« Macbeth/Traduction Guizot, 1864 » : différence entre les versions

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Macbeth s’était rendu célèbre par son courage, et on l’eût jugé parfaitement digne de régner s’il n’eût été « de sa nature, » dit la chronique, « quelque peu cruel. » Duncan, au contraire, prince peu guerrier, poussait jusqu’à l’excès la douceur et la bonté ; en sorte que si l’on eût pu fondre le caractère des deux cousins et les tempérer l’un par l’autre, on aurait eu, dit la chronique. « un digne roi et un excellent capitaine. »
 
Après quelques années d’un règne paisible, la faiblesse de Duncan ayant encouragé les malfaiteurs, Banquo, thane de Lochaber, chargé de recueillir les revenus du roi, se vit forcé de punir un peu sévèrement (''somewhat sharpelie'') quelques-uns des plus coupables, ce qui occasionna une révolte. Banquo, dépouillé de tout l’argent qu’il avait reçu, faillit perdre la vie, et ne s’échappa qu’avec peine et couvert de blessures. Aussitôt qu’elles lui permirent de se rendre à la cour, il alla porter plainte à Duncan et il détermina enfin celui-ci à faire sommer les coupables de comparaître ; mais ils tuèrent
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le sergent d’armes qu’on leur avait envoyé et se préparèrent à la défense, excités par Macdowald, le plus considéré d’entre eux, qui, réunissant autour de lui ses parents et ses amis, leur représenta Duncan comme un lâche au cœur faible (''faint hearted milksop''), plus propre à gouverner des moines qu’à régner sur une nation aussi guerrière que les Écossais. La révolte s’étendit particulièrement sur les îles de l’ouest, d’où une foule de guerriers vinrent dans le Lochaber se ranger autour de Macdowald ; l’espoir du butin attira aussi d’Irlande un grand nombre de Kernes et de Gallouglasses<ref>Soldats d’infanterie, armés les premiers à la légère, les seconds d’armes pesantes.</ref>, prêts à suivre Macdowald partout où il voudrait les conduire. Au moyen de ces renforts, Macdowald battit les troupes que le roi avait envoyées à sa rencontre, prit leur chef Malcolm, et, après la bataille, lui fit trancher la tête.
 
Duncan, consterné de ces nouvelles, assembla un conseil où Macbeth lui ayant vivement reproché sa faiblesse et sa lenteur à punir, qui laissaient aux rebelles le temps de s’assembler, offrit cependant de se charger, avec Banquo, de la conduite de la guerre. Son offre ayant été acceptée, le seul bruit de son approche avec de nouvelles troupes effraya tellement les rebelles qu’un grand nombre déserta secrètement ; et Macdowald, ayant essayé avec le reste, de tenir tête à Macbeth, fut mis en déroute et forcé de s’enfuir dans un château où il avait renfermé sa femme et ses enfants ; mais, désespérant d’y pouvoir tenir, et dans la crainte des supplices, il se tua, après avoir tué d’abord sa femme et ses enfants. Macbeth entra sans obstacle dans le château, dont les portes étaient demeurées ouvertes. Il n’y trouva plus que le cadavre de Macdowald au milieu de ceux de sa famille ; et la barbarie de ce temps fut révoltée de ce qu’insensible à ce tragique spectacle, Macbeth fit couper la tête de Macdowald pour l’envoyer au roi, et attacher le reste du corps à un gibet. Il fit acheter très-cher aux habitants des îles le pardon de leur révolte, ce qui ne l’empêcha pas de faire exécuter tous ceux qu’il put prendre encore dans le Lochaber. Les habitants se récrièrent hautement contre cette violation de la foi promise, et les injures qu’ils proférèrent contre lui, à cette occasion, irritèrent tellement Macbeth qu’il fut près de passer dans les îles avec une armée pour se venger ; mais il fut détourné de ce projet par les conseils de ses amis, et surtout par les présents au moyen desquels les insulaires achetèrent une seconde fois leur pardon.
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Peu de temps après, Suénon, roi de Norwége, ayant fait une descente en Écosse, Duncan, pour lui résister, se mit à la tête de la portion la plus considérable de son armée, dont il confia le reste à Macbeth et à Banquo. Duncan, battu et près de s’enfuir, se réfugia dans le château de Perth, où Suénon vint l’assiéger. Duncan ayant secrètement instruit Macbeth de ses intentions, feignit de vouloir traiter et traîna la chose en longueur jusqu’à ce qu’enfin, averti que Macbeth avait réuni des forces suffisantes, il indiqua un jour pour livrer la place, et en attendant il offrit aux Norwégiens de leur envoyer des provisions de bouche, qu’ils acceptèrent avec d’autant plus d’empressement que depuis plusieurs jours ils souffraient beaucoup de la disette. Le pain et la bière qu’on leur livra avaient été mêlés du jus d’une baie extrêmement narcotique, en sorte que, s’en étant rassasiés avec avidité, ils tombèrent dans un sommeil dont il fut impossible de les tirer. Alors Duncan fit avertir Macbeth, qui, arrivant en diligence et entrant sans obstacle dans le camp, massacra tous les Norwégiens, dont la plupart ne se réveillèrent pas, et dont les autres se trouvèrent tellement étourdis par l’effet du soporifique qu’ils ne purent faire aucune défense. Un grand nombre de mariniers de la flotte norwégienne, qui étaient venus pour prendre leur part de l’abondance répandue dans le camp, partagèrent le sort de leurs compatriotes, et Suénon, qui se sauva, lui onzième, de cette boucherie, trouva à peine assez d’hommes pour conduire le vaisseau sur lequel il s’enfuit en Norwége. Ceux qu’il laissa derrière furent, trois jours après, tellement battus par un vent d’est qu’ils se brisèrent les uns contre les autres et s’enfoncèrent dans la mer, dans un lieu appelé les sables de Drownelow, où ils sont encore aujourd’hui (1574), dit la chronique, « au grand danger des vaisseaux qui viennent sur la côte, la mer les couvrant entièrement pendant le flux, tandis que le reflux en laisse paraître quelques parties au-dessus de l’eau. » Ce désastre causa une telle consternation en Norwége qu’encore plusieurs années après on n’y armait point un chevalier sans lui faire jurer de venger ses compatriotes tués en Écosse. Duncan, pour célébrer sa délivrance, ordonna de grandes processions ; mais, pendant qu’on les célébrait, on apprit le débarquement d’une armée de Danois, sous les ordres de Canut, roi d’Angleterre, qui venait venger son frère Suénon. Macbeth et Banquo allerent au-devant d’eux, les défirent, les forcèrent à se rembarquer et à payer une somme considérable pour obtenir la permission d’enterrer leurs morts à Saint-Colmes-Inch, où, dit la chronique, on voit encore un grand nombre de vieux tombeaux sur lesquels sont gravés les armes des Danois.
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Tels sont, dans les exploits de Macbeth et de Banquo, ceux dont Shakespeare, d’après Hollinshed, a fait usage dans sa tragédie. Ce fut peu de temps après que Macbeth et Banquo, se rendant à Fores, où était le roi, et chassant en chemin à travers les bois et les champs, « sans autre compagnie que seulement eux-mêmes, » furent soudainement accostés, au milieu d’une lande, par trois femmes bizarrement vêtues et « semblables à des créatures de l’ancien monde » (''elder world''), qui saluèrent Macbeth précisément comme on le voit dans la tragédie. Sur quoi Banquo : « Quelle manière de femmes êtes-vous donc, dit-il, de vous montrer si peu favorables envers moi que vous assigniez à mon compagnon non-seulement de grands emplois, mais encore un royaume, tandis qu’à moi vous ne me donnez rien du tout ? — Vraiment, dit la première d’entre elles, nous te promettons de plus grands biens qu’à lui, car il régnera en effet, mais avec une fin malheureuse, et il ne laissera aucune postérité pour lui succéder ; tandis qu’au contraire toi, à la vérité, ne régneras pas du tout, mais de toi sortiront ceux qui gouverneront l’Écosse par une longue suite de postérité non interrompue. » Aussitôt elles disparurent. Quelque temps après, le thane de Cawdor ayant été mis à mort pour cause de trahison, son titre fut conféré à Macbeth, qui commença, ainsi que Banquo, à ajouter grande foi aux prédictions des sorcières et à rêver aux moyens de parvenir à la couronne.
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Il avait des chances d’y arriver légitimement, les fils de Duncan n’étant pas encore en âge de régner et la loi d’Écosse portant que si le roi mourait avant que ses fils ou descendants en ligne directe fussent assez âgés pour prendre le maniement des affaires, on élirait à leur place le plus proche parent du roi défunt. Mais Duncan ayant désigné, avant l’âge, son fils Malcolm pour prince de Cumberland et son successeur au trône, Macbeth, qui vit par là ses espérances renversées, se crut en droit de venger l’injustice qu’il éprouvait. Il y était d’ailleurs sans cesse excité par Caithness, sa femme, qui, brûlant du désir de se voir reine, « et impatiente de tout délai, dit Boèce, comme le sont toutes les femmes, » ne cessait de lui reprocher son manque de courage. Macbeth ayant donc assemblé à Inverness, d’autres disent à Botgsvane, un grand nombre de ses amis auxquels il fit part de son projet, tua Duncan, et se rendit avec son parti à Scone, où il se mit sans difficulté en possession de la couronne.
 
La chronique de Hollinshed rapporte sans aucun détail le meurtre de Duncan. Les incidents qu’a mis en scène Shakspeare sont tirés d’une autre partie de cette même chronique concernant le meurtre du roi Duffe, assassiné, plus de soixante ans auparavant, par un seigneur écossais
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nommé Donwald. Voici les circonstances de ce meurtre telles que les rapporte la chronique.
 
Duffe s’était montré, dès le commencement de son règne, très-occupé de protéger le peuple contre les malfaiteurs et « personnes oisives qui ne voulaient vivre que sur les biens des autres. » Il en fit exécuter plusieurs, força les autres à se retirer en Irlande ou bien à apprendre quelque métier pour vivre. Bien qu’ils ne tinssent, à ce qu’il paraît, à la haute noblesse d’Écosse que par des degrés assez éloignés, les nobles, dit la chronique, furent très-offensés de « cette extrême rigueur, regardant comme un déshonneur, pour des gens descendus de noble parentage, d’être contraints de gagner leur vie par le travail de leurs mains, ce qui n’appartient qu’aux hommes de la glèbe et autres de la basse classe, nés pour travailler à nourrir la noblesse et pour obéir à ses ordres. » Le roi fut, en conséquence, regardé par eux comme ennemi des nobles et indigne de les gouverner, étant, disaient-ils, uniquement dévoué aux intérêts du peuple et du clergé, qui faisaient, en ce temps, cause commune contre l’oppression des grands seigneurs. Le mécontentement s’accroissant tous les jours, il s’éleva plusieurs révoltes, dans l’une desquelles entrèrent quelques jeunes gentilshommes, parents de Donwald, lieutenant pour le roi du château de Fores. Ces jeunes gens furent pris, et Donwald, qui jusqu’alors avait servi fidèlement et utilement le roi, se flatta d’obtenir leur grâce ; mais n’ayant pu y parvenir, il en conçut un violent ressentiment. Sa femme, que des causes pareilles irritaient contre le roi, n’épargna rien pour l’aigrir et lui fit comprendre combien il lui serait facile de se venger lorsque Duffe viendrait, comme cela lui arrivait souvent, loger à Fores, sans autre garde que la garnison du château, qui était entièrement à leur dévotion, et elle lui en indiqua tous les moyens.
 
