« Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Discours préliminaire » : différence entre les versions

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{{T3mp|DISCOURS PRÉLIMINAIRE.}}
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ouvrage tout neuf, nous ne pouvons l'entendrel’entendre que de la manière de présenter les faits, et nullement des faits en eux-mêmes. Les faits sont un fonds commun dont nul n'an’a la propriété, et sur lequel tous ont
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<big>L</big>'Histoire et la Biographie ont toutes deux pour objet de retracer les actions et les travaux des hommes célèbres ; mais elles y procèdent d'une manière différente et même opposée. L'Histoire, dans ses tableaux peints à grands traits, déroule la série et l'enchaînement des faits de tout genre, et ce n'est pour ainsi dire qu'accessoirement qu'elle y attache le nom et le caractère des personnages. La Biographie, au contraire, dans ses portraits finis et détaillés, présente séparément le» personnages eux-mêmes, et les entoure des événements qui tiennent à eux par un rapport immédiat. L'une a l'avantage de donner a ses vastes compositions plus de variété, d'éclat et de mouvement ; mais, justement occupée de l'ensemble, elle évite de trop soigner les figures, elle les subordonne entre elles, les place dans la lumière ou dans l’ombre, et alternativement les offre et les soustrait a nos yeux. L'autre, consacrant chacun de ses petits ouvrages détachés à un seul objets qui en détermine et en remplit les dimensions, a le mérite de concentrer et d'arrêter nos regards sur un personnage qui d'ordinaire nous intéresse, et de nous le faire considérer a la fois sous tous les points de vue et dans toutes les attitudes les plus diverses. Ici, l'homme se produit a son tour, en public et sur un théâtre, toujours plus ou moins éloigné du spectateur qui, suivant l'expression de Bacon, ne le voit jamais que du seul côté qui est tourné vers lui (1)<ref>(1) ''Chronica personarum facies externas et in publicum versas proponunt.'' De Argmentis Scientiarum, lib. 2, cap. 4.</ref>. Là il se laisse approcher et en quelque sorte toucher ; on le suit, on l'observe, on l'écoute en tous lieux et dans tous les instants de sa vie. Aussi, tandis que l'Histoire donne de hautes leçons aux politiques, ou présente un spectacle attachant a la multitude avide d'émotions, la Biographie offre des exemples profitables aux hommes de toutes les conditions, cr fournit aux moralistes la matière de leurs méditations les plus profondes : le premier des Biographes, Plutarque, a la gloire d'avoir formé et pour ainsi dire créé parmi nous, Montaigne, et J.-J. Rousseau.
 
La Biographie, par cela même qu'elle peint isolément les personnages historiques de tout genre, a seule le pouvoir de les comprendre t<^ns dans un même ouvrage, en les rangeant dans un ordre systématique que l'Histoire ne comporte pas, ou, plus facilement encore,<!--
 
(1) ''Chronica personarum facies externas et in publicum versas proponunt.'' De Argmentis Scientiarum, lib. 2, cap. 4.
 
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-->dans cet ordre alphabétique décrié avec si peu de raison, puisqu'il est également favorable à la frivolité qui veut se distraire, à l'ignorance qui veut s'instruire, et à la science qui veut épargner des moments précieux. Ce n'est pas tout encore : une Biographie universelle, renfermant la Vie des hommes célèbres de tous les temps, de tous les pays et de toutes les professions, offrira nécessairement plus de choses qu'on n'en pourrait trouver dans une Histoire générale, ancienne et moderne, politique et littéraire à la fois ( si une telle Histoire était exécutable ), puisqu'à l'exposé des faits et des travaux publics qui sont du domaine de toutes deux, la Biographie doit joindre encore le détail des mœurs et des habitudes privées qui composent son apanage particulier. C'est peut-être a ces réflexions qu'est due la naissance du premier des ''Dictionnaires historiques''.
 
