« Wolfgang Goethe » : différence entre les versions
Contenu supprimé Contenu ajouté
m Goethe.- Faust renommé en Wolfgang Goethe: Faust est la 2ème partie |
m Bot : Remplacement de texte automatisé (-oeu +œu) |
||
Ligne 8 :
L'intermède vient de finir, le drame commence. Hélène, entourée du
Cependant Hélène est entrée dans le palais de Ménélas; le
:LE CHOEUR. - Découvre, noble femme, à tes servantes qui t'assistent avec respect, ce qui est arrivé.
:HÉLÈNE. - Ce que j'ai vu, vous le verrez vous-mêmes de vos propres yeux, à moins que l'antique nuit n'ait englouti aussitôt son
::(Phorkyas paraît sur le seuil.)
:LE CHŒUR. - J'ai vécu beaucoup, quoique ma chevelure blonde flotte autour de mes tempes; j'ai vu bien des scènes d'horreur, les fléaux de la guerre, la nuit d'Ilion, lorsqu'elle tomba.
Ligne 22 :
:Laquelle des filles de Phorkys es-tu donc? car je te suppose de cette race. Es-tu l'une de ces graces décrépites dès le berceau, qui n'ont pour trois qu'une dent et qu'un oeil qu'elles se passent à tour de rôle?
:Oses-tu, monstre, te montrer auprès de la beauté, te montrer à l'oeil de Phébus qui s'y connaît? M'importe, avance toujours; il ne regarde pas la laideur, de même que son oeil sacré n'a jamais vu l'ombre.
:Mais nous, mortelles, hélas! une triste fatalité condamne notre vue à d'indicibles souffrances, que l'ignoble et l'éternellement maudit irrite dans les
:Entends donc, toi qui nous braves insolemment, entends la malédiction, entends l'invective et la menace sortir de la bouche ennemie des bienheureuses formées par les dieux!
Ligne 32 :
:PHORKYAS. – Menacer les hôtes de la maison demeure un droit illustre que la noble épouse du souverain aimé des dieux s'est acquis par de longues années d'un gouvernement sage. Ainsi donc, puisque maintenant reconnue, tu viens de nouveau t'emparer de ton antique rang de reine et de maîtresse, saisis les rênes dès long-temps relâchées; gouverne maintenant, prends possession du trésor et de nous. Mais avant tout, protège-moi, moi la plus vieille, contre ce troupeau de filles qui, près du cygne de ta beauté, ne sont guère que des oies mal empennées et babillardes.
Le
:LA CORYPHÉE. - Que la laideur se montre laide auprès de la beauté !
Ligne 67 :
:PHORKYAS. - Ensuite on dit qu'échappé à l'empire des ombres, il vint, contre toutes les lois de la destinée, s'unir à toi avec ardeur.
:HÉLÈNE. - Moi, idole, je m'unis à lui, idole aussi; c'était un songe, ces paroles en conviennent; je m'évanouis, et deviens une idole pour moi-même (2).
::(Elle tombe dans les bras du
Phorkyas, pour achever de jeter le trouble dans la raison d'Hélène, embrouille ici à dessein le tissu de l'histoire avec les fils merveilleux de la légende antique, et confond tout, la fantaisie des poètes et la réalité de la fable, qui est la seule réalité où s'appuie Hélène (3). Le
:LE CHOEUR. - Tais-toi, tais-toi, jalouse calomniatrice à la bouche hideuse! que peut-il sortir de ce gouffre béant?
Ligne 82 :
:HÉLÈNE. - Le roi ne l'a pas indiquée.
:PHORKYAS. - Il ne l'a pas dite, ô misère !
:HÉLÈNE. - Quelle affliction s'empare de ton
:PHORKYAS. - Reine, c'est toi-même !
:HÉLÈNE. - Moi?
Ligne 91 :
:PHORKYAS. - Cela me semble inévitable.
:LE CHOEUR. - Hélas! et nous, quel destin nous attend?
:PHORKYAS. - Elle mourra d'une noble mort; mais vous, au balcon élevé qui supporte le faîte du toit, comme les grives au piége de l'oiseleur, vous vous débattrez à la file. (Hélène et le
:PHORKYAS. - Fantômes! - Pareilles à des spectres immobiles, vous vous tenez là, effrayées de vous séparer du jour, qui ne vous appartient pas. Les hommes, ces spectres qui vous ressemblent, ne renoncent pas volontiers à la lumière auguste du soleil; mais nulle voix n'intercède pour eux, nul pouvoir ne les sauve du destin. Ils le savent tous, et peu s'en accommodent. N'importe, vous êtes perdues. Ainsi, à l'
:LA CORYPHÉE. - La reine demeure pensive; les jeunes filles s'inclinent, semblables au gazon moissonné. A moi l'aînée de toutes, il est de mon devoir sacré d'échanger la parole avec toi, doyenne antique. Tu as l'expérience et la sagesse; tu parais aussi avoir la bienveillance, quoique cette folle troupe t'ait méconnue d'abord. C'est pourquoi, dis ce que tu crois possible encore pour le salut.
:PHORKYAS. - C'est facile. Il dépend de la reine de se sauver, elle et vous autres tout ensemble; mais il s'agit de se décider promptement.
