« Principes du socialisme (Baju) » : différence entre les versions

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Il faut quelque chose de supérieur pour arracher les hommes à l'esclavage des sens et pour les maintenir en communion constante, un sentiment plus pur, moins égoïste, et dont l'intensité s'accroisse en raison de la culture intellectuelle : l'idéal de la perfection absolue. L'amour du Beau est inné au fond de nous ; chacun le possède à un degré quelconque. Il n'est personne qui n'ait éprouvé une émotion plus ou moins forte en face de tels spectacles grandioses de la Nature ou devant les chefs-d'oeuvre du génie, et qui n'ait essayé de la communiquer à quelqu'un de son milieu ; car c'est là le caractère essentiel de ce sentiment d'être commun ou conceptible à tous, c'est-à-dire éminemment social.
 
Un système soucieux de la fin des hommes doit donc s'efforcer de développer en eux l'idéal esthétique, qui est le mode le plus élevé du bonheur. En les conviant à des plaisirs communs qui ne connaissent ni la limite ni le dégoût, il supprime l'antagonisme des intérêts ; il leur apprend même à s'aimer les uns les autres dans l'oeuvreœuvre de la Nature ; enfin il les soustrait à la matérialité des choses, les attache à la vie en leur inspirant le désir toujours nouveau de connaître le Mieux : il leur ouvre une porte sur l'Infini.
 
L'Enseignement religieux a senti avec raison la nécessité d'un idéal. Mais le sien est infirmé par la science ; c'est un préjugé que les prêtres seuls ont intérêt à conserver. L'Au-Delà est une de ces hypothèses gratuites, un de ces audacieux ''a priori'' dont les anciens philosophes se servaient pour étayer leurs sociogonies ; ceux qui entretiennent encore le peuple dans cette naïve illusion sont les premiers qui ne l'auront jamais.
 
Le plaisir esthétique, au contraire, n'est pas seulement une espérance ; il est réel, immédiat. Il s'agit de le faire goûter aux générations nouvelles. Même provisoirement, dans une faible mesure, il est vrai, des fils de paysans et d'ouvriers peuvent le concevoir. L'instituteur n'a qu'à leur faire sentir la poésie de la nature, l'harmonie des couleurs, la mélodie des sons, le charme et le parfum des fleurs; leur faire comprendre le prix et la beauté d'un travail achevé, leur inspirer l'horreur des imperfections, au lieu d'être des manoeuvresmanœuvres, ils voudront devenir des artistes.
 
L'Art ne consiste pas seulement à construire une phrase irréductible, à colorier une toile, à ciseler un bloc de marbre : il est dans tous les métiers, dans toutes les industries. Chaque sorte de travail suppose un idéal, c'est-à-dire un modèle de ce que les hommes peuvent faire de mieux. Le serrurier, le maçon, le cultivateur ont besoin d'une éducation esthétique, de même que le peintre, le poète, le musicien. Chacun dans sa sphère peut rêver la perfection absolue, repaître son imagination de cette idée, en alimenter son activité cérébrale, en jouir : celui qui aura trouvé les plans les plus merveilleux sera en même temps le meilleur ouvrier.
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Ainsi l'Égalité mathématique étant admise comme principe fondamental de notre société, l'arithmétique remplacerait avantageusement le Code et même la Morale.
 
== V. - De l'Égalité==
== V. - De l'Égalité== <ref name="ftn2">Proclamer l'égalité des intelligences, c'est se heurter à l'un des préjugés les plus profondément enracinés dans le coeur humain. Les générations présentes ne veulent pas, et même ne peuvent pas admettre que les hommes puissent devenir également forts, également bons, également intelligents. Le spectacle de huit mille ans d'inégalités de tout ordre est plus fort que tous les raisonnements, même que toutes les expériences. L'esprit s'affranchit difficilement d'une telle hérédité. A la rigueur on admettrait encore que, sous l'influence d'un régime uniforme, des corps également sains puissent se développer à peu près pareillement ; mais que des cerveaux également cultivés puissent acquérir une somme à peu près identique d'instruction, d'éducation, d'intelligence ; voilà ce qu'on n'admettra jamais.<br /><br />
 