Duffe étant venu peu de temps après à Fores, la veille de son départ, lorsqu’il se fut couché après avoir prié Dieu beaucoup plus tard qu’à l’ordinaire, Donwald et sa femme se mirent à table avec les deux chambellans, dont ils avaient préparé avec soin « l’arrière-souper ou collation, » et les enivrèrent si bien qu’ils les firent tomber dans un sommeil léthargique. Alors Donwald, « quoique dans son cœur il abhorrât cette action, » excité par sa femme, appela quatre de ses domestiques instruits de son projet, et qu’il avait séduits par des présents. Ils entrèrent dans la chambre de Duffe, le tuèrent, emportèrent son corps hors du château par une poterne, et, le mettant sur un cheval préparé à cet effet, le transportèrent à deux milles de là, près d’une petite rivière qu’ils détournèrent avec l’aide de quelques paysans ;
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puis, creusant une fosse dans le fond du lit de la rivière, ils y enterrèrent le cadavre et firent repasser les eaux par-dessus, dans la crainte que s’il venait à être découvert, ses blessures ne saignassent lorsque Donwald en approcherait, et ne le fissent ainsi reconnaître comme l’auteur du meurtre. Donwald, pendant ce temps, avait eu soin de se tenir parmi ceux qui faisaient la garde, et qu’il ne quitta pas pendant le reste de la nuit. Les circonstances subséquentes, relatives au meurtre des deux chambellans, sont telles que Shakspeare les a représentées dans Macbeth. Il en est de même des prodiges qu’il rapporte et qui eurent lieu à la mort de Duffe. Le soleil ne parut point durant six mois, jusqu’à ce qu’enfin les meurtriers ayant été découverts et exécutés, il brilla de nouveau sur la terre, et les champs se couvrirent de fleurs, bien que ce ne fût pas la saison.
 
Pour revenir à Macbeth, les dix premières années de son règne furent signalées par un gouvernement sage, équitable et vigoureux. On rapporte plusieurs de ses lois, dont voici quelques-unes :
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« Personne ne pourra siéger dans une cour temporelle, sans y être autorisé par une convention du roi. » Tous les actes doivent être également passés au nom du roi.
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Quelques autres lois ont pour objet d’assurer les immunités du clergé et l’autorité des censures de l’Église, de régler les devoirs de la chevalerie, les successions, etc. Plusieurs de ces lois, dont quelques-unes assez singulières pour le temps, sont faites par des motifs d’ordre et de règle ; d’autres sont destinées à maintenir l’indépendance civile contre le pouvoir des officiers de la couronne ; mais la plupart ont évidemment pour objet de diminuer la puissance des nobles et de concentrer toute l’autorité dans les mains du roi. Toutes sont rapportées par les historiens du temps comme des lois sages et bienfaisantes ; et si Macbeth fût arrivé au trône par des moyens légitimes, s’il eût continué dans les voies de la justice comme il avait commencé, il aurait pu, dit la chronique de Hollinshed, « être compté au nombre des plus grands princes qui eussent jamais régné. »
 
Mais ce n’était, continue notre chronique, qu’un zèle d’équité contrefait et contraire à son inclination naturelle. Macbeth se montra enfin tel qu’il était ; et le même sentiment de sa situation qui l’avait porté à rechercher la faveur publique par la justice changea la justice en cruauté ; « car les remords de sa conscience le tenaient dans une crainte continuelle qu’on ne le servît de la même coupe qu’il avait administrée à son prédécesseur. » Dès lors commence le Macbeth de la tragédie. Le meurtre de Banquo, exécuté de la même manière et pour les mêmes motifs que ceux que lui attribue Shakspeare, est suivi d’un grand nombre d’autres crimes qui lui font « trouver une telle douceur à mettre ses nobles à mort que sa soif pour le sang ne peut plus être satisfaite, et le peuple n’est, pas plus que la noblesse, à l’abri de ses barbaries et de ses rapines. » Des magiciens l’avaient averti de se garder de Macduff, dont la puissance d’ailleurs lui faisait ombrage, et sa haine contre lui ne cherchait qu’un prétexte. Macduff, prévenu du danger, forma le projet de passer en Angleterre pour engager Malcolm, qui s’y était réfugié, à venir réclamer ses droits. Macbeth en fut informé, « car les rois, dit la chronique, ont des yeux aussi perçants que le lynx et des oreilles aussi longues que Midas, » et Macbeth tenait chez tous les nobles de son royaume des espions à ses gages. La fuite de Macduff, le massacre de tout ce qui lui appartenait, sa conversation avec Malcolm, sont des faits tirés de la chronique. Malcolm opposa d’abord aux empressements de Macduff des raisons tirées de sa propre incontinence, et Macduff lui répondit comme dans Shakspeare, en ajoutant seulement : « Fais-toi toujours roi, et j’arrangerai les choses avec tant de prudence que tu pourras te satisfaire à ton plaisir, si secrètement que personne ne s’en apercevra. » Le reste
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de la scène est fidèlement imité par le poëte ; et tout ce qui concerne la mort de Macbeth, les prédictions qui lui avaient été faites et la manière dont elles furent à la fois éludées et accomplies, est tiré presque mot pour mot de la chronique où nous voyons enfin comment « par l’illusion du diable il déshonora, par la plus terrible cruauté, un règne dont les commencements avaient été utiles à son peuple<ref>Chroniques de Hollinshed, édit. in-fol. de 1586, t. I, p. 168 et suiv., et pour ce qui concerne le meurtre du roi Duffe, p. 150 et suiv. C’est probablement des faits fournis par Hector Boèce à cette chronique que Buchanan, en rapportant beaucoup plus sommairement l’histoire de Macbeth, a dit : ''Multa hic fabulose quidam nostrorum affingunt ; sed quia theatris aut milesiis fabulis sunt aptiora quam historiæ, ea omitto''. (''Rerum Scot. Hist. l.'' VII.)</ref>. » Macbeth avait assassiné Duncan en 1040 ; il fut tué lui-même en 1057, après dix sept ans de règne.
 
Tel est l’ensemble de faits auquel Shakespeare s’est chargé de donner l’âme et la vie. Il se place simplement au milieu des événements et des personnages, et d’un souffle mettant en mouvement toutes ces choses inanimées, il nous fait assister au spectacle de leur existence. Loin de rien ajouter aux incidents que lui a fournis la relation à laquelle il emprunte son sujet, il en retranche beaucoup ; il élague surtout ce qui altérerait la simplicité de sa marche et embarrasserait l’action de ses personnages ; il supprime ce qui l’empêcherait de les pénétrer d’une seule vue et de les peindre en quelques traits. Macbeth, avec les crimes et les grandes qualités que lui attribue son histoire, serait un être trop compliqué ; il faudrait en lui trop d’ambition et trop de vertu à la fois pour que l’une de ses dispositions pût se soutenir quelque temps en présence de l’autre, et l’on aurait besoin de trop grandes machines pour faire pencher la balance de l’un ou l’autre côté. Le Macbeth de Shakespeare n’est brillant que par ses vertus guerrières, et surtout par sa valeur personnelle ; il n’a que les qualités et les défauts d’un barbare : brave, mais point étranger à la crainte du péril dès qu’il y croit, cruel et sensible par accès, perfide par inconstance, toujours prêt à céder à la tentation qui se présente, qu’elle soit de crime ou de vertu, il a bien, dans son ambition et dans ses forfaits, ce caractère d’irréflexion et de mobilité qui appartient à une civilisation presque sauvage ; ses passions sont impérieuses, mais aucune série de raisonnements et de projets ne les détermine et ne les gouverne ; c’est un arbre élevé, mais sans racines, que le moindre vent peut ébranler et dont la chute est un désastre. De là naît sa grandeur tragique ; elle est dans sa destinée
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plus que dans son caractère. Macbeth, placé plus loin des espérances du trône, fût demeuré vertueux, et sa vertu eût été inquiète, car elle eût été seulement le fruit de la circonstance ; son crime devient pour lui un supplice, parce que c’est la circonstance qui le lui a fuit commettre : ce crime n’est pas sorti du fond de la nature de Macbeth ; et cependant il s’attache à lui, l’enveloppe, l’enchaîne, le déchire de toutes parts, et lui crée ainsi une destinée tourmentée et irrémissible, où le malheureux s’agite vainement, ne faisant rien qui ne l’enfonce toujours davantage, et avec plus de désespoir, dans la carrière que lui prescrit désormais son implacable persécuteur. Macbeth est un de ces caractères marqués dans toutes les superstitions pour devenir la proie et l’instrument de l’esprit pervers, qui prend plaisir à les perdre parce qu’ils ont reçu quelque étincelle de la nature divine, et qui en même temps n’y rencontre que peu de difficultés, car cette lumière céleste ne lance en eux que des rayons passagers, à chaque instant obscurcis par des orages.
 
Lady Macbeth est bien précisément la femme d’un tel homme, le produit d’un même état de civilisation, d’une même habitude de passions. Elle y joint de plus d’être une femme, c’est-à-dire sans prévoyance, sans généralité dans les vues, n’apercevant à la fois qu’une seule partie d’une seule idée, et s’y livrant tout entière sans jamais admettre ce qui pourrait l’en distraire et l’y troubler. Les sentiments qui appartiennent à son sexe ne lui sont point étrangers : elle aime son mari, connaît les joies d’une mère, et n’a pu tuer elle-même Duncan, parce qu’il ressemblait à son père endormi ; mais elle veut être reine. Il faut pour cela que Duncan périsse ; elle ne voit dans la mort de Duncan que le plaisir d’être reine ; son courage est facile, car elle n’aperçoit pas ce qui pourrait la faire reculer. Lorsque la passion sera satisfaite et l’action commise, alors seulement les autres conséquences lui en seront révélées comme une nouveauté dont elle n’avait pas eu la plus légère prévision. Ces craintes, cette nécessité de nouveaux forfaits, que son mari avait entrevus d’avance, elle n’y avait jamais songé. Elle voulait bien rejeter le crime sur les deux chambellans ; mais ce n’est pas elle qui songe à les tuer ; ce n’est pas elle qui prépare le meurtre de Banquo, le massacre de la famille de Macduff. Elle n’a pas vu si loin ; elle n’avait pas même deviné, en entrant dans la chambre de Duncan égorgé, l’effet que produirait sur elle un pareil spectacle. Elle en sort troublée, ne dédaignant plus les terreurs de son mari, mais l’engageant seulement à ne se pas trop arrêter sur des images, dont on voit qu’elle commence à se sentir elle-même obsédée. Le coup est porté et se révélera dans l’admirable
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et terrible scène du somnambulisme : c’est là que nous apprendrons ce que devient, lorsqu’il n’est plus soutenu par l’aveugle emportement de la passion, ce caractère en apparence si inébranlable. Macbeth s’est affermi dans le crime, après avoir hésité à le commettre, parce qu’il le comprenait ; nous verrons sa femme, succombant sous la connaissance qu’elle en a trop tard acquise, substituer une idée fixe à une autre, mourir pour s’en délivrer, et punir par la folie du désespoir le crime que lui a fait commettre la folie de l’ambition.
 
Les autres personnages, amenés seulement pour concourir à ce grand tableau de la marche et de la destinée du crime, n’ont d’autre couleur que celle de la situation que leur donne l’histoire. Les sorcières sont bien ce qu’elles doivent être, et je ne sais pourquoi il est d’usage de se récrier avec dégoût contre cette portion de la représentation de Macbeth : lorsqu’on voit ces viles créatures arbitres de la vie, de la mort, de toutes les chances et de tous les intérêts de l’humanité, et qui en disposent d’après les plus méprisables caprices de leur odieuse nature, à la terreur qu’inspire leur pouvoir se joint l’effroi que fait naître leur déraison, et le ridicule même d’un tel spectacle en augmente l’effet.
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Le style de Macbeth est remarquable, dans son énergie sauvage, par une recherche qu’on aura raison de lui reprocher, mais qu’à tort on regarderait comme contraire à la vérité autant qu’elle l’est au naturel : la recherche n’est point incompatible avec la grossièreté des mœurs et des idées ; elle semble même assez ordinaire aux temps et aux situations où manquent les idées générales. L’esprit, qui ne peut demeurer oisif, s’attache alors aux plus petits rapports, s’y complaît et s’en fait une habitude que nous retrouvons dans toutes les situations analogues. Rien n’est plus alambiqué que l’esprit de la littérature du moyen âge. Ce que nous connaissons des discours des sauvages contient beaucoup d’idées recherchées ; la recherche est le caractère des beaux esprits de la classe inférieure ; les injures mêmes des gens du peuple sont composées quelquefois avec une recherche tout à fait singulière, comme si, dans ces moments où la colère exalte les facultés, leur esprit saisissait avec plus de facilité et d’abondance les rapports de ce genre, les seuls où il soit capable d’atteindre.
 