Nous ne nous arrêterons pointa parler de Suidas, écrivain grec du onzième siècle, qui imagina de mêler, dans un même lexique, a l'interprétation des mots, des traits d'histoire et des vies de personnages célèbres, idée aussi bizarrement conçue qu'imparfaitement exécutée ; ni de Charles Etienne qui, a la fin du seizième siècle (en 1596), rédigea en latin, sur les Mémoires du savant Robert Etienne, son parent, un Dictionnaire historique, géographique et poétique ; ni de Juigné, dont le Dictionnaire français, réimprimé huit fois dans l'espace de huit années, n'offrait guère qu'une traduction du latin de Charles Etienne (1)<ref>(1) Il parut pour la première fois en 1664. </ref> ; ni même de l'anglais Nicolas Lloyd qui, écrivant dans la même langue qu'Etienne, et s'emparant aussi de son travail, sut du moins l'agrandir et le perfectionner. Nous arriverons tout de suite à Louis Moréri qui, sur le plan et avec les matériaux de Lloyd, bâtit son ''Grand Dictionnaire historique'' dont la première édition parut, l'an 1674 en un seul volume ''in-folio''. Victime de son application au travail, il mourut a trente-huit ans, sans avoir eu la satisfaction de mettre lui-même au jour la seconde édition en deux volumes qu'il avait préparée (2)<ref>(2) Cette seconde édition parut eu 1681.</ref>. Plusieurs années après la publication de cette seconde édition (en 1689), on donna un premier ''Supplément'', qu’aussitôt on fondit dans une troisième, et celle-ci fut, à peu de distance, suivie de plusieurs autres dans lesquelles l'ouvrage de Moreri se purgeait lentement de ses fautes, mais recevait de nombreuses additions. Cependant le célèbre Bayle, savant philologue et puissant dialecticien, blessé des imperfections qui déshonoraient toujours le ''Grand Dictionnaire Historique'', entreprit de les corriger, du moins en partie. Il releva des inexactitudes, redressa de faux jugements, suppléa des omissions, et imprimant son génie à ce travail qui semblait ne promettre que d'arides<!--
 
(1) Il parut pour la première fois en 1664.
 
(2) Cette seconde édition parut eu 1681.
 
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discussions, en composa son fameux ''Dictionnaire historique et critique'', fondement d'une gloire qui ne périra jamais (1)<ref>(1) La première édition du Dictionnaire de Bayle est de 1697.</ref>. Les nouveaux continuateurs de Moreri laissèrent à Bayle ces brillantes dissertations où éclataient la force et l'adresse de son raisonnement ; mais ils rectifièrent les erreurs qu'il avait relevées, et ne tardèrent point a s'approprier les articles supplémentaires qui lui appartenaient en entier. Dans la suite, le ''Moreri'' que, pendant plus d'un demi-siècle, des additions continuelles avaient porté jusqu'à six volumes ''in-folio'', s'accrut encore, sous les mains du laborieux abbé Gouget, de deux ''Suppléments'' formant chacun deux volumes ; et enfin, en 1759, dix ans après la publication du dernier, parut, en dix volumes ''in-fol.'', la dernière et peut-être la vingtième édition du ''Grand Dictionnaire historique'', ouvrage qui, semblable au vaisseau de Thésée, ou, comme le dit Voltaire, a une ville nouvelle, bâtie sur le terrain de l'ancienne, n'a presque rien conservé du travail de son premier auteur, mais qui du moins a retenu son nom, par lequel il est habituellement désigné. Avons-nous tort d'espérer qu'on pardonnera aux auteurs d'une ''Biographie universelle'' d'avoir consacré quelques lignes à retracer les vicissitudes d'une vaste et célèbre compilation, à laquelle ils ont des obligations qu'ils ne veulent point dissimuler, entr'autres celle d'avoir évité les défauts assez nombreux qui lui ont été justement reprochés ?
 
C'était une idée plus raisonnable en apparence qu'en réalité, que d'associer aux articles de biographie pure, des articles de géographie et d'antiquités. Sans doute, ces matières ont un rapport direct avec l'Histoire, et elles jettent souvent un grand jour sur ses récits ; mais elles n'en sont pas moins des sciences a part, dont le seul vocabulaire est immense : aussi a-t-on senti depuis la nécessité de leur consacrer des traités et des lexiques particuliers qui, renfermant en entier le nombre infini d'objets dont elles se composent, et donnant a chacun d'eux le développement qui lui convient, forment un tout homogène et complet. L'admission des articles de mythologie n'avait aucun prétexte : il était trop évidemment ridicule de placer, parmi les personnages réels de l'Histoire, les personnages allégoriques de la Fable, et de ranger dans une même catégorie Alexandre et Cupidon, Aristote et Zéphyre, Cornélie et Vénus. On a même regardé comme inutile d'admettre les personnages des temps héroïques, dont les actions véritables sont mêlées de tant de fictions qu'il est impossible de les distinguer. Ce pouvait être une espèce de flatterie utile au débit de l'ouvrage que d'y faire entrer ces nombreuses généalogies qui y tenaient une si grande place, et qui souvent, dit-on, s'y allongeaient au gré des sollicitations <!--
 
(1) La première édition du Dictionnaire de Bayle est de 1697.
 
