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A l’âge de douze ans, en 1795, il s’était engagé sur un bâtiment de l’état. Il y servit d’abord en qualité de mousse, puis de novice, acquit à la dérobée, je ne sais trop dans quelle école d’hydrographie, les connaissances nécessaires pour devenir aspirant le 28 novembre 1798 ; fut nommé enseigne de vaisseau le 5 juillet 1805, lieutenant le 23 juin 1810, capitaine de frégate le 1er septembre 1819, capitaine de vaisseau et gouverneur de l’Ile de Gorée le 23 mai 1825. Rien n’annonçait encore, à cette époque, qu’il deviendrait un jour vice-amiral, commandant d’escadre, sénateur, grand’croix de la Légion d’honneur. Dans un temps où les fils de famille commençaient à briguer, — et non pas sans éclat, — l’héritage des Guichen des de Grasse, des Suffren, le capitaine Hugon restait jusqu’à un certain point, le modeste fils de ses œuvres, le type, si j’osais m’exprimer ainsi, de l’officier de fortune ; disons mieux, de l’officier dépourvu de toute protection. Les Anglais auraient dit effrontément qu’il lui manquait la chose sans laquelle il n’était guère, — il y a vingt ou trente ans du moins, — d’avancement possible dans leur marine : l’''Interest''. Le commandement de l’''Armide'' le mit soudain en lumière. Il sortit de la journée de Navarin, non pas seulement honoré, mais illustre. Il en sortit sacré par les cris d’admiration de trois escadres. Dans l’expédition d’Alger, on lui confia la partie la plus difficile, le soin de conduire en Afrique une flottille de 500 bâtimens de transport. Le 1er mars 1831, il était nommé contre-amiral et prenait à Toulon le commandement de l’escadre destinée à rallier, devant Lisbonne, l’amiral Roussin, — son ancien, mais son égal de grade. Il eût pu ambitionner le premier rang ; il se montra satisfait du second, appréciant, avec toute la droiture de son âme, les éminentes qualités qui avaient dicté le choix du gouvernement.
A l’âge de douze ans, en 1795, il s’était engagé sur un bâtiment de l’état. Il y servit d’abord en qualité de mousse, puis de novice, acquit à la dérobée, je ne sais trop dans quelle école d’hydrographie, les connaissances nécessaires pour devenir aspirant le 28 novembre 1798 ; fut nommé enseigne de vaisseau le 5 juillet 1805, lieutenant le 23 juin 1810, capitaine de frégate le 1{{er}} septembre 1819, capitaine de vaisseau et gouverneur de l’Ile de Gorée le 23 mai 1825. Rien n’annonçait encore, à cette époque, qu’il deviendrait un jour vice-amiral, commandant d’escadre, sénateur, grand’croix de la Légion d’honneur. Dans un temps où les fils de famille commençaient à briguer, — et non pas sans éclat, — l’héritage des Guichen des de Grasse, des Suffren, le capitaine Hugon restait jusqu’à un certain point, le modeste fils de ses œuvres, le type, si j’osais m’exprimer ainsi, de l’officier de fortune ; disons mieux, de l’officier dépourvu de toute protection. Les Anglais auraient dit effrontément qu’il lui manquait la chose sans laquelle il n’était guère, — il y a vingt ou trente ans du moins, — d’avancement possible dans leur marine : l’''Interest''. Le commandement de l’''Armide'' le mit soudain en lumière. Il sortit de la journée de Navarin, non pas seulement honoré, mais illustre. Il en sortit sacré par les cris d’admiration de trois escadres. Dans l’expédition d’Alger, on lui confia la partie la plus difficile, le soin de conduire en Afrique une flottille de 500 bâtimens de transport. Le 1{{er}} mars 1831, il était nommé contre-amiral et prenait à Toulon le commandement de l’escadre destinée à rallier, devant Lisbonne, l’amiral Roussin, — son ancien, mais son égal de grade. Il eût pu ambitionner le premier rang ; il se montra satisfait du second, appréciant, avec toute la droiture de son âme, les éminentes qualités qui avaient dicté le choix du gouvernement.


En même temps que ce lieutenant dévoué, irréprochable, arrivaient à l’amiral Roussin des capitaines comme en eût souhaité Nelson : Maillard de Liscourt, digne à tous égards de l’honneur qui devait lui échoir de prendre la tête de l’escadre pour la conduire dans les passes du Tage ; Moulac, le commandant du ''Ceylan'' au Grand-Port, Moulac dont le nom seul faisait tressaillir d’enthousiasme les vieux matelots. — Quand il mourut dans les mers du sud, un quartier-maître se suicida, dit-on, pour ne pas lui survivre. — De La Susse, l’organisateur sans rival, le véritable fondateur du bon ordre à bord de nos bâtimens ; Leblanc, le commandant à la puissante carrure, à la voix de tonnerre, fait pour dominer les élémens ; Casy, en qui l’amiral Lalande se plaisait à voir une sorte de Souvarof provençal. — « Les Anglais, disait-il, feraient bien de prendre garde à Casy. Cet homme-là, si on le laissait approcher, vous enlèverait un vaisseau du premier bond. Les
En même temps que ce lieutenant dévoué, irréprochable, arrivaient à l’amiral Roussin des capitaines comme en eût souhaité Nelson : Maillard de Liscourt, digne à tous égards de l’honneur qui devait lui échoir de prendre la tête de l’escadre pour la conduire dans les passes du Tage ; Moulac, le commandant du ''Ceylan'' au Grand-Port, Moulac dont le nom seul faisait tressaillir d’enthousiasme les vieux matelots. — Quand il mourut dans les mers du sud, un quartier-maître se suicida, dit-on, pour ne pas lui survivre. — De La Susse, l’organisateur sans rival, le véritable fondateur du bon ordre à bord de nos bâtimens ; Leblanc, le commandant à la puissante carrure, à la voix de tonnerre, fait pour dominer les élémens ; Casy, en qui l’amiral Lalande se plaisait à voir une sorte de Souvarof provençal. — « Les Anglais, disait-il, feraient bien de prendre garde à Casy. Cet homme-là, si on le laissait approcher, vous enlèverait un vaisseau du premier bond. Les