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de servir la philosophie. ; il ne l’a pas repoussée ou détruite, avec les physiologistes et les positivistes.

II serait fastidieux de pousser plus loin cette nomenclature. A Claude Bernard, à Auguste Comte, à Ampère lui-même, on joindrait une foule de savans qui ont médit de la philosophie ou qui ne l’ont pas bien comprise. De leur part, on ne doit peut-être pas attendre ou exiger davantage. Mais que des philosophes aient attaqué la philosophie, à laquelle d’ailleurs ils étaient sincèrement dévoués, c’est ce dont on peut être surpris à bon droit. Notre siècle en compterait plus d’un exemple. Jouffroy, dans sa belle préface à la traduction des œuvres de Thomas Reid, soutient que la philosophie est une science dont l’idée n’est pas encore fixée. Tandis qu’il n’y a qu’une physique, qu’une astronomie, il y a autant de philosophies que de philosophes. Cette divergence vient de ce qu’on n’a qu’une idée vague de la philosophie. Toujours confuse, elle ignore et cherche encore quel est son objet, sa circonscription, sa méthode et son critérium. Elle s’égare de système en système, sans pouvoir s’arrêter à aucun. Aussi Jouffroy accorde-t-il aux Écossais trois mérites, entre tant d’autres : d’abord, ils ont prouvé par leurs écrits qu’il y a une science de l’esprit humain ; en second lieu, qu’il faut commencer cette science par la psychologie ; et enfin, qu’il faut modeler complètement les recherches philosophiques sur les recherches physiques. A ce prix, la philosophie peut devenir une science aussi régulière que toute autre. Mais ce qui a toujours empêché ses progrès, c’est qu’elle s’est fait de fausses idées d’elle-même ; elle s’est flattée d’être une science à part et supérieure, une science extraordinaire et unique. Il faut qu’elle rabatte de son orgueil ; la réserve qu’elle saura s’imposer recevra sa récompense dans une stabilité et un succès que les sciences naturelles ont dès longtemps conquis. Jouffroy, tout étranger qu’il peut être au positivisme, pense donc avec Auguste Comte que la philosophie est à réformer entièrement ; elle s’est trompée sur la route qu’elle a adoptée ; il faut qu’elle en change. Certes, nous partageons l’estime de Jouffroy pour les Écossais ; on ne saurait trop louer leurs études aussi sages qu’utiles ; elles leur font le plus grand honneur. Mais le respect et la reconnaissance dus aux Écossais n’empêchent pas de les juger. Leur tentative a échoué dans ce qu’elle a de plus important aux yeux de Jouffroy ; ils n’ont pas assuré la place de la philosophie à côté des sciences naturelles. Voilà plus d’un siècle que Thomas Reid écrivait ses admirables Essais ; ils n’ont pas modifié en quoi que ce soit la philosophie, qui est restée ce qu’elle était avant lui.

Kant, sur leur trace, et, non moins qu’eux, adversaire déclaré du