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ou même de l'or ; mais, dans tous les cas, c'était donner encore une extension bien abusive à l'idée de ''Dictionnaire historique'' ; c'était satisfaire la vanité d'une seule classe d'hommes, aux dépens de toutes les autres. Ce même reproche pouvait s'adresser aussi à l'histoire des établissements et des partis religieux : les auteurs, appartenant aux uns ou aux autres, par état, par principes ou par affection, avaient indiscrètement accordé les honneurs de la célébrité a beaucoup de personnages très obscurs partout ailleurs que dans leur ordre ou dans leur secte. De toutes ces superfétations était résultée cette masse énorme de volumes, dont le format, d'ailleurs très incommode, attachait l'inconvénient d'une véritable fatigue corporelle à un ouvrage fait, disait-on, pour épargner la peine des recherches.
 
Ces différents défauts étaient trop généralement sentis, pour que l'esprit de spéculation ne s'empressât pas d'en profiter en les évitant dans de nouveaux ouvrages. Le ''Moréri'' devait avoir et a eu en effet de nombreux abréviateurs. Le premier a été l'abbé Ladvocat, auteur du ''Dictionnaire historique et bibliographique portatif'', publié d'abord en deux volumes ''in-8°''., et porté depuis à quatre volumes ( la première édition est de 1752 ). Les articles de géographie, d'antiquités et de généalogie ont disparu ; mais ceux de mythologie ont été conservés. Du reste, l'auteur a eu le tort d'ajouter aux noms déjà trop multipliés du ''Moreri'', ceux de beaucoup d'hommes de sa profession, dont la postérité ne s'occupera guère ; et, vu les bornes étroites qu'il s'était prescrites, il n'a fait qu'une sèche et insignifiante nomenclature, à laquelle une certaine exactitude de dates, jointe à tous les avantagea d'un volume très resserré, a donné, pendant assez long-temps, une sorte de vogue.
 
On avait lieu d'attendre plus d'utilité et d'agrément du ''Dictionnaire historique, littéraire et critique'', publié par l’abbé de Barrai, en six volumes in-8° (1758) ; mais cet écrivain, janséniste outré, à une époque où le jansénisme, jadis honoré par de grands talents, venait de se précipiter dans le mépris public par les excès du plus extravagant fanatisme, a consacré des pages sans nombre aux héros et aux adversaires de son parti, pour exalter les uns et déchirer les autres avec une fureur égale (''Diction, philosoph.''). Il a mérité qu'on dît de son livre : ''C’est le martyrologe des jansénistes, écrit par un convulsionnaire''. Cet ouvrage, où cependant la critique littéraire n'était pas sans quelque mérite, a eu le sort qui attend tous les ouvrages de parti.
 
Jusqu'ici nous nous sommes expliqués avec une liberté qui ne peut être suspecte, sur des écrivains qui n'existent plus, et dont les ouvrages mêmes ont presque disparu, depuis que des compilations plus heureuses ont été offertes au public. Parmi celles-ci, il en est une dont nous pouvons parler encore ; c'est le ''Dictionnaire historique'', de <!--page XI-->
feu l'abbé Feller, ex-jésuite des Pays-Bas autrichiens, dont l’ouvrage, publié d'abord en six volumes ''in-8°.'', a été augmenté de deux volumes dans la seconde édition, donnée en 1797 (la première est de 1781). Il paraissait juste que le molinisme eût son dictionnaire, comme le jansénisme avait eu le sien ; mais, peu touchés de cette considération, MM. Chaudon et Delandine, auteurs du ''Nouveau Dictionnaire historique'', fait a Lyon, dont une neuvième édition se réimprime en ce moment à Paris par livraisons, ont nettement accusé l'abbé Feller d'avoir ''volé et gâté'' leur ouvrage. Le reproche est vif : nous laisserons a d'autres le soin de juger jusqu'à quel point il est possible qu'il soit fondé. Rien ne nous empêche non plus de faire mention du ''Nouveau Dictionnaire universel, historique, biographique, bibliographique et portatif'', en partie traduit de l'anglais de John Watkins, et publié, il y a sept ans, par M. l'Écuy, en un volume ''in-8°''. Les auteurs d'une Biographie universelle en dix-huit volumes ne peuvent avoir aucun intérêt à démêler avec un abréviateur si succinct, qui ne doit avoir eu d'autre prétention que celle d'indiquer avec exactitude des noms, des dates et quelques titres de livres.
 