Eh bien ! il s'agit de démontrer que l'homme est une pâte que l'éducation moule à volonté et à qui elle donne telle forme qu'il lui plaît. L'enfant ne naît ni bon, ni mauvais, il a seulement des dispositions bonnes ou mauvaises, des aptitudes diverses, en un mot, des hérédités. Mais l'Éducation a le pouvoir d'annuler ou de développer ces hérédités, et c'est ce qui se produit invariablement.<br /><br />
 
L'enfant de la meilleure famille, s'il est élevé dans un milieu dépravé, deviendra nécessairement pervers : de même, celui qui aurait dans son ascendance les plus affreux gredins, deviendra au contraire un honnête homme, si on le confie assez tôt aux soins d'un maître habile et dévoué. C'est là une règle qui ne souffre pas d'exceptions, et que tous les vrais pédagogues sont prêts à confirmer.<br /><br />
 
Mais, voici venir l'objection classique des deux frères qui ne se ressemblent pas. L'un est doux, l'autre est méchant ; cruelle énigme ! disent les ignorants, vous n'empêcherez jamais cela.<br /><br />
 
D'abord, il n'est pas vrai, le plus souvent, que ces deux frères ont reçu dans leur famille la même éducation. Qui ne sait que dans bien de ménages les enfants sont loin d'être l'objet d'une égale sollicitude ? Celui-ci a l'affection du père, celui-là celle de la mère ; l'un bénéficie de toutes les caresses, l'autre est en butte à toutes les brutalités. Quelquefois le premier est le bienvenu, le chéri, l'enfant gâté, à qui l'on souffre tout ; l'autre apparaît, sinon comme un intrus, du moins comme une charge, et on le rudoie et on le néglige, jusqu'à se désintéresser presque complètement de lui.<br /><br />
 
Mais, quand il serait vrai que l'éducation de la famille eût été exactement la même pour tous les deux, les influences qu'ils reçoivent du dehors sont rarement les mêmes ; ils ne voient pas toujours les mêmes choses ; il ne jouent pas les mêmes jeux, ils n'ont pas les mêmes fréquentations ; quelquefois ils n'ont pas les mêmes maîtres à l'école, et tout cela suffit à différencier profondément leurs caractères.<br /><br />
 
Mais, dira-t-on, si l'éducation a le pouvoir d'égaliser les caractères, cela n'empêche pas que des individus, qui n'ont pas la même intelligence, ne puissent jamais devenir égaux. Voyons ce que c'est que l'intelligence ? EtreÊtre intelligent, c'est connaître, c'est sentir vivement les différentes qualités des choses, c'est les combiner, les séparer, les étendre, les restreindre, les comparer et en déterminer les rapports. D'une façon plus générale, c'est comprendre ses vrais intérêts, c'est sacrifier une satisfaction présente pour un avantage réel dans l'avenir; c'est tendre à notre fin sociale.<br /><br />
 
On ne naît pas intelligent, on le devient par l'éducation des sens et par l'instruction : tout individu qui a le cerveau bien conformé, qui a le corps sain et qui n'a pas eu d'accidents fâcheux, s’il est cultivé, le deviendra nécessairement. Sans doute, en raison des hérédités ou des tempéraments, les uns comprendront mieux et se développeront plus vite, mais les autres arriveront au même but ; ils mettront un peu plus de temps, voilà tout.<br /><br />
 
C'est, d'ailleurs, ce qui se produit régulièrement dans toutes les écoles. Sur une classe de cinquante élèves, il y en a vingt-cinq qui devancent leurs camarades et qui pourront subir avec succès leur examen de fin d'année. Mais, conservez les vingt-cinq retardataires un an, deux ans de plus s'il le faut, ils se présenteront au même examen avec le même succès. Il n'y a là qu'une question de temps.<br /><br />
 
