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Même, en dépit des inimitiés et des guerres, les influences mutuelles de race à race produisirent de grands changements dans les idées, les religions et les mœurs. Ainsi, l’horreur que les Juifs, fidèles observateurs de la loi, et à leur exemple les Musulmans éprouvaient pour les images peintes, cette horreur finit par se communiquer à une moitié des chrétiens et devint une des causes les plus actives de controverses, de dissensions et de guerres. Pendant toute la durée du VIIIe siècle, les familles, les provinces, l’empire se divisèrent en deux partis inconciliables, celui des « iconodoules » ou adorateurs d’images, et celui des briseurs, les « iconoclastes ». Si l’empire d’Orient perdit les Romagnes, c’est parce que les habitants de la contrée préférèrent se donner aux Lombards que d’abandonner le culte qu’ils pratiquaient traditionnellement devant les statues et les tableaux des saints. Les iconoclastes l’emportèrent dans l’empire d’Orient pendant une centaine d’années, et il n’est point étonnant que ce furent des femmes, les impératrices Irène et Théodora, qui décidèrent de revenir aux coutumes anciennes. Du reste, les iconoclastes eux-mêmes, tout fiers d’avoir renversé les images qui leur paraissaient impies, n’en avaient pas moins quelque signe matériel de leur foi, et les âpres musulmans continuaient de vénérer aussi leurs symboles, étendards du prophète, tuniques et tableaux verts.

D’ailleurs les anciens cultes survivaient toujours sous les nouveaux, même chez les fanatiques les plus ardents de l’une ou l’autre religion. Il n’est point de dieu, point de génie protecteur qui ne survive dans les rites des peuples, malgré les malédictions dont les adorateurs des divinités païennes avaient été chargés par les prêtres et les imans : bien plus, ceux-ci prennent part inconsciemment aux cérémonies faites en l’honneur des anciens dieux. Même les croyances populaires traversent successivement plusieurs religions officielles sans se modifier profondément. C’est ainsi qu’à Tyr on célèbre encore la fête de saint Mekhlar, dont le nom est identiquement celui de l’ancien Hercule Melkarth : une des coutumes locales est d’aller pêcher les coquillages de pourpre (murex trunculus) sur la côte occidentale de l’île, à l’endroit où s’élevait autrefois le temple phénicien de la divinité redoutable [1].

Les victoires de l’Islam dans l’Afrique septentrionale avaient suivi de près celles qu’il avait remportées dans l’Asie iranienne. Déjà dans

  1. Socim ; — Conder, Survey of Western Palestine.