Ligne 112 :
:PHORKYAS. - Pas mal, selon moi du moins. C'est un homme vif, hardi, bien fait, un homme sage, et comme on en voit peu parmi les Grecs. On traite ce peuple de barbare; mais je pense qu'on n'y trouverait pas un homme aussi cruel que plus d'un héros qui s'est conduit en anthropophage devant Ilion. Je compte sur sa grandeur d'ame, et me suis confiée à lui. Et son château! voilà ce qu'il faut voir! C'est autre chose que ces lourdes murailles que vos pères ont élevées tant bien que mal, en vrais cyclopes, roulant la pierre brute sur la pierre brute. Là tout est art et symétrie. Voyez le du dehors; il s'élance vers le ciel, si droit, si solidement construit, poli comme l'acier! L'idée seule de grimper là donne le vertige. A l'intérieur, de vastes tours, entourées d'architecture de toute espèce, à tout usage. Là des colonnes, des colonnettes, des arceaux, des ogives, des balcons, des galeries d'où l'on voit à la fois au dedans et au dehors, - et des blasons.
:LE CHOEUR. - Qu'est-ce donc des blasons?
:PHORKYAS. - Ajax avait déjà des serpens enlacés sur son bouclier ; vous-mêmes l'avez vu. Les sept, devant Thèbes, portaient, chacun sur son écu, des figures riches en symboles. Là on voyait la lune et les étoiles sur le firmament nocturne, la déesse aussi, le héros, les échelles, et les glaives, et les flambeaux, et tout ce qui menace une bonne ville. Ainsi notre troupe de héros porte dans l'éclat des couleurs une image pareille, qu'elle tient de ses aïeux : là des lions, des aigles, des serres et des becs, puis des cornes de
:LE CHOEUR. - Dis, là aussi y a-t-il des danseurs!
:PHORKYAS. - Les plus charmans ! Troupe fraîche, aux boucles d'or, ils sentent la jeunesse. Pâris seul avait ce parfum de jeunesse, lorsqu'il vint trop près de la reine.
Ligne 121 :
:PHORKYAS. - As-tu donc oublié comment il mutila ton Deïphobe, le fils de Pâris, tué dans le combat; Deïphobe, qui te conquit, toi, veuve, après tant d'efforts, et t'épousa heureusement? Il lui coupa le nez et les oreilles, et plus encore. C'était horrible à voir.
:HÉLÈNE. - Il le traita de la sorte, et ce fut pour moi.
:PHORKYAS. - Il te traitera de même, et ce sera pour lui. La beauté est indivisible. Celui qui l'a possédée tout entière l'anéantit plutôt, maudissant tout partage. (Fanfares dans le lointain. Le
:Comme le son aigu de la trompette déchire l'oreille et les entrailles, ainsi la jalousie se cramponne à la poitrine de l'homme, qui n'oublie jamais ce qu'il a possédé et ce que maintenant il a perdu.
:LE CHOEUR - N'entends-tu pas retentir les clairons? Ne vois-tu pas étinceler les armes?
Ligne 130 :
:HÉLÈNE. - J'ai réfléchi à ce qu'il convient de tenter. Tu es un démon, je ne le sens que trop, tu tournes le bien en mal. Avant tout, je veux te suivre au château; ce qu'il me reste à faire, je le sais, et que les mystères que la reine peut garder en son sein demeurent impénétrables à chacun. Vieille, marche en avant.
:LE CHOEUR. - Oh ! que nous allons volontiers, - d'un pied léger, - la mort derrière,- et devant nous, - du haut castel les murs inaccessibles ; - qu'il soit donc protégé - comme le bourg d'Ilion, - qui n'a succombé - qu'à la ruse infâme. (Des nuages se répandent çà et là, voilent le fond, et gagnent l'avant-scène.)
:Mais comment? -
:Les ténèbres ont envahi déjà tout l'espace. - A peine si nous nous voyons. - Qu'arrive-t-il ? Marchons-nous ? - glissons-nous d'un pas rapide? - Sur le sol ne vois-tu rien? - Serait-ce Hermès qui nous précède? - Ne vois-tu pas luire son sceptre d'or, - qui nous fait signe et nous ordonne de rentrer an sein de l'Hadès, - séjour triste, sombre, où se trouvent - des fantômes insaisissables, - toujours plein, pourtant toujours vide.
Phorkyas cède enfin aux instances des Troyennes suppliantes; le temps presse, il faut se hâter de fuir les murs de Sparte, et s'en aller chercher un refuge sur les bords du Taygète, où une race étrangère vient de fonder une cité nouvelle sous la conduite d'un aventurier glorieux. Hélène demeure un instant irrésolue; un bruit de clairons annonce l'arrivée de Ménélas : c'est la mort qui s'avance à grands pas, la mort sanglante, pour elle et ses blanches compagnes. La reine, épouvantée, n'hésite plus, et remet sa destinée entre les mains de Phorkyas. Un nuage épais couvre la scène, et, lorsqu'il se dissipe, la reine et le
Ainsi les élémens de toute poésie se rencontrent et s'assemblent; l'antiquité épouse le romantisme, et de cet hyménée sort la poésie moderne avec sa forme originale, son intimité sympathique, mais aussi avec ses désirs sans bornes, son impatience du joug et de la règle; réelle à la fois et symbolique, - tantôt voilée, tantôt nue comme le marbre antique, - aujourd'hui noyée dans les brouillards, demain sereine, et la lumière au front, - féconde et capricieuse comme le soleil, où elle tend sans cesse, au risque de tomber d'en haut comme Euphorion et comme Icare (4). Icare, c'est l'inquiétude incessante de la pensée, l'aspiration éternelle vers un but ignoré qui s'élève toujours à mesure qu'on monte, la fièvre d'un dieu insensé dans le cerveau d'un pâle adolescent, tout ce qu'il y a de vaste, d'infini dans les
Tel est le mythe qui clot l'intermède antique de la tragédie. Au premier aspect, la part que Goethe fait à Euphorion semble assez belle : représentant par sa mère de la beauté pure, de la beauté grecque, et de la science allemande par son père, quelle destinée plus glorieuse dès le berceau ! Et cependant Goethe ne s'en tient pas là, il faut à sa création quelque chose de contemporain qui en rehausse la vie et l'éclat dans le présent. De l'idée d'Euphorion, étoile radieuse si tôt éteinte au firmament de la poésie, à l'idée de lord Byron il n'y a qu'un pas. Euphorion sera lord Byron. Ainsi Goethe paiera le tribut de sa plainte sublime à la mémoire de l'auteur de ''Manfred'', et son
:EUPHORION. - Je sens des ailes qui me poussent. Là-bas, là-bas, le devoir m'appelle. Applaudissez à mon essor.