On croit que Macbeth fut représenté en 1606 ; l’idée de faire une tragédie sur ce sujet, nécessairement agréable au roi Jacques, qui venait de monter sur le trône d’Angleterre, fut probablement inspirée à Shakspeare par une pièce de vers en une petite scène, qu’en 1605, des étudiants d’Oxford récitèrent en latin devant le roi, et en
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anglais devant la reine qui l’avait accompagné dans la ville. Les étudiants étaient au nombre de trois et parlaient probablement tour à tour ; leurs discours roulèrent sur la prédiction faite à Banquo ; et par une allusion au triple salut qu’avait reçu Macbeth, ils saluèrent Jacques roi d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande. Ils le saluèrent même roi de France, ce qui détruisait assez gratuitement la vertu du nombre trois.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/232]]==
MACBETH
 
== PERSONNAGES ==
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/233]]==
 
:DUNCAN, roi d’Écosse.
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(Une voix les appelle.)
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/234]]==
 
{{Personnage|PREMIÈRE SORCIÈRE}}. — J’y vais, Grimalkin<ref>Grimalkin, nom d’un vieux chat. Grimalkin est très-souvent, en Angleterre, le nom propre d’un chat.</ref> !
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::Do swarm upon him.
 
M. Steevens explique to that par in addition to that (outre cela) ; je crois qu’il se trompe et que to that signifie ici pour cela. Le sergent, qui vient de combattre loyalement un rebelle, regarde le caractère du rebelle comme le plus monstrueux de tous, et comme l’assemblage de tous les vices de la nature. Dans la chronique d’Hollinshed, le rebelle porte le nom de Macdowald.</ref> des vices de la nature s’est abattu sur lui pour l’amener là) avait reçu des îles de l’ouest un renfort de Kernes<ref>Deux espèces de soldats, les premiers armés à la légère, les autres plus pesamment.</ref> et de Gallow-
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/235]]==
Glasses ; et la Fortune, souriant à sa cause maudite, semblait se faire la prostituée d’un rebelle. Mais tout cela n’a pas suffi. Le brave Macbeth (il a bien mérité ce nom) dédaignant la Fortune, comme le favori de la Valeur, avec son épée qu’il brandissait toute fumante d’une sanglante exécution, s’est ouvert un passage, jusqu’à ce qu’il se soit trouvé en face du traître, à qui il n’a pas donné de poignée de mains ni dit adieu, qu’il ne l’eût décousu du nombril à la mâchoire, et qu’il n’eût placé sa tête sur nos remparts.
 
{{Personnage|DUNCAN}}. — O mon brave cousin ! digne gentilhomme !
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{{Personnage|MALCOLM}}. — C’est le digne thane de Rosse.
 
{{Personnage|LENOX}}. — Quel empressement peint dans ses regards ! A le voir, il aurait l’air de nous annoncer d’étranges choses.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/236]]==
le voir, il aurait l’air de nous annoncer d’étranges choses.
 
{{Personnage|ROSSE}}. — Dieu sauve le roi !
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{{Personnage|TROISIÈME SORCIÈRE}}. — Et toi, ma sœur ?
 
{{Personnage|PREMIÈRE SORCIÈRE}}. — La femme d’un matelot avait des châtaignes dans son tablier ; elle mâchonnait, mâchonnait,
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/237]]==
mâchonnait.—Donne-m’en, lui ai-je dit.—Arrière, sorcière ! m’a répondu cette maigrichonne<ref>La sorcière insulte ici la pauvreté de son ennemie qui vivait, disait-elle, des restes qu’on distribuait à la porte des couvents et des maisons opulentes.</ref> nourrie de croupions.—Son mari est parti pour Alep, comme patron du Tigre ; mais je m’embarquerai avec lui dans un tamis, et sous la forme d’un rat sans queue<ref>Lorsqu’une sorcière prenait la forme d’un animal, la queue lui manquait toujours, parce que, disait-on, il n’y a pas dans le corps humain de partie correspondante dont on puisse façonner une queue, comme on fait du nez le museau, des pieds et des mains les pattes, etc.</ref>, je ferai, je ferai, je ferai.
 
{{Personnage|DEUXIÈME SORCIÈRE}}. — Je te donnerai un vent.
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{{Personnage|TROISIÈME SORCIÈRE}}. — Le tambour ! le tambour ! Macbeth arrive.
 
{{Personnage|TOUTES TROIS ENSEMBLE}}. — Les sœurs du Destin<ref name=p235>The weird sisters. La chronique d’Hollinshed, en rapportant l’apparition des trois figures étranges qui prédirent à Macbeth sa future grandeur, dit que, d’après l’accomplissement de leurs prophéties, on fut généralement d’opinion que c’étaient ou the weird sisters, « comme qui dirait les déesses de la destinée, ou quelques nymphes ou fées que leurs connaissances nécromantiques douaient de la science de prophétie. » Warburton les prend pour les walkyries, nymphes du paradis d’Odin, chargées de conduire les âmes des morts et de verser à boire aux guerriers ; et les fonctions que s’attribuent, dans leur chant magique, les </ref> se
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/238]]==
tenant par la main, parcourant les terres et les mers, ainsi tournent, tournent, trois fois pour le tien, trois fois pour le mien, et trois fois encore pour faire neuf. Paix ! le charme est accompli.
 
(Macbeth et Banquo paraissent, traversant cette plaine de bruyères ; ils sont suivis d’officiers et de soldats.)
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{{Personnage|MACBETH}}. — Je n’ai jamais vu de jour si sombre et si beau.
 
{{Personnage|BANQUO}}. — Combien dit-on qu’il y a d’ici à Fores ? —Quelles sont ces créatures si décharnées et vêtues d’une manière si bizarre ? Elles ne ressemblent point aux habitants de la terre, et pourtant elles y sont.—Êtes-vous des êtres que l’homme puisse questionner ? Vous semblez me comprendre, puisque vous placez toutes trois à la fois<ref follow=p235>sorcières de Shakspeare, étaient aussi, selon quelques auteurs, celles que la mythologie scandinave attribuait aux walkyries. Mais on oppose à cette opinion de Warburton, que les walkyries étaient très-belles, et ne peuvent être représentées par les sorcières de Shakspeare avec leurs barbes ; que, d’ailleurs, les walkyries étaient plus de trois, ce qui paraît être le nombre fixe des weird sisters. Il y a lieu de croire que ces divinités avaient du rapport avec les Parques ; et un ancien auteur anglais (Gawin Douglas), qui a donné une traduction de Virgile, y rend en effet le nom de Parcæ par ceux weird sisters, et on trouve le mot wierd ou weird employé dans le même sens par d’autres auteurs. D’autres en ont fait un substantif, et l’ont employé dans le sens de prophétie, d’après la signification du mot anglo-saxon wyrd, d’où il est dérivé. Ce qui paraît clair, c’est que Shakspeare, de même que dans la Tempête, au lieu de s’astreindre à suivre exactement un système de mythologie, a réuni sur un même personnage les diverses attributions appartenant à des êtres d’ordres fort différents, et a présenté comme identiques les sœurs du destin (weird sisters) et les sorcières (witches) que la chronique d’Hollinshed distingue positivement, attribuant la première prédiction faite à Macbeth et à Banquo aux weird sisters, tandis qu’elle attribue les prédictions subséquentes à certains sorciers et sorcières (wizards et witches), en qui Macbeth avait grande confiance, et qu’il consultait habituellement. Les weird sisters étaient des êtres surnaturels, de véritables déesses qui ne se communiquaient aux mortels que par des apparitions, tandis que les sorciers et les sorcières étaient simplement des hommes et des femmes initiés dans les mystères diaboliques de la sorcellerie. Shakspeare a de plus subordonné ses sorcières à Hécate, divinité du paganisme.</ref>
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/239]]==
votre doigt décharné sur vos lèvres de parchemin. Je vous prendrais pour des femmes si votre barbe ne me défendait de le supposer.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Parlez, si vous pouvez ; qui êtes-vous ?
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{{Personnage|PREMIÈRE SORCIÈRE}}. — Banquo et Macbeth, salut !
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Demeurez ; vous dont les discours demeurent imparfaits, dites-m’en davantage. Par la mort de Sinel, je sais que je suis thane de Glamis ; mais comment le serais-je de Cawdor ? Le thane de Cawdor est vivant, est un seigneur prospère ; et devenir roi n’entre pas dans la perspective de ma croyance, pas plus que d’être thane de Cawdor. Parlez, d’où tenez-vous ces
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/240]]==
étranges nouvelles, et pourquoi arrêtez-vous nos pas sur ces bruyères desséchées par vos prophétiques saluts ? —Je vous somme de parler.
 
(Les sorcières disparaissent.)
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:Which should be thine or his.
 
<p>On a tâché de rendre ici exactement, mais sans espoir de la rendre clairement, une subtilité qui a d’autant plus embarrassé les commentateurs anglais, qu’ils ont voulu y trouver plus de sens qu’elle n’en a réellement. Shakspeare n’a prétendu dire autre chose, si ce n’est que Duncan ne savait s’il devait plus s’étonner des exploits de Macbeth ou l’en louer ; en sorte que l’étonnement appartenant à Duncan, et les éloges à Macbeth, disputaient which should be thine or his.</p></ref>. Réduit par là au silence, en parcourant le reste des événements du même jour, il t’a trouvé au milieu des solides bataillons norwégiens, sans effroi au milieu de ces étranges spectacles de mort, ouvrage
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/241]]==
de ta main. Aussi pressés que la parole, les courriers succédaient aux courriers, chacun apportant et répandant devant lui les éloges que tu mérites pour cette étonnante défense de son royaume.
 
{{Personnage|ANGUS}}. — Nous avons été envoyés pour te porter les remerciements de notre royal maître, pour te conduire en sa présence, non pour te récompenser.
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{{Personnage|BANQUO}}. — Si vous le croyez sincèrement, cela pourrait bien aussi vous faire aspirer à obtenir la couronne, outre le titre de thane de Cawdor ; mais c’est étrange ; et souvent, pour nous attirer à notre perte, les ministres des ténèbres nous disent la vérité : ils nous amorcent par des bagatelles permises, pour nous précipiter ensuite dans les conséquences les plus funestes.—Mes cousins, un mot, je vous prie.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Deux vérités m’ont été dites<ref name=p239> Les commentateurs sont assez embarrassés à expliquer comment Macbeth, déjà thane de Glamis, ''par la mort de Sinel'', lors </ref>, favorables
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/242]]==
prologues de la grande scène de ce royal sujet.—Je vous remercie, messieurs.—Cette instigation surnaturelle ne peut être mauvaise, ne peut être bonne. Si elle est mauvaise, pourquoi me donnerait-elle un gage de succès, en commençant ainsi par une vérité ? Je suis thane de Cawdor. Si elle est bonne, pourquoi est-ce que je cède à cette suggestion, dont l’horrible image agite mes cheveux et fait que mon cœur, retenu à sa place, va frapper mes côtes par un mouvement contraire aux lois de la nature ? Les craintes présentes sont moins terribles que d’horribles pensées. Mon esprit, où le meurtre n’est encore qu’un fantôme, ébranle tellement mon individu que toutes les fonctions en sont absorbées par les conjectures ; et rien n’y existe que ce qui n’est pas.
 
{{Personnage|BANQUO}}. — Voyez dans quelles réflexions est plongé notre compagnon.
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{{Personnage|BANQUO}}. — Digne Macbeth, nous attendons votre bon plaisir.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Pardonnez-moi : ma mauvaise tête se tra<ref follow=p239>de la rencontre des sorcières, peut regarder le salut qu’elles lui ont donné sous ce premier titre comme une preuve de leur science surnaturelle. Le traducteur écossais de Boèce semble faire entendre que Sinel ne mourut qu’après cette rencontre. Hollinshed dit, au contraire, que Macbeth, par la mort de son père, venait d’entrer (had lately entered) en possession du titre de thane de Glamis. C’est bien certainement la chronique d’Hollinshed que Shakspeare a suivie en ceci, comme dans tout le reste de la pièce ; Macbeth, ayant soin de nous apprendre quel événement l’a rendu thane de Glamis, prouve clairement que la nouvelle en est si récente pour lui, que l’idée de ce titre ne lui est pas encore familière et ne se lie qu’à la circonstance qui l’en a rendu possesseur. Shakspeare a donc voulu indiquer un événement si nouveau que Macbeth peut s’étonner que des personnes qui lui sont étrangères en soient déjà instruites.</ref>
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/243]]==
vaillait à retrouver des choses oubliées.—Nobles seigneurs, vos services sont consignés dans un registre dont chaque jour je tournerai la feuille pour les relire.—Allons trouver le roi. (A Banquo.) Réfléchissez à ce qui est arrivé ; et, plus à loisir, après avoir tout bien pesé, dans l’intervalle, nous en parlerons à cœur ouvert.
 
