« Les Anciens Canadiens/1 » : différence entre les versions

Ce chapitre peut, sans inconvénient, servir en partie de préface; car je n’ai nullement l’intention de composer un ouvrage secundum artem, encore moins de me poser en auteur classique. Ceux qui me connaissent seront sans doute surpris de me voir commencer le métier d’auteur à soixante et seize ans; je leur dois une explication. Quoique fatigué de toujours lire, à mon âge, sans grand profit ni pour moi ni pour autrui, je n’osais cependant passer le Rubicon; un incident assez trivial m’a décidé.<br>

Un de mes amis, homme de beaucoup d’esprit, que je rencontrai, l’année dernière, dans la rue Saint-Louis de cette bonne ville de Québec, me saisit la main d’un air empressé, en me disant: « Heureux de vous voir; j’ai conversé ce matin avec onze personnes; eh bien, mon cher, tous êtres insignifiants! pas une idée dans la caboche! » Et il me secouait le bras à me le disloquer.<br>

– J’ai beaucoup abusé de votre indulgence, messieurs, mais vous savez tous que mon coeur a toujours mieux valu que ma tête; pardonnez à l’une, je vous prie, en faveur de l’autre. Quant à vous, mes chers condisciples, ajouta-t-il d’une voix qu’il s’efforçait inutilement de rendre gaie, avouez que si je vous ai beaucoup tourmentés, par mes espiègleries, pendant mes dix années de collège, je vous ai par compensation fait beaucoup rire. Et, prenant le bras d’Arché, il l’entraîna pour cacher son émotion.<br>

Laissons nos voyageurs traverser le fleuve Saint-Laurent, certains de les rejoindre bien vite à la Pointe-Lévis

 

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