« Histoire de la résistance du Canada au gouvernement anglais » : différence entre les versions

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<blockquote>Eh bien! l'exemple des États-Unis est une cause perturbatrice qui fait obstacle à la réalisation de ces plans. Je sais bien que ce sont les enthousiastes, étrangers à la pratique des affaires, qui s'enflamment pour cette démagogie américaine, fabrique de sable sans ciment, destinée à crouler au premier jour, mais enfin leurs écrits font des disciples, ils alimentent les mauvaises passions, ils enrôlent les hommes de néant qui cherchent, dans le renversement des ordres supérieurs, rang et fortune. Et je vous avoue que tous ces cris de « gouvernement à bon marché », de souveraineté exclusive du peuple à l'instar des Américains, nous inquiéteraient fort, si nous ne voyions clairement que, la guerre étant un des instincts malheureusement naturels à l'homme, il y a les causes qui la développeront bientôt aux États-Unis, mettront aux prises les divers partis de la confédération, y constitueront des sociétés distinctes, y créeront des formes variées de gouvernement, et la nécessité, pour les protéger, d'avoir des armées et des institutions plus fortes.</blockquote>
 
Je répondis à lord Bathurst que mon utopie différait de la sienne, et me paraissait tout à la fois plus désirable et plus réalisable; que la confédération américaine serait dans l'avenir une et indivisible; qu'elle me paraissait plutôt marcher vers l'aggrégationagrégation et la croissance que vers la mutilation et l'impuissance; qu'au jour de notre indépendance, le droit de commune citoyenneté et de commerce libre entre Québec et la Nouvelle-Orléans, entre la Floride et la Baie d'Hudson, assurerait au Canada une période indéterminée, mais longue, de paix, de conquêtes sur la nature, de progrès dans les sciences morales, politiques et industrielles, avec individualité pour chaque État souverain, sous la protection du congrès, qui ne pouvait être tyran, n'ayant ni sujets ni colonies, et ne possédant d'attributions que dans les questions de paix ou de guerre avec l'étranger et de commerce extérieur. J'ajoutai que de tels avantages étaient trop grands et trop manifestes pour que le Canada se laissât enlacer en des alliances offensives et défensives avec l'Angleterre contre l'Amérique; et que, quant à ce délai de 25 ans fixé par lui, lord Bathurst, il serait certainement abrégé par les partialités de la métropole, l'impéritie de ses choix et les prévarications de ses agents.
 
Lors Bathurst promit des réformes : aucune n'a été effectuée. Les temps sont accomplis.
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À la nouvelle de la nomination de lord Durham, à laquelle des whigs et des radicaux mystifiés applaudirent d'une manière qui paraît si étrange aujourd'hui, ce fut un incroyable débordement d'injures. Les aboiements du Cerbère déchiraient si douloureusement les oreilles de lord Durham, qu'il se hâta de lui jeter le gâteau soporifère. Et quelques semaines après le débarquement pompeux du vice-roi, et parce qu'il l'avait outragé, Adam Thom était son commensal et son conseiller.
 
Cet homme, qui n'était qu'un partisan passionné, de talents médiocres, journellement excité par l'abus de liqueur fortes, quand il traitait de la politique anglaise, devenait un fou furieux, quand il parlait des Canadiens français. Exalté par la soif du sang, sa haine alors ne connaissait pas de bornes. Depuis plusieurs années, des outrages contre la nation tout entière et des provocations réitérées à l'assassinat contre les représentants les plus populaires souillaient chaque jour les pages de son journal; on l'avait vu figurer, comme chef de bande, dans plusieurs émeutes qui, depuis quatre années, avaient éclaté dans Montréal: émeutes dirigées par des magistrats anglais contre les citoyens qui, dans les élections ou dans la Chambre des députés, s'étaient mis en opposition avec le pouvoir exécutif. Ces violences furent-elles jamais réprimées? En rechercha-t-on une seule fois les auteurs? Non. Les troupes à la disposition des magistrats ensanglantèrent nos villes; on violenta le cours de la justice pour interdire aux parents des victimes l'exercice du droit sacré de poursuivre le châtiment du crime devant les tribunaux, et l'on s'empara des procédures pour soustraitesoustraire, par des procès simulés, les coupables à toute condamnation.
 
Adam Thom avait organisé le Doric Club, société armée dans le but avoué était de faire main basse sur les Canadiens français si le gouvernement leur accordait l'objet incessant de leurs demandes : un Conseil législatif électif. Cinq mois avant sa promotion aux conseils de lord Durham, et alors que les prisons s'emplissaient de Canadiens, il écrivait :
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Quelle noble armée de martyrs, bientôt rendus au culte dont ils sont dignes, ne composera pas la longue liste de ses héros! Depuis les Cobham, et les Ball, de l'époque de ces vieilles chroniques, jusqu'aux Russell, et aux Sydney, des temps de ces modernes annales, jusqu'aux Emmet et aux Lount, des jours déplorables de son histoire contemporaine! Hommes sublimes! dont la réputation croissante brillera bientôt de l'éclat le plus pur, puisque la colère et le dégoût soulèvent enfin cette libre et puissante opinion publique qui va effacer le système qui les immola. L'ineffable sentiment d'horreur et d'indignation qu'ont fait naître ces cruautés dans toute l'étendue en largeur et en longueur de cette terre de liberté où l'opinion publique est franche et saine à ce point qu'elle semble parler le langage de la postérité, révèle déjà quels pieux éloges éterniseront la gloire de ces grandes victimes et l'infamie de leurs bourreaux. Qu'ils égorgent donc encore pendant quelques jours. Jamais, non, jamais ne s'effaceront chez les hommes éclairés la haine et le dégoût que leur ont inspirés contre le gouvernement anglais les meutresmeurtres juridiques qu'il demande contre les infortunés Canadiens; jamais ne s'apaisera l'aversion qu'elle inspire, cette puissance haïssable, aussi étrangère aux mœurs, aux intérêts, aux sympathies, comme elle l'est à la terre des hommes libres tant qu'elle n'aura pas été rejetée de toute l'étendue, vaste comme elle est, de l'Amérique septentrionale, que sa politique détestable et féroce a polluée.
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Un récit historique, impartial et succinct, des événements qui se sont passés dans mon pays pendant les deux dernières années portera dans tous les esprits cette conviction que ce ne sont pas les statuts anglais qui régleront le prochain avenir du Canada; mais que cet avenir est écrit dans les déclarations des droits de l'homme et dans les constitutions politiques que se sont données nos bons, sages et heureux voisins, les Américains indépendants.
 
CeuxiCeux-ci savent bien, d'ailleurs, que leur révolution n'est pas encore entièrement terminée. Dans l'opinion de leurs hommes d'États, elle ne le sera que le jour où l'Union n'aura plus pour voisine une puissance qui, depuis le Traité de 1783, n'a cessé, même en pleine paix, d'intriguer pour amener le démembrement de la confédération; puissance inquiète qui a suscité les guerres indiennes, les a perfidemmentperfidement alimentées par des distributions d'armes et de vivres aux tribus belligérantes; et s'est maintenue dans l'occupation violente de certaines portions du territoire, bien qu'aux termes des traités, ces portions envahies eussent dû être, longtemps avant ce jour, restituées aux Américains! puissance ambitieuse enfin qui ne conserve plus la possession des Canadas dans des vues légitimes de commerce et de colonisation, mais comme un poste militaire d'où elle se prépare à fondre sur la confédération américaine, pour y porter le trouble, la division et la ruine!
 
Louis-Joseph Papineau<br />