{{Personnage|BANQUO}}. — Très-volontiers.
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{{Personnage|MALCOLM}}. — Mon souverain, ils ne sont pas encore de retour ; mais j’ai parlé à quelqu’un qui l’avait vu mourir. Il m’a rapporté qu’il avait très-franchement avoué sa trahison, imploré le pardon de Votre Majesté, et manifesté un profond repentir. Il n’y a rien eu dans sa vie d’aussi honorable que la manière dont il l’a quittée. Il est mort en homme qui s’est étudié, en mourant, à laisser échapper la plus chère de ses possessions comme une bagatelle sans importance.
 
{{Personnage|DUNCAN}}. — Il n’y a point d’art qui apprenne à découvrir sur le visage les inclinations de l’âme : c’était un homme en qui j’avais placé une confiance absolue.—(Entrent Macbeth, Banquo, Rosse et Angus.) O mon très-digne cousin, je sentais déjà peser sur moi le poids de l’ingratitude. Tu as tellement pris les devants, que la plus rapide récompense n’a pour t’atteindre qu’une aile bien lente.—Je voudrais que tu eusses moins mérité, et que tu m’eusses ainsi laissé les moyens de régler moi-même la mesure de ton salaire et de ma reconnaissance. Il me reste seulement à te dire qu’il t’est dû plus qu’on ne pourrait acquitter en allant au delà de toute récompense possible.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/244]]==
ne pourrait acquitter en allant au delà de toute récompense possible.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Le service et la fidélité que je vous dois, en s’acquittant, se récompensent eux-mêmes. Il appartient à Votre Majesté de recevoir le tribut de nos devoirs, et nos devoirs nous lient à votre trône et à votre État comme des enfants et des serviteurs, qui ne font que ce qu’ils doivent en faisant tout ce qui peut mériter votre affection et votre estime<ref>
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{{Personnage|DUNCAN}}. — Mon digne Cawdor !
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/245]]==
 
MACBETH, à part.—Le prince de Cumberland ! Voilà un obstacle sur lequel je dois trébucher si je ne saute pardessus, car il se trouve dans mon chemin.—Étoiles, cachez vos feux ; que la lumière ne puisse voir mes profonds et sombres désirs ; l’œil se ferme devant la main. Mais il faut que cela se fasse, ce que mon œil craindra de voir lorsque ce sera fait.
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« Elles sont venues à moi au jour du succès, et j’ai appris par le plus incontestable témoignage qu’en elles résidait une intelligence plus qu’humaine. Lorsque je brûlais de leur faire d’autres questions, elles se sont confondues dans l’air et y ont disparu. J’étais encore éperdu de surprise lorsque des envoyés du roi sont venus me saluer thane de Cawdor. C’était sous ce titre que les sœurs du Destin m’avaient salué en me renvoyant ensuite à l’avenir par ces paroles : Salut, toi qui seras roi. J’ai cru que cela était bon à te faire connaître, chère compagne de ma grandeur : afin que tu ne perdisses pas la part de joie qui t’est due, par ignorance de la grandeur qui t’est promise. Place ceci dans ton cœur. Adieu. »
 
Tu es thane de Glamis et de Cawdor, et tu seras aussi ce qu’on t’a prédit.—Cependant je crains ta nature, elle est trop pleine du lait des tendresses humaines pour te conduire par le chemin le plus court. Tu voudrais être grand, tu n’es pas sans ambition ; mais tu ne la voudrais
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pas accompagnée du crime : ce que tu veux de grand, tu le voudrais saintement ; tu ne voudrais pas jouer malhonnêtement, et cependant tu voudrais gagner déloyalement. Noble Glamis, tu voudrais obtenir ce qui te crie : « Voilà ce qu’il te faut faire si tu prétends obtenir ; ce que tu crains de faire plutôt que tu ne désires que cela ne soit pas fait. » Hâte-toi d’arriver, que je verse dans tes oreilles l’esprit qui m’anime, et dompte par l’énergie de ma langue tout ce qui pourrait arrêter ta route vers ce cercle d’or dont les destins et cette assistance surnaturelle semblent vouloir te couronner.—(Entre un serviteur.) Quelles nouvelles apportes-tu ?
 
{{Personnage|LE SERVITEUR}}. — Le roi arrive ici ce soir.
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:The effect—and it.
 
Johnson regarde ce passage comme inintelligible, et veut substituer à keep peace, keep pace, qui signifierait ici intervenir, tandis que keep pace signifie marcher d’un pas égal avec, et, selon l’aveu même de Johnson, n’a jamais-été employé dans le sens qu’il</ref>. Venez dans mes mamelles changer mon lait en
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fiel, ministres du meurtre, quelque part que vous soyez, substances invisibles, prêtes à nuire au genre humain.—Viens, épaisse nuit ; enveloppe-toi des plus noires fumées de l’enfer, afin que mon poignard acéré ne voie pas la blessure qu’il va faire, et que le ciel ne puisse, perçant d’un regard ta ténébreuse couverture, me crier : Arrête ! Arrête ! —(Entre Macbeth.) Illustre Glamis, digne Cawdor, plus grand encore par le salut qui les a suivis, ta lettre m’a transportée au delà de ce présent rempli d’ignorance, et je sens déjà l’avenir exister pour moi.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Mon cher amour, Duncan arrive ici ce soir.
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(Ils sortent.)<ref follow=p244> veut lui donner. Keep peace me paraît correspondre littéralement à notre expression française faire trêve, qui présente ici le sens le plus naturel.</ref>
 
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/248]]==
 
{{Scène|VI}}
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Hermit est pris ici pour beadsman. Le beadsman était, à ce qu’il paraît, un homme qui, sous certaines conditions, s’engageait à dire pour un autre un certain nombre de fois le chapelet (beads). C’étaient probablement des ermites qu’on chargeait le plus souvent de ce soin.</ref>.
 
{{Personnage|DUNCAN}}. — Où est le thane de Cawdor ? Nous courions sur ses talons, et voulions être son introducteur auprès
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de vous ; mais il est bon cavalier, et la force de son amour, aussi aiguë que son éperon, lui a fait atteindre sa maison avant nous. Belle et noble dame, nous serons votre hôte pour cette nuit.
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Vos serviteurs ne se regarderont jamais eux-mêmes, les leurs et tout ce qu’ils possèdent, que comme des biens reçus en dépôt pour en rendre compte, selon le bon plaisir de Votre Majesté, toutes les fois qu’elle voudra réclamer ce qui lui appartient.
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Un maître d’hôtel et plusieurs domestiques portant des plats et faisant le service entrent et passent sur le théâtre. Entre ensuite MACBETH.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Si lorsque ce sera fait c’était fini, le plus tôt fait serait le mieux. Si l’assassinat tranchait à la fois toutes les conséquences, et que sa fin nous donnât le succès, ce seul coup, qui peut être tout et la fin de tout, au moins ici-bas, sur ce rivage, sur ce rocher du temps, nous hasarderions la vie à venir.—Mais en pareil cas, nous subissons toujours cet arrêt, que les sanglantes leçons enseignées par nous tournent, une fois apprises, à la ruine de leur inventeur. La Justice, à la main toujours égale, offre à nos propres lèvres le calice empoisonné que nous avons composé nous-mêmes.—Il est ici sous la foi d’une double sauvegarde. D’abord je suis son parent et son sujet, deux puissants motifs contre cette action ; ensuite je suis son hôte, et devrais fermer la porte à son meurtrier, loin de saisir moi-même le couteau. D’ailleurs ce Duncan a porté si doucement ses honneurs, il a rempli si justement ses grands devoirs, que
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/250]]==
ses vertus, comme des anges à la voix de trompette s’élèveront contre le crime damnable de son meurtre, et la pitié, semblable à un enfant nouveau-né tout nu, montée sur le tourbillon, ou portée comme un chérubin du ciel sur les invisibles courriers de l’air, frappera si vivement tous les yeux de l’horreur de cette action, que les larmes feront tomber le vent. Je n’ai pour presser les flancs de mon projet d’autre éperon que cette ambition qui, s’élançant et se retournant sur elle-même, retombe sans cesse sur lui<ref>:::::I have no spur
::To prick the sides of my intent, but only
::Vaulting ambition, which overleaps itself,
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{{Personnage|MACBETH}}. — Nous n’irons pas plus loin dans cette affaire. Il vient de me combler d’honneurs, et j’ai acquis parmi les hommes de toutes les classes une réputation brillante comme l’or, dont je dois me parer dans l’éclat de sa première fraîcheur, au lieu de m’en dépouiller si vite.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/251]]==
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Était-elle dans l’ivresse cette espérance dont vous vous étiez fait honneur ? a-t-elle dormi depuis ? et se réveille-t-elle maintenant pour paraître si pâle et si livide à l’aspect de ce qu’elle faisait de si bon cœur ? Dès ce moment je commence à juger par là de ton amour pour moi. Crains-tu de te montrer par tes actions et ton courage ce que tu es par tes désirs ? aspireras-tu à ce que tu regardes comme l’ornement de la vie, pour vivre en lâche à tes propres yeux, laissant, comme le pauvre chat du proverbe, le je n’ose pas se placer sans cesse auprès du je voudrais bien<ref>''Catus amat pisces, sed non vult tingere plantas.''</ref> ?
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{{Personnage|MACBETH}}. — Si nous allions manquer notre coup ?
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Nous, manquer notre coup ! Vissez seulement votre courage au point d’arrêt, et nous ne manquerons pas notre coup. Lorsque Duncan sera endormi (et le fatigant voyage qu’il a fait aujourd’hui va l’entraîner dans un sommeil profond), j’aurai soin, à force de vin et de santés, de subjuguer si bien ses deux chambellans, que leur mémoire, cette gardienne du cerveau, ne sera plus qu’une fumée, et le réservoir de leur raison un alambic. Lorsqu’un sommeil brutal accablera
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/252]]==
comme la mort leurs corps saturés de liqueur, que ne pouvons-nous exécuter, vous et moi, sur Duncan sans défense ? Que ne pouvons-nous pas imputer à ses officiers pleins de vin, qui porteront le crime de notre grand meurtre ?
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Ne mets au jour que des fils, car la trempe de ton âme inflexible ne peut convenir qu’à des hommes.—En effet, ne pourra-t-on pas croire, lorsque nous aurons teint de sang, dans leur sommeil, ces deux gardiens de sa chambre, après nous être servis de leurs poignards, que ce sont eux qui ont fait le coup ?
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FIN DU PREMIER ACTE.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/253]]==
 
{{Acte|DEUXIÈME }}
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{{Personnage|MACBETH}}. — N’étant pas préparés à le recevoir, notre volonté s’est trouvée assujettie à un défaut de moyens qui ne lui a pas permis de s’exercer librement.
 
