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parlions pas de l’ouvrage qui, avec la Danseuse de M. Falguière, a, durant tout le Salon, attiré le plus les regards, les Panthères, par M. Georges Gardet. C’est un groupe polychrome, mais de polychromie naturelle, taillé dans un marbre jaunâtre, taché de veines grises, qui semble avoir été produit par la carrière pour être transformé en fauves. M. Gardet a tiré parti en artiste de ce bloc que son œil d’artiste lui avait fait si judicieusement choisir. Les deux panthères, dressées sur leurs trains d’arrière, s’enlacent et se mordent, avec une fureur puissante et une superbe souplesse qui rappellent le libre et robuste génie du plus grand des animaliers, de Barye ; cette fois l’admiration du public s’est trouvée conforme à l’admiration des artistes.

La section de sculpture, au Salon du Champ-de-Mars, est toujours bien moins fréquentée et beaucoup plus mal peuplée que la section de peinture. On y trouverait peu d’intérêt cette année, si l’on n’y avait adjoint une exposition collective des œuvres de M. Jules Desbois, dans la salle même où se voyait, l’an dernier, l’exposition posthume des œuvres de Jean Carriès. M. Jules Desbois, heureusement, est vivant et bien vivant, comme le prouve la variété de ses travaux dans lesquels se manifeste une virtuosité hardie et savante et qui s’est depuis longtemps préparée aux ambitions les plus diverses. Trois œuvres de grande dimension, l’une en marbre, l’autre en bronze, l’autre en bois, affirment d’abord la volonté du sculpteur de soumettre à ses fantaisies les trois matières les plus glorieuses que la nature offre aux ouvriers plastiques. Le marbre est une Léda, nue, assise, embrassant le cygne, qu’elle enveloppe de tout son corps en penchant sur lui la tête, par un mouvement ramassé d’une singulière hardiesse. Le sculpteur a sauvé les périls de cet embrassement passionné par la tranquillité continue d’une exécution correcte et savante. La témérité de la pose est romantique, la façon de l’exécuter est classique. Au reste, M. Dubois qui semble, d’après ses œuvres, un praticien expérimenté, très maître de lui, sachant ce qu’il veut, plutôt qu’un novateur passionné et imprudent, montre sous un autre aspect, cette habileté de pratique raisonnée dans les morceaux voisins. Le bronze (l’Homme et la Mort) et le bois (la Misère) témoignent d’une recherche de réalisme à outrance, violent et brutal, qui ne paraît point exempte d’une certaine affectation, ou, tout au moins, d’un parti pris très exclusif : ce sont les antithèses criantes de la Léda. Le groupe de la Mort rappelle par sa disposition (un vieillard assis repoussant du geste la Mort qui vient le prendre) un certain nombre de tableaux de la Mort et du Bûcheron, mais le sculpteur a détaillé et accentué, avec une dureté impitoyable, la décrépitude du vieillard et surtout la hideur