L'intelligence est avant tout une fonction de cerveau ; elle dépend du jeu régulier des organes, des connaissances, du milieu et même de la nourriture que l'on prend. Dans une société individualiste comme la nôtre, où chacun dresse et instruit ses enfants à sa guise, il est assez naturel qu'elle soit dévolue très inégalement entre les hommes ; mais dans une société collectiviste où tous les enfants, nourris et vêtus de la même manière, seront élevés selon les principes d'une éducation méthodique et complète, l'actuelle différence de nos facultés intellectuelles ne devra pas, ne pourra pas se produire.<br /><br />
 
À part quelques individus, tels que les idiots - un sur cent à peine - victimes d'accidents physiologiques, nous soutenons que tous les hommes peuvent devenir à peu près également intelligents. Cette affirmation, nous l'avons corroborée par des expériences.</ref>.
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L'Égalité n'est pas dans la Nature, elle est dans le progrès de la Science, dans l'organisation et le fonctionnement du meilleur état social. Il ne faudrait point s'imaginer que, par le fait de l'institution du régime collectiviste, ceux qui sont aujourd'hui au niveau de la brute vont devenir subitement des hommes intelligents. Victimes d'une ascendance dégradée, ils resteront ce qu'ils sont et leur postérité immédiate ne leur sera guère supérieure. Le progrès se manifeste plus lentement. Mais il est évident qu'après cinq ou six générations, toutes les différences de force physique et d'intelligence seront réduites au minimum.
 
Il ne s'agit pas d'affirmer que les hommes seront toujours inégaux parce qu'ils l'ont toujours été : on ne conclut pas l'avenir par le passé. Et puis, il n'y a pas d'énigme dans la nature : nul fait ne se produit sans cause. Pourquoi cette inégalité ? Pour y croire, il faut admettre l'existence d'un Dieu créateur capricieux et fantasque. Comme au contraire le monde est l'oeuvreœuvre d'une force fatale, toujours identique à elle-même, il n'y a pas de raison pour que les uns naissent avec des qualités que les autres n'ont pas. Si cela se produit si souvent, c'est que l'ordre immanent des choses a subi une perturbation. Il y a des causes à ces accidents ; nous en avons déjà signalé quelques-unes. La science sociale a pour but de rechercher les autres et de les prévenir.
 
En préconisant l'égalité des conditions, de la force physique et des intelligences, voilà comment nous la comprenons. Nous savons qu'elle est provisoirement une utopie, mais une longue, une minutieuse observation des phénomènes sociaux nous fait croire que demain elle se réalisera, parce qu'elle a présidé à la conception primordiale des clans et des tribus, parce qu'elle est inséparable de l'idée même de société.
 
== VI - Méthode pédagogique. ==
 
À toute société correspond une pédagogie. Les hommes d'État dignes de ce nom connaissent bien la puissance de l'éducation ; ils savent qu'elle est la base et la garantie des institutions d'un pays. Aucune transformation sérieuse dans les idées et dans les moeurs ne s'accomplit que par elle. L'homme reste ce qu'il est, mais on fait de l'enfant ce qu'on veut. Nous en appelons ici à la compétence de tous les vrais pédagogues : les élèves d'un Maître sont semblables à ces végétaux naissants qu'on courbe vers le sol et qui croissent dans cette position. Par l'effet de l'habitude, du milieu, de l'entraînement, on les dresse pour telles fins qu'on se propose. Nous pouvons donc formuler ce principe :
 
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Voilà à l'aide de quels misérables arguments les sophistes bourgeois démontrent un principe qui sert de base à leur philosophie. Avoir la faculté de choisir entre deux choses rigoureusement identiques, de lever la main droite ou le pied gauche, qui ne sent l'inanité d'une pareille démonstration ? Y a-t-il au monde quelque chose de plus puéril, de plus grotesque ? Monsieur Jules Simon, vous êtes pris en flagrant délit d'ergotage et de sophisme. Mais les animaux aussi ont la faculté de se mouvoir en tel sens qu'il leur plaît ; ils peuvent même agiter leur queue à droite, à gauche... Oseriez-vous affirmer qu'ils soient libres pour cela ?
 
