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appuyant exclusivement sur les faits bien avérés que cette discussion a mis en lumière.
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Que le gouvernement russe ait persécuté les vieux croyans avec une rigueur inflexible sous le dernier règne, c’est là un fait que l’on ne peut nier. L’empereur Nicolas était autocrate dans l’âme, tant au spirituel qu’au temporel, et dans ses rêves de domination universelle caressait l’idée d’imposer la foi orthodoxe à toute la population de ses états. À peine eut-il réduit les rares partisans que la liberté politique avait conquis dans l’empire, qu’il se tourna contre le parti des indépendant en matière de religion. Pourquoi les aurait-il traités avec plus de ménagemens ? C’eût été peu conséquent, et l’inconséquence n’était point son défaut. Chacun sait qu’il poussa la rigidité de son système politique jusqu’à l’absurde. Comme tous les despotes, il croyait que la persécution devait avoir aussi facilement raison d’une croyance religieuse que d’une tendance politique. Cette ferme conviction, il la manifesta bientôt par une mesure qui était destinée, suivant lui, à déraciner en quelques années le schisme deux fois séculaire des vieux croyans. Après avoir ordonné un relevé général de tous les individus de cette secte, il leur prescrivit, sous des peines sévères, de faire baptiser par les prêtres des paroisses tous les enfans qui leur naîtraient à partir de cette époque <ref> Ce sont les curés ou popes qu tiennent en Russie les registres de l’état civil.</ref>. Le résultat de cette mesure dut flatter singulièrement son orgueil ; tous les relevés périodiques qu’on lui soumettait indiquaient que la population schismatique décroissait avec rapidité. Les choses allèrent ainsi pendant plusieurs années, à la grande satisfaction de l’empereur ; mais une cruelle déception l’attendait. Le ministre de l’intérieur, le comte Pérovski, crut enfin de son devoir de lui déclarer que, d’après les renseignemens particuliers qu’il avait recueillis, le nombre des vieux croyans avait au contraire considérablement augmenté. Peu de temps après, une commission extraordinaire fut chargée de se rendre sur les lieux habités par les schismatiques et de vérifier le fait. On ne tarda point à reconnaître qu’il était parfaitement fondé <ref>D’après les états officiels, le gouvernement de Kostrama ne comptait plus que 19,000 vieux croyans ; ou en trouva 126,000, et encore beaucoup de sectaires prétendus orthodoxes avaient-ils sans doute échappé aux perquisitions de l’autorité.</ref>. Cela est du reste facile à comprendre pour quiconque connaît la Russie : les enfans des vieux croyans étaient inscrits, il est vrai, comme orthodoxes, ainsi que l’avait ordonné l’empereur, mais leurs parens continuaient à les élever dans le schisme. Cette découverte, que l’on se garda bien de divulguer alors, aurait dû éclairer l’empereur ; mais il n’en fut rien. Bien loin de lui ouvrir les yeux, le mécompte qu’il venait d’éprouver le porta à persécuter les
Que le gouvernement russe ait persécuté les vieux croyans avec une rigueur inflexible sous le dernier règne, c’est là un fait que l’on ne peut nier. L’empereur Nicolas était autocrate dans l’âme, tant au spirituel qu’au temporel, et dans ses rêves de domination universelle caressait l’idée d’imposer la foi orthodoxe à toute la population de ses états. À peine eut-il réduit les rares partisans que la liberté politique avait conquis dans l’empire, qu’il se tourna contre le parti des indépendans en matière de religion. Pourquoi les aurait-il traités avec plus de ménagemens ? C’eût été peu conséquent, et l’inconséquence n’était point son défaut. Chacun sait qu’il poussa la rigidité de son système politique jusqu’à l’absurde. Comme tous les despotes, il croyait que la persécution devait avoir aussi facilement raison d’une croyance religieuse que d’une tendance politique. Cette ferme conviction, il la manifesta bientôt par une mesure qui était destinée, suivant lui, à déraciner en quelques années le schisme deux fois séculaire des vieux croyans. Après avoir ordonné un relevé général de tous les individus de cette secte, il leur prescrivit, sous des peines sévères, de faire baptiser par les prêtres des paroisses tous les enfans qui leur naîtraient à partir de cette époque{{lié}}<ref>Ce sont les curés ou popes qui tiennent en Russie les registres de l’état civil.</ref>. Le résultat de cette mesure dut flatter singulièrement son orgueil ; tous les relevés périodiques qu’on lui soumettait indiquaient que la population schismatique décroissait avec rapidité. Les choses allèrent ainsi pendant plusieurs années, à la grande satisfaction de l’empereur ; mais une cruelle déception l’attendait. Le ministre de l’intérieur, le comte Pérovski, crut enfin de son devoir de lui déclarer que, d’après les renseignemens particuliers qu’il avait recueillis, le nombre des vieux croyans avait au contraire considérablement augmenté. Peu de temps après, une commission extraordinaire fut chargée de se rendre sur les lieux habités par les schismatiques et de vérifier le fait. On ne tarda point à reconnaître qu’il était parfaitement fondé{{lié}}<ref>D’après les états officiels, le gouvernement de Kostrama ne comptait plus que 19,000 vieux croyans ; on en trouva 126,000, et encore beaucoup de sectaires prétendus orthodoxes avaient-ils sans doute échappé aux perquisitions de l’autorité.</ref>. Cela est du reste facile à comprendre pour quiconque connaît la Russie : les enfans des vieux croyans étaient inscrits, il est vrai, comme orthodoxes, ainsi que l’avait ordonné l’empereur, mais leurs parens continuaient à les élever dans le schisme. Cette découverte, que l’on se garda bien de divulguer alors, aurait dû éclairer l’empereur ; mais il n’en fut rien. Bien loin de lui ouvrir les yeux, le mécompte qu’il venait d’éprouver le porta à persécuter les