« Fortunio/25 » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Phe (discussion | contributions)
mAucun résumé des modifications
Phe-bot (discussion | contributions)
m Phe: split
Ligne 11 :
 
 
==[[Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/214]]==
 
<pages index==[[Page:"Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/" from=214]]= to=216 />
{{c|'''Chapitre XXV'''}}
 
 
 
Il paraît que Fortunio se trouva bien dans son
nid doré, car Musidora l’attendit huit jours et vainement.
 
Voici la cause de cette rupture subite. ― Fortunio
avait reconnu qu’il y avait entre Musidora et lui
une cause d’amertume inépuisable. ― Il la trouvait
charmante, pleine d’esprit, tout à fait digne
d’amour ; mais il ne pouvait oublier le passé : sa
jalousie rétrospective était toujours en éveil ; il se
serait rendu malheureux au delà de toute expression,
sans contribuer en rien au bonheur de Musidora.
― Il avait fait les plus grands efforts pour
étouffer cette pensée vivace, elle s’était toujours
relevée plus venimeuse et plus acharnée ; sentant
que les efforts mêmes qu’il faisait pour oublier le
faisaient se souvenir, il ne voulut plus persister
dans une lutte inutile. ― S’il avait moins aimé Musidora,
il l’eût gardée ; il l’aimait trop pour qu’il pût exister entre eux une pensée secrète.
==[[Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/215]]==
 
― Avec son caractère ferme il eut bientôt pris sa décision.
― Décision irrévocable.
 
Musidora reçut une lettre contenant une inscription
de vingt-cinq mille livres de rente avec une
boucle de cheveux de Fortunio, et ces mots d’une main inconnue :
 
« Madame,
 
« Le marquis Fortunio vient d’être tué en duel.
― Souvenez-vous quelquefois de lui. »
 
― Ah ! fit Musidora, il ne venait pas, il devait
être mort en effet : je l’avais deviné ; mais je ne
lui survivrai pas longtemps. Et, sans verser une
larme, elle alla chercher le portefeuille où était
serrée l’aiguille empoisonnée que Fortunio lui
avait reprise au commencement de leurs amours,
se défiant des vivacités de son caractère, et qu’elle
avait retrouvée au fond d’une cassette oubliée.
 
― C’était un funeste présage, et le hasard a été
clairvoyant de me faire trouver un instrument de
mort où je ne cherchais que des billets d’amour
et le moyen de nouer une intrigue frivole.
 
Ayant dit ces mots, elle embrassa la boucle de
cheveux de Fortunio, et se piqua la gorge avec la pointe de l’aiguille.
 
Ses yeux se fermèrent, les roses de ses lèvres
 
==[[Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/216]]==
se changèrent en pâles violettes ; un frisson courut sur son beau corps.
 
Elle était morte.