« La Vie de M. Descartes/Livre 3/Chapitre 9 » : différence entre les versions

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Mr Descartes joüissoit au milieu de la Hollande de
tous les avantages d' uned’une parfaite solitude et depuis
que, malgré les promesses qu' ilqu’il avoit faites à ses
amis avant que de sortir de France, il s' étoits’étoit défait
de la résolution de faire jamais rien imprimer, et
d' acquérird’acquérir de la réputation, il ne paroissoit plus rien
qui fût capable de troubler la tranquillité d' espritd’esprit
avec laquelle il cultivoit sa nouvelle philosophie.
 
Le Sieur De Chandoux, dont nous avons eu occasion
de parler ailleurs, ne fit pas un usage si innocent de
la sienne. L' ostentationL’ostentation avec laquelle nous avons vû
qu' ilqu’il produisoit ses nouveautez, ne se termina qu' àqu’à
des fumées ; et l' événementl’événement de sa fortune ne servit pas
peu pour justifier le jugement que M Descartes avoit
fait de sa philosophie. Chandoux depuis la fameuse
journée où il avoit discouru
avec tant d' éclatd’éclat devant le Cardinal De Berulle, le
nonce de Bagné, et plusieurs sçavans, s' étoits’étoit jetté
dans les éxercices de la chymie, mais d' uned’une chymie qui
par l' altérationl’altération et la falsification des métaux tendoit
à mettre le desordre dans le commerce de la vie. La
France étoit alors remplie de gens qui avoient voulu
profiter des troubles du royaume, pour ruiner la
police des loix qui regardoient la fabrique et l' usagel’usage
des monnoyes ; et l' impunitél’impunité y avoit introduit une
licence qui alloit à la ruine de l' etatl’etat. Le Roy
Loüis Xiii pour la réprimer fut obligé d' établird’établir
dans l' arsenall’arsenal à Paris une chambre souveraine qui fut
appellée '' chambre de justice ''
, par des lettres
patentes données à S Germain le 14 de Juin 1631.
 
Chandoux y fut accusé et convaincu d' avoird’avoir fait de la
fausse monnoye avec plusieurs autres, et il fut
condamné à être pendu en Gréve.
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maux de sa patrie, ne sçavoit de ses mouvemens et de
ses troubles que ce que ses amis vouloient bien lui en
mander. Mais rarement l' entretenoientl’entretenoient-ils des affaires
publiques. Les uns ne songeoient qu' àqu’à lui proposer des
problêmes de mathématiques, et lui parler
d' observationsd’observations physiques. Les autres ne se soucioient
que de le féliciter du bonheur de sa solitude, et de
lui témoigner la jalousie qu' ilsqu’ils en avoient. M De
Balzac fut du nombre de ces derniers. Il étoit revenu
à Paris vers le carême, aprés une retraite de dix-huit
mois qu' ilqu’il avoit faite à sa terre de Balzac prés
d' Engoulêmed’Engoulême : et M Descartes avoit toûjours différé
de lui récrire, dans la pensée qu' ilqu’il seroit
incessamment de retour à la ville ou à la cour, comme
il le lui avoit fait espérer. Ayant appris son retour
à Paris par le moyen du Pére Mersenne, il lui fit
sçavoir de ses nouvelles : et pour montrer qu' ilqu’il
n' ignoroitn’ignoroit pas l' artl’art du compliment auprés d' und’un ami qui
en étoit un grand maître, il lui demanda sa part du
têms qu' ilqu’il avoit résolu de perdre à l' entretienl’entretien de
ceux qui devoient l' allerl’aller visiter dans Paris, et il
lui fit accroire que depuis deux ans qu' ilqu’il étoit sorti
de cette ville, il n' avoitn’avoit pas été tenté une seule
fois d' yd’y retourner, sinon depuis qu' onqu’on lui avoit mandé
qu' ilqu’il y étoit. M De Balzac sçut bien enchérir sur
ce compliment. Il lui récrivit le 25 d' Avrild’Avril 1631,
et lui manda qu' ilqu’il ne vivoit
plus que de l' espérancel’espérance de l' allerl’aller voir à Amsterdam,
'' et d' embrasserd’embrasser cette chere tête si pleine de raison et d' intelligenced’intelligence ''
. Il alla même jusqu' àjusqu’à lui faire
espérer de choisir pour l' amourl’amour de lui le lieu de sa
demeure en Hollande, et de vivre avec lui dans une
même solitude. Ne pensez pas, lui dit-il, que je vous
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sérieusement : et pour peu que vous demeuriez au lieu
où vous êtes, je suis Hollandois aussi bien que vous ;
et messieurs les etats n' aurontn’auront pas un meilleur
citoyen que moy, et qui ait plus de passion pour la
liberté. Quoi que j' aimej’aime extrémement le ciel d' Italied’Italie,
et la terre qui porte les orangers, vôtre vertu seroit
capable de m' attirerm’attirer sur les bords de la mer glaciale
et jusqu' aujusqu’au fonds du septentrion. Il y a trois ans que
mon imagination vous cherche, et que je meurs d' envied’envie
de me réünir à vous, afin de ne m' enm’en séparer jamais.
 
