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qui rend les observations successives plus aisément comparables. Toutes les fois que notre attention est particulièrement appelée sur un point, nous le ''regardons'', c’est-à-dire que nous dirigeons vers lui, non pas seulement la ''tache jaune'' de chacun de nos yeux, la région la plus sensible aux rayons lumineux, mais un point presque mathématique de cette région, qui devient alors, pour ainsi dire, l’origine des coordonnées angulaires correspondant à chaque œil. Et ce qui montre bien le caractère purement ''intellectuel, mental, logique'', de cette opération, c’est qu’en dépit des deux images formées dans les deux yeux, l’objet ''regardé'' paraît ''unique'', comme un objet que nous touchons avec nos dix doigts nous semble un seul objet bien qu’il donne lieu à dix sensations tactiles différentes. Le point de fixation où convergent les lignes de regard est promené sur les différentes parties de l’objet qui se trouve ainsi ''palpé'' visuellement comme par les antennes d’un insecte. Détail à noter et qu’on peut vérifier, dans la lecture, par exemple, cette exploration par l’œil de la surface d’un corps se fait au moyen de mouvemens saccadés de façon à permettre de mieux apprécier les changemens de plan.
UNE VIE DE SAVANT. 93

qui rend les observations successives plus aisément comparables.
Des sensations visuelles se produisent sur les parties de la rétine différentes de la ''fovea'' lorsque le regard se promène ainsi dans l’espace. Elles donnent lieu à des images dont la netteté est, en quelque sorte, proportionnelle à l’attention, au degré d’importance que nous leur accordons. Le plus souvent nous les ''négligeons'', nous les ''neutralisons'' suivant le terme consacré. Un strabique, par exemple, qui se sert ordinairement d’un de ses yeux parce qu’il est le meilleur, néglige complètement les images fournies par l’autre. Si l’on couvre le bon œil, le malade utilise, au contraire, les images du mauvais. Il est donc établi de la façon la plus incontestable, à ce qu’il semble, que nous avons la ''perception'' du relief grâce aux raisonnemens, aux ''conclusions logiques'' que nous déduisons des matériaux qui nous sont fournis par les ''sensations visuelles''. Les prétendues ''illusions'' des sens ne sont que des raisonnemens faux ou incomplets.
Toutes les fois que notre attention est particulièrement appelée

sur un point, nous le regardons, c'est-à-dire que nous dirigeons
A cette théorie vient se heurter une objection très plausible et très naturelle. Comment admettre que nous fassions tous ces beaux raisonnemens, si nombreux, si compliqués, sans nous en apercevoir, comme M. Jourdain faisait de la prose ? Les philosophes soutiendront même qu’il y a contradiction dans les termes quand on parle de ''raisonnemens inconsciens'' ; que le mécanisme logique a besoin d’un moteur qui est précisément la conscience du but à atteindre, et qui mesure à ce but même
vers lui, non pas seulement la tache jaune de chacun de nos
yeux, la région la plus sensible aux rayons lumineux, mais
un point presque mathématique de cette région, qui devient
alors, pour ainsi dire, l'origine des coordonnées angulaires cor-
respondant à chaque œil. Et ce qui montre bien le caractère
purement intellectuel, mental, logique, de cette opération, c'est
qu'en dépit des deux images formées dans les deux yeux, l'objet
regardé paraît unique, comme un objet que nous touchons avec
nos dix doigts nous semble un seul objet bien qu'il donne lieu à
dix sensations tactiles différentes. Le point de fixation où con-
vergent les lignes de regard est promené sur les différentes
parties de l'objet qui se trouve ainsi palpé visuellement comme
par les antennes d'un insecte. Détail à noter et qu'on peut véri-
fier, dans la lecture, par exemple, cette exploration par l'œil de
la surface d'un corps se fait au moyen de mouvemens saccadés
de façon à permettre de mieux apprécier les changemens de
plan.
Des sensations visuelles se produisent sur les parties de la
rétine différentes de la fovea lorsque le regard se promène ainsi
dans l'espace. Elles donnent lieu à des images dont la netteté
est, en quelque sorte, proportionnelle à l'attention, au degré
d'importance que nous leur accordons. Le plus souvent nous les
négligeons, nous les neutralisons suivant le terme consacré. Un
strabique, par exemple, qui se sert ordinairement d'un de ses
yeux parce qu'il est le meilleur, néglige complètement les images
fournies par l'autre. Si l'on couvre le bon œil, le malade utilise,
au contraire, les images du mauvais. Il est donc établi de la façon
la plus incontestable, à ce qu'il semble, que nous avons la per-
ception du relief grâce aux raisonnemens, aux conclusions logiques
que nous déduisons des matériaux qui nous sont fournis par les
sensations visuelles. Les prétendues illusions des sens ne sont que
des raisonnemens faux ou incomplets.
A cette théorie vient se heurter une objection très plausible
et très naturelle. Gomment admettre que nous fassions tous ces
beaux raisonnemens, si nombreux, si compliqués, sans nous en
apercevoir, comme M. Jourdain faisait de la prose? Les phi-
losophes soutiendront même qu'il y a contradiction dans les
termes quand on parle de raisonnemens inconsciens; que le mé-
canisme logique a besoin d'un moteur qui est précisément la
conscience du but à atteindre, et qui mesure à ce but même