Ligne 146 :
:(Elle embrasse Faust et disparaît; Faust ne retient d'elle que ses voiles.)
Hélène retourne dans l'Hadès, auprès de Perséphone; mais les nymphes du
::Allez, mes
::Nous voulons serpenter sur le coteau joyeux
::Où la vigne mûrit sur le sarment qui plie;
Ligne 179 :
::Et des raisins vermeils l'abondance sacrée
::Foulée insolemment sous les pieds, pressurée,
::Dégoutte en écumant, et soulève le
::Et maintenant, voici que les folles cymbales
::Tintent de toute part avec un bruit d'airain;
Ligne 212 :
Cependant l'aile gauche souffre, l'ennemi escalade les hauteurs, la situation devient grave. Méphistophélès s'empare du commandement et dépêche aussitôt des corbeaux messagers près des nymphes de la montagne.
:MÉPHISTOPHÉLÈS. - Çà, mes noirs cousins! vite à l'
:FAUST. - Certes nos messagers ont dû faire dans les règles leur cour aux dames des eaux. L'inondation commence à gronder. Çà et là, des cimes arides et chauves du granit s'échappe la source vive à larges flots ………
:MÉPHISTOPHELÈS. - Pour moi, je ne vois rien de ces prestiges de l'eau, dont les yeux humains peuvent seuls être dupes. Cette étrange aventure me réjouit. Ils se précipitent par troupeaux insensés; sans avoir quitté la terre ferme, ils s'imaginent se noyer et s'évertuent de la plus singulière façon à courir à la nage. Maintenant la confusion est partout……
Ligne 218 :
La rébellion une fois en déroute, les trois vaillans pénètrent dans la tente splendide du prétendant et se mettent en devoir de tout piller, lorsque les trabans de l'empereur légitime entrent à point pour les chasser. Arrive l'empereur, qui s'empare du trône vide et récompense les grands dignitaires qui lui sont restés fidèles. L'archi-maréchal, l'archi-chambellan, l'archi-échanson, reçoivent des privilèges sans nombre, dont l'archevêque, en même temps grand-chancelier de la cour, leur transmet les brevets scellés du sceau de l'état (7). Les princes temporels se retirent, l'archevêque blâme l'empereur de la victoire sacrilège qu'il vient de remporter avec l'aide des puissances de l'enfer; il le menace de toutes les foudres de Rome, s'il ne cède aussitôt à l'église une bonne partie de son territoire. On élèvera sur le champ du combat une cathédrale qui sera bâtie avec les deniers de l'empereur, et dont les revenus de l'état paieront l'entretien. Le clergé n'en reste pas là : il exige encore, avant de consentir à parler d'accommodemens, une part du rivage que Faust a conquis sur la mer. Goethe, qui n'aime pas le catholicisme, ne laisse pas échapper l'occasion d'attaquer avec violence la constitution de l'empire au moyen-âge. D'un côté, c'est la faiblesse et l'impuissance des empereurs; de l'autre, la cupidité, l'avarice et la simonie de la cour de Rome. On a peine à s'expliquer comment Goethe, ce génie si impartial et si froid sur tout autre point de l'histoire, s'obstine, pour obéir à je ne sais quelle haine, à ne voir dans le catholicisme qu'une affaire de sacristie et d'antichambre; comment lui, dont la pensée aime tant à planer dans la généralité, peut oublier seulement à ce sujet l'ensemble grandiose pour de misérables détails, qu'il poursuit avec une animosité vraiment déplorable.
Le cinquième acte est comme un épilogue immense où le mystère se dénoue dans la splendeur et l'azur du firmament. Le motif glorieux que les immortelles phalanges chantent dans l'introduction de la première partie de ''Faust'', revient ici, mais varié à l'infini par le sublime orchestre, par les voix sonores des chérubins en extase qui l'entonnent avec ravissement, mais plus pompeux, plus grand, plus solennel, plus enveloppé d'harmonie et de vapeurs mystiques. Goethe a fait cette fois comme les musiciens, comme Mozart, qui ramène à la dernière scène de ''Don Juan'' la phrase imposante de l'ouverture. Chaque maître procède selon la mesure de son art; celui-ci trouve l'unité de l'
Je reprends l'analyse. - Philémon et Baucis habitent une chaumière au bord de la mer, une modeste chaumière cachée comme un nid, avec la petite chapelle qui la domine sous des touffes embaumées de tilleuls. Survient un voyageur. Le couple pacifique qui l'a sauvé jadis des flots, l'accueille avec amour et lui raconte les prodiges du nouveau maître du rivage. On parle des plaines qui se défrichent, des moissons qui poussent, des grands bois qui montent, des murailles qui s'élèvent avec une promptitude surnaturelle. La puissance mystérieuse de cet homme les épouvante. « Il est impie, il convoite notre hutte et notre bois, et lorsqu'il veut s'agrandir aux dépens de ses voisins, il faut se soumettre. » Cependant les deux époux trouvent des consolations dans la prière et la piété. « Laissez-nous aller à la chapelle saluer le dernier rayon, laissez-nous sonner la cloche, tomber à genoux, prier et nous abandonner au dieu antique.