{{Personnage|BANQUO}}. — Tout s’est bien passé.—La nuit dernière j’ai
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/254]]==
rêvé des trois sœurs du Destin : elles se sont montrées assez véridiques à votre égard.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Je n’y songe plus. Cependant, quand nous en trouverons le temps, je voudrais vous dire quelques mots de cette affaire, si vous pouvez m’en accorder le temps.
Ligne 492 ⟶ 549 :
(Banquo et Fleance sortent.)
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Va, dis à ta maîtresse de sonner un coup de clochette quand ma boisson sera prête. Va te mettre au lit. (Le domestique sort.)—Est-ce un poignard que je vois devant moi, la poignée tournée vers ma main ? Viens, que je te saisisse.—Je ne te tiens pas, et cependant
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/255]]==
je te vois toujours. Fatale vision, n’es-tu pas sensible au toucher comme à la vue ? ou n’es-tu qu’un poignard né de ma pensée, le produit mensonger d’une tête fatiguée du battement de mes artères ? Je te vois encore, et sous une forme aussi palpable que celui que je tire en ce moment. Tu me montres le chemin que j’allais suivre, et l’instrument dont j’allais me servir.—Ou mes yeux sont de mes sens les seuls abusés, ou bien ils valent seuls tous les autres.—Je te vois toujours, et sur ta lame, sur ta poignée, je vois des gouttes de sang qui n’y étaient pas tout à l’heure.—Il n’y a là rien de réel. C’est mon projet sanguinaire qui prend cette forme à mes yeux.—Maintenant dans la moitié du monde la nature semble morte, et des songes funestes abusent le sommeil enveloppé de rideaux. Maintenant les sorcières célèbrent leurs sacrifices à la pâle Hécate. Voici l’heure où le meurtre décharné, averti par sa sentinelle, le loup, dont les hurlements lui servent de garde, s’avance, comme un fantôme à pas furtifs, avec les enjambées de Tarquin le ravisseur, vers l’exécution de ses desseins.—O toi, terre solide et bien affermie, garde-toi d’entendre mes pas, quelque chemin qu’ils prennent, de peur que tes pierres n’aillent se dire entre elles où je suis, et ravir à ce moment l’horrible occasion qui lui convient si bien.—Tandis que je menace, il vit.—Les paroles portent un souffle trop froid sur la chaleur de l’action. (La cloche sonne.)—J’y vais. C’en est fait, la cloche m’avertit. Ne l’entends pas, Duncan ; c’est le glas qui t’appelle au ciel ou aux enfers.
 
(Il sort.)
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LADY MACBETH entre.
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Ce qui les a enivrés m’a enhardie, ce qui les a éteints m’a remplie de flamme.—Écoutons ; silence ! C’est le cri du hibou, fatal sonneur qui donne le plus funeste bonsoir.—Il est à l’œuvre ; les portes sont
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/256]]==
ouvertes, et les serviteurs, pleins de vin, se moquent, en ronflant, de leurs devoirs. J’ai préparé leur boisson du soir<ref>Possets, boisson composée, en général, à ce qu’il parait, de lait et de vin, et qu’il était alors d’usage de prendre en se couchant.</ref>, de telle sorte que la Nature et la Mort débattent entre elles s’ils vivent ou meurent.
 
MACBETH, derrière le théâtre.—Qui est là ? quoi ? holà !
Ligne 533 ⟶ 594 :
 
{{Personnage|MACBETH}}. — L’un s’est écrié : Dieu nous bénisse ! et l’autre, amen, comme s’ils m’avaient vu, avec ces mains de bourreau, écoutant leurs terreurs ; je n’ai pu répondre amen lorsqu’ils ont dit Dieu nous bénisse !
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/257]]==
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — N’y pensez pas si sérieusement.
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(On frappe derrière le théâtre.)
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/258]]==
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Pourquoi frappe-t-on ainsi ? —Que m’arrive-t-il, que le moindre bruit m’épouvante ? —Quelles mains j’ai là ! Elles me font sortir les yeux de la tête.—Est-ce que tout l’océan du grand Neptune pourra laver ce sang et nettoyer ma main ! Non, ma main ensanglanterait plutôt l’immensité des mers, et ferait de leur teinte verdâtre une seule teinte rouge.
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On frappe ici, ma foi. Si un homme était le portier de l’enfer, il aurait assez l’habitude de tourner la clef. (On frappe.) Frappe, frappe, frappe. Qui est là, de par Belzébuth ! C’est un fermier qui s’est pendu en attendant une bonne année. Entrez sur-le-champ, et ayez soin d’apporter assez de mouchoirs, car on vous fera suer ici pour<ref follow=p255>les mots gild et guilt, dont la prononciation est la même. Mais tout effort pour rendre en français ce jeu de mots eût été inutile et eût gâté une admirable scène. On a pensé qu’il suffisait de l’indiquer.</ref>
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/259]]==
cela. (On frappe.) Frappe, frappe, frappe. Qui est là, au nom d’un autre diable ? Par ma foi, c’est un jésuite<ref>''Equivocator''. Warburton pense que par cette expression Shakspeare a positivement entendu un religieux, ou du moins un affilié de l’ordre des jésuites ; mais toujours est-il certain qu’elle signifie précisément ce que nous entendons en français par jésuite, doué d’un esprit jésuitique.</ref> qui aurait juré pour et contre chacun des bassins d’une balance. Il a commis assez de trahisons pour l’amour de Dieu, et cependant le ciel n’a pas voulu entendre à ses jésuitismes. Entrez, monsieur le jésuite. (On frappe.) Frappe, frappe, frappe. Qui est là ? Ma foi, c’est un tailleur anglais qui vient ici pour avoir rogné sur un haut-de-chausses français<refLa plaisanterie porte sur ce que les hauts-de-chausses français paraissaient aux Anglais si étroits et si mesquins, qu’il fallait être doublement damnable pour trouver encore à rogner dessus.></ref>. Allons, entrez, tailleur, vous pourrez chauffer ici votre fer à repasser. (On frappe.) Frappe, frappe. Jamais un moment de repos. Qui êtes-vous ? Mais il fait trop froid ici pour l’enfer : je ne veux plus faire le portier du diable. J’avais eu l’idée de laisser entrer un homme de toutes les professions qui vont par le chemin fleuri au feu de joie éternel. (On frappe.) Tout à l’heure, tout à l’heure. (Il ouvre.) Je vous prie, n’oubliez pas le portier.
 
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{{Personnage|MACDUFF}}. — Quelles sont les trois choses que provoque la boisson ?
 
{{Personnage|LE PORTIER}}. — Ma foi, monsieur, c’est le rouge au nez, le sommeil et l’envie de pisser. Pour la luxure, on peut dire qu’il la provoque et ne la provoque pas : il provoque le désir, mais il ôte la faculté ; en sorte qu’on peut dire que le vin est un traître envers la luxure : il la cause et l’éteint ; il l’aiguillonne et puis l’arrête en chemin ; il
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/260]]==
l’excite, et puis la décourage ; il la trahit par un sommeil qui lui donne le démenti, puis il la plante là.
 
{{Personnage|MACDUFF}}. — Je crois, l’ami, que le vin t’a donné un démenti la nuit dernière.
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(Rentre Macduff.)
 
{{Personnage|MACDUFF}}. — O horreur ! horreur ! horreur ! ni la langue ni le cœur ne peuvent te concevoir ou t’exprimer.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/261]]==
O horreur ! horreur ! horreur ! ni la langue ni le cœur ne peuvent te concevoir ou t’exprimer.
 
{{Personnage|MACBETH ET LENOX}}. — Qu’y a-t-il ?
Ligne 653 ⟶ 721 :
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Oh malheur ! quoi, dans notre maison !
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/262]]==
 
{{Personnage|BANQUO}}. — Trop cruel malheur, n’importe en quel lieu ! Cher Duff<ref>Abréviation de Macduff.</ref>, je t’en prie, contredis-toi toi-même, et dis que ce n’est pas vrai.
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{{Personnage|MACDUFF}}. — Pourquoi donc les avez-vous tués ?
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Eh ! qui peut être dans le même moment sage et éperdu, modéré et furieux ? qui peut être fidèle et rester neutre ? Personne. La rapidité de ma violente affection a dépassé ma raison plus lente. Je voyais là Duncan étendu, l’argent de sa peau parsemé de son sang doré ; et ses blessures ouvertes semblaient autant de brèches aux lois de la nature, par où devaient s’introduire les ravages de la désolation…. Là étaient les meurtriers teints des couleurs de leur métier, et leurs poignards honteusement couverts de sang. Comment aurait
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/263]]==
pu se contenir celui qui a un cœur pour aimer, et dans ce cœur le courage de manifester son amour ?
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Aidez-moi à sortir d’ici. Oh !
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{{Personnage|DONALBAIN}}. — Et moi en Irlande. En séparant nos fortunes nous serons plus en sûreté. Ici je vois des poignards dans les sourires, et celui qui est le plus près par le sang est le plus prêt à le verser.
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — Le trait meurtrier qui a été lancé n’a pas encore atteint son but ; et le parti le plus sûr pour nous est d’en éviter le coup. Ainsi donc, à cheval, et ne nous inquiétons pas de prendre congé : tirons-nous d’abord
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/264]]==
d’ici. Il est permis de commettre le vol, de se dérober soi-même, quand il ne reste plus d’espérance.
 
(Ils sortent.)
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MACDUFF—Ceux que Macbeth a tués.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/265]]==
 
{{Personnage|ROSSE}}. — Hélas ! mon Dieu, quel fruit en pouvaient-ils espérer ?
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==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/266]]==
 
{{Acte|TROISIÈME }}
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{{Personnage|BANQUO}}. — Oui, mon gracieux seigneur.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Autrement nous aurions désiré vos avis que nous avons toujours trouvés sages et utiles, dans le
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conseil que nous tiendrons aujourd’hui ; mais nous les prendrons demain. Allez-vous loin ?
 
{{Personnage|BANQUO}}. — Assez loin, mon seigneur, pour remplir le temps qui doit s’écouler jusqu’à l’heure du souper ; et si mon cheval ne va pas très-bien, il faudra que j’emprunte à la nuit une ou deux de ses heures obscures.
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{{Personnage|UN DOMESTIQUE}}. — Oui, mon seigneur, ils sont à la porte du palais.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Amenez-les devant nous.—Être où je suis n’est rien si l’on n’y est en sûreté.—Nos craintes sur Banquo sont profondes, et dans ce naturel empreint de souveraineté domine ce qu’il y a de plus à craindre. Il ose beaucoup, et à cette disposition d’esprit intrépide il joint une sagesse qui enseigne à sa valeur la route la plus sûre. Il n’y a que lui dont l’existence m’inspire de
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/268]]==
la crainte : il intimide mon génie, comme César, dit-on, celui de Marc-Antoine. Je l’ai vu gourmander les sœurs lorsqu’elles me donnèrent d’abord le nom de roi ; il leur commanda de lui parler ; et alors, d’une bouche prophétique, elles le proclamèrent père d’une race de rois.—Elles ont placé sur ma tête une couronne sans fruit et ont placé dans mes mains un sceptre stérile que m’arrachera un bras étranger, sans qu’aucun fils sorti de moi me succède. S’il en est ainsi, c’est pour la race de Banquo que j’ai souillé mon âme ; c’est pour ses enfants que j’ai assassiné l’excellent Duncan ; pour eux seuls j’ai versé les remords dans la coupe de mon repos, et livré à l’ennemi du genre humain mon éternel trésor pour les faire rois ! Les enfants de Banquo rois ! Plutôt qu’il en soit ainsi, je t’attends dans l’arène, destin ; viens m’y combattre à outrance.—Qui va là ? (Rentre le domestique avec deux assassins.) Retourne à la porte et restes-y jusqu’à ce que nous t’appelons. (Le domestique sort.)—N’est-ce pas hier que nous avons causé ensemble ?
 
{{Personnage|PREMIER ASSASSIN}}. — C’était hier, avec la permission de Votre Altesse.
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{{Personnage|MACBETH}}. — Je l’ai fait et j’ai été plus loin, ce qui est l’objet de notre seconde entrevue.—Sentez-vous la patience tellement dominante en votre nature que vous laissiez passer tout ceci ? Êtes-vous si pénétrés de l’Evangile que vous puissiez prier pour ce brave homme et ses enfants, lui dont la main vous a courbés vers la tombe et a réduit pour toujours les vôtres à la misère ?
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/269]]==
 
{{Personnage|PREMIER ASSASSIN}}. — Nous sommes des hommes, mon seigneur.
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{{Personnage|SECOND ASSASSIN}}. — Cela est vrai, mon seigneur,
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Il est aussi le mien ; et notre inimitié est si sanglante, que chaque minute de son existence me frappe dans ce qui tient de plus près à la vie. Je pourrais, en faisant ouvertement usage de mon pouvoir, le balayer de ma vue sans en donner d’autre raison que ma volonté ; mais je ne dois pas le faire, à cause de quelques-uns de mes amis qui sont aussi les siens, dont je ne puis pas perdre l’affection, et avec qui il me faudra déplorer la chute de l’homme que j’aurai renversé moi-même. Voilà ce qui me fait rechercher votre assistance, en cachant cette action à l’œil du public, pour beaucoup de raisons importantes.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/270]]==
cette action à l’œil du public, pour beaucoup de raisons importantes.
 