On ne choisit pas entre deux choses rigoureusement identiques : on prend la première venue. Si les choses ne sont pas identiques, on prend toujours celle qui est ou qui paraît la plus avantageuse. Si nous ne prenons pas la meilleure, c'est que nos connaissances nous trompent ou c'est que nous faisons un sacrifice momentané dans l'espoir d'un plus grand bien pour l'avenir. Il ne nous est point possible d'agir autrement. Si l'ivrogne ruine sa santé à boire des liqueurs pernicieuses, c'est que, dans son ignorance, il ne voit que la jouissance immédiate. Si le travailleur économise en prévision de l'avenir, c'est qu'au prix de quelques privations il espère se procurer une longue période de repos et de bien-être dans sa vieillesse. Il n'est pas vrai, comme on le croit communément, que l'homme ait le choix entre deux actions différentes : mû par l'instinct du bien-être et de la conservation, et sous l'influence de son hérédité, de son éducation, de son milieu, ''il ne se détermine jamais que pour ce qui est, ou pour ce qu'il croit être son plus grand intérêt''<ref name="ftn3">''On objecte que, si nous n'étions pas libres, nous n'aurions pas ces machines merveilleuses qui transforment le monde, ni ces oeuvres d'art qui font l'admiration des siècles ; qu'enfin, il nous serait impossible de réaliser, même d'espérer l'état de bien-être général que le Socialisme promet. Eh bien, c'est précisément parce que nous ne sommes pas libres, que toutes ces choses se produisent. Si nous étions libres, elles pourraient ne pas se produire. Mais nous tendons au bonheur, aussi irrésistiblement que la pierre tend au centre de la terre : voilà pourquoi s'effectuent les progrès qui constituent ce bonheur, et pourquoi le Socialisme, qui est pour nous le dernier terme du Bien, se produit d'une manière aussi fatale que la chute des corps.''</ref>.
 
Il n'y a point de liberté. L'homme ne peut faire que ce qu'il fait. Pranzini, par exemple - quoique parfaitement libre de partir du pied droit ou du pied gauche - avec l'éducation qu'il avait reçue, le milieu dans lequel il vivait, les besoins qu'il s'était créés, ne pouvait aboutir qu'à des assassinats. Il n'avait point la liberté d'agir autrement. Si l'homme était libre, il serait une cause, il serait Dieu à côté de Dieu, « Or, il n'y a dans l'univers, dit Spinosa, qu'un seul principe, une substance unique, dont tous les êtres ne sont que les manifestations ou les modes. » « Le monde est régi par des lois invariables, affirme Kant, une cause libre serait une dérogation à l'ordre général ; elle échapperait au fil conducteur de ces lois et y causerait l'anarchie. » Assez d'arguments contre la liberté : il nous suffira de dire qu'elle est un dogme, le raisonnement étant impuissant à en donner l'idée à ceux qui ne la trouvent pas au fond de leur conscience.
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Ainsi, loin d'être libre, l'homme est au contraire dépendant de tout ce qui l'entoure. Il doit donc se coordonner aux individus de son espèce, selon les lois de l'harmonie générale ou de la sociologie. Mais alors qu'entend-on par Liberté civile et politique ? C'est le pouvoir de déroger à cet ordre et d'agir à son gré sans tenir compte des intérêts d'autrui. Forcez le patron à donner un salaire rémunérateur à ses ouvriers, empêchez le financier d'accaparer les ressources publiques, le politicien de s'enrichir à gouverner ses semblables, les uns et les autres diront qu'ils ne sont pas libres, crieront à la persécution. En un mot, ce qu'on appelle Liberté, c'est la tyrannie d'autrefois, c'est l'exploitation, c'est l'esclavage, ''c'est le droit d'assassiner''. Que les sophistes républicains ou anarchistes, partisans de cette liberté individuelle, ne nous parlent point de la limiter, c'est-à-dire de la rendre égale pour tous : si elle est limitée, c'est qu'elle n'existe plus.
 