Ligne 257 :
::Là le visage heureux se détourne de moi.
:LE SOUCI.
::Vous,
::Vous ne l'oseriez pas; mais le pâle Souci
::Se glisse par le trou de la serrure.
:LE MALHEUR.
::Alerte !
::O mes livides
:LA CONSCIENCE.
::Je vais à tes côtés dans la plaine déserte.
Ligne 357 :
Belles paroles dites quand il n'est plus temps. Faust s'en aperçoit. Le Souci, malgré sa résistance, lui souffle sur les yeux; il devient aveugle; son ardeur s'en accroît.
Cependant Méphistophélès, accompagné des ''Lémures'' (10), paraît dans le vestibule du palais, et commande à ses étranges satellites d'élever un tombeau. Le bruit du travail réjouit Faust, Méphistophélès le raille : « De toute manière, vous êtes perdu; les élémens conspirent avec nous, tout marche au néant.» Parole terrible et fatale, bien digne de l'esprit du mal, qui ne voit à l'activité humaine d'autre but que le néant. Tout ici-bas n'est qu'une lutte éternelle de la vie et de la mort, et l'
:LE CHOEUR. - L'heure s'arrête, l'aiguille tombe.
Ligne 371 :
::De l'enfer! Je comprends qu'on souffre quand on aime.
::O pauvres amoureux, je comprends le tourment
::Qui vous dévore, ô vous dont le triste
::Pour un sourire, un mot de l'objet adoré;
::Vous qui, le col tordu, sombres, l'air égaré,
Ligne 420 :
::Le sérieux va bien à vos figures roses;
::Mais le sourire, allez, irait bien mieux, et moi
::J'en aurais dans le
::Par sourire j’entends cette moue égrillarde
::Que les amoureux font en clignant l’œil. – Un pli
Ligne 481 :
::Honteusement perdus qu'à présent je regrette,
::Pour un désir commun, une absurde amourette
::Qui me pénètre au
::Or, la moralité de tout ceci, je pense,
::C'est que l'homme éprouvé qui se laisse un matin
Ligne 487 :
::De sa stupide erreur sera dupe à la fin.
Cependant, au bord des précipices, dans la profondeur des forêts, au sein d'une nature âpre et sauvage, de pieux solitaires exaltent les voluptés de l'amour mystique, et s'abîment dans les océans de la béatitude; à leur voix les échos des rochers sonores et des grands bois émus répondent en
:(Ravins, bois, rochers, solitudes. - SAINTS ANACHORÉTES, dispersés sur le haut des
montagnes et campés dans les crevasses du granit.)
Ligne 553 :
::Des sens, et tout meurtri des chaînes de la terre !
::Apaise mes pensers, Seigneur; que ta clarté
::Illumine mon
Il faut, avant tout, considérer cette scène comme un épilogue que Goethe, donne à son
:PATER SERAPHICUS. - (Région intermédiaire).
Ligne 564 :
::Ce sont les enfans bienheureux
::Qui flottent dans la lumière;
::C'est le jeune
:CHŒUR DES ENFANS BIENHEUREUX
::Où donc allons-nous? oh! dis,
Ligne 639 :
::Autour d'elle, flottantes,
::Tremblottent des vapeurs
::Ce sont les légers
::Des blondes pénitentes
::Qui, buvant l'air si doux
Ligne 672 :
:LA PÉCHERESSE, nommée autrefois Marguerite.
::Entouré du
::Le novice heureux croit qu'il rêve.
::Dans l'éther il monte, il s'élève;
Ligne 690 :
::Il te suivra, s'il te devine.
La simple jeune fille introduit le docteur dans la gloire des anges; l'ignorance rachète la science. Faust participe au bonheur des élus; le dogme de la rédemption des ames est mis en
Quels que soient les développemens immenses que le poète donne à son
Sans mystique, il n'y a pas de religion possible. Le naturalisme lui-même, tout en ne reconnaissant que les choses créées, se voit forcé d'admettre des forces élémentaires actives. Une force prise en dehors de l'acte qui en résulte est quelque chose qui ne se peut saisir, et cependant il faut qu'on se la représente. De là, d'une part, la mythologie païenne, de l'autre la philosophie de Spinoza, qui donnent plus ou moins aux causes et aux forces premières la réalité de l'existence, et les classent en un système. Cependant ici encore les mêmes difficultés se rencontrent; car, quelles que soient les formules et les apparitions, il y a au fond de tout cela un mystère insaisissable, et l'ame, au milieu du culte de la nature, éprouve, comme au sein de l'orthodoxie chrétienne, cet infini besoin d'amour, d'espérance et de foi (17) qui ne l'abandonne jamais.
