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touré, de cette protection que ma neuve santé avait su me rendre inutile, de toutes ces précautions que l’on prend pour préserver son corps du contact hasardeux de la vie. J’imaginais plus loin leur existence. J’eusse voulu plus loin les suivre, et pénétrer dans leur ivresse… Puis soudain je revoyais Marceline. Que faisait-elle en cet instant ? Elle souffrait, pleurait peut-être… Je me levais en hâte ; je courais ; je rentrais à l’hôtel, où semblait écrit sur la porte : Ici les pauvres n’entrent pas.

Marceline m’accueillait toujours de même ; sans un mot de reproche ou de doute, et s’efforçant malgré tout de sourire. — Nous prenions nos repas à part ; je lui faisais servir tout ce que le médiocre hôtel pouvait réserver de meilleur. Et pendant le repas je pensais : un morceau de pain, de fromage, un pied de fenouil leur suffit et me suffirait comme à eux. Et peut-être que là, là tout près, il en est qui ont faim et qui n’ont même pas cette maigre pitance… Et voici sur ma table