Sous un régime socialiste, il n'y a pas de liberté individuelle<ref name="ftn4">L'homme ne peut être libre qu'à l'état de nature. Du jour où il s'associe, il aliène sa liberté individuelle ou plutôt il la subordonne aux intérêts de la collectivité, et il ne peut jouir que des libertés permises par l'association.<br /><br />
 
Société et liberté individuelle s'excluent. Une société commerciale, financière ou autre, serait-elle possible si chacun de ses membres était libre de disposer à sa guise de son travail ou de ses capitaux ? Il en est ainsi des sociétés humaines : si personne n'y connaît de règle que son caprice, c'est l'anarchie la plus complète.<br /><br />
 
Cependant, dans la société collectiviste de demain, l'homme sera plus libre qu'il ne l'est actuellement ; en dehors de ses heures de travail, il pourra faire tout ce qu'il voudra. Aujourd'hui il n'y a que les bourgeois qui aient quelque liberté. Les travailleurs sont enchaînés à l'usine, du matin au soir, et ceux qui ne travaillent pas sont rivés au sol parce qu’ils n'ont pas d'argent.</ref>. Il ne se peut pas que des hommes tirent à gauche, tandis que les autres vont à droite, parce que tous n'ont qu'un but : l'augmentation du bien-être général ; parce qu'une rigoureuse méthode scientifique, les considérant comme des unités de valeur égale, les groupe en vue de la formation d'un Tout harmonique et complet.
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==X. - La propriété==
<ref name="ftn5">La Bourgeoisie a coutume de présenter les socialistes comme des ennemis de la propriété individuelle. Fuyez ces révolutionnaires, dit-elle aux paysans et aux ignorants, ils veulent vous prendre votre champ et votre maison. La vérité, c'est que notre idéal est dans la mise en commun de toutes les richesses sociales. Mais en l'état actuel nous n'avons pas à être pour ou contre la propriété, pas plus que nous ne sommes pour ou contre la chute d'un corps lancé dans l'espace. L'expropriation est un phénomène économique dû au progrès de la grande industrie ; elle s'effectue tous les jours, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas.<br /><br />
 
Il est évident comme deux et deux font quatre qu'un objet de petite fabrication revient plus cher qu'un objet de fabrication plus abondante, qu'un outillage rudimentaire ne peut lutter contre un outillage perfectionné, que la culture parcellaire est anéantie par les pays de grande culture, qu'en un mot les petits capitaux sont ruinés par les grands. En vertu de ce principe, tous les petits commerçants, les petits propriétaires, les petits industriels seront fatalement absorbés par les gros capitalistes. Ce n'est là qu'une question de temps : il y en a tous les jours qui succombent dans cette lutte inégale. Oui, les petits bourgeois eux-mêmes seront successivement dépossédés et rejetés dans le prolétariat : c'est la loi du progrès. Ouvrez les yeux et regardez autour de vous ; voyez combien de familles autrefois riches sont aujourd'hui dans la misère ; combien de gens instruits, bacheliers, avocats, médecins, etc., en sont réduits à mendier quelque modeste emploi qu'ils ne trouvent même plus. Malheureux que leur haine du Socialisme aveugle, ce sont eux qui nous accusent de vouloir les exproprier !<br /><br />
 
Mais est-ce nous qui avons exproprié le petit commerce de Paris au profit d'une centaine de gros établissements ? Est-ce nous qui avons abaissé le prix du blé à tel point que le paysan ne peut plus vivre à cultiver son champ ? Est-ce nous qui, par l'emploi de machines puissantes, avons supprimé les initiatives individuelles et poussé vers les villes l'habitant des campagnes ?<br /><br />
 
Ne faut-il pas être ignorant ou de mauvaise foi pour nous accuser de vouloir exproprier. L'expropriation se fait tous les jours ; elle se fait même et surtout au profit de ces gros bourgeois qui se posent en protecteurs de la petite propriété. La plupart de ceux qui ont quelque fortune et qui vivent aujourd'hui dans l'aisance sont destinés à la faillite, à la ruine : leurs fils iront grossir l'armée des sans-travail et leurs filles finiront tristement dans la débauche et la prostitution. C'est un sort qui les menace tous et qu'ils ne peuvent guère éviter. Le jour où le Socialisme triomphera, il n'y aura pas besoin de les exproprier : ils le seront depuis longtemps.</ref>.