« L’Encyclopédie/1re édition/CHARPENTE ou CHARPENTERIE » : différence entre les versions

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CHARPENTE ou CHARPENTERIE, s. f. (Art mécan.) on appelle ainsi l’art d’assembler différentes pieces de bois pour la construction des bâtimens élevés dans les lieux où la pierre est peu commune : nous expliquerons succinctement son origine, son application dans l’art de bâtir, & ses défauts.

De toutes les différentes constructions des édifices, celles de charpente sont les plus anciennes, puisque l’origine en remonte jusqu’à celle du monde ; les premiers hommes ignorant les thrésors que la terre renfermoit dans son sein, & ne connoissant que ses productions extérieures, couperent des bois dans les forêts pour bâtir leurs premieres cabanes ; ensuite ils en érigerent des bâtimens plus considérables. L’architecture doit encore aujourd’hui à la charpenterie dans la maniere de fuseler les colonnes, une des plus belles parties de l’ordonnance des ordres, s’il est vrai qu’elle soit imitée de la diminution des arbres. La cité de cette capitale montre encore, dans ce siecle, des restes de l’habitude ancienne d’employer le bois de préférence à la pierre ; & l’on peut ajoûter en faveur de cet art, l’usage où l’on est de bâtir ainsi dans les pays du Nord, &c.

L’application de la charpente dans l’art de bâtir, est infiniment utile, principalement en France où l’on n’est presque point en usage de vouter les pieces des appartemens, à la place desquels on construit des planchers de charpente. L’on en fait aussi les combles de nos bâtimens, sans en excepter ceux de nos édifices sacrés & de nos monumens publics ; quelquefois même on fait des pans de bois, ou murs de face de charpenterie, dans l’intention de ménager le terrein assez borné des maisons élevées dans les capitales ou principales villes de nos provinces : on en pratique les escaliers de dégagement dans nos grands édifices, & nos principaux dans nos bâtimens à loyer. C’est enfin par son secours que l’on construit des machines capables d’élever les plus grands fardeaux, que l’on éleve des ponts, des digues, des jettées, &c.

Ses défauts consistent dans la nécessité où on se trouve d’éviter ce genre de construction, dans les édifices de quelque importance, à cause des incendies auxquels cette matiere est sujette ; & si quelque raison d’économie porte à préférer le bois à la pierre, ce ne doit être que dans des parties de bâtiment dont l’usage particulier paroît exemt des accidens du feu ; car dans toute autre circonstance on devroit essentiellement éviter cet inconvénient dans les édifices érigés dans les villes, bourgs & bourgades. Au reste il faut convenir que l’art de la Charpenterie a fait de très-grands progrès en France, depuis que la plûpart des entrepreneurs & les ouvriers ont sû s’instruire de la partie des Mathématiques qui leur étoit nécessaire ; néanmoins il seroit à desirer que quelques-uns de ces habiles maîtres écrivissent sur cette matiere d’une maniere satisfaisante. Mathurin Jousse, Lemuet, Tiercelet, Daviller & Blanchard sont les seuls jusqu’à présent qui en ayent dit quelque chose relativement à la pratique. Mais il reste beaucoup à desirer sur l’œconomie dans cet art ou sur la méthode d’éviter cette énorme complication de pieces dans les assemblages qui ôtent aux bois une partie de leur force par la charge mutuelle qu’on leur impose ; sur la maniere d’assembler, de couper le bois, de le placer ; sur la connoissance de la nature des bois, de leur durée, de leurs autres qualités physiques, &c. Il seroit à souhaiter que l’expérience, la Méchanique & la Physique se réunissent pour s’occuper ensemble de cette matiere importante. Nous avons déja dans les mémoires de M. de Buffon dont nous avons donné des extraits à l’article Bois, d’excellens matériaux. Voyez l’article Bois. (P)

* Charpente, (bois de) on donne ce nom au bois selon la grosseur dont il est, & la maniere dont on le débite. Il faut qu’il soit équarri ou scié, & qu’il ait plus de six pouces d’équarrissage. On scie les petites solives, les chevrons, les poteaux, &c. on équarrit les sablieres, les grosses solives, les poutres. Voy. Solives, Chevrons, Poteaux,&c. Sablieres, Poutre, &c.

Il faut que le bois de charpente soit coupé long-tems avant que d’être employé. S’il est verd, il sera sujet à se gerser & à se fendre. Voyez l’article Bois. Il ne le faut prendre ni flacheux, ni plein d’aubier, ni roulé : préférez le chêne, soit que vous bâtissiez sur terre, soit que vous bâtissiez dans l’eau ; le châtaignier n’aime pas l’humidité ; le sapin fera de bonnes solives. Prenez garde, quand vous employerez des ouvriers, qu’ils ne mêlent du bois vieux à du bois neuf ; si vous faites marché au cent, ils pourront en employer plus qu’il ne faut ; en bloc, ils tâcheront de gagner sur la grosseur & sur la quantité ; à la toise, ils profiteront de la connoissance des avantages de cette mesure, pour y réduire les bois & s’emparer du surplus. On entend par un cent de bois, cent pieces de bois dont chaque piece a douze piés de long sur six pouces d’équarrissage, ou trois piés-cubiques.