« L’Étoile du sud/XVIII » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Phe (discussion | contributions)
mAucun résumé des modifications
Phe-bot (discussion | contributions)
m Phe: match
Ligne 15 :
 
 
 
==__MATCH__:[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/178]]==
 
==[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/179]]==
 
Cyprien et Lî, après cette épouvantable catastrophe, n’eurent plus qu’une idée : fuir le lieu où elle venait de s’accomplir.
Ligne 28 ⟶ 31 :
 
Enfin, lorsqu’ils furent arrivés, en tournant le lac, à peu près au niveau de leur point de départ sur la rive opposée, la nuit allait venir. Harassés de fatigue, ils se décidèrent à camper en cet endroit. Mais, avec le peu de ressources dont ils disposaient, cette installation ne pouvait être bien confortable. Cependant, Lî s’en occupa avec son zèle habituel ; puis, cela fait, il rejoignit son maître.
==[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/180]]==
 
« Petit père, lui dit il de sa voix caressante et réconfortante aussi, je vous vois bien fatigué ! Nos provisions sont épuisées presque entièrement ! Laissez-moi aller à la recherche de quelque village, où l’on ne me refusera pas de nous venir en aide.
Ligne 33 ⟶ 37 :
– Me quitter, Lî ? s’écria tout d’abord Cyprien.
 
– Il le faut, petit père ! répondit le Chinois. Je prendrai une des girafes, et j’irai du côté du nord !… La capitale de ce Tonaïa, dont nous a parlé Lopèpe, ne peut être éloignée maintenant, et je m’arrangerai pour que l’on vous y fasse un bon accueil. Puis, alors, nous reviendrons vers le Griqualand, où vous
==[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/181]]==
n’aurez plus rien à craindre de ces misérables, qui ont tous trois succombé dans cette expédition ! »
 
Le jeune ingénieur réfléchissait à la proposition que lui faisait le dévoué Chinois. Il comprenait, d’une part, que, si le Cafre pouvait être retrouvé, c’était surtout dans cette région où on l’avait entrevu la veille et qu’il importait de ne pas la quitter. D’autre part, il fallait bien refaire des ressources maintenant insuffisantes. Cyprien se décida donc, quoique à grand regret, à se séparer de Lî, et il fut convenu qu’il l’attendrait, en cet endroit, pendant quarante-huit heures. En quarante-huit heures, le Chinois, monté sur sa rapide girafe, pouvait avoir fait bien du
==[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/182]]==
chemin à travers cette région, et être revenu au campement.
 
Cela convenu, Lî ne voulut pas perdre un instant. Quant à la question de repos, il s’en préoccupait peu ! Il saurait bien se passer de sommeil ! Il dit donc adieu à Cyprien, en lui baisant la main, reprit sa girafe, sauta dessus et disparut dans la nuit.
Ligne 47 ⟶ 55 :
Cyprien commença donc par la débarrasser du licou si ingénieusement fabriqué par Lî ; puis, il l’attacha par le jarret à un arbre, entouré d’une herbe épaisse et drue, en lui laissant une longueur de corde suffisante pour qu’elle pût paître tout à son aise. Et en vérité, si l’on ajoutait la mesure de son cou à celle de la corde, le rayon d’action de cette gracieuse bête ne laissait pas d’être fort étendu.
 
Ces préparatifs achevés, Cyprien mit son fusil sur une épaule, sa couverture sur l’autre, et, après avoir dit adieu d’une tape amicale à sa girafe, il commença l’ascension de la montagne.
==[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/183]]==
 
 
Cette ascension fut longue et pénible. Toute la journée se passa à gravir des pentes abruptes, à tourner des roches ou des pics infranchissables, à recommencer par l’est ou par le sud une tentative infructueusement tentée par le nord ou par l’ouest.
Ligne 65 ⟶ 75 :
Le premier moment d’émotion passé, cette pluie, – douche rafraîchissante qui reposait de la sécheresse des jours précédents, Cyprien, pour se consoler de sa mésaventure, se dit qu’elle n’avait rien de désagréable, mais une de ses conséquences les plus pénibles fut de l’obliger à manger son dîner, sinon tout cru, du moins tout froid. Allumer du feu ou simplement faire flamber une allumette par un temps pareil, il n’y devait pas songer. Il se contenta donc d’ouvrir une boîte d’endaubage et de la dévorer sous cette forme élémentaire.
 