De semblables aspirations existent d'elles-mêmes, et la piété en résulte (18). Aussi combien de fois n'a-t-on pas vu la conscience humaine, en proie aux sombres inquiétudes que font naître en elle les idées d'avenir et d'éternité, ne trouver de refuge contre l'épouvante et le doute que dans la foi qu'elle avait repoussée sous sa forme première! C'est un peu l'histoire du plus grand nombre, de Goethe lui-même. Voyez ce qu'il écrivait à Zelter sur ce sujet (19), en 1827 : « Continuons d'agir jusqu'à ce que, rappelés par l'esprit du monde, un peu plus tôt, un peu plus tard, nous retournions dans l'éther; puisse alors l'Être éternel ne pas nous refuser des facultés nouvelles, analogues (20) à celles dont nous avons eu déjà l'usage! S'il y joint paternellement le souvenir et le sentiment ultérieur (''Nachgefühl'') du bien que nous avons pu vouloir et accomplir ici-bas, nul doute que nous ne nous engrenions d'autant mieux dans le rouage de la machine universelle. Il faut que la ''monade'' supérieure (''die entelechische Monade'') se maintienne en une activité continuelle; et si cette activité lui devient une autre nature, l'occupation ne lui manquera pas dans l'éternité. » Belles paroles qui ne sont peut-être pas si éloignées du christianisme que Goethe voudrait le faire croire et qu'on y rattacherait facilement, ainsi que la pensée qui suit : « Je veux te le dire à l'oreille; j'éprouve le bonheur de sentir qu'il me vient dans ma haute vieillesse des idées qui, pour être poursuivies et mises en
« Chaque soleil, chaque planète porte en soi une intention plus haute, une plus haute destinée en vertu de laquelle ses développemens doivent s'accomplir avec autant d'ordre et de succession que les développemens d'un rosier par la feuille, la tige, la corolle. Appelez cette intention une ''idée'', une ''monade'', peu importe; il suffit qu'elle préexiste invisible au développement qui en sort dans la nature. Les larves des états intermédiaires, que cette idée prend dans ses transformations, ne sauraient nous arrêter un moment. C'est toujours la même métamorphose, la même faculté de transformation de la nature, qui tire de la feuille une fleur, une rose, de l'
« Cependant les monades sont inaltérables de leur nature, et leur activité ne saurait ni se perdre, ni se trouver suspendue au moment de la dissolution. Elles ne quittent leurs anciens rapports que pour en contracter de nouveaux sur-le-champ; et , dans cet acte de transformation, tout dépend de l'intention, de la puissance de l'intention contenue dans telle ou telle monade. La monade d'une ame humaine cultivée n'est point la monade d'un castor, d'un oiseau ou d'un poisson, cela va sans dire; et ici nous retombons dans le système de la classification des ames, auquel il est impossible d'échapper toutes les fois qu'on veut interpréter d'une façon quelconque les phénomènes de la nature. Swedenborg, cherchant à l'expliquer à sa manière, se sert, pour représenter son idée, d'une image fort ingénieuse à mon sens. Il compare le séjour où les ames se trouvent à un espace divisé en trois pièces principales, au milieu desquelles s'en trouve une grande. Maintenant supposons que, de ces divers appartemens, diverses espèces de créatures, des poissons, des oiseaux, des chiens, des chats, se rendent dans la grande salle, curieuse compagnie en vérité, et singulièrement mêlée; qu'adviendra-t-il aussitôt? Le plaisir de se trouver ensemble ne durera certes pas long-temps, et de ces mille dispositions si instinctivement contraires, quelque effroyable querelle résultera; à la fin, le semblable cherchera le semblable, les poissons iront vers les poissons, les oiseaux vers les oiseaux, les chiens vers les chiens, etc., et chacune de toutes ces espèces contraires cherchera, autant que possible, à se trouver quelque lieu particulier. N'est-ce point là l'histoire de nos monades après la mort terrestre ? Chaque monade va où sa force l'entraîne, dans les eaux, dans l'air, dans la terre, dans le feu, dans les étoiles; et cet essor mystérieux qui l'y porte contient tout le secret de sa destinée future.
Ligne 710 :
«Si nous passons aux conjectures, à vous parler franchement, je ne vois pas ce qui pourrait empêcher la monade à laquelle nous devons l'apparition de Wieland sur notre planète, d'embrasser, dans son nouvel état les plus vastes rapports de cet univers. L'activité, le zèle, l'intelligence avec lesquels elle s'est appropriée; tant de faces de l'histoire du monde, lui donnent le droit de prétendre à tout il m'étonnerait peu, bien plus je regarderais cela comme, une chose tout-à-fait conforme à mes vues, de rencontrer après des siècles ce même Wieland devenu quelque monade cosmique, quelque étoile de première grandeur, et de le voir réjouir, féconder par sa douce lumière tout ce qui s'approcherait de lui. Oui, ce serait beau pour la monade de notre Wieland de comprendre l'être vaporeux de quelque comète dans sa lumière et sa splendeur. Quand on réfléchit à l'éternité de cet état universel, il est impossible de ne pas supposer que les monades, en tant que forces coopératives sont aussi admises à prendre part aux joies divines de la création. L'être de la création leur est confié. Appelées ou non, elles viennent d'elles-mêmes, de tous les chemins, de toutes les montagnes, de toutes les mers, de toutes les étoiles; qui peut les arrêter? Je suis sûr d'avoir mille fois pris part à ces joies dont je parle, et je compte bien mille fois encore y retourner; rien au monde ne m'ôterait cette conviction et cet espoir. - Maintenant il reste à savoir si l'on peut appeler retour un acte accompli sans conscience : celui-là seul retourne dans un lieu qui a conscience d'y avoir séjourné précédemment. Souvent, dans mes contemplations sur la nature, de radieux souvenirs et des gerbes de lumière jaillissent à mes yeux de certains faits cosmogoniques auxquels ma monade a peut-être contribué avec activité. Mais tout cela ne repose que sur un peut-être, et lorsqu'il s'agit de pareilles choses, il faudrait cependant avoir de plus sérieuses certitudes que celles qui peuvent nous venir des pressentimens et de ces éclairs dont l'œil du génie illumine par intervalle les abîmes de la création. Pourquoi, dira-t-on, ne pas supposer au centre de la création une monade universelle, aimante, qui gouverne et dirige selon ses desseins les monades de l'univers, de la même façon que notre ame gouverne et dirige les monades inférieures qu'elle s'est subordonnées (23)? - Je ne m'élève pas contre cette proposition, pourvu qu'on la présente comme un article de foi, car j'ai pour habitude de ne jamais donner de valeur définitive aux idées qui ne s'appuient sur aucune observation sensible. Ah ! si nous connaissions notre cerveau, ses rapports avec Uranus, les mille fils qui s'y entrecroisent, et sur lesquels la pensée court çà et là! L'éclair de la pensée! mais nous ne le percevons qu'au moment où il éclate. Nous connaissons des ganglions, des vertèbres, et ne savons rien de l'être du cerveau; que voulons-nous donc alors savoir de Dieu? On a beaucoup reproché à Diderot d'avoir écrit quelque part : - Si Dieu n'est pas encore, il sera peut-être quelque jour. - Mes théories sur la nature et ses lois s'accordent assez avec l'idée d'une planète d'où les monades les plus nobles ont pris leur premier essor, et dans laquelle la parole est inconnue.
