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l’ascendant semble aller croissant, réclame impérieusement la séparation de l’église et de l’état. Cette question est une de celles qui ont passionné nos voisins durant les dernières élections. L’on ne saurait s’en étonner, alors que, sous la conduite de MM. Chamberlain et Morley, les nouvelles couches électorales semblent avoir pour ambition de détruire pièce à pièce la vieille Angleterre. Comment des hommes qui ne craignent pas de porter la main sur les bases de la propriété s’arrêteraient-ils longtemps devant l’antique et gothique édifice, où tout rappelle le moyen âge ou l’époque, déjà presque aussi lointaine et aussi démodée, des Tudors et des Stuarts ? L’église établie, à la fois privilégiée et asservie, deux choses qui en pareil cas vont d’ordinaire ensemble, ne paraît qu’un anachronisme à ces Anglais, revenus de leur longue superstition nationale pour le passé. Elle a contre elle sa longévité et sa conservation même ; plus elle est demeurée intacte et plus on la trouve surannée. Si l’on compare les deux pays et les deux églises dominantes, il n’est pas douteux qu’en Angleterre la séparation semble autrement urgente et autrement facile qu’en France.

En Angleterre, le parlement ne se trouve point en face d’une grande église de deux cents millions d’âmes, dont le chef réside à l’étranger ; il a devant lui une église nationale, insulaire, qui, loin d’être antérieure à l’état est, à bien des égards, une création et une créature de l’état ; une église qui, selon le terme anglais, est un « établissement » essentiellement politique et par bien des côtés aristocratique, et qui doit à sa situation officielle une bonne part de son prestige. En Angleterre, l’état n’est point lié à l’église par une convention bilatérale, par un concordat, puisque l’église a toujours été soumise à la suprématie royale ; que le parlement a toujours en le droit de légiférer sur elle ; que son credo, que sa liturgie ont été fixés par des lois ; que ses évêques sont à la nomination de la couronne, sans immixtion d’autorité étrangère, « le congé d’élire » n’ayant jamais été qu’un vain simulacre ; qu’en somme l’église n’a d’autre chef que le chef même de l’état, la reine, qui porte encore officiellement le titre de défenseur de la foi. Dans le Royaume-Uni enfin, l’église établie ne saurait prétendre avoir pour adhérens la majorité de la population. En Irlande, la séparation, le disestablishment est déjà effectué. en Ecosse, s’il y a une église établie, ce n’est pas l’église épiscopale anglicane, c’est une église presbytérienne sans évêques. Dans le pays de Galles, si l’anglicanisme garde les privilèges d’une église d’état, il a perdu tout ascendant sur la plus grande partie des habitans, qui désertent la church pour les chapels des dissidens. Dans l’Angleterre saxonne elle-même, les non-conformistes contestent obstinément que l’église officielle compte parmi