Une ou deux heures plus tard, engourdi par la fraîcheur de la pluie, le jeune
==[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/184]]==
ingénieur réussit à s’endormir, la tête sur une grosse pierre recouverte de sa couverture ruisselante. Quand il s’éveilla avec le jour, il était en proie à une fièvre ardente.
 
Comprenant qu’il était perdu, s’il lui fallait recevoir plus longtemps une pareille douche, – car la pluie ne cessait de tomber à torrents, – Cyprien fit un effort, se dressa sur ses pieds, et, appuyé sur son fusil comme sur une canne, il commença à redescendre la montagne.
Ligne 75 ⟶ 87 :
Cyprien aurait plus vivement senti ce nouveau coup de la mauvaise fortune, s’il eût été dans son état normal ; mais la lassitude extrême et l’accablement ne lui en laissèrent pas la force. En arrivant, il ne put que se jeter sur son havresac imperméable, qu’il retrouva heureusement, passer des vêtements secs, puis tomber, écrasé de fatigue, sous l’abri d’un baobab qui ombrageait le campement.
 
Alors commença pour lui une période bizarre de demi-sommeil, de fièvre, de délire, où toutes les notions se confondaient, où le temps, l’espace, les distances n’avaient plus de réalité. Faisait-il nuit ou jour, soleil ou pluie ? Était-il là depuis douze heures ou depuis soixante ? Vivait-il encore ou bien était-il mort ? Il n’en savait plus rien. Les rêves gracieux et les cauchemars effroyables se succédaient sans relâche sur le théâtre de son imagination. Paris, l’École des Mines, le foyer paternel, la ferme du Vandergaart-Kopje, miss Watkins, Annibal Pantalacci, Hilton, Friedel et des légions d’éléphants, Matakit et des vols d’oiseaux, répandus sur un ciel sans limites, tous les souvenirs, toutes les sensations, toutes les antipathies, toutes les tendresses, se heurtaient en son cerveau comme dans une bataille incohérente. À ces créations de la fièvre venaient parfois s’ajouter des impressions extérieures. Ce qui fut surtout horrible, c’est qu’au milieu d’une tempête d’aboiements de chacals, de miaulements de chats-tigres, de ricanements d’hyènes, le malade
==[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/185]]==
inconscient poursuivit laborieusement le roman de son délire et crut entendre un coup de fusil qui fut suivi d’un grand silence. Puis, l’infernal concert reprit de plus belle pour se prolonger jusqu’au jour.
 
Sans doute, pendant ce mirage, Cyprien serait passé, sans en avoir le sentiment, de la fièvre au repos éternel, si l’événement le plus bizarre, le plus extravagant, en apparence, n’était venu se mettre à la traverse du cours naturel des choses.
Ligne 97 ⟶ 111 :
Ceci était un phénomène physiologique non moins anormal que le don de la parole chez les échassiers, car la génuflexion est un mouvement qui leur est ordinairement interdit par la nature. Mais Cyprien, au milieu de sa fièvre, persistait à ne pas s’étonner. Il trouva même tout simple que l’autruche prit, sous son aileron gauche, une gourde de cuir pleine d’une eau fraîche, coupée de cognac, et lui en mît le goulot aux lèvres.
 
La seule chose qui commença à le surprendre, c’est lorsque l’étrange animal
==[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/186]]==
se releva pour jeter à terre une sorte de carapace, couverte de marabouts, qui semblait être son plumage naturel, puis un long cou surmonté d’une tête d’oiseau. Et alors, dépouillée de ces ornements d’emprunt, l’autruche se montra à lui sous les traits d’un grand gaillard, solide, vigoureux, qui n’était autre que Pharamond Barthès, grand chasseur devant Dieu et devant les hommes.
 