« De même qu'il y a des planètes d'hommes, il peut y avoir des planètes de poissons, des planètes d'oiseaux. L'HOMME EST LE PREMIER ENTRETIEN DE LA NATURE AVEC DIEU. Je ne doute pas que cet entretien ne doive se continuer sur une autre planète, plus sublime, plus profond, plus intelligible. Pour ce qui est d'aujourd'hui, mille connaissances nous manquent : la première est la connaissance de nous-mêmes, ensuite viennent les autres. A la rigueur, ma science de Dieu ne peut s'étendre au-delà de l'étroit horizon que l'observation des phénomènes de la nature m'ouvre sur cette planète, et de toute façon c'est bien peu de chose. En tout ceci, je ne prétends pas dire que ces bornes mises à notre contemplation de la nature soient faites pour entraver la foi ; au contraire, par l'action immédiate des sentimens divins en nous, il peut se faire que le savoir ne doive arriver que comme un fragment sur une planète qui, elle-même dérangée dans ses rapports avec le soleil, laisse imparfaite toute espèce de réflexion, qui dès-lors ne peut se compléter que par la foi. Déjà j'ai remarqué, dans ma ''Théorie des couleurs'', qu'il y a des phénomènes primitifs que l'analyse ne fait que troubler dans leur simplicité divine, et qu'il faut par conséquent abandonner à la foie. Des deux côtés, travaillons avec ardeur à pénétrer plus avant; mais tenons toujours bien les limites distinctes, n'essayons pas de prouver ce qui ne peut être prouvé; autrement nos prétendus chefs-d'
Cependant, toute question de théologie mise à part, il est permis de douter que la morale y trouve son compte. Qu'est-ce, en effet, que Faust, sinon l'orgueil, le désespoir, la débauche des sens, l'ambition, le mensonge, la haine incessante de Dieu? Et tout cela aboutit à quoi? A la gloire des anges : étrange conclusion, et qui pourtant s'explique. Le mal, chez Faust, vient de Méphistophélès, on ne le peut nier; et d'ailleurs, ne trouve-t-il pas son châtiment dans cette vie, le mal qui ''tend sans relâche vers un but qu'il ne peut atteindre (das ruheIos um Ziele strebt ohne es rua erreichen)''? Faust, après tout, est homme; il se trompe souvent et profondément; mais, comme le Seigneur l'a dit dans le prologue, un vague instinct le porte vers le bien. Je l'avoue, chaque fois que la raison et le désir des sens sont aux prises, le désir l'emporte, mais non sans une lutte acharnée, non sans que la raison ait vaillamment combattu pour ses droits. Faust hait Méphistophélès, et du commencement à la fin, tous les moyens que le diable met en
Ainsi tout se transforme et rien ne meurt, l'intelligence va à l'amour, l'amour à Dieu, le mal succombe au dénouement des choses, car il n'existe, pas en soi.
On voit comme tout se lie et s'enchaîne dans ''Faust''. La tragédie s'arrête; le poème s'ouvre; l'individu fait place à l'humanité. Tant de scènes charmantes, tant de détails heureux, mais bornés, se perdent dans l'infini du grand
Il en est de la poésie comme de l'architecture; les monumens su¬blimes qui font sa gloire dans la postérité ne sont jamais l'
Quiconque entreprend une
Aussi, quel que soit le but mystérieux où tende l'humanité, que son avenir appartienne au christianisme, au règne absolu de l'esprit pur, à l'abjuration de toutes les joies de cette vie, ou (nous aimerions mieux le croire avec Novalis) à un panthéisme clairvoyant, illuminé çà et là par les divins rayons de l'Évangile, mais où l'esprit s'incarne quelque peu, où l'activité humaine marche enfin librement vers le ciel à travers le beau jardin de la terre; quel que soit dans l'avenir le but de l'humanité, le poème de ''Faust'' restera non-seulement comme un livre sublime, où se rencontrent les plus nobles pensées que la poésie ait jamais prises au
Maintenant, si j'ai tant insisté sur ce poème, c'est qu'à mon sens ce poème contient l'esprit de Goethe. D'ailleurs, si l'on me cherchait querelle à ce propos, les bonnes raisons ne me feraient pas faute, et je trouverais la première dans l'ignorance où l'on était encore en France de ce beau livre, auquel la traduction avait manqué jusqu'ici. En tout cas, j'espère trouver grace auprès du lecteur en faveur des fragmens que j'ai cités, diamans de prix, dont j'ai voulu dégager la transparence de l'épaisseur qui l'enveloppe, en attendant qu'un lapidaire plus habile en vienne polir au soleil les mille facettes radieuses.