Etc.
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lettres ; et M Descartes qui le connoissoit depuis
long-têms par ses conversations et par ses écrits, ne
pouvoit pas n' étren’étre pas accoûtumé à ses hyperboles. Mais
aprés la protestation qu' ilqu’il lui avoit faite en cette
rencontre de lui parler '' fort sérieusement ''
, il est
à croire qu' ilqu’il y a eu d' autresd’autres obstacles que sa
volonté, qui se sont opposez à l' éxécutionl’éxécution de son
dessein. M De Ville-Bressieux médecin de Grenoble,
vint plus facilement à bout de ceux qui l' auroientl’auroient
empêcher d' allerd’aller trouver M Descartes. Son éloignement
n' avoitn’avoit servi qu' àqu’à augmenter la passion qu' ilqu’il avoit
conçûë pour sa philosophie, sur tout aprés l' avoirl’avoir
entendu raisonner dans l' assembléel’assemblée qui s' étoits’étoit tenuë
au sujet du Sieur De Chandoux. Depuis ce têms là il
n' avoitn’avoit pas cessé de se considérer comme son disciple :
et sa présence fut d' autantd’autant plus agréable en Hollande
à M Descartes, qu' ilqu’il connoissoit en lui avec une
grande facilité d' espritd’esprit beaucoup de génie pour les
méchaniques, et beaucoup d' inclinationd’inclination pour la chymie.
 
Il demeura d' abordd’abord avec luy pendant l' espacel’espace de
quelques années, et il voulut être le compagnon de ses
voyages, de ses études, et de ses expériences. Il s' ens’en
retourna ensuite en France, et les avantages qu' ilqu’il avoit
reçûs auprés de M Descartes le firent revenir
prés de lui au bout de quelques années, jusqu' aujusqu’au
prémier voyage que M Descartes fit en France, où il
le laissa lors qu' ilqu’il reprit la route de Hollande.
 
Depuis long-têms l'l’on on n' avoitn’avoit vû une année plus
funeste que celle de 1632, pour le grand nombre de
princes, de seigneurs, de généraux d' arméesd’armées, et
d' hommesd’hommes célébres qui moururent en différentes postures.
 
Mais nous n' enn’en connoissons aucun qui eût la moindre
relation avec M Descartes, si l'l’on on n' enn’en excepte
deux princes, avec les filles desquels la providence
lui destinoit des habitudes pour la philosophie, et
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celle de la nature. Le prémier de ces princes étoit le
roy de Suéde, qui fut tué à la journée de Lutzen,
dans le combat qu' ilqu’il avoit donné aux impériaux le
seiziéme jour de novembre. Sa fille unique et son
héritiére Christine n' étoitn’étoit pour lors âgée que de six
ans. L' autreL’autre étoit l' infortunél’infortuné comte palatin du Rhin
roy de Bohéme pére de l' illustrel’illustre philosophe et
Princesse Elizabeth. Sa mort suivit d' assezd’assez prés
celle du roy de Suéde. Il étoit aux termes de rentrer
dans la possession de ses etats, lors qu' ilqu’il fut
arrété dans Mayence par la contagion dont il fut
frappé. On étoit venu néanmoins à bout d' expulserd’expulser le
venin, et il s' étoits’étoit mis en état de relever. Mais la
nouvelle de la mort du roy de Suéde le toucha et
l' abatitl’abatit tellement, qu' ellequ’elle le fit retomber, et le mit
au tombeau le vingt-neuviéme jour de novembre étant de
deux ans moins âgé que le roy de Suéde.
 
M Descartes étoit alors dans une suspension d' étuded’étude
qui luy dura le reste de l' annéel’année, et qui le tint
éloigné de ses livres et de ses papiers pendant prés de
quatre mois. Pour s' ys’y remettre il jugea à propos de
changer de demeure vers le printêms de l' annéel’année suivante,
et il choisit la ville de Déventer en Over-Issel,
peut-être parce que M Reneri lui en avoit vanté le
séjour. Cét homme avoit quitté quelque têms auparavant
le préceptorat qu' ilqu’il avoit à Leyde, et il étoit allé
depuis peu s' établirs’établir à Déventer, où il avoit été
appellé pour y enseigner la philosophie. M Descartes
manda cinq ou six jours aprés cette nouvelle au P
Mersenne, comme une chose assez avantageuse à leur
amy commun. Pour le mieux persuader de l' avantagel’avantage de
cette nouvelle
condition, il luy dit que l' universitél’université ou collége de
Déventer est une academie peu renommée à la vérité,
mais où les professeurs ont plus de gages, et vivent
plus commodément qu' àqu’à Leide ni à Franecker, où M
Reneri eût pû avoir place auparavant, s' ils’il ne l' eûtl’eût
point refusée ou négligée.
 