{{Personnage|SECOND ASSASSIN}}. — Nous exécuterons, mon seigneur, ce que vous nous commanderez.
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{{Personnage|LADY MACBETH}}. — On n’a rien gagné, et tout dépensé, quand on a obtenu son désir sans être plus heureux : il vaut mieux être celui que nous détruisons, que de vivre par sa destruction dans une joie troublée. (Macbeth entre.)
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/271]]==
 
—Qu’avez-vous, mon seigneur ? pourquoi restez-vous seul, ne cherchant pour compagnie que les images les plus funestes, toujours appliqué à des pensées qui, en vérité, devraient être mortes avec ceux dont elles vous occupent ? On ne devrait pas penser aux choses sans remède, ce qui est fait est fait.
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{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Mais le bail qu’ils tiennent de la nature n’est pas éternel.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Il y a encore de la consolation, ils sont
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attaquables. Ainsi, sois joyeuse. Avant que la chauve-souris ait achevé de voler dans les cloîtres, avant qu’aux appels de la noire Hécate l’escarbot cuirassé ait sonné, par son murmure assoupissant, la cloche qui appelle les bâillements de la nuit, on aura consommé une action importante et terrible.
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Que doit-on faire ?
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{{Personnage|PREMIER ASSASSIN}}. — Reste donc avec nous.—Le couchant étincelle encore de quelques traces du jour : c’est le moment où le voyageur attardé use de l’éperon pour gagner l’auberge désirée ; et celui que nous attendons approche de bien prés.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/273]]==
 
{{Personnage|TROISIÈME ASSASSIN}}. — Écoutez ; j’entends des chevaux.
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{{Personnage|MACBETH}}. — Vous connaissez chacun votre rang, prenez vos places. Depuis le premier jusqu’au dernier, je vous souhaite la bienvenue de tout mon cœur.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/274]]==
 
{{Personnage|LES SEIGNEURS}}. — Nous rendons grâce à Votre Majesté.
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L’ASSASSIN.—Oui, mon bon seigneur, il est en sûreté dans un fossé, avec vingt larges ouvertures à la tête, dont la moindre est la mort d’un homme.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Je t’en remercie…. Ainsi, voilà le gros serpent écrasé. Le jeune reptile qui s’est sauvé est d’une nature qui dans son temps engendrera aussi du venin,
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/275]]==
mais à présent il n’a pas de dents.—Va-t’en, et demain nous t’entendrons de nouveau.
 
(L’assassin sort.)
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{{Personnage|ROSSE}}. — Messieurs, levez-vous ; son Altesse est indisposée.
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Monsieur, mon digne ami, mon époux est souvent dans cet état, et il y est sujet depuis l’enfance. Je vous en prie, restez à vos places : c’est un accès
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/276]]==
passager ; le temps d’y penser, et il sera aussi bien qu’à l’ordinaire. Si vous faites trop attention à lui, vous le blesserez et vous augmenterez son mal : continuez à manger, et ne prenez pas garde à lui.—Êtes-vous un homme ?
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Oui, et un homme intrépide, puisque j’ose regarder ce qui épouvanterait le diable.
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{{Personnage|MACBETH}}. — Ce n’est pas la première fois qu’on a répandu le sang. Dans les anciens temps, avant que des lois humaines eussent purgé de crimes les sociétés adoucies, oui vraiment, et même depuis, il s’est commis des meurtres trop terribles pour que l’oreille en supporte le récit ; et l’on a vu le temps où lorsqu’on avait fait sauter la cervelle à un homme, il mourait, et tout était fini. Mais aujourd’hui ils se relèvent avec vingt blessures mortelles sur le crâne, et viennent nous chasser de nos sièges : cela est plus étrange que ne le peut être un pareil meurtre.
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Mon digne seigneur, vos dignes amis vous attendent.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/277]]==
MACBETH.—J’oubliais…. Ne prenez pas garde à moi, mes dignes amis. J’ai une étrange infirmité qui n’est rien pour ceux qui me connaissent. Allons, amitié et santé à tous ! Je vais m’asseoir : donnez-moi du vin ; remplissez jusqu’au bord. Je bois au plaisir de toute la table, et à notre cher ami Banquo, qui nous manque ici. Que je voudrais qu’il y fût ! (L’ombre sort de terre.) Nous buvons avec empressement à vous tous, à lui. Tout à tous !
 
{{Personnage|LES SEIGNEURS}}. — Nous vous présentons nos hommages et vous faisons raison.
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{{Personnage|ROSSE}}. — Quels spectacles, seigneur ?
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Je vous prie, ne lui parlez pas ; il va
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/278]]==
de mal en pis : les questions le mettent en fureur. Je vous souhaite le bonsoir à tous. Ne vous inquiétez pas de l’ordre de votre départ, mais partez de suite.
 
{{Personnage|LENOX}}. — Nous souhaitons à Votre Majesté une bonne nuit et une meilleure santé.
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{{Personnage|MACBETH}}. — Oui, allons dormir. L’étrange erreur où je suis tombé est l’effet d’une crainte novice et qu’il faut mener rudement. Nous sommes encore jeunes dans l’action.
 
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/279]]==
 
{{Scène|V}}
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{{Personnage|HÉCATE}}. — N’en ai-je pas sujet, sorcières que vous êtes, insolentes, effrontées ? Comment avez-vous osé entrer avec Macbeth en traité et en commerce d’énigmes et d’annonces de mort, sans que moi, souveraine de vos enchantements, habile maîtresse de tout mal, j’aie jamais été appelée à y prendre part et à signaler la gloire de notre art ? Et, ce qui est pis encore, c’est que tout ce que vous avez fait, vous l’avez fait pour un fils capricieux, chagrin, colère, qui, comme les autres, ne vous recherche que pour ses propres intérêts et nullement pour vous-mêmes. Réparez votre faute ; partez, et demain matin, venez me trouver à la caverne de l’Achéron<ref>:''The pit of Acheron''
Probablement quelque caverne que l’on supposait devoir communiquer avec l’enfer.</ref>. Il y viendra pour apprendre sa destinée : préparez vos vases, vos paroles magiques, vos charmes et tout ce qui est nécessaire. Je vais me rendre dans les airs : j’emploierai cette nuit à l’accomplissement d’un projet fatal et terrible ; un grand ouvrage doit être terminé avant midi. A la pointe de la lune pend une épaisse goutte de vapeur ; je la saisirai avant qu’elle tombe sur la terre ; et, distillée par des artifices magiques, elle élèvera des visions fantastiques qui ; par la force des illusions, entraîneront Macbeth à sa ruine. Il bravera les destins, méprisera la mort, et portera ses espérances au delà de toute sagesse, de toute pudeur, de toute crainte ; et vous savez toutes que la sécurité est la plus grande ennemie des mortels.—(Chant derrière le théâtre.) « Viens, viens<ref::::Viens, viens ;
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/280]]==
viens<ref::::Viens, viens ;
::::Hécate ; Hécate, viens, viens.
:::::::::HÉCATE.
Ligne 1 083 ⟶ 1 181 :
 
(Les sorcières sortent.)
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/281]]==
 
{{Scène|VI}}
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{{Personnage|LENOX}}. — Mes premiers discours n’ont fait que rencontrer vos pensées, qui peuvent aller plus loin. Seulement, je dis que les choses ont été prises d’une singulière manière. Le bon roi Duncan a été plaint de Macbeth ! vraiment je le crois bien, il était mort.—Le brave et vaillant Banquo s’est promené trop tard, et vous pouvez dire, si vous voulez, que c’est Fleance qui l’a assassiné, car Fleance s’est enfui. Il ne faut pas se promener trop tard.—Qui de nous peut ne pas voir combien il était horrible de la part de Malcolm et de Donalbain d’assassiner leur bon père ? Damnable crime ! combien Macbeth en a été affligé ! N’a-t-il pas aussitôt, dans une pieuse rage, mis en pièces les deux coupables qui étaient les esclaves de l’ivresse et les serfs du sommeil ? N’était-ce pas une noble action ? Oui, et pleine de prudence aussi, car toute âme sensible eût été irritée d’entendre ces hommes nier le crime. En sorte que j’en reviens à dire qu’il a très-bien pris toutes choses ; et je pense que s’il tenait les fils de Duncan sous sa clef (ce qui ne sera pas, s’il plaît au ciel), ils verraient ce que c’est que de tuer un père, et Fleance aussi. Mais, chut ! car j’apprends que pour quelques paroles trop libres, et parce qu’il a manqué de se rendre à la fête du tyran<ref>Ce fut, selon Hollinshed, pour ne s’être pas rendu en personne à Dunsinane, que Macbeth faisait bâtir. Dans les terreurs perpétuelles où le tenait le souvenir de ses crimes, il avait employé l’argent pris sur les nobles, qu’il faisait journellement périr, à s’entourer d’une garde mercenaire ; mais, non content de cette précaution, il voulut faire élever sur la colline de Dunsinane un château capable de résister à toutes les attaques. L’entreprise traînant en longueur, à cause de la difficulté et de la dépense, il ordonna à tous les thanes d’y envoyer des matériaux et de s’y rendre chacun à son tour avec ses vassaux pour aider aux travaux. Quand vint le tour de Macduff, il y envoya ses gens avec les matériaux nécessaires, leur recommandant de se conduire de manière à ce que Macbeth ne pût avoir aucun prétexte pour s’irriter de ce qu’il n’était pas venu lui-même ; mais il ne voulut pas s’y rendre, jugeant qu’il n’était pas sans danger pour lui de se mettre au pouvoir de Macbeth, qui lui voulait du mal ; ce qu’ayant appris Macbeth, il s’écria : « Je vois bien que cet homme n’obéira jamais à mes ordres qu’on ne le monte avec une bride. » Il ne se détermina pourtant pas immédiatement à le poursuivre.</ref>, Macduff est tombé en disgrâce. Pouvez-vous, monsieur, m’apprendre où il s’est réfugié ?
 
{{Personnage|LE SEIGNEUR}}. — Le fils de Duncan, à qui le tyran retient son légitime héritage, vit à la cour du roi d’Angleterre. Le pieux Edouard lui a fait un accueil si gracieux, que la malveillance de la fortune ne lui a rien fait perdre de la considération due à son rang. C’est là que Macduff est allé demander au saint roi de l’aider à éveiller le Northumberland et le belliqueux Siward, afin que, par leur secours et avec l’approbation de Celui qui est là-haut,
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/282]]==
nous puissions prendre nos repas sur nos tables, accorder le sommeil à nos nuits, affranchir nos fêtes et nos banquets des poignards sanglants, rendre des hommages légitimes et recevoir des honneurs libres de contrainte, toutes choses après quoi nous soupirons aujourd’hui. Ce rapport a mis le roi dans une telle fureur, qu’il se prépare à tenter quelque expédition guerrière.
 
{{Personnage|LENOX}}. — A-t-il envoyé vers Macduff ?
Ligne 1 107 ⟶ 1 208 :
 
 
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/283]]==
 
{{Acte|QUATRIÈME }}
Ligne 1 141 ⟶ 1 243 :
Filet d’un serpent des marais, bous, et cuis dans le chaudron,
:::Oeil de lézard, pied de grenouille,
:::
:::Duvet de chauve-souris et langue de chien,
</poem>
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/284]]==
<poem>
:::Duvet de chauve-souris et langue de chien,
:::Dard fourchu de vipère et aiguillon du reptile aveugle<ref>Espèce de serpent.</ref>,
:::Jambe de lézard et aile de hibou ;
Ligne 1 188 ⟶ 1 294 :
:::Et chacune de vous aura part au profit,
:::Maintenant, chantez autour de la chaudière,
:::
:::Dansant en rond comme les lutins et les fées,
</poem>
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/285]]==
<poem>
:::Dansant en rond comme les lutins et les fées,
:::Pour enchanter tout ce que vous y avez mis.
</poem>
Ligne 1 226 ⟶ 1 336 :
 
(Tonnerre.—On voit s’élever le fantôme d’une tête armée d’un casque.)
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/286]]==
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Dis-moi, puissance inconnue….
Ligne 1 257 ⟶ 1 368 :
(Le fantôme rentre dans la terre.)
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Cela n’arrivera jamais. Qui peut ''presser''<ref>''Impress'', presser, forcer au service militaire.</ref> la
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/287]]==
forêt, commander à l’arbre de détacher sa racine liée à la terre ? O douces prédictions ! ô bonheur ! Rébellion, ne lève point la tête jusqu’à ce que la forêt de Birnam se lève ; et Macbeth, au faîte de la grandeur, vivra tout le bail de la nature, et son dernier soupir sera le tribut payé à la vieillesse et à la loi mortelle.—Cependant mon cœur palpite encore du désir de savoir une chose : dites-moi (si votre art va jusqu’à me l’apprendre), la race de Banquo régnera-t-elle un jour dans ce royaume ?
 