Ligne 728 :
<small>xxxxxxxxxx</small><br />
<small>(1) Hélène est une imagination des plus belles années de Goethe, une idée venue en même temps que ''Hermann et Dorothée'', peut-être avant. Voici, du reste, ce qu'il en dit lui-même dans une lettre à Schiller, 12 septembre 1800 (''Briefwechsel'', Th. V, S. 306.) : « J'ai mené à bien, cette semaine, les situations dont je vous ai parlé, et mon Hélène est vraiment venue au jour. Maintenant le beau m'attire tellement vers le cercle de mon héroïne, que c'est une affliction pour moi d'avoir à la convertir en une sorte de conte bleu. Je sens bien un vif désir de fonder une sérieuse tragédie sur les matériaux que j'ai déjà; mais je craindrais d'augmenter encore les obligations dont l'accomplissement pénible consume les joies de la vie. » Et vingt-six ans plus tard, dans une lettre à Zelter, 3 juin 1826 (''Briefwechsel mit Zelter'', Th. IV, S. 171) : « Je dois aussi te confier que j'ai repris, pour ce qui regarde le plan poétique et non les développemens, les travaux préliminaires d'une
<small>(2) ''Idole, ombre, idée'', dans le sens antique. - Selon Pausanias, Achille céda, lui aussi, à la fascination irrésistible d'Hélène, qui l'aima comme l'idéal de la beauté virile, et se livra plus tard à Patrocle en souvenir du héros. Cependant c'était la destinée fatale des amans de la fille du cygne de la perdre bientôt : Achille dut y soumettre; mais on raconte qu'étant mort, une nuit n'y tenant plus, il s'échappa du royaume des ombres, et vint surprendre Hélène dans son sommeil. Euphorion naquit des ineffables voluptés de cette scène, que la mythologie place dans les îles des Bienheureux, νησοί μαχάρων.</small><br />
<small>(3) C'est dans la version d'Hérodote qu'il faut chercher la clé de ce labyrinthe ou l'héroïne de Goethe s'égare sur les pas de Phorkyas. Hélène, dans sa fuite avec Pâris, est poussée sur la côte d'Orient ; le roi d'Égypte Protée, instruit par ses serviteurs du nom et du rang de ses hôtes, s'empare aussitôt d'Hélène et de ses trésors, et donne l'ordre à Pâris de quitter ses états. Cependant, à cette nouvelle, Ménélas, qui court le monde à la poursuite de son épouse ravie, se hâte de faire voile vers l'Égypte; mais, avant qu'il n'arrive, le roi Protée meurt, et son fils, à son tour, obsède la malheureuse Hélène si cruellement, qu'elle sort du palais et se réfugie au tombeau de l'ancien roi. Là, elle passe ses jours dans la tristesse et dans les larmes, et la parole de Mercure, qui lui promet qu'elle reverra son époux et sa patrie, l'aide à peine à supporter l'existence. Enfin, Ménélas aborde au moment où, penchée sur le tombeau, elle invoque l'esprit de son protecteur. Les deux époux se reconnaissent, volent dans les bras l'un de l'autre; le roi d'Egypte les laisse libres, et tous les deux retournent à Sparte. (Hérodote, ''Euterpe'', liv. XI.) Or, c'est cette fable qu'on ne peut en aucune façon rattacher au mythe accepté de l'enlèvement d'Hélène qui donne lieu à la légende de sa double présence. Hélène est tellement troublée par l'apparition de Phorkyas et ses invectives, que sa raison s'égare. Ses souvenirs se croisent, elle commence par se croire une autre qu'elle-même, l'Hélène égyptienne peut-être, et finit par douter de sa propre existence.</small><br />
Ligne 738 :
<small>(10) Spectres familiers, sortes de revenans auxquels l'antiquité donne l'apparence de squelettes, et dont les superstitions du moyen-âge ont formé des esprits de l'air que la science évoque et se soumet. (Horat., ''Epist''., II; Apulée, de ''Deo Socratis'', pag. 110.-Lessing, ''Sous quelle forme les anciens se représentaient la mort'', S. 222. - Theophrastus Paracelsus, ''Philos. sagax''. , lib. 1, 89.) - Goethe, dont le génie plastique se révèle jusque dans les moindres détails, a recours ici, pour exprimer l'idée de la servitude, à des squelettes dont les membres s'agitent et travaillent par un mouvement mécanique et borné, que ne règlent plus désormais ni l'action de l'ame exhalée, ni les appétits de la chair tombée en poussière. Quelle objectivité plus vraie donner au néant de la servitude !</small><br />
<small>(11) Les élémens haïssent l'ouvre formée par la main des hommes. (Schiller's ''Glocke''.)</small><br />
<small> « Mon
<small>(12) Goethe insiste sur cette humeur lascive du chat, qu'il attribue à Méphistophélès. Déjà, dans la première partie, il en était question : « Je me sens comme la chatte efflanquée, qui se frotte contre les gouttières en glissant le long des murs ; en tout bien, tout honneur au moins; envie de larron et chaleur de matou. » (''Faust'', Der Targödie Th. I, S. 135.) - On le voit, du commencement à la fin, Méphistophélès est et demeure le vrai diable de la légende catholique; il n'a rien autour de son front de ce ténébreux bandeau, de ce signe de fatalité que le beau. Lucifer de Milton emprunte au paganisme des Grecs. Il n'intéresse pas, il ne séduit pas, il n'attire pas les âmes vers l'abîme par une sorte d'influence sympathique; il les y pousse avec rudesse et puissance. Méphistophélès, c'est la force du mal subissant la nécessité d'une incarnation inférieure et grossière, le génie de l'ange déchu empêtré dans le matérialisme de la brute. Sans cela, sans cette bestialité qui l'accable, le mal régnerait seul sur le monde; il envahirait le ciel, il serait dieu. Heureusement, et cela dans ses plus audacieuses tentatives, sa nature basse et dégradée perce toujours par quelque point. C'est le pied de cheval, la puanteur du bouc, la luxure du chat, etc.</small><br />