M Descartes étant à Déventer se remit tout
sérieusement à l' étudel’étude, et reprit le soin de
continuer divers ouvrages qu' ilqu’il avoit interrompus, et
particuliérement sa dioptrique et son traitté du
monde. Il s' appliquas’appliqua tout de nouveau à la connoissance
des choses célestes, afin de s' ens’en acquiter avec encore
plus d' exactituded’exactitude : et il pria le P Mersenne de lui
envoyer ce qu' onqu’on disoit que le P Scheiner faisoit
imprimer touchant les parhélies qu' ilqu’il avoit observées
à Rome, au sujet dequoi cét auteur devoit traitter de
divers autres phénoménes. Il est vray que ce pére
travailloit actuellement à cét ouvrage : mais il
apporta tant de delais à sa publication, qu' ilqu’il le
laissa encore manuscrit à sa mort, qui arriva cinq
mois aprés celle de M Descartes.
 
Aprés quelques mois d' applicationd’application particuliére aux
observations astronomiques, il s' apperçuts’apperçut de la
nécessité d' étudierd’étudier à fonds la nature des cométes, et
il écrivit au P Mersenne pour luy mander que s' ils’il
sçavoit quelque auteur qui eût particuliérement
recuëilli les diverses observations qui avoient été
faites des cométes jusqu' alorsjusqu’alors, il l' obligeroitl’obligeroit de lui
en donner avis. Car depuis deux ou trois mois, dit-il,
je me suis engagé fort avant dans le ciel ; et aprés
m' êtrem’être satisfait touchant sa nature et celle des astres
que nous y voyons, et plusieurs autres choses que je
n' eussesn’eusses pas seulement osé espérer il y a quelques
années : je suis devenu si hardi, que j' osej’ose maintenant
chercher la cause de la situation de chaque étoile
fixe. Car encore qu' ellesqu’elles paroissent fort
irréguliérement éparses çà et là dans le ciel, je ne
doute pourtant pas qu'qu’il il n' yn’y ait entre-elles un ordre
naturel qui est régulier et déterminé. La connoissance
de cét ordre est la clef et le fondement de la plus
haute et plus parfaite science que les hommes puissent
avoir touchant les choses matérielles, d' autantd’autant que par
son moyen on pourroit connoître '' a priori ''
toutes
les diverses formes et essences des
corps terrestres ; au lieu que sans elle il nous faut
contenter de les deviner '' a posteriori ''
, et par leurs
effets. Or je ne trouve rien qui me pût tant aider pour
parvenir à la connoissance de cét ordre, que
l' observationl’observation de plusieurs cométes. C' estC’est pourquoi
comme je n' ayn’ay point de livres, et que quand j' enj’en
aurois, je plaindrois le têms qu' ilqu’il faudroit employer
à les lire, je serois bien-aise d' end’en trouver
qu' elqu' unqu’elqu’un, qui eût recuëilli tout ensemble ce que je
ne sçaurois sans beaucoup de peine tirer des auteurs
particuliers, dont chacun n' an’a écrit que d' uned’une cométe
ou deux seulement.
 
M Descartes prit occasion de cette sorte d' étuded’étude pour
faire au Pére Mersenne le plan d' uned’une histoire des
apparences célestes telle qu' ilqu’il la concevoit, sur ce
que ce pére lui avoit mandé qu' ilqu’il connoissoit des gens
qui se plaisoient à travailler pour l' avancementl’avancement des
sciences, jusqu' àjusqu’à vouloir même faire toutes sortes
d' expériencesd’expériences à leurs dépens. Si quelqu' unquelqu’un de cette
humeur, dit-il, vouloit entreprendre d' écrired’écrire
l' histoirel’histoire des apparences célestes selon la méthode de
Verulamius, et que sans y mettre aucunes raisons ni
hypothéses il nous décrivît exactement le ciel tel
qu' ilqu’il paroît maintenant ; quelle situation a chaque
étoile fixe au respect de ses voisines ; quelle
différence, ou de grosseur, ou de couleur, ou de
clarté, ou du plus et du moins étincelant, etc. De plus,
si cela répond à ce que les anciens astronomes en ont
écrit, et quelle différence il s' ys’y trouve ; car je ne
doute point que les étoiles ne changent toujours
quelque peu de situation entre elles, quoi qu' onqu’on les
estime fixes. Aprés cela, qu' ilqu’il y ajoutât les
observations des cométes, mettant une petite table du
cours de chacune, comme Tycho Brahé à fait de trois
ou quatre qu' ilqu’il a observées ; et enfin les variations
de l' écliptiquel’écliptique, et des apogées des planétes : ce
seroit un ouvrage qui seroit plus utile au public
qu' ilqu’il ne semble peut-être d' abordd’abord, et qui me
soulageroit de beaucoup de peine. Mais je n' espéren’espére pas
qu' onqu’on le fasse, comme je n' espéren’espére pas aussi de trouver
ce que je cherche à présent touchant les astres. Je
crois que c' estc’est une science qui passe la portée de
l' espritl’esprit humain : et toutefois je suis si peu sage que
je ne sçaurois m'm’empêcher empêcher d' yd’y réver, encore que je juge
que cela ne servira qu' àqu’à me faire perdre du têms,
comme il m' estm’est
déja arrivé depuis deux mois que je n' ayn’ay avancé de
rien dans mon traitté '' du monde ''
, que je ne laisserai
pourtant pas d' acheverd’achever avant le terme que je vous ay
mandé.