{{Personnage|TOUTES LES SORCIÈRES ENSEMBLE}}. — Ne cherche point à en savoir davantage.
Ligne 1 275 ⟶ 1 388 :
(Huit rois paraissent marchant à la file, le dernier tenant un miroir dans sa main. Banquo les suit.)
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Tu ressembles trop à l’ombre de Banquo ; à bas ! ta couronne brûle mes yeux dans leur orbite.—Et toi, dont le front est également ceint d’un cercle d’or, tes cheveux sont pareils à ceux du premier.—Un troisième ressemble à celui qui le précède. Sorcières impures, pourquoi me montrez-vous ceci ? —Un quatrième ! Fuyez mes yeux.—Quoi ! cette ligne se prolongera-t-elle jusqu’au jour du jugement ? Encore un autre ! —Un septième ! Je n’en veux pas voir davantage.—Et cependant voilà le huitième qui paraît, portant un miroir où j’en découvre une foule d’autres : j’en vois quelques-uns qui portent deux globes et un triple sceptre<ref>Allusion à la réunion des deux îles et des trois royaumes de la Grande-Bretagne, sous Jacques VI d’Écosse.</ref>. Effroyable vue ! Oui, je le vois maintenant, c’est vrai, car voilà Banquo,
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/288]]==
tout souillé du sang de ses plaies, qui me sourit et me les montre comme siens.—Quoi ! en est-il ainsi ?
 
{{Personnage|PREMIÈRE SORCIÈRE}}. — Oui, seigneur, il en est ainsi.—Mais pourquoi Macbeth reste-t-il ainsi saisi de stupeur ? Venez, mes sœurs, égayons ses esprits, et faisons-lui connaître nos plus doux plaisirs. Je vais charmer l’air pour qu’il rende des sons, tandis que vous exécuterez votre antique ronde ; il faut que ce grand roi puisse dire avec bonté que nous l’avons reçu avec les hommages qui lui sont dus.
Ligne 1 304 ⟶ 1 419 :
 
{{Personnage|MACBETH}}. — O temps ! tu devances mes terribles exploits. On n’atteint jamais le dessein frivole si l’action ne marche pas avec lui. Désormais, les premiers mouvements de mon cœur seront aussi les premiers mouvements de ma main ; dès à présent, pour couronner mes pensées par les actes, il faut penser et agir aussitôt ; je vais surprendre le château de Macduff, m’emparer de Fife, passer au fil de l’épée sa femme et ses petits enfants, et tout ce qui a le malheur d’être de sa race. Inutile de se vanter comme un insensé ; je vais accomplir cette entreprise avant que le projet se refroidisse. Mais, plus de visions !
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/289]]==
 
(À Lenox.) Où sont ces gentilshommes ? Viens, conduis-moi vers eux.
Ligne 1 330 ⟶ 1 446 :
:Each way and move.
 
Les commentateurs me paraissent n’avoir pas compris ce passage </ref>. Je prends congé de vous ; vous ne tarderez pas
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/290]]==
à me revoir ici. Les choses arrivées au dernier degré du mal doivent s’arrêter ou remonter vers ce qu’elles étaient naguère.—Mon joli cousin, que le ciel veille sur vous.
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Il a un père, et pourtant il n’a point de père.
Ligne 1 351 ⟶ 1 469 :
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—Comment ferez-vous pour avoir un mari ?<ref follow=p287> ; ils veulent entendre hold dans le sens de keep, tenir, tenir pour certain, et je crois qu’il doit être pris pour celui catch, prendre, recevoir, comme prendre le mal, catch the infection. Ainsi le sens sera : nous recevons le bruit de ce que nous craignons sans savoir ce que nous craignons. Il a fallu rendre l’expression de cette pensée un peu moins littérale pour la rendre plus claire, ainsi qu’il arrive souvent en traduisant Shakspeare ; mais elle me parait d’ailleurs entièrement d’accord avec la phrase suivante, encore imparfaitement comprise par les commentateurs, qui ne conçoivent pas qu’au mot float Shakspeare ait ajouté and move, « parce que, disent-ils, si nous flottons de tous côtés, il n’est pas nécessaire de nous apprendre que nous nous mouvons (move). » Il est cependant certain qu’arrêtés par un bruit vague dont nous ne connaissons pas la source, et ne sachant pas de quel côté nous devons agir, nous ajoutons à l’incertitude des événements celle de nos propres volontés : c’est ce que Shakspeare a dû et voulu exprimer.</ref>
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/291]]==
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Moi ! j’en pourrais acheter vingt au premier marché.
Ligne 1 388 ⟶ 1 507 :
(Arrive un messager.)
 
{{Personnage|LE MESSAGER}}. — Dieu vous garde, belle dame ! je ne vous suis pas connu, quoique je sois parfaitement instruit du rang que vous tenez. Je crains que quelque danger ne soit prêt à fondre sur vous. Si vous voulez suivre l’avis d’un homme simple, qu’on ne vous trouve pas en ce lieu. Fuyez d’ici avec vos petits enfants. Je suis trop barbare, je le sens, de vous épouvanter ainsi : vous faire plus de mal encore serait une horrible cruauté qui
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/292]]==
est trop près de vous atteindre. Que le ciel vous protège ! Je n’ose m’arrêter plus longtemps.
 
(Il sort.)
Ligne 1 419 ⟶ 1 540 :
:Bestride our down fall’n birthdom.
 
Les commentateurs ont voulu expliquer par ''birth right'', droit de naissance, le mot de birthdom, qui signifie, je crois, pays </ref>. Chaque matin se lamentent de nouvelles
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/293]]==
veuves, de nouveaux orphelins pleurent ; chaque jour de nouveaux accents de douleur vont frapper la face du ciel, qui en retentit, comme s’il était sensible aux maux de l’Écosse, et qu’il répondit par des cris aussi lamentables.
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — Je pleure sur ce que je crois ; je crois ce que j’ai appris, et ce que je puis redresser sera redressé dès que je trouverai l’occasion amie. Il peut se faire que ce que vous m’avez raconté soit vrai : cependant ce tyran, dont le nom seul blesse notre langue, passa autrefois pour un honnête homme ; vous l’avez aimé chèrement ; il ne vous a point encore fait de mal. Je suis jeune, mais vous pourriez vous faire un mérite près de lui à mes dépens ; et c’est sagesse que d’offrir un pauvre, faible et innocent agneau pour apaiser un dieu irrité.
Ligne 1 430 ⟶ 1 553 :
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — Peut-être là même où j’ai trouvé des doutes. Pourquoi avez-vous si brusquement quitté, sans prendre congé d’eux, votre femme et vos enfants, ces précieux motifs de nos actions, ces puissants liens d’amour ? —Je vous prie, ne voyez pas dans mes soupçons des affronts pour vous, mais seulement des sûretés pour<ref follow=p290>natal. Dans cette supposition, ils ont expliqué le mot bestride par être à cheval, à la manière d’un homme qui met entre ses jambes, pour le défendre, l’objet qu’on veut lui enlever. Cette explication me paraît être forcée et nullement en rapport avec le reste du dialogue.—Malcolm parle de se retirer dans un coin pour pleurer ; Macduff veut au contraire qu’il se rende dans son pays, et part de là pour lui décrire les maux de ce pays : cela est naturel.</ref>
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/294]]==
moi : vous pouvez être parfaitement honnête, quoique je puisse penser.
 
Ligne 1 445 ⟶ 1 569 :
{{Personnage|MACDUFF}}. — Jamais, aux légions de l’horrible enfer, il ne peut se joindre un démon assez maudit en méchanceté pour surpasser Macbeth.
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — J’avoue qu’il est sanguinaire, esclave de la
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/295]]==
luxure, avare, faux, trompeur, capricieux, violent, et infecté de tous les vices qui ont un nom ; mais il n’y a point de limites, il n’y en a aucune à mes ardeurs de volupté : vos femmes, vos filles, vos matrones et vos servantes, ne pourraient combler le gouffre de mon incontinence, et mes désirs renverseraient tous les obstacles que la vertu opposerait à ma volonté. Macbeth vaut mieux qu’un pareil roi,
 
{{Personnage|MACDUFF}}. — Une intempérance sans fin est une tyrannie de la nature ; elle a plus d’une fois avant le temps rendu vacant un trône fortuné, et causé la chute de beaucoup de rois. Mais ne craignez point pour cela de vous charger de la couronne qui vous appartient. Vous pouvez abandonner à votre passion une vaste moisson de voluptés, et paraître encore tempérant, tant il vous sera aisé de fasciner le public. Nous avons assez de dames de bonne volonté, et vous ne pouvez renfermer en vous-même un vautour capable de dévorer toutes celles qui viendront s’offrir d’elles-mêmes à l’homme revêtu du pouvoir, aussitôt quelles auront découvert son inclination.
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{{Personnage|MACDUFF}}. — L’avarice pénètre plus avant et jette des racines plus pernicieuses que l’incontinence, fruit de l’été<ref>''Summer seeding lust''.</ref> ; elle a été le glaive qui a égorgé nos rois. Cependant ne craignez rien : l’Écosse contient des richesses à foison pour assouvir vos désirs, même de votre propre bien ; tous ces vices sont tolérables quand ils sont balancés par des vertus.
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — Mais je n’en ai point : tout ce qui fait l’ornement
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/296]]==
des rois, justice, franchise, tempérance, fermeté, libéralité, persévérance, clémence, modestie, piété, patience, courage, bravoure, tout cela n’a pour moi aucun attrait ; mais j’abonde en vices de toutes sortes, chacun en particulier reproduit sous différentes formes. Oui ! si j’en avais le pouvoir, je ferais couler dans l’enfer le doux lait de la concorde, je bouleverserais la paix universelle, et je porterais le désordre dans tout ce qui est uni sur la terre.
 
{{Personnage|MACDUFF}}. — O Écosse ! Écosse !
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{{Personnage|MACDUFF}}. — Fait pour gouverner ! non, pas même pour vivre ! O nation misérable ! sous le joug d’un tyran usurpateur, armé d’un sceptre ensanglanté, quand reverras-tu des jours prospères, puisque le rejeton légitime de ton trône demeure réprouvé par son propre arrêt et blasphème contre sa race ? Ton père était un saint roi ; la reine qui t’a porté, plus souvent à genoux que sur ses pieds, mourait chaque jour à elle-même. Adieu : ces vices dont tu t’accuses toi-même m’ont banni d’Écosse. O mon cœur, ta dernière espérance s’évanouit ici !
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — Macduff, ce noble transport, fils de l’intégrité, a effacé de mon âme tous ses noirs soupçons, m’a convaincu de ton honneur et de ta bonne foi. Le diabolique Macbeth a déjà tenté, par plusieurs artifices semblables, de m’attirer sous sa puissance ; et une modeste prudence me défend contre une crédulité trop précipitée. Mais que le Dieu d’en haut traite seul entre toi et moi ! De ce moment je m’abandonne à tes conseils ; je rétracte les calomnies que j’ai proférées contre moi-même, et j’abjure ici tous les reproches, toutes les imputations dont je me suis chargé, comme étrangers à mon caractère. Je suis encore inconnu à une femme ; jamais je ne fus parjure ; à peine ai-je convoité la possession de mon propre bien ; jamais je n’ai violé ma foi ; je ne trahirais pas le diable à son compère ; et la vérité m’est aussi chère que la vie. Mon premier mensonge est celui que je viens de faire contre moi. Ce que je suis en en effet,
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c’est à toi et à ma pauvre patrie à en disposer, et déjà, avant ton arrivée en ce lieu, le vieux Siward, à la tête de dix mille vaillants guerriers réunis sur un même point, allait se mettre en marche pour l’Écosse. Maintenant nous irons ensemble ; et puisse le succès être aussi bon que la querelle que nous soutenons ! —Pourquoi gardes-tu le silence ?
 