« Eh ! oui ! c’est moi ! s’écria Pharamond. N’as-tu donc pas reconnu ma voix aux premiers mots que je t’ai dits ?… Tu es étonné de mon accoutrement ?… C’est une ruse de guerre que j’ai empruntée aux Cafres pour pouvoir approcher des vraies autruches et les tirer plus facilement à la sagaie !… Mais parlons de toi, mon pauvre ami !… Comment te trouves-tu ici, malade et abandonné ?… C’est par le plus grand hasard que je t’ai aperçu, en flânant de ce côté, et j’ignorais même que tu fusses dans ce pays ! »
Ligne 109 ⟶ 125 :
Cyprien ne tarda pas à s’endormir dans cette étuve et d’un bienfaisant sommeil.
 
Au coucher du soleil, lorsqu’il rouvrit les yeux, le malade se sentait si manifestement soulagé qu’il demanda à dîner. Son ingénieux ami avait réponse à tout : il lui servit immédiatement un excellent potage qu’il avait composé avec les produits les plus délicats de sa chasse et quelques racines de diverses
==[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/187]]==
sortes. Une aile d’outarde rôtie, une tasse d’eau additionnée de cognac, complétèrent ce repas, qui rendit quelque force à Cyprien et acheva de dégager son cerveau des fumées qui l’obscurcissaient.
 
Une heure environ après ce dîner de convalescence, Pharamond Barthès, ayant convenablement dîné, lui aussi, était assis auprès du jeune ingénieur, et il lui contait comment il s’était trouvé là, tout seul, dans cet étrange équipage.
Ligne 117 ⟶ 135 :
– Je crois bien que je l’ai entendu ! répondit Cyprien. J’ai même cru qu’il se donnait en mon honneur !
 
– Point du tout, mon brave ami ! s’écria Pharamond Barthès. C’était en
==[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/188]]==
l’honneur d’une carcasse de buffle, au fond de cette vallée que tu vois s’ouvrir sur la droite. Lorsque le jour, est arrivé, il ne restait plus que les os de l’énorme ruminant ! Je te montrerai cela ! C’est un joli travail d’anatomie !… Tu verras aussi mon tigre, la plus belle bête que j’aie abattue depuis que je viens chasser en Afrique ! Je l’ai déjà dépouillé, et sa fourrure est en train de sécher sur un arbre !
 
– Mais pourquoi ce singulier déguisement que tu portais ce matin ? demanda Cyprien ?
 
– C’était un costume d’autruche. Ainsi que je te l’ai dit, les Cafres emploient
==[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/189]]==
fréquemment cette ruse pour approcher ces échassiers, qui sont très défiants et fort difficiles à tirer sans cela !… Tu me répondras que j’ai mon excellent rifle !… C’est vrai, mais que veux-tu ? La fantaisie m’a pris de chasser à la mode cafre, et c’est ce qui m’a procuré l’avantage de te rencontrer fort à propos, n’est-ce pas ?
 
– Fort à propos, en vérité, Pharamond !… Je crois bien que, sans toi, je ne serais plus de ce monde ! » répondit Cyprien en serrant cordialement la main de son ami.
 
Il était maintenant hors de son étuve, et douillettement couché sur un lit
==[[Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/190]]==
de feuilles que son compagnon lui avait accommodé au pied du baobab.
 
Le brave garçon ne s’en tint pas là. Il voulut aller chercher dans la vallée voisine la tente-abri qu’il emportait toujours en expédition, et, un quart d’heure après, il l’avait plantée au-dessus de son cher malade.
Ligne 147 ⟶ 171 :
Puis, joignant l’exemple au principe, Pharamond Barthès se roula dans sa couverture et s’endormit auprès de Cyprien.
 
Le lendemain, le Chinois rentrait précisément au campement avec quelques provisions. Aussi, avant que Cyprien ne se fût réveillé, Pharamond Barthès, après l’avoir mis au courant de tout, le chargea-t-il de veiller sur son maître,
=== no match ===
pendant qu’il allait chercher le cheval dont la perte avait été si sensible au jeune ingénieur.