Nous ne sommes pas tout-a-fait dans la même position a l'égard des auteurs du ''Nouveau Dictionnaire historique''. Aussi garderons-nous le silence sur les défauts que nous aurions pu apercevoir dans leur compilation. Les indiquer ici serait un procédé peu délicat, qui même aurait un côté ridicule. Nous donnons à notre tour un nouveau Dictionnaire historique. Cela seul dit assez que nous avons cru pouvoir faire autrement cet ouvrage ; on en doit conclure aussi que nous avons eu l'espoir de le faire mieux. Nous sommes dispensés de toute autre explication, relativement à une concurrence légitime, dont nos rivaux eux-mêmes nous ont donné l'exemple. En ceci, nous ne pourrions avoir qu'un tort, qui, à la, vérité, serait inexcusable : c'est le tort de succomber. Nous allons toutefois dire comment nous avons conçu, dirigé et exécuté cette entreprise : nous prions nos concurrents de ne point voir, dans l'exposition naïve de notre méthode, une satire artificieuse de la leur.
 
Avant tout, nous irons au devant d'un reproche que nous sommes sûrs de ne point mériter, mais que certaines personnes pourraient bien vouloir nous adresser un jour, quelque persuadées qu'elles fussent elles-mêmes de son injustice : nous parlons du reproche de plagiat. Déjà l'intérêt alarmé d'un libraire a insinué contre nous cette accusation, avant qu'une seule page de notre ''Biographie'' pût être connue de lui, ni de personne. C'était prodigieusement se hâter de nous vouloir nuire. Nous n'avons rien a répondre a ce libraire ; quant a ceux qui auraient au moins attendu l'ouvrage pour le calomnier, voici ce que nous leur répondrions : Lorsque nous annonçons en ce genre un <!--page XII
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ouvrage tout neuf, nous ne pouvons l'entendre que de la manière de présenter les faits, et nullement des faits en eux-mêmes. Les faits sont un fonds commun dont nul n'a la propriété, et sur lequel tous ont
un droit d’usage. Ce qui appartient seulement à chacun, c’est l’emploi
particulier qu'ilqu’il a fait de ce qu'ilqu’il en a tiré par son propre travail. « Personne jusqu'icijusqu’ici, dit Bayle, n'an’a poussé l'extravagancel’extravagance jusques à traiter de plagiaires ceux qui rapportent les événements qu'unqu’un autre avait rapportés, mais qui les vont prendre a la source, et qui n'emploientn’emploient ni le tour, ni l'ordrel’ordre, ni les expressions d'und’un autre. Il n'yn’y a point d'apparenced’apparence qu'aqu’a l'avenirl’avenir personne s'avises’avise de définir si follement le plagiat (Bayle, Préface du ''Diction’’Diction. Hist.''’’ ) ». Nous verrons si Bayle n'an’a pas trop présumé de la raison de ceux qui devaient venir après lui.
 
Sans vouloir exagérer l'importancel’importance d une ''Biographie’’Biographie universelle''universelle’’ y on peut assurer que nul autre ouvrage ne comprend autant d'objetsd’objets divers, ou plutôt qu'ilqu’il n'estn’est point d'objetd’objet qu'ellequ’elle ne doive comprendre. Tout ce qui a existé, tout ce qui existe en grands événements politiques, militaires, civils et religieux, en utiles travaux des sciences, en nobles productions des lettres et en précieux monuments des arts ; toutes ces choses, ouvrages d'hommesd’hommes qui se sont illustrés par elles, doivent être nécessairement indiquées et même jugées dans une Histoire de tous les hommes célèbres de l'universl’univers. Si cette proposition est vraie, nous ne saurions, à moins de supposer une compilation incomplète et indigeste, faite sans exactitude et sans discernement, imaginer qu'unequ’une telle entreprise puisse être exécutée par un ou deux hommes seulement, de quelques secours qu'ilsqu’ils soient environnés. Il lions semble les voir arrachant des lambeaux de mille ouvrages qu'auqu’au moins ils auront ouverts une fois, s'ens’en rapportant même pour ce travail a des mains plus inhabiles encore qu'ilsqu’ils ne sauraient diriger, rassemblant à la hâte ces matériaux pris au hasard, entassant les erreurs et les vérités, les traits d'espritd’esprit et les sottises, et, pour ainsi dire, recrépissant le tout d'und’un style de mauvais goût, où brillent par intervalles quelques phrases d'empruntd’emprunt, honteuses d'und’un si ridicule enchâssement. Le vrai moyen sans doute de parvenir à un résultat satisfaisant était de diviser l'ensemblel’ensemble des connaissances humaines en un grand nombre de parties distinctes, et de confier chacune d'ellesd’elles à un écrivain qui en eût fait l'objetl’objet spécial de ses études. Telle a été la première pensée, tel a été le premier soin des éditeurs de la ''Biographie’’Biographie universelle''universelle’’. Paris, plus que jamais la capitale des sciences, des lettres et des arts, Paris seul pouvait leur offrir une réunion semblable de collaborateurs, et c'estc’est à Paris seulement que ceux-ci pouvaient remplir parfaitement une tâche pour laquelle le jugement, l'espritl’esprit et le savoir sont des moyens insuffisants. Dans quelle autre ville de la France <!--page XIII
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trouver ces milliers d'ouvragesd’ouvrages manuscrits et imprimés, anciens et modernes, nationaux et étrangers ; ces communications verbales, et cette tradition d'anecdotesd’anecdotes de tout genre qui fournissent à la science des faits ses plus précieux matériaux ?
 
