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plus vite ; non qu’elles m’apprissent rien de bien neuf — mais elles mettaient à nu brusquement ma pensée; une pensée que je couvrais de tant de voiles, que j’avais presque pu l’espérer étouffée. Ainsi s’écoula la veillée.

Quand, au matin, après avoir conduit Ménalque au train qui l’emporta, je m’acheminai seul pour rentrer près de Marceline, je me sentis plein d’une tristesse abominable, de haine contre la joie cynique de Ménalque; je voulais qu’elle fût factice ; je m’efforçais de la nier. Je m’irritais de n’avoir rien su lui répondre : je m’irritais d’avoir dit quelques mots qui l’eussent fait douter de mon bonheur, de mon amour. Et je me cramponnais à mon douteux bonheur, à mon « calme bonheur », comme disait Ménalque; je ne pouvais, hélas 1 en écarter l’inquiétude, mais prétendais que celte inquiétude servît d’aliment à l’amour. Je me penchais vers l’avenir où déjà je voyais mon petit enfant me sourire ; pour lui se reformait et se fortifiait ma