« Pandora » : différence entre les versions

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O Vienne, la bien gardée ! rocher d'amour des paladins ! comme disait le vieux Menzel, tu ne possèdes pas la coupe bénie du Saint-Graal mystique, mais le Stock-im-Eisen des braves compagnons. Ta montagne d'aimant attire invinciblement la pointe des épées, et le Magyar jaloux, le Bohême intrépide, le Lombard généreux mourraient pour te défendre aux pieds divins de Maria Hilf !
 
Je n'ai pu moi-même planter le clou symbolique dans le tronc chargé de fer (Stock-im-Eisen) posé à l'entrée du Graben, à la porte d'un bijoutier ; mais j'ai versé mes plus douces larmes et les plus pures effusions de mon coeurcœur le long des places et des rues, sur les bastions, dans les allées de l'Augarten et sous les bosquets du Prater. J'ai attendri de mes chants d'amour les biches timides et les faisans privés. J'ai promené mes rêveries sur les rampes gazonnées de Schoenbrunn. J'adorais les pâles statues de ces jardins que couronne la Gloriette de Marie-Thérèse, et les chimères du vieux palais m'ont ravi mon coeurcœur pendant que j'admirais leurs yeux divins et que j'espérais m'allaiter à leur sein de marbre éclatant.
 
Pardonne-moi d'avoir surpris un regard de tes beaux yeux, auguste archiduchesse, dont j'aimais tant l'image, peinte sur une enseigne de magasin. Tu me rappelais l'autre ..., rêve de mes jeunes amours, pour qui j'ai si souvent franchi l'espace qui séparait mon toit natal de la ville des Stuarts. J'allais à pied, traversant plaines et bois, rêvant à la Diane valoise qui protège les Médicis ; et, quand, au-dessus des maisons du Pecq et du pavillon d'Henri IV, j'apercevais les tours de brique, cordonnées d'ardoises, alors je traversais la Seine, qui languit et se replie autour de ses îles, et je m'engageais dans les ruines solennelles du vieux château de Saint-Germain. L'aspect ténébreux des hauts portiques, où plane la souris chauve, où fuit le lézard, où bondit le chevreau qui broute les vertes acanthes, me remplissait de joie et d'amour. Puis, quand j'avais gagné le plateau de la montagne, fût-ce à travers le vent et l'orage, quel bonheur encore d'apercevoir, au-delà des maisons, la côte bleuâtre de Mareil, avec son église où reposent les cendres du vieux seigneur de Monteynard !
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— Röschen ! ... si monsieur que voilà se présente en habit bleu, vous le mettrez dehors, et vous le consignerez à la porte de l'hôtel. — J'en ai bien assez, ajouta-t-elle avec colère, des attachés d'ambassade en bleu avec leurs boutons à couronne, et des officiers de Sa Majesté impériale, et des Magyars avec leurs habits de velours et leurs toques à aigrette ! Ce petit-là me servira d'abbé. — Adieu, l'abbé ! C'est convenu, vous viendrez me chercher demain en voiture, et nous irons en partie fine au Prater... mais vous serez en habit noir.
 
Chacun de ces mots m'entrait au coeurcœur comme une épine. Un rendez-vous, un rendez-vous positif pour le lendemain, premier jour de l'année, et en habit noir encore ! Et ce n'était pas tant l'habit noir qui me désespérait : mais ma bourse était vide ! quelle honte ! vide, hélas ! le propre jour de la Saint-Sylvestre ! ...
 
Poussé par un fol espoir, je me hâtai de courir à la poste, pour voir si mon oncle ne m'avait pas adressé une lettre chargée.
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— Mais tu ne sais pas, me dit-il, que c'est aujourd'hui la Saint-Sylvestre ?...
 
— Oh ! c'est juste ! m'écriai-je en apercevant sur la cheminée de Rosa une magnifique garniture de vases remplis de fleurs. Alors, je n'ai plus qu'à me percer le coeurcœur, ou à m'en aller faire un tour vers l'île Lobau, là où se trouve la plus forte branche du Danube ?
 
