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les visitant, que le doux far-niente y a pris bonne et large place. Entrez-y à n’importe quelle heure du jour, vous y verrez des gens gravement assis à la turque sur des tapis, prenant le thé, causant tranquillement et sans bruit ; rarement un livre sera dans leurs mains inoccupées. Mêlons-nous un peu à eux et voyons qui ils sont. Il y a là des gens de tout âge et de toute condition, les uns venus pour voir quelque parent ou ami, d’autres pour se faire lire ou écrire une lettre. Le nombre de tous les hôtes est surtout considérable à l’heure où l’on sert le repas. Quand il y en a pour cinq, il y en a pour dix, et chacun se serre autour du plat de riz. Ils mangent lentement, sans se presser, en gens de bonne compagnie. Touchante coutume musulmane, hospitalité pour tous les passans, les inconnus !

Quant aux études que l’on y lait, elles sont peu élevées ; savoir lire et écrire couramment constitue aux yeux des Khiviens un homme savant. Les quelques individus un peu instruits ont fait leurs études à Bokhara. L’instruction est fort peu répandue en ce pays. Nous en aurons fini avec la question des écoles en citant une école russe pour les indigènes entretenue aux frais du khan, et comprenant dix élèves pour le coût total et mensuel de 117 tellas d’or (210 roubles environ).

Quant aux rues, elles témoignent de l’insouciance ou plutôt de l’absence complète de l’édilité. Ce sont des rues tortueuses et sales que la nature seule entretient, et munies, à des intervalles assez rapprochés, de ponts en bois pour le passage des hariks.

L’hiver, il y a tant de boue qu’on ne peut y aller qu’à cheval. L’été, c’est une épaisse poussière où le soleil ardent découpe en lignes dures l’ombre des maisons basses. La nuit, le calme n’est troublé que par les coups de tam-tam des veilleurs. Étroites et tortueuses dans le centre de la ville, autour du bazar, elles deviennent plus larges vers la périphérie, auprès des murs. Ces murs sont en briques crues et fort épais. Figurez-vous une grande masse de maçonnerie haute de 4 à 5 mètres. A cette hauteur, un chemin de ronde abrité par un mur, lui aussi en briques crues, et garni d’ouvertures servant de meurtrières et des tours rondes à intervalles réguliers. Tout cela est en ruines. On entre dans la ville comme on en sort, par les brèches aussi bien que par les portes.

Les murs de la ville sont en ruines, et on ne les répare pas. Ils sentent, dirait-on, que le temps des guerres est passé, qu’ils n’ont plus à lutter pour maintenir l’indépendance de leur cité, l’étendue de leur domaine, le nombre de leurs esclaves. La Russie a tout conquis, tout comprimé de sa main puissante, empêchant la rapine, les expéditions aventureuses où l’on allait s’enrichir aux dépens des voisins. Que leur reste-t-il maintenant à faire, à ces vieux soldats