« Le Parnasse contemporain/1876/En forêt » : différence entre les versions

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Pèsent, sans l'incliner, sur son front souverain ;
Sa grande ombre enveloppe une pente sonore
Où, de chênes, ses glands ont couvert le terrain.<br />
Combien il en a vu passer dans les clairières,
De générations se poussant vers la mort :
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De ses contemporains en cadavres changés !
Mutilés par des mains calleuses ou tremblantes,
Dans quel vaste ossuaire ont-ils été rangés ?…<br />
Au pied de l'arbre assis, le garde prend haleine.
Sur son front sillonné ruisselle la sueur ;
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D'hivers accumulés dans la nuit des grands bois…
Dans un ciel tour à tour étincelant ou sombre,
Il salua Noël plus de septante fois.<br />
Au flot pur de l'amour il a trempé sa lèvre
Lorsqu'en son jeune cœur fleurissait le printemps ;
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Ont alterné souvent le calme et les écueils ;
Il sait ce qui désole et ce qui met en joie…
Il tailla des berceaux et cloua des cercueils !…<br />
Son museau froid posé sur le genou du garde,
Le chien rêveur frissonne au contact de sa main ;
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Du délinquant furtif il devine le pas
Et, dans le fourré sombre ou la claire percée,
Il poursuit le coupable et ne le manque pas !<br />
Il a vu quinze fois revenir en septembre
La meute et les piqueurs avec leurs longs couteaux ;
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Coupes, taillis, futaie, éclaircie et semis ;
Et ces troncs familiers qu'il effleure au passage
Et ces rochers moussus lui semblent des amis.<br />
Que d'un soleil ardent les flèches embrasées
Dessèchent les rameaux se tordant sous leurs chocs ;
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Ou qu'à minuit ricane au loin l'esprit du mal,
Par toutes les saisons et par toutes les heures,
On rencontre sous bois l'homme avec l'animal.<br />
Avant l'aube, aujourd'hui commençant leur tournée,
Ils ont de la forêt fouillé les profondeurs ;
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« Halte ! » comprit le chien qui s'arrêta soumis ;
Et, tous deux étendus sur la mousse prochaine,
Dans un calme repos ils semblent endormis !<br />
Ils ne sommeillent pas : en un fécond silence
L'esprit de l'homme agit, médite, se souvient…
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De plus que lui son maître a lié triomphant !
Pourtant cet homme antique, aux tempes basanées,
Près du chêne aux cent bras n’a qu'un âge d'enfant…<br />
Le vieux chien fatigué, dans un avenir proche,
Ira, sous le taillis, se cacher pour mourir
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En sève transformée, à flots circulera,
Et des lents bûcherons nul ne sera capable
De deviner quel sang alors y coulera…<br />
Le vieil homme, lassé d'une trop longue route,
Assombri par les deuils et pressé d'arriver,
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Sur la tombe où ses fils l'auront enseveli…
Puis la ronce et l'ortie envahiront la pierre…
Ce sera l'abandon, le silence et l'oubli !<br />
Le vieil arbre, peut-être à ses couches énormes,
Longtemps ajoutera d'autres couches encor,
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Passeront devant lui pour ne plus revenir…
Il reste quand tout meurt… et le roi du domaine,
Possesseur éphémère, avant lui doit finir…<br />
Mais si l'homme traverse ainsi qu'un météore
L'étendue où la bise éteint chaque rayon,