— Attends encore, dit-il en me saisissant le bras.
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J'étais en train d'avaler quelques pépins de grenade. Une sensation douloureuse succéda dans ma gorge à cette distraction. Je me trouvais étranglé. On me trancha la tête, qui fut exposée à la porte du sérail, et j'étais mort tout de bon, si un perroquet, passant à tire d'aile, n'eût avalé quelques-uns des pépins qui se trouvaient mêlés avec le sang.
 
Il me transporta à Rome sous les berceaux fleuris de la treille du Vatican, où la belle Impéria trônait à la table sacrée, entourée d'un conclave de cardinaux. A l'aspect des plats d'or, je me sentis revivre, et je lui dis : « Je te reconnais bien, Jésabel ! » Puis un craquement se fit dans la salle. C'était l'annonce du Déluge, opéra en trois actes. Il me sembla alors que mon esprit perçait la terre, et, traversant à la nage les bancs de corail de l'Océanie et la mer pourprée des tropiques, je me trouvai jeté sur la rive ombragée de l'île des Amours. C'était la plage de Taïti. Trois jeunes filles m'entouraient et me faisaient peu à peu revenir. Je leur adressai la parole. Elles avaient oublié la langue des hommes Salut mes soeurssœurs du Ciel, leur dis-je en souriant.
 
Je me jetai hors du lit comme un fou, — il faisait grand jour ; il fallait attendre jusqu'à midi pour aller savoir l'effet de ma lettre. La Pandora dormait encore quand j'arrivai chez elle. Elle bondit de joie et me dit : « Allons au Prater, je vais m'habiller. » Pendant que je l'attendais dans son salon, le prince L*** frappa à la porte, et me dit qu'il revenait du château. Je l'avais cru dans ses terres. — Il me parla longtemps de sa force à l'épée, et de certaines rapières dont les étudiants du Nord se servent dans leurs duels. Nous nous escrimions dans l'air, quand notre double Etoile apparut. Ce fut alors à qui ne sortirait pas du salon. Ils se mirent à causer dans une langue que j'ignorais ; mais je ne lâchai pas un pouce de terrain. Nous descendîmes l'escalier tous trois ensemble, et le prince nous accompagna jusqu'à l'entrée du Kohlmarkt.
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On me fit remarquer au palais de France que j'étais fort en retard. La Pandora dépitée s'amusait à faire faire l'exercice à un vieux baron et à un jeune prince grotesquement vêtu en étudiant de carnaval. Ce jeune renard avait dérobé à l'office un chandelier de prix dont il s'était fait un poignard. Il en menaçait les tyrans en déclamant des vers de tragédie et en invoquant l'ombre de Schiller.
 
Pour tuer le temps, on avait imaginé de louer une charade à l'impromptu. - Le mot de la première était Maréchal. Mon premier c'est marée. - Vatel, sous les traits d'un jeune attaché d'ambassade, prononçait un soliloque avant de se plonger dans le coeurcœur la pointe de son épée de gala. Ensuite un aimable diplomate rendait visite à la dame de ses pensées ; il avait un quatrain à la mai. et laissait percer la frange d'un schall dans la poche de son habit. - Assez, suspends ! (sur ce pan) disait la maligne Pandora en tirant à elle le cachemire vrai-Biétry , qui se prétendait tissu de Golconde.
 
Elle dansa ensuite le pas du schall avec une négligence adorable. Puis la troisième scène commença et l'on vit apparaître un illustre Maréchal coiffé de chapeau historique. On continua par une autre charade dont le mot était Mandarin. Cela commençait par un mandat qu'on me fit signer, et où j'inscrivis le nom glorieux de Macaire (Robert), baron des Adrets, époux en secondes noces de la trop sensible Eloa. Je fus très applaudi dans cette bouffonnerie. Le second terme de la charade était Rhin. On chanta les vers d'Alfred de Musset. Le tout amena l'apparition d'un véritable Mandarin drapé d'un cachemire, qui, les jambes croisées, fumait paresseusement son houka.