<small>(13) Il s'est rencontré, au dernier siècle, un homme d'un grand fonds d'érudition et d'expérience qui rêvait tout éveillé des habitans des planètes et des étoiles. Il tenait commerce avec les esprits et parlait avec eux une langue idéale. Ceux-ci voyaient à travers ses yeux (car autrement, ainsi qu'il le dit lui-même, ils ne pourraient rien voir des choses de ce monde). Il sentait leur présence dans telle ou telle partie de son corps, principalement dans son cerveau. Il vécut trente ans de la sorte. Je veux parler d'Emmanuel Swedborg (qui reçut en 1719, avec des titres de noblesse, le nom de Swedenborg), fils d'un évêque suédois, et né en 1689. Dès son enfance, on disait déjà de lui qu'il causait avec les anges. Lui-même il a décrit l'état dans lequel il se trouvait au moment de ses visions. Il y en avait de trois espèces: la première (qu'on pourrait appeler la vision ordinaire, paisible), pendant laquelle il s'entretenait avec les esprits qui lui apparaissaient ou qui venaient se loger dans quelque partie de son corps; la seconde, moins commune, pendant laquelle tous ses sens s'émouvaient progressivement jusqu'à l'enthousiasme prophétique; la troisième enfin, la plus rare, lorsque, ravi par l'esprit, il traversait en un clin-d'oeil avec la rapidité de l'éclair des sujets et des régions innombrables. Qui ne reconnaît dans cet illuminé du dernier siècle le type de ce personnage mystique de Goethe qui prend dans son cerveau les enfans de minuit et leur fait voir le monde qu'ils ignorent, à travers le miroir de ses yeux, puis leur donne la volée vers les limbes? Symbole merveilleux de l'amour pur qui s'oublie lui-même, et dans son abnégation sublime s'efforce d'élever les autres!</small><br />
Ligne 745 :
:<small>MARGUERITE. (Elle met des fleurs nouvelles dans les pots.)</small><br />
::<small>Oh! daigne, daigne,</small><br />
::<small>Mère dont le
::<small>Pencher ton front vers ma douleur!</small><br />
::<small>L'épée au
::<small>L'ame chagrine,</small><br />
::<small>Tu vois ton fils mourir sur la colline.</small><br />
Ligne 757 :
::<small>L'affreux excès</small><br />
::<small >De la douleur qui me déchire? </small><br />
::<small> Ce que mon
::<small> Ce qu'il craint et ce qu'il désire? </small><br />
::<small> Toi seule, toi seule le sais.</small><br />
::<small> En quelque endroit que j'aille, </small><br />
::<small> Un mal cruel travaille ></small><br />
::<small> Mon
::<small> Je suis seule à cette heure, </small><br />
::<small> Je pleure, pleure, pleure, </small><br />
::<small>Mon
::<small>Quand l’aube allait paraître,</small><br />
::<small>En te cueillant ces fleurs,</small><br />
Ligne 776 :
::<small>Ah! Sauve-moi de la mort, de l’affront!</small><br />
::<small>Daigne, daigne</small><br />
::<small>Toi dont le
::<small>Vers ma douleur pencher ton divin front!</small><br />
<small> Maintenant, toute peine terrestre oubliée dans l'expiation, Marguerite se sent ravie au ciel dans des nuages de flamme, autour desquels gravite la partie immortelle de Faust; et les yeux encore tournés vers le trône de la reine des anges, elle l'invoque dans sa béatitude, comme autrefois dans sa misère. - Voilà, certes, deux admirables sujets de poésie et de peinture. Cornélius a traité le premier avec une grace à la fois idéale et naïve, dans son estampe la plus poétique, et sans contredit la plus heureusement venue de la belle collection des dessins de ''Faust''. Quant au second, il appartient de droit à Overbeck, au peintre mystique des ''Arts sous l'invocation de la Vierge''.</small><br />
<small>(16) «Le livre de Jacob m'a sincèrement affligé, et comment, en effet, aurais-je pu me réjouir de voir un ami si vivement affectionné soutenir cette thèse : que la nature dérobe Dieu à notre vue? Pénétré comme je suis d'une méthode pure, profonde, innée, qui m'a toujours fait voir inviolablement Dieu dans la nature et la nature en Dieu, de telle sorte que cette conviction a servi de base à mon existence entière, un paradoxe si étroit et si borné ne devait-il pas m'éloigner à jamais, quant à l'esprit, d'un homme généreux dont je chérissais le
<small>(17) « Nul être ne peut tomber à néant. L'éternel s'émeut en tout. Tu es; tiens-toi heureux de cette idée. L'être est éternel, car des lois conservent les trésors de vie dont se pare l'univers. » (Goethe, ''Vermâchtniss Werke'', Bd, 2122, S. 261.)</small><br />
<small>Goethe exprime encore le sentiment auguste de la Divinité que lui inspire le culte de la nature, dans cette poésie où le lion s'apprivoise, tout à coup dompté par le cantique d'un enfant : « Car l'Eternel règne sur la terre; son regard règne sur les flots. Les lions, doivent se changer en brebis, et la vague recule épouvantée; l'épée nue prête à frapper s'arrête immobile dans l'air; la foi et l'espérance sont accomplies; il fait des miracles, l'amour qui se révèle dans la prière. » (Bd. 15, S. 327.)</small><br />
|