une déception inévitable, une humiliation inutile, et pourquoi ne pas leur permettre de croire, — ce qui est vrai dans une certaine mesure, — que leur intervention aura contribué à la libération de la Crète ? Avant cette intervention, la Crète ne pouvait rien espérer de mieux que l’application des réformes consenties par le sultan sous la pression de l’Europe. C’était le simple rajeunissement du pacte d’Halepa. Après l’intervention hellénique, des destinées toutes nouvelles se sont ouvertes devant elle, et à la Canée, aussi bien qu’à Athènes, on pourra dire : Félix culpa ! C’est une satisfaction à ne pas refuser aux Grecs. Leur faute aurait pu avoir les conséquences les plus funestes : l’Europe y a pourvu, et il dépend d’eux aujourd’hui que les conséquences dernières en soient bonnes. Malheureusement, ils ne sont pas encore tout à fait venus à cette sagesse.

L’accord des puissances ne s’est pas manifesté seulement par les coups de canon de la Canée. Le recours à la force, même lorsqu’il est nécessaire, n’en est pas moins pénible. Si, comme nous n’en doutons pas, la Grèce est capable de comprendre un autre langage, elle a certainement apprécié celui qui a été tenu le même jour dans tous les parlemens actuellement en exercice, à Londres par M. Curzon, à Berlin par M. le baron Marschall, et à Paris par M. Hanotaux. La pensée commune qui animait des ministres aussi divers a trouvé une expression presque identique. M. Curzon a tenu le même langage que M. Hanotaux, et le discours de M. le baron Marschall ne diffère en rien de celui des ministres anglais et français. Tous les trois ont affirmé qu’il y aurait une suprême imprudence à porter en ce moment atteinte à