« La Morale de Nietzsche » : différence entre les versions

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Un exemple — l'avilissement de la « matière » —éclaircira cet artifice.
 
Ce qui rend irréalisable pour l'homme presque la perfection de son type, c'est la dualité de sa nature : esprit et corps. GommentComment ne pas perdre en valeur physique, en aptitude à la vie, en naturel, ce qu'il gagnera en intensité méditative, en conscience ?Ily a mesure même à l'excellent. Ainsi se connaître est bon, se trop connaître est mortel. Le problème de ces conciliations délicates ne se pose pas pour des peuples encore peu éloignés de la barbarie, ni pour des classes peu conscientes. Mais il fait cruellement sentir sa complexité à l'élite des civilisations déjà avancées. Gœthe nous montre dans Faust un fanatique de méditation qui a perdu dans cet abus l'ingénuité nécessaire à toute entreprise virile. Encore Faust reprend-il goût au réel. Combien gardent au fond d'eux-mêmes cette réserve de santé qui le sauve, parmi ces jeunes gens des écoles et des sectes d'Athènes déclinante ou de Paris moderne, dont l'orgueil, la fureur raisonnante ont desséché l'âme, flétri la grâce, faussé le sens? La pensée n'est pas plus que le corps la fin de l'homme. La fin, c'est l'harmonie des deux. Mais quand l'équilibre de l'organisation humaine est rompu en sa faveur, quand elle ne se sent plus modérée par aucune convenance, la pensée élève une sorte de prétention infinie. Elle veut que tout se règle par elle. Elle s'érige en arbitre et inspiratrice unique de la vie. Elle la désorganisera : car elle n'est pas la cause, mais un fruit de la vie. C'est probablement le signe le plus sûr des décadences que ce doute, ce scrupule infini et maladif dont les habitudes, les estimations et les institutions les plus nécessaires doivent devenir l'objet, dès que la spéculation s'acharne à leur demander leurs titres absolus. C'est l'anxiété universelle substituée à l'aisance et à la simplicité des époques fortes. Tout est remis en question par ces « intellectuels » qui ont perdu ou qui n'ont pas eu d'où tirer le sens des mœurs ; tout ce qui existe autour d'eux d'abord, mais aussi eux-mêmes,leur caractère, leurs traditions, leur être propres. Ils se détruisent plus misérablement encore qu'ils ne détruisent.
Contre cette humiliation, quelle ressource? Diviniser le principe pensant. Ainsi les ravages qu'il fait par ses excès deviennent beaux. Puis démontrer vile la matière. C'est ce qu'Athènes vit exécuter par Socrate et Platon, philosophes de décadence, affirme Nietzsche. Ils enseignent que l'âme, accidentellement et temporairement déchue d'une destinée transcendante, est dans le corps comme dans un lieu d'épreuve, une prison. Le mythe importe peu. Mais cette invite de l'âme à se détacher de ses liens est une prime accordée à toutes les frénésies spirituelles, à toutes les orgies de la sensibilité morale. Elle ôte sa triste signification physiologique à l'inquiétude intérieure et lui en prête une sublime. Elle frappe de déshonneur la sérénité.
C'est la falsification idéaliste. Elle se présentera sous bien des formes au cours de l'histoire, mais toujours pour rendre le. même service.
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Se croyant ou se rêvant d'ailleurs sortie directement des entrailles de la nature, l'œuvre d'art romantique sera condamnée, par une conséquence évidente, à chercher l'intérêt dans la nouveauté absolue. Par quoi donc pourra-t-elle être si nouvelle? Par le sujet tout d'abord. Trait caractéristique du romantisme :1a poursuite de sujets extraordinaires, de cas inouïs, laquelle a pour aboutissant extrême la frénésie de l'anormal.
 
Mais entre les sujets extraordinaires, il en est un qui les dépasse tous, le sujet des sujets, le sujet sans fond et sans bornes. GommentComment le nommer? Dieu, si Ton veut, l'Infini, l'Univers, la nature tout entière de l'alpha à l'oméga. Fils de la nature et de la nature seule, nouveau-nés de l'Infini, les grands artistes romantiques ne se sont pas proposé une moindre matière. Celle-là seule les a hantés, toute autre leur apparaissant trop inférieure à ce qu'ils portent en eux.—