{{Personnage|MACDUFF}}. — Tant d’idées agréables et tant d’idées fâcheuses à la fois ne sont pas aisées à concilier.
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{{Personnage|MALCOLM}}. — Un de mes compatriotes, mais je ne le reconnais pas encore.
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MACDUFF, à Rosse.—Mon bon et cher cousin, soyez le bienvenu.
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{{Personnage|MACDUFF}}. — Ne soyez point avare de paroles : comment cela va-t-il ?
 
{{Personnage|ROSSE}}. — Lorsque je suis arrivé ici pour apporter les nouvelles qui me pèsent si cruellement, le bruit courait que plusieurs hommes de cœur s’étaient mis en campagne ; et, d’après ce que j’ai vu des forces que le tyran à sur pied en ce moment, je suis disposé à le croire.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/299]]==
L’heure est venue de nous secourir ; un de vos regards en Écosse créerait des soldats, et ferait combattre jusqu’aux femmes pour s’affranchir de tant d’horribles maux.
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — Qu’ils se consolent, nous allons en Écosse. La généreuse Angleterre nous a prêté le brave Siward et dix mille hommes : la chrétienté ne fournit pas un plus ancien, ni un meilleur soldat.
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{{Personnage|MACDUFF}}. — Et fallait-il que je n’y fusse pas ! Ma femme tuée aussi !
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/300]]==
 
{{Personnage|ROSSE}}. — Je vous l’ai dit.
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{{Personnage|MACDUFF}}. — Il n’a point d’enfants<ref>:He has no children !
On est demeuré dans l’incertitude sur le sens de cette exclamation : quelques personnes pensent qu’elle s’adresse à Malcolm, dont les impuissantes consolations ne peuvent venir que d’un homme qui n’a pu connaître une pareille douleur ; et il est certain qu’à l’appui de cette opinion vient ce qu’a dit lady Macbeth, dans le premier acte, du bonheur qu’elle a senti à allaiter son enfant ; de plus, les chroniques d’Écosse parlent d’un fils de Macbeth, nommé Lulah, qui fut, après la mort de son père, couronné roi par quelques-uns de ses partisans, et fut ensuite tué quatre mois environ après la bataille de Dunsinane. Mais, d’un autre côté, il est clair que Macduff répond à Malcolm, et qu’il repousse ses consolations par l’impossibilité où il est de se venger sur un homme qui n’a pas d’enfants. Il faut remarquer d’ailleurs que rien dans la pièce n’a indiqué que Macbeth eût des enfants vivants, et que le désespoir avec lequel Macbeth apprend que des enfants de Banquo régneront après lui, ne parait pas porter sur l’idée de voir privé de la couronne un enfant déjà existant. Il ne dit point : not my son, mais no son of mine succeeding ; enfin, ce sens exprime un sentiment beaucoup plus profond, et c’est une raison pour croire que c’est celui de Shakspeare.</ref> ! —Tous mes jolis enfants, avez-vous dit ? tous ? Oh ! milan d’enfer ! Tous ? quoi ! tous mes pauvres petits poulets et leur mère, tous enlevés d’un seul horrible coup ?
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/301]]==
leur mère, tous enlevés d’un seul horrible coup ?
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — Luttez en homme contre le malheur.
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FIN DU QUATRIÈME ACTE.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/302]]==
 
{{Acte|CINQUIÈME }}
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{{Personnage|LE MÉDECIN}}. — Comment a-t-elle eu cette lumière ?
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/303]]==
 
{{Personnage|LA DAME SUIVANTE}}. — Ah ! elle était près d’elle : elle a toujours de la lumière près d’elle ; c’est son ordre.
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{{Personnage|LA DAME SUIVANTE}}. — Je ne voudrais pas avoir un pareil cœur dans mon sein, pour les grandeurs de tout ce corps.
 
{{Personnage|LE MÉDECIN}}. — Bien, bien, bien.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/304]]==
Bien, bien, bien.
 
{{Personnage|LA DAME SUIVANTE}}. — Je prie Dieu qu’il en soit ainsi, docteur.
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{{Personnage|MENTEITH}}. — L’armée anglaise approche : elle est conduite par Malcolm, son oncle Siward et le brave Macduff. La vengeance brûle dans leur cœur : une cause si chère exciterait l’homme le plus mort au monde à se lancer dans le sang et les terreurs de la guerre.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/305]]==
 
{{Personnage|ANGUS}}. — Nous ferons bien d’aller les joindre près de la forêt de Birnam ; c’est par cette route qu’ils arrivent.
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Entrent MACBETH, LE MÉDECIN ; suite.
 
MACBETH, aux personnes de sa suite.—Ne m’apportez
MACBETH, aux personnes de sa suite.—Ne m’apportez plus de rapports. Qu’ils s’envolent tous ; jusqu’à ce que la forêt de Birnam se mette en mouvement vers Dunsinane, la crainte ne pourra m’atteindre. Qu’est-ce que ce petit Malcolm ? n’est-il pas né d’une femme ? Les esprits, qui connaissent tout l’enchaînement des causes de mort, me l’ont ainsi déclaré : « Ne crains rien, Macbeth ; nul homme né d’une femme n’aura jamais de pouvoir sur toi. »—Fuyez donc, perfides thanes, et allez vous confondre avec ces épicuriens d’Anglais. L’esprit par lequel je gouverne et le cœur que je porte ne seront jamais accablés par l’inquiétude, ni ébranlés par la crainte—(Entre un domestique.) Que le diable te grille, vilain à face de crème ! où as-tu pris cet air d’oison ?
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/306]]==
MACBETH, aux personnes de sa suite.—Ne m’apportez plus de rapports. Qu’ils s’envolent tous ; jusqu’à ce que la forêt de Birnam se mette en mouvement vers Dunsinane, la crainte ne pourra m’atteindre. Qu’est-ce que ce petit Malcolm ? n’est-il pas né d’une femme ? Les esprits, qui connaissent tout l’enchaînement des causes de mort, me l’ont ainsi déclaré : « Ne crains rien, Macbeth ; nul homme né d’une femme n’aura jamais de pouvoir sur toi. »—Fuyez donc, perfides thanes, et allez vous confondre avec ces épicuriens d’Anglais. L’esprit par lequel je gouverne et le cœur que je porte ne seront jamais accablés par l’inquiétude, ni ébranlés par la crainte—(Entre un domestique.) Que le diable te grille, vilain à face de crème ! où as-tu pris cet air d’oison ?
 
{{Personnage|LE DOMESTIQUE}}. — Seigneur, il y a dix mille…
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{{Personnage|SEYTON}}. — Tout ce qu’on a annoncé est confirmé, seigneur.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/307]]==
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Je combattrai jusqu’à ce que ma chair tombe en pièces de dessus mes os.—Donne-moi mon armure.
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{{Personnage|LE MÉDECIN}}. — Mon bon seigneur, les préparatifs de Votre Majesté nous en disent quelque chose.
 
MACBETH, à Seyton.—Porte-la derrière moi.—Je n’ai à
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/308]]==
craindre ni mort, ni ruine, jusqu’à ce que la forêt de Birnam vienne à Dunsinane.
 
(Il sort.)
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{{Personnage|MACDUFF}}. — Nous jugerons justement après l’événement qui ne trompe point. Ne négligeons aucune des ressources de l’art militaire.
 
{{Personnage|SIWARD}}. — Le temps approche où nous apprendrons décidément ce que nous avons et ce que nous devons. Les idées spéculatives nous entretiennent de leurs espérances
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/309]]==
incertaines, mais les coups déterminent l’événement d’une manière positive : c’est à ce but qu’il faut que la guerre marche.
 
(Ils se mettent en marche.)
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::The way to dusty death.
 
''To light'' se prend quelquefois pour ''to lighten'', alléger, et je crois que c’en est ici la signification. Les jours passés n’ont point éclairé, mais allégé ou abrégé le chemin que nous avons à faire jusqu’à la mort. Les commentateurs ne paraissent pas l’avoir entendu dans ce sens.</ref>.
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/310]]==
Éteins-toi, éteins-toi, court flambeau : la vie n’est qu’une ombre qui marche ; elle ressemble à un comédien qui se pavane et s’agite sur le théâtre une heure ; après quoi il n’en est plus question ; c’est un conte raconté par un idiot avec beaucoup de bruit et de chaleur, et qui ne signifie rien.—(Entre un messager.) Tu viens pour faire usage de ta langue : vite, ton histoire.
 
{{Personnage|LE MESSAGER}}. — Mon gracieux seigneur, je voudrais vous rapporter ce que je puis dire avoir vu ; mais je ne sais comment m’y prendre.
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{{Personnage|LE MESSAGER}}. — Que j’endure votre colère si cela n’est pas vrai ; vous pouvez, à la distance de trois milles, la voir qui s’approche : c’est, je vous le dis, un bois mouvant.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Si ton rapport est faux, tu seras suspendu vivant au premier arbre, jusqu’à ce que la famine te dessèche. Si ton récit est véritable, peu m’importe que tu m’en fasses autant : je prends mon parti résolument, et commence à douter des équivoques du démon qui ment sous l’apparence de la vérité : Ne crains rien jusqu’à ce que la forêt de Birnam marche sur Dunsinane, et voilà maintenant une forêt qui s’avance vers Dunsinane.—Aux armes, aux armes, et sortons ! —S’il a vu en effet ce qu’il assure, il ne faut plus songer à s’échapper d’ici, ni à s’y renfermer plus longtemps.—Je commence à être las du soleil, et à souhaiter que toute la machine
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/311]]==
de l’univers périsse en ce moment.—Sonnez la cloche d’alarme.—Vents, soufflez ; viens, destruction ; du moins nous mourrons le harnais sur le dos.
 
(Ils sortent.)
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{{Personnage|MACBETH}}. — Tu seras enrayé de l’entendre.
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{{Personnage|LE JEUNE SIWARD}}. — Non, quand tu porterais un nom plus brûlant qu’aucun de ceux des enfers.
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(Rentre Macbeth.)
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Pourquoi ferais-je ici sottement le Romain, et mourrais-je sur ma propre épée ? Tant que je verrai
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/313]]==
devant moi des vies, les blessures y seront bien mieux placées.
 
(Rentre Macduff.)
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{{Personnage|MACDUFF}}. — Rends-toi donc, lâche, et vis pour être exposé aux regards de notre temps. Ton portrait, comme celui des monstres les plus rares, sera suspendu à un poteau ; et au-dessous sera écrit : « C’est ici qu’on voit le tyran. »
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Je ne me rendrai point pour baiser la poussière devant les pas du jeune Malcolm, et pour être poussé à bout par les malédictions de la populace. Quoique la forêt de Birnam ait marché vers Dunsinane, et que je t’aie en tête, toi qui n’es pas né de femme, je tenterai un dernier effort. Je couvre mon corps de mon bouclier de guerre. Attaque-moi, Macduff : damné soit celui de nous deux qui criera le premier : « Arrête, c’est assez. »
==[[Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/314]]==
celui de nous deux qui criera le premier : « Arrête, c’est assez. »
 
(Ils sortent en combattant. Retraite.—Fanfares.)
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{{Personnage|MACDUFF}}. — Salut, roi, car tu l’es. Vois, je porte la tête maudite de l’usurpateur. Notre pays est libre. Je te vois entouré des perles de ton royaume : tous répètent mon hommage dans le fond de leurs cœurs. Que leurs voix s’unissent tout haut à la mienne : « Salut, roi d’Écosse ! »
 
{{Personnage|TOUS}}. — Roi d’Écosse, salut !
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Roi d’Écosse, salut !
 
(Fanfares.)