L'annonceL’annonce d'und’un ouvrage ''par’’par une société de savants et de gens de lettres''lettres’’ est devenue une des plus ridicules et des plus impuissantes amorces qu'ilqu’il soit possible maintenant de présenter a la crédulité du public. Souvent ces ''savants''’’savants’’ et ces ''gens’’gens de lettres''lettres’’ anonymes ignorent tout et ne savent point écrire. Quelquefois aussi des noms justement honorés, arrachés par l'importunitél’importunité ou même pris sans consentement, décorent gratuitement des ''Prospectus''’’Prospectus’’ trompeurs, et sont ainsi plus ou moins innocemment complices de la fraude. Mais ici les écrivains sont nommés ; tous sont connus ; plusieurs ont de la célébrité ; les autres y aspirent, ou du moins prétendent à cette considération qui est le prix des travaux utiles. Tous leurs articles sont signés de leur nom ; et ce nom, quel qu'ilqu’il soit, ils n'ontn’ont pas voulu le compromettre, en l'attachantl’attachant à des choses qui ne fussent pas dignes de leurs travaux passés, ou qui formassent un préjugé fâcheux contre leurs travaux futurs.
 
Quelques personnes pourraient craindre que, d'und’un si grand nombre de collaborateurs, et de la diversité inévitable de leurs opinions sur plusieurs points, il ne résultât un défaut d'accordd’accord trop sensible, non pas dans le ton et le style, mais dans ce qu'onqu’on pourrait appeler l'espritl’esprit de l'ouvragel’ouvrage. Cette crainte serait chimérique. C'estC’est aux faits principalement que les rédacteurs ont dû s'attachers’attacher ; or les faits sont d'uned’une nature fixe et positive ; ils sont ou ils ne sont pas ; pour les admettre ou les rejeter, la critique offre des règles sûres que le raisonnement est loin de fournir lorsqu'illorsqu’il s'agits’agit d'opinionsd’opinions. Quant aux jugements à porter sur les personnages et sur leurs actions ou leurs travaux, il est, en matière de morale et de goût, des principes certains, sur lesquels tous les hommes d'honneurd’honneur et de sens sont d accord, et qu'ilsqu’ils se font surtout une loi de professer dans ces ouvrages faits en société, et destinés a la masse entière du public, puisque là de brillants paradoxes, qui seraient à peu près sans gloire pour celui qui les aurait avancés, ne seraient peut-être pas sans danger pour l'entreprise commune. Enfin, les importantes divisions de cette espèce d'Encyclopédie historique ayant été partagées entre autant d'écrivains à qui elles étaient familières, on est sûr du moins de trouver, dans chacune d'elles, unité de principes et de vues. C'est véritablement dans un Dictionnaire historique fait par deux personnes, et encore plus par une seule, qu'il doit exister beaucoup de discordance et de disparate ; car, dans l'impossibilité d'avoir des idées propres sur les innombrables objets dont ils ont à s'occuper, ils sont forcés de prendre <!--page XIV
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aveuglément celles de tous les auteurs qu'ils mettent à contribution, et ainsi leur compilation devient en effet l'ouvrage